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13 février 2009 5 13 /02 /février /2009 04:28


J’ai lu le rapport Attali (1) sur la “libération de la croissance française”, et ses 316 propositions…
 
Raffinerie-Yves-Forgues.jpg
 

Totem, pour les uns, érigé à la gloire du Libéralisme, devant lequel les grands-prêtres (2) des médias nous invitent à se prosterner. Usine à gaz, pour les autres. Aux pieds d’argile, ajouterais-je, par dérision.


Car, j’appartiens à cette deuxième catégorie. D’excellentes critiques (3) ont été publiées, dans le silence médiatique. Je ne voudrais pas en rajouter une couche, mais mettre en relief un aspect qui m’a particulièrement frappé.

 

Dans un rapport, je ne commence jamais par le résumé ou le “summary”, et son introduction. Mais, toujours par la fin : annexes, références, documentations, sources. Pour voir la solidité de l’ensemble. Solidité de la méthodologie et du sérieux de l’approche professionnelle. Un peu comme l’étude “béton”, ou “ferraillage”, pour un ouvrage d’art ou un bâtiment.

 

N’ayant rien trouvé, je suis parti “à la pêche”, sur le site de la commission… J’en ai inventorié une vingtaine (4). Léger, pour une étude de ce type, avec des implications d’une telle envergure.


Avec un manque de fraîcheur, évident. Pour un travail de prospective, dans un domaine où les évolutions sont extrêmement rapides. Certains truffés d’approximations et d’erreurs graves (5). Le plus horripilant, ce sont ces statistiques creuses, servant de soubassement à des raisonnements vides.

 

Un exemple, travers récurrent de ce type de travail d’amateur : les comparaisons entre pays sur le nombre de “ brevets déposés”. Ce qui ne veut absolument rien dire. L’important c’est le nombre de brevets induisant une “production ou une réalisation effectives”…


Bien des brevets sont farfelus, ou destinés à paralyser une approche concurrentielle. Je peux, demain, déposer une trentaine de brevets sur le fil à couper le beurre : à base de fil de chanvre, polypropylène, cuivre, carbone, acier, soie, nylon, fibre de noix de coco, avec des mécanismes de découpes agencés de différentes façons, manuels, automatiques, électromécaniques, électroniques.

So what
 ?... Et, alors ?... C’est ce que j’appelle : ne pas analyser, ni synthétiser, mais jouer du tambourin…


La plupart des arguments et recommandations étaient, déjà, contenus dans le fameux rapport Camdessus de 2004 (6). Les mêmes contributeurs se retrouvant, en général, dans l’une ou l’autre des entités ou commissions éditant ces rapports. D’année en année. Les chaises musicales… Les inamovibles fossiles théorisant sur “l’innovation”, la “compétitivité”, le “changement”, le “renouvellement”…

Le rapport Attali sent le “fast-food” à un kilomètre…

Sa lecture a confirmé mon impression initiale.

 

Destinataire,  “client” de ce rapport, je ne l’aurais pas accepté en l’état. C’est du mauvais “consulting”. Pour ne pas dire : nul. Sans entrer dans le détail, deux raisons majeures :


i) On ne dit jamais à son “client” : “mes propositions forment un tout que tu appliques, sans discuter et en urgence” (7).


La croyance, vraie ou fausse, dans la qualité de son travail ne doit jamais être supplantée par l’arrogance. Pour ne pas dire, la mégalomanie… Ce comportement immature, imbécile diront les moins charitables, est disqualifiant en soi.


De plus, ce rapport prétend contenir des recommandations incontournables, s’appliquant à un pays, une collectivité. De quel droit des professeurs Nimbus imbus de leur science infuse, une quarantaine, se substitueraient-ils aux organes de délibération et de décision républicains ? A moins, bien sûr, d’être le révélateur du “cirque démocratique” actuel, chargé uniquement d’entériner les exigences des lobbies dictées dans les coulisses…

 


ii) Dans une étude prospective, destinée à d’éventuelles prises de décision, on ne part jamais d’une thèse.

Faute impardonnable en termes de méthodologie. Nous ne sommes pas dans un travail académique. C’est l’observance rigoureuse de la neutralité, de l’approche chirurgicale qui s’impose.

 

Libérer la croissance”, marque un a priori. “La croissance” serait donc emprisonnée, prise en otage, étouffée ?...  Par qui ?... Comment ?...


C’est instiller l’esprit de culpabilisation, de délation, de condamnation, de marginalisation. Désigner des coupables ou des dysfonctionnements qui sont rarement, lorsqu’on part de préjugés, ceux auxquels on doit s’attaquer en priorité. C’est vouloir créer un écran de fumée, dissimulant les authentiques responsables.


Que retenir du rapport Attali ?… Pour ma part, une idée-force :


=>   la protection de la rente
.

Patchwork, assemblage de réformettes (8), vieilles recettes, lapalissades, clichés, poncifs (9), voire idées saugrenues, traînant de rapport en rapport, souvent depuis une vingtaine d’années, n’arrivent pas à dissimuler la réalité. Derrière l’hymne à la croissance, sous couvert de vaincre un supposé immobilisme, de défendre le mérite, la concurrence, l’équité, grattant ce vernis, que trouve-t-on ?... 

 


Des arguments éculés, usés jusqu’à la corde.


Pour justifier quoi ?...


La protection de la rente. La rente de situation, du privilège, de la féodalité.


Ce n’est pas du Libéralisme, ni de l’Ultralibéralisme.  C’est du “Capitalisme Sauvage”. Ce qui est fondamentalement différent. Ce n’est pas de concurrence, de compétition, ou de “remise en question”, dont il s’agit. Mais, de “protection de la rente”, au bénéfice d’une caste au pouvoir, d’une aristocratie, et de leurs seconds couteaux, constituées à la sortie de la dernière guerre mondiale et des guerres coloniales qui lui ont succédé.


Mixant revenus du pillage colonial, avec ceux de la spéculation immobilière et boursière. Avec le respect rigoureux, dans ce rapport comme dans les précédents du même genre, de dogmes, de tabous et de silences, supports du discours dominant de la dernière décennie, dont quatre points d’ancrage sont rapidement identifiables :

 
 
1.  La promotion de l’idéologie féodale
 

Une réflexion sur le devenir du pays, et de sa modernisation, doit avoir pour trame un rappel des valeurs qui structureront les orientations proposées ou à prendre. Le contrat social de notre collectivité est fondé sur trois valeurs : liberté, égalité, fraternité. Où en est-on ? Faut-il les renforcer, les réactiver ou les changer ?...


En fait, l’idéologie féodale ne s’accommode que d’individus soumis, à des obligations uniquement, à commencer par celle de se taire. Surtout pas de citoyens, préoccupés de solidarité et de justice, estimant avoir les mêmes droits que les puissants.


L’esprit de ce rapport confirme cette focalisation sur l’individu, le consommateur, au détriment du citoyen et de la dignité humaine. Sur le démantèlement des institutions de protection et de justice sociales, mises en œuvre au lendemain de la deuxième guerre mondiale. Cette idéologie, imposée à l’échelon de l’Europe, a pour socle La Loi du plus Fort, malgré les déclarations de bonnes intentions.


Le mépris élitiste qui sous-tend ce rapport, à l’égard des autres catégories sociales, est intellectuellement irrespirable. Les français ne comprendraient pas la modernité, ni internet… Comme ils n’ont pas compris la Constitution Européenne. Ils seraient moroses, manqueraient de dynamisme, auraient peur du risque, n’aspirant qu’à être “assistés”… Des ploucs, des attardés !…


Un des multiples dogmes énoncés. Il faut les former, les recycler, etc. Avec ce ton paternaliste voulant passer pour de la gestion “anticipative”, voire de la grandeur d’âme…


Quand on constate que des présidents de la République ne maîtrisent pas l’usage d’un PC (l’actuel et les deux précédents…), on se dit que c’est la caste au pouvoir (tous partis confondus) qui doit se recycler. Engluée dans ses privilèges, c’est cette pseudo élite qui est le pire frein à la modernisation du pays et de ses institutions.


Le rapport Attali, dans son esprit et dans sa forme, n’est porteur d’aucun “sens” en termes de contrat social. Il n’est que la promotion de l’idéologie féodale.

 
 
2. La protection des privilèges aristocratiques
 

La France est le quatrième pays le plus riche du monde. Madame Christine Lagarde, actuel ministre de l’Economie et des Finances, ne cesse de le répéter, au niveau mondial : “La France est le quatrième exportateur de services, le cinquième exportateur de produits et le deuxième exportateur par habitant derrière l’Allemagne” (10).


Où est l’argent ?... Où va l’argent ?...

Nous touchons, là, un des grands tabous de l’oligarchie en place. "La fiscalité" dans un Etat moderne est un outil de gestion essentiel de sa justice sociale, par la redistribution de la richesse nationale, qui est un bien collectif.

Il n’est pas abordé, dans le rapport, si ce n’est à la marge. Suivant le refrain, qu’on ne cesse de claironner : “Les caisses de l’Etat sont vides”…

Pour mieux asséner un autre dogme : “diminution des dépenses publiques”. Le souci insistant de la bonne gestion des dépenses publiques serait compréhensible. Mais non, le dogme impose « diminution », concernant uniquement les « dépenses publiques », excluant toute autre approche intellectuelle ou logique.

Dans le “privé”, évidemment, tout est parfait. Aucune gabegie, aucun gaspillage, aucun dysfonctionnement… Comme on vient de le voir avec la Société Générale ou avec le scandale des “subprimes”, bulle spéculative immobilière, un peu partout en occident. Surtout pas chez ceux qui vivent plantureusement des commandes de l’Etat. Le parti pris est aveuglant.

Car, tout le monde le sait, des “caisses vides” dans un Etat extrêmement riche, sont le résultat d’une politique : "la baisse du rendement de l’impôt" par des privilèges fiscaux accordés aux revenus issus du capital, et non pas du travail.

Créant, ainsi, un excès d’épargne pour les classes privilégiées, créant un gonflement constant des bulles spéculatives boursières et immobilières, avec en corollaire une insuffisance de l’investissement. Les revenus considérables de ces capitaux spéculatifs, détenus par des classes privilégiées, échappant à l’impôt.

Suivant le principe des vases communicants, l’impôt s’abat, alors, sur le travail et la valeur ajoutée. En bonne logique féodale, la répartition des revenus, la redistribution de la richesse nationale, sont bloqués. Le rapport Attali, reprenant les dogmes de l’idéologie dominante, ne fait que promouvoir ce blocage. On en retrouve la perversité des mécanismes, à quatre niveaux :
 
 
i) Fiscalité Indirecte 
 

La TVA atteint pratiquement 20%. Il est question de l’augmenter par un nouvelle tranche, appelée “TVA sociale”. Puisqu’on va transférer une grande partie des charges des entreprises sur la TVA. On connaît, pourtant, les dégâts de cet impôt indirect, sur deux plans notamment : justice sociale et consommation.


Il n’y a pas pire impôt injuste.


Comparable à l’impôt de La Gabelle de l’Ancien Régime, auquel seul le peuple était soumis. Il n’y a pas pire frein pour les dépenses de consommation car, à partir d’un seuil, trop d’impôt tue l’impôt. Et, trop de TVA, tue la consommation.


Mais, indifférente à cela, l’oligarchie, refusant de contribuer au devoir de solidarité et de justice sociale, arc-boutée à  la préservation de ses privilèges comme sous l’Ancien Régime, préfère charger encore la barque. Jusqu’à ce qu’elle coule.

 
 
ii)  Fiscalité Directe 
 

La fiscalité directe, l’impôt sur le revenu, s’appliquant individuellement, est le cœur du blocage de notre société et de sa modernisation.


Le problème n’est pas tant la fuite des salaires extravagants devant l’impôt, mais celui des revenus des fortunes accumulées dans la spéculation boursière et immobilière, en particulier. Si ces revenus payaient les mêmes taux que ceux appliqués aux revenus du travail, le budget du pays ne serait pas déficitaire, et aucun de nos régimes sociaux n’auraient à quémander : les “caisses seraient pleines”…


Trois principaux mécanismes de fuite, des classes privilégiées, devant l’impôt sont connus :

 

=> Toute une série d’astuces, de passe-droits, permettant aux grandes fortunes et aux revenus de la rente de ne pas payer des impôts, en parallèle et en équité, avec ceux de leurs concitoyens vivant du revenu de leur travail : depuis les "prélèvements forfaitaires" de 10 % exonérant la spéculation boursière de tout autre impôt, jusqu’aux tours de passe-passe permettant d’assimiler un  patrimoine à un “outil de travail”, échappant ainsi à l’Impôt Sur la Fortune. C’est le fond de commerce des conseillers fiscaux, tant français qu’européens.

 

=>  Les gains spéculatifs extrêmement nombreux issus des bulles spéculatives. Dangereuses pour l’économie, et sans rapport avec une valeur ajoutée effective pour la collectivité. Notre système fiscal privilégie la spéculation, au détriment de la valeur ajoutée et du travail. Une taxation de ces opérations relevant de l’économie-casino permettrait facilement de “remplir les caisses”. Mais le rapport Attali, comme ses prédécesseurs, prend soin de ne pas en parler.

 

=>  Héritage et mérite. Si les droits de mutation sont abordés dans le rapport, les droits de succession ne sont même pas évoqués. Qu’en est-il des impôts s’appliquant à l’héritage ?... Nouveau silence du rapport Attali…

 

C’est, pourtant, la clé de voûte d’une société fondée sur “le mérite”, et non pas sur la rente de situation ou sur l’héritage. Il est normal qu’un héritage minimum soit exonéré, ou faiblement taxé, s’appliquant à la résidence principale et à un patrimoine n’excédant pas, par héritier, une certaine limite (pouvant être évaluée sur la base d’années/Smic).


Au-delà, la progressivité des droits de succession devrait être élevée, afin d’assurer la solidarité de la collectivité dans ses retraites et son système de santé. Là encore, il convient de ne pas assimiler le fruit du travail d’une famille sur toute une vie, avec les fortunes édifiées sur la spéculation ou sur la corruption. Quand ce n’est pas sur ces deux paramètres à la fois.

 


iii)  Fiscalité des entreprises


Le rapport Attali n’échappe pas à l’exercice obligé : le “chœur des pleureuses”. Sous prétexte de compétitivité, les organisations patronales souhaitent des exonérations fiscales, notamment sur l’impôt des bénéfices.


Mais loin de faire bouger les choses, dans un sens dynamique, le rapport Attali est incapable de proposer la moindre innovation. Des distinctions élémentaires, au moins, devraient s’appliquer :


=>
 Un système de taxation élevé sur les profits des sociétés bénéficiaires qui licencient et délocalisent.


A l’abri du mythe de “la destruction créatrice” et de la “compétitivité”, des entreprises détruisent des emplois au sein de notre collectivité, alors qu’elles amassent des profits, souvent considérables. Pour les distribuer aux actionnaires. Ces destructions d’emplois correspondent, en fait, à la spoliation de ceux qui ont travaillé et contribué à la prospérité de l’entreprise.


La collectivité doit se rembourser sur les avantages acquis pendant de nombreuses années : sacrifices salariaux, subventions reçues, exonérations et aides fiscales, usage des équipements d’infrastructure et autres (transports, voieries, éducation, santé, etc.) financés par la collectivité, usage du label France alors que l’essentiel de la fabrication est délocalisée, etc.


Une entreprise n’est pas créée ex nihilo sur une terra incognita… L’appartenance à une collectivité a un prix. Lors des licenciements et délocalisations, dans un environnement bénéficiaire, un impôt sur les profits, à hauteur de 50 % minimum, serait à appliquer



=>  Un système d’avantages fiscaux pour celles qui créent des emplois de longue durée

Les exonérations fiscales ou les diminutions d’impôts, ne seraient accordés qu’aux entreprises qui créent des emplois de longue durée (non pas des remplacements de départs à la retraite ou autres astuces du genre).


Le critère d’évaluation d’une bonne gestion d’entreprise devrait être la création d’emplois et la valorisation du travail. Non pas, le contraire.



=> Un système de redevance et de royalties, en faveur de l’Etat, sur les marques d’entreprises délocalisant la quasi-totalité de la production hors de France. Les sociétés utilisant le “label France”, notamment dans l’industrie dite “de luxe”, auraient à verser des royalties pour utiliser les marques de produits, dits “français”, entièrement fabriqués à l’étranger.


Autrement dit, comme on le constate dans plusieurs cas, il y aurait "nationalisation" des marques ayant édifié leur réputation sur le travail de la collectivité pendant des années. Il serait temps de mettre un terme à ce type de spoliation au détriment de la collectivité.


Notons, au passage : aucune suggestion ou allusion, le grand silence, quant à la "participation des salariés au capital de l'entreprise", à la revalorisation du travail, à la distribution des bénéfices… Les grandes idées sociales du Général de Gaulle. Vite enterrées par ses successeurs…

 
 
 
iv) Emplois protégés et sinécures 
 

L’affaire des licences des taxis a été une excellente opération de diversion. Vieille tactique de la désinformation. La cape rouge devant le taureau… Car, profitant de l’occasion, c’était passer à la trappe les emplois protégés et autres sinécures, dont bénéficient outrageusement les castes au pouvoir.


Le cumul des mandats chers à nos politiciens, en premier. C’était faire oublier, ensuite, tous ces postes et emplois, dans le public comme dans le privé. Trustés par les mêmes, se renvoyant l’ascenseur.


Ce réseau dont la nomenklatura est la principale bénéficiaire : dirigeants, administrateurs, conseillers... Les mêmes occupant chacun une dizaine de postes ou d’emplois, avec des salaires sans commune mesure avec la prestation livrée.


Paralysant les promotions et l’émergence de talents. S’apparentant davantage à une maffia qu’à un milieu ouvert à la diversité, la compétition, le changement, le renouvellement, la récompense du mérite…


Prenons un exemple : dans l’audiovisuel, ce “nouveau clergé” chargé d’administrer « l’opium du peuple ». Les mêmes individus se retrouvent à la TV, radio, journaux, hebdomadaires, etc. Tour à tour, ou en même temps, animateurs, chroniqueurs, dirigeants… Des dizaines d’emplois, trustés par une poignée de ces “cardinaux” et “évêques” d’un nouveau genre, chargés de véhiculer “la bonne parole” de la ploutocratie en place. Emblématique de l’abus de position dominante de certains clans. Les dernières “affaires” Christine Ockrent en sont une lamentable  illustration.


Evidemment, il convient de ne pas assimiler les dérives de ce “haut clergé”, avec les soutiers de l’audiovisuel vivant dans une extrême précarité. A l’image du “bas clergé”, à la veille de la Révolution…

 
 

3.   La protection des féodalités commerciales et industrielles : cartels et oligopoles

 

fardeau_des_privileges.jpgNos systèmes économiques sont contrôlés, sans aucune régulation véritable, par des oligopoles et cartels. Une poignée d’entreprises contrôlées par une richissime aristocratie.


Exerçant une totale emprise sur des marchés “captifs”, où les consommateurs se retrouvent prisonniers. Si la privatisation des monopoles des services publics est sans cesse rappelée, les monopoles privés sont soigneusement occultés, dans les rapports du genre de celui de la Commission Attali.


Au contraire, tout est argumenté pour accentuer les “monopoles privés” au détriment du citoyen et de la collectivité. C’est le renforcement forcené des féodalités qui est proposé. Sous deux aspects : privilèges directs et privilèges occultes :

 


i) Renforcement des privilèges des groupes féodaux 


On retrouve les deux grands pôles féodaux, soutenus dans le rapport Attali :


=>
   La Grande Distribution, secteur contrôlant pratiquement 90 % de la distribution en France, avec un effet de nuisance ravageur quant à la destruction des emplois et du tissu social.


Au lieu de proposer un démantèlement de ces monopoles, afin de stimuler une authentique concurrence, le rapport recommande son renforcement, dans la glorification de la “libre concurrence”…


=>
 Le secteur des pétrochimistes et de l’agriculture industrielle (dont le business est en étroite interaction): produits pharmaceutiques, phytosanitaires (pesticides), vétérinaires, semenciers - producteurs d’OGM, agriculture industrielle, etc.


Froidement, le rapport, préconise la suppression du principe de précaution (11) : les dangers encourus par la santé publique sont subordonnés aux intérêts immédiats de ces lobbies.

 
 

ii) Silence sur les distorsions anticoncurrentielles et corruptrices


Des masses de capitaux et d’argent payés par les contribuables, sont utilisées sans contrôle, souvent sans discernement, dans des circuits occultes, détournés, gaspillés, alors que de substantielles économies pourraient être réalisées. Des milliards pouvant être redistribués ou, en tous cas, remplir les caisses de l’Etat.


Ce grand silence du rapport Attali, s’applique, en particulier à trois « trous noirs » :


=>
Les entreprises vivant des marchés publics. Aucune recommandation relative à la transparence des marchés publics, monopolisés par quelques entreprises.


Une transparence des marchés publics, et de leurs appels d’offres, permettrait une économie de 20 à 30 %, au minimum, sur le coût de ces marchés. Par des délibérations publiques, avec des documents relatifs à l’octroi de ces marchés, accessibles en ligne, notamment les propositions examinées lors des appels d’offres.


Une poignée d’entreprises verrouillent, en effet, les services aux collectivités : ramassage d'ordures ménagères, parkings publics, distribution d’eau, téléphonie mobile, accès internet, gestion des monuments historiques, jusqu’aux pompes funèbres.


Tous ces oligopoles et cartels, constituant des rentes de situation, sont à démanteler afin de stimuler la concurrence, la création d’entreprises, notamment régionales.



=> Les lobbies de l’armement et le budget de la défense nationale sont complètement occultés. Alors qu’il s’agit du secteur industriel constituant un monopole partagé par quelques entreprises. Monopole où règnent gabegie et corruption : contrats d’armement, subventions pour les recherches, etc. Octroyés dans l’opacité la plus totale.


Sans oublier les milliards dépensés, à l’étranger, dans des expéditions ruineuses et lamentables dans leur exécution. Exemple : la tristement célèbre Opération Turquoise au Rwanda. Voir le récit ébahi, du général canadien Dallaire, commandant à l’époque le maigre contingent de l’ONU, devant le luxe, la débauche de matériels et d’équipements déployés par l’armée française dans sa rocambolesque équipée au Rwanda… (13).



=> Les crédits à la “Coopération”, sans aucune régulation, sans aucun contrôle, servant à soutenir les pires dictatures. Une des sources de financement des partis politiques français, ainsi que l’ont démontré les recherches. Tout spécialement, dans les sinistres opérations de la  “Françafrique”, appelée aussi “France-à-Fric” (14)…


Des milliards qui partent en fumée, chaque année. Grand silence…

 


4.   La protection des féodalités financières : banques et assurances


Le secteur bancaire, en dépit des techniques informatiques de masse, derrière l’habillage immobilier luxueux de ses directions et agences, représente le secteur le plus sclérosé de France (dans d’autres pays, aussi).


Loin d’assumer sa responsabilité fondamentale, celle de stimuler la création d’entreprises, on constate en fait un analphabétisme complet en ce domaine. Il tue, il étrangle, il étouffe, il freine la création d’entreprises et leur développement. En conséquence : la création d’emplois.


Impossible de trouver une recommandation dans le rapport Attali, une initiative consistante, à part reprendre les formules creuses des études indigentes, telles que celle du Rapport Montaigne (12), Pourquoi nos PME ne grandissent pas.


Cet aspect et les défaillances de ce secteur “privé”, dans le domaine de la création d’entreprises, sont soigneusement oubliés.


Comme dans un carrousel, on reprend donc le bla-bla-bla habituel : l’Etat doit faire ceci ou cela. En fait, l’Etat n’a pas à financer la création d’entreprises. C’est au secteur bancaire de prendre des risques, via des sociétés de capital-risque et des banques d’affaires, au lieu de jouer des milliards d’euros dans l’économie casino, ou de se consacrer exclusivement au financement des "grands groupes".


C’est dans la création et dans l’accompagnement du développement d’entreprises et la création d’emploi que ce secteur doit orienter ses politiques et être jugé. Principalement, PME et PMI. Qui représentent plus de 60 % des emplois en France et pratiquement 100% de la création d’emplois actuellement.


Trois mesures immédiates, non évoquées dans le rapport Attali, pour “réveiller ” ce secteur :


=>
 Recyclage des états-majors des banques, avec stages obligatoire dans des PME-PMI. Les dirigeants de ces établissements financiers sont des “notables”, analphabètes dans la création d’entreprises. Issus d’écoles à concours, ils n’ont aucune idée des problèmes d’investissement et de créations d’entreprises. Tout simplement, pour n’y avoir jamais mis les pieds. Ils ne connaissent que les parcours de golf et les déjeuners d’affaires avec les représentants des “grands groupes”…


C’est ainsi que des PME “pointues” dans leur domaine, travaillant à 100% sur des marchés internationaux, se retrouvent devant des banquiers ignares de la réalité commerciale de leur secteur d’activité et des marchés sur lesquels elles évoluent. Incapables de comprendre leurs besoins de financement spécifiques.



=> Obliger les établissements financiers à utiliser une grande partie de leurs fonds (les "remplois", dans le jargon) dans des structures adéquates pour financer la création d’entreprises. La “prise de risque”, doit se faire dans la création d’emplois et non pas dans le jeu de la spéculation boursière. Où, des banques s’amusent à perdre 7 milliards d’euros, sur une seule année…



=> "Casser les ententes" entre banques. Les ententes sur les taux entre banques sont à sanctionner.


Une authentique concurrence doit être instaurée. Doublée par une révision de leurs facturations qui atteignent une dimension usuraire, pour les particuliers et les petites entreprises. Avec des taux d’augmentation du TEG de 25 % par trimestre (oui : par trimestre !) en 2007. Les meilleures conditions n’étant accordées, une fois de plus, qu’aux “grands groupes” incapables de créer des emplois…


Des mécanismes de pénalisation, au niveau de leur refinancement et de leurs profits, seraient à mettre en place pour sanctionner les établissement financiers ne participant pas à cet effort de redynamisation de l’économie.


Même chose, pour les compagnies d’assurance. Les comportements et archaïsmes sont identiques. Vivant grassement sur un marché ultra protégé. Elles contribuent à majorer les coûts de fonctionnement des entreprises en création et en développement.


Je me limiterai à un exemple : fin 2007, le coût d’une assurance en “responsabilité professionnelle” à hauteur de 2 millions de livres sterling (près de 3 millions d’euros), pour une entreprise de services, est 7 à 10 fois plus élevé en France qu’en Grande Bretagne (j’ai le dossier sous les yeux…) !...

 

Ces points d’ancrage, expression du refus de toute remise en cause de ses privilèges, sont révélateurs de l’immobilisme de la caste au pouvoir, de sa sclérose intellectuelle et de son déni de la rénovation du contrat social, donnant du sens à notre collectivité et organisant ses institutions.


Cette tétanie des oligarchies ne se limite pas à la France. L’Europe entière est atteinte par cette pathologie.


Ne l’oublions pas : c’est une politique imposée par les instances européennes. La Constitution européenne est claire : l’Europe est une organisation de la protection des privilèges et non pas de la justice sociale. Le changement en profondeur devra donc se faire dans un contexte de crise, comme toujours.


Crise que les élites, dans leur aveuglement, ne verront pas venir…

 

Oui. Protégeant la rente aristocratique, dogmes, tabous et silences, “ pieds d’argile” de cette Usine à Gaz, en carton pâte …

 
 
 


 
 
 

(1)  Rapport de la Commission pour la libération de la croissance française – Sous la présidence de Jacques Attali, 245 p., téléchargeable : www.liberationdelacroissance.fr

(2)   Pour vous amuser, regardez (vidéo téléchargeable) l’obséquiosité sirupeuse d’un Jean-Pierre Elkabbach recevant Jacques Attali et des membres de la commission, dans l’émission Bibliothèque Médicis sur la chaîne TV “Public Sénat”.

(3)  Lire l’intéressante critique, même si on reste sur sa faim au niveau des contre-propositions, éditée par le cercle de réflexion La Forge : Contre - Expertise du rapport Attali – Assemblée Nationale – 24 janvier 2008, www.la-forge.info

(4)  Les principaux rapports ou études étant :
=>  Mondialisation : les atouts de la France, Philippe Aghion & al., La Documentation Française, Paris 2007.
=> Politiques de la Concurrence, David Encaoua et Roger Guesnerie – Conseil D’Analyse Economique – La Documentation Française, Paris, 2006.
=> L’économie de l’immatériel – la croissance de demain, Maurice Lévy et Jean-Pierre Jouyet, Commission sur l’économie de l’immatériel - Ministère de l’Economie, des Finances et de l’industrie, Paris, novembre 2006.
=>   Pourquoi nos PME ne grandissent pas, Anne Dumas, Institut Montaigne (“think tank” ou lobby créé par Claude Bébéar – AXA) Paris, juillet 2006.
=> Productivité et Croissance, Patrick Artus et Gilbert Cette, La Documentation Française, Paris, 2004.

(5) Cf. Rapport sur L’économie de l’immatériel – la croissance de demain, (Op. Cit.), préconisant la “protection des idées” (p. IV de l’introduction générale). Visiblement, les auteurs ne maîtrisent pas leur sujet. Une « idée » n’est pas protégeable. Ce serait paralyser l’innovation. C’est sa réalisation technique ou pratique, conduisant à une exploitation et à une commercialisation, qui l’est. Principe de base de la propriété intellectuelle …

(6)   Le Sursaut – Vers une nouvelle croissance pour la France, groupe de travail présidé par Michel Camdessus, La Documentation Française, Paris, 2004.

(7)   Cf. p. 20, sous le titre : “Conduire la réforme tambour battant”. Ou encore, p. 235 : “Le Président de la République et le Premier Ministre devront d’abord se convaincre de l’intérêt d’appliquer les conclusions de ce rapport. Ils ne devront pas pour cela ordonner d’étude nouvelle : s’ils en retiennent le principe, ils devront mettre en œuvre ces conclusions.”

(8)   Cf. p. 94, sous le titre : “Décision 99” : … (pour les étrangers hautement qualifiés) “… mise en place d’un guichet spécifique pour la délivrance rapide de titres de séjour de longue durée…”

(9)   Cf. “Décision 87” : “Sécuriser l’approvisionnement des ressources minières…”

(10) Cité dans le rapport Mondialisation : les atouts de la France, (Op. Cit.), p. 47, note 5.

(11) Cf. p. 91, la longue argumentation : “Repenser le principe de précaution…”

(12) Pourquoi nos PME ne grandissent pas, Op. Cit.

(13) Dallaire, Roméo, Shake hands with the devil : The failure of Humanity in Rwanda, Knopf Canada, 2003.

(14) Cf. les remarquables travaux et combats du regretté François-Xavier Verschave.

 
 



 
 
 
¤ Photo : Yves Fourgues
¤ Caricature du XVIII° siècle : Le Fardeau des Privilèges. Le peuple ployant sous le poids du clergé et de l’aristocratie…


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  • : Le blog d' Eva, R-sistons à la crise
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