Par SuperNo
Je remercie mon indic (au féminin) de m’avoir mis sous les yeux cet article de Bloomberg qui m’aurait sans cela échappé, tout comme il a probablement échappé à 99.9% des citoyens électeurs.
Bloomberg, c’est cette officine ultralibérale qui alimente en informations financières ceux pour qui le centre du monde est à Wall Street, et qui, lorsqu’ils entendent qu’une multinationale va licencier 10000 personnes, ne se demandent pas ce que vont devenir ces pauvres gens, mais quelle va être l’influence sur son cours de bourse.
Tout ça pour dire qui si c’est Bloomberg qui annonce des chiffres, ils sont sans doute plus crédibles que si c’est un petit blogueur qui les glisse comme ça, entre deux paragraphes, et sans références.
Que dit donc Bloomberg? Oh, pas grand chose : que l’ensemble des pays de l’Union a consacré “5.3 trillions de dollars” pour aider les banques…
Petit cours de mathématiques. Le trillion est une unité qui n’existe pas en français, car jamais sans doute nous n’avons été confronté à des sommes aussi délirantes. En Français on dit donc million, milliard, 1000 milliards. Et en anglais “million”, “billion”, “trillion”. Un trillion = 1000 milliards.
La dernière fois que j’ai entendu parler de “trillions”, c’était si je ne m’abuse dans la bouche d’André Lussi, l’ancien PDG de Clearstream, qui racontait fièrement que le montant des flux annuels qui passaient par sa lessiveuse banque se montait à “9 trillions d’euros”. Sacrée référence ! La “justice” n’a rien vu, mais Lussi s’est tout de même fait virer…
Mais revenons-en aux aides bancaires : 5.3 trillions de dollars, ça nous fait au cours du jour environ 3800 milliards d’euros ! Bloomberg dit que c’est plus que le PIB annuel de l’Allemagne… Certes, mais ce n’est pas seulement “plus”, c’est exactement “deux fois plus” !!!
Pour prendre une autre référence, ça fait un tiers du PIB de toute l’Union Européenne ! En français clair, un tiers de toutes les richesses produites dans l’Union Européenne l’an dernier ont été données, prêtées ou garanties aux seules banques européennes !
Et si on veut se faire peur, on peut aussi considérer que cela fait environ 760 Kerviels, ou plus de 6 millions de Vidsmics (je traduis pour les nouveaux lecteurs de ce blog : cette somme permettrait de payer plus de 6 millions de smicards pendant toute leur vie !)
Voici le tableau du montant des aides aux banques par pays (que j’ai converti en milliards d’euros et arrondi)
PAYS | MONTANT |
---|---|
Grande Bretagne | 560 |
Danemark | 426 |
Allemagne | 398 |
Irlande | 276 |
France | 251 |
Belgique | 190 |
Pays Bas | 177 |
Autriche | 118 |
Suède | 102 |
Espagne | 93 |
La France a donc consacré 251 milliards d’euros à cette noble tâche… Soit environ 4000 euros par habitant. Il y a 4 habitants dans ma maison, je peux donc être fier d’avoir contribué à hauteur de 16 000 euros pour sauver nos banques. J’espère qu’elles me diront merci !
Les perfides remarqueront tout de suite que ça fait 10 fois plus que le “plan de relance” (officiellement annoncé à 26 milliards d’euros, qui sous sa forme ne sert d’ailleurs à rien et est même nuisible). Mais on comprend mieux que l’Etat ne puisse plus aider ses ouvriers au chômage : il a déjà tout filé aux banques !
Et la France n’est pas la plus mal lotie. En Grande Bretagne, c’est 2 fois plus qu’en France ! Mais pour certains petits pays (le Danemark, l’Irlande), les sommes ramenées au nombre d’habitant donnent le vertige. Le Danemark a pratiquement aidé ses banques pour le double de l’aide française, alors qu’il y a que 5.4 millions d’habitants au Danemark ! Cela fait près de 80 000 euros par habitant, 320 000 euros par famille de 4 personnes ! Dingue, non ?
On m’objectera avec raison que c’est un peu plus compliqué, et qu’en fait les Etats n’ont pas directement versé ces sommes aux banques. Il y a au moins trois mécanismes :
- De l’argent donné en échange d’une part du capital ou pour compenser la dépréciation due aux actifs pourris.
- De l’argent prêté
- De l’argent promis en garantie
C’est la troisième catégorie, dans laquelle l’Etat ne sort pas en principe le pognon, qui est de loin la plus importante. Mais ce montant doit tout de même être inscrit dans les comptes.
Le plus cocasse, si on peut dire, c’est que l’Etat engage de l’argent dont il ne possède pas le premier fifrelin ! Il s’agit donc encore d’une ligne d’argent fictif dans une compta, de la dette qui va s’ajouter à la montagne existante, qui sera remboursé un jour par les générations futures, et dans les faits probablement jamais.
Dans le même temps, et comme cela avait été annoncé au G20, les banksters ont fait le nécessaire pour falsifier ripoliner leur bilan en modifiant les normes comptables à leur avantage : en gros, leurs actifs pourris restent comptabilisés à leur valeur d’achat, et non plus comme cela devrait être le cas, à leur valeur réelle, qui est la plupart du temps proche de 0. Ils pourront donc fièrement afficher des bénéfices parfaitement fictifs, et donc s’octroyer les bonus, stock-options, parachutes dorés ou retraites-chapeaux sans lesquels le métier de bankster serait tellement plus ordinaire…
Et ce jusqu’à la prochaine catastrophe…
Mais ce n’est pas grave, il sauront à quelle porte frapper pour qu’on les aide à nouveau…
Source: SuperNo
http://www.dazibaoueb.fr/article.php?art=4439