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25 juin 2009 4 25 /06 /juin /2009 06:52
Bombe sale iranienne ? Ou américaine ?

Les cobayes du Dr Folamour
  lemonde.fr | 22.06.09 |


Le 1er mars 1954, l'armée américaine fait exploser la bombe H la plus puissante jamais testée. Les habitants de Rongelap, une des îles Marshall, ne sont évacués qu'au bout de 51 heures et renvoyés chez eux trois ans plus tard. La journaliste et documentariste Fabienne Lips-Dumas est allée à leur rencontre. Ces Marshallais ont servi de "matériel" et craignent que l'expérience ne continue... Voici de larges extraits de son enquête, publiée intégralement dans le n° 7 de la revue "XXI".

 

AFP/OFFL'explosion de la première bombe H américaine dans les îles Marshall, le 31 octobre 1952.


"J'ai un corps irradié. Pourquoi ne pas l'enterrer sur mon île irradiée ?" Lijon Eknilang éclate de rire. L'étoffe blanche de sa robe saisit l'éclat du soleil, un bandeau de fleurs en fibres de noix de coco retient ses cheveux grisonnants. Exilée de son île natale de Rongelap, Lijon s'est donné une mission : conduire le visiteur jusqu'au fond du malheur de son peuple.

Invisible sur les mappemondes sans une loupe, il y avait au nord des îles Marshall un paradis sur terre appelé Rongelap. Lijon y est née. Le 1er mars 1954, le jour de son huitième anniversaire, les Américains réveillent en sursaut l'enfant qui dort sous un toit de palmes. Un soleil brutal se lève à l'ouest de l'horizon. La Terre fait demi-tour. Entre le ciel et l'Océan, une "étoile" explose. Elle s'appelle Castle Bravo, c'est une bombe thermonucléaire : la puissance de mille Hiroshima, mille fois quinze kilotonnes de TNT, mille fois une bombe qui a fait plus de 140 000 morts.

Ce 1er mars 1954, Lijon émerge brutalement du sommeil : "J'ai écarquillé les yeux. Il y avait une lumière aveuglante. Dehors, j'entendais les cris de ma grand-mère. Elle accusait ma cousine d'avoir mis le feu à la maison. Je suis sortie en courant et je pleurais : j'avais peur du feu. Dehors, la lumière était toujours aussi forte. Les femmes n'arrêtaient pas d'entrer et de sortir de la maison. Et là, j'ai vu la chose tomber du ciel. Elle était grosse, ronde comme un soleil, couleur du soleil. Et il y a eu l'explosion... Enorme. Le sol bougeait, tremblait. Le vent nous a jetés par terre. Nous avions peur, tellement peur. Le vent s'est arrêté. Il n'y a plus eu un bruit, juste le silence. Les yeux nous piquaient comme s'ils étaient pleins de sable. Pourtant il n'y avait pas de vent. Les gens disaient qu'on était attaqués, qu'on allait être tués. Nous nous sommes cachés dans les buissons. J'avais soif. Plus tard, nous avons eu faim. Nous avons mangé. La nourriture était couverte d'une chose blanche, elle n'était pas pourrie mais salie. Avec nos mains, nous avons essuyé la poudre blanche et mangé. La poudre n'avait pas de goût. C'était bon comme d'habitude. Dans l'après-midi, tout le monde est tombé malade. Comme si on était restés au soleil toute la journée, comme s'il y avait eu une insolation générale."

Le ventre tordu par la diarrhée, les habitants de l'îlot courent derrière les buissons pour vomir. Trop malades, les parents ne peuvent aider leurs enfants. Nerja, la soeur de Lijon, a 7 ans : "Je croyais que c'était de la poudre de savon blanc. Ça n'avait pas d'odeur. J'en ai pris et je me suis frotté la tête comme pour un shampooing." Son débarbouillage radioactif provoquera la chute de ses cheveux et de nombreuses brûlures. Son profil de petite fille chauve illustre, depuis, les chapitres des livres japonais consacrés à Castle Bravo.

En milieu radioactif, chaque minute compte. Cinquante et une heures plus tard, toujours hagards, les habitants de l'atoll voient arriver un navire de l'armée américaine. Les militaires évacuent la population. "Ils nous ont dit de monter dans le bateau et de ne rien prendre avec nous. Ils nous ont arrêtés sur la passerelle et ont lancé des morceaux de savon. Ils criaient qu'il fallait qu'on se déshabille, qu'on jette nos vêtements à la mer, qu'ils allaient nous laver au jet d'eau. Ils nous ont donné des serviettes, trop petites. Face à face, tout nus, les gens essayaient de se couvrir."

Encore habitée par le spectacle de ses parents honteux et humiliés par la nudité, Lijon frémit : "Nous sommes arrivés au matin à Kwaj." Kwaj est le diminutif de Kwajalein. C'est sur cette île qu'est installée la base militaire américaine. "Ils nous ont examinés. Ils s'approchaient de nous avec leurs boîtes, on pouvait entendre le bruit, beaucoup de bruit..." Les corps des irradiés font crépiter les compteurs Geiger, utilisés pour relever le niveau de radioactivité.

Nul n'avait voulu tenir compte du vent qui tournait et des poussières radioactives qui risquaient de contaminer la population. Les Américains concèdent la bavure, expliquent qu'il s'agit d'un "accident". "Tout le monde fait des erreurs", disent-ils. Lijon s'étrangle : "Quand tout est planifié, vous n'appelez pas ça une erreur. Peut-être qu'ils pensent que les gens des îles Marshall ne sont pas des êtres humains comme eux. Ils ont bien vu que le vent avait tourné, mais l'opération devait avoir lieu ce jour-là. Compte à rebours, c'était leur plan."

Les scientifiques américains, emmenés par Edward Teller, le docteur Folamour du laboratoire Lawrence Livermore National, creuset de la recherche nucléaire, brûlaient de connaître la force de leur bombe H. Elle leur fera peur. Castle Bravo reste la bombe la plus puissante qu'ils aient jamais osé tester.

Attaché au Département américain de l'énergie (DOE), Neal Palafox est aujourd'hui chargé de la santé des populations irradiées. Jeune docteur, Hawaïen et père de famille affable, Neal porte un héritage écrasant : "Je ne pense pas que c'était de la malveillance, mais c'était cavalier. Ils savaient que le vent avait tourné. C'est un fait. Mais ils ont déclenché le tir. La question de la confiance se pose : pourquoi faire ça ?" Le docteur Palafox suit la santé de Lijon. Elle le considère presque comme un ennemi personnel. Le médecin l'admet : "Je peux lire sur le visage de Lijon et des autres..." "L'accident" ne constitue qu'un épisode des mystifications, exploitations et négligences criminelles qui, dès le début, ont tissé les relations entre les militaires, les scientifiques, les autorités américaines et un peuple du Pacifique sacrifié pour le "bien de l'humanité".


http://www.lemonde.fr/planete/article/2009/06/22/les-cobayes-du-dr-folamour_1209927_3244.html#ens_id=1209961


http://bridge.over-blog.org/article-33043139.html

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