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30 juin 2009 2 30 /06 /juin /2009 04:29



Pourquoi l’Amérique appartient aux banques
 (Al Jazeera)

Dans mon dernier article j’ai présenté l’idée selon laquelle la gestion de la crise financière par les Etats-Unis, et particulièrement leur refus de s’attaquer au problème des banques, relève d’une gestion économique typique d’un pays en voie de développement.

J’en conclus que l’Amérique est devenue un état détenu par les banques, un état qui permet à ses oligarchies bancaires d’étouffer l’économie afin de garantir à tout prix leur propre survie.

Du mon point de vue d’économiste spécialisée dans le développement, ce qui a toujours caractérisé les pays émergeants était l’ampleur des inégalités entre les individus. C’est-à-dire comment un petit pourcentage, généralement les capitalistes, oligarques et ceux proches des cercles du pouvoir, s’offraient une overdose de richesse tandis que le reste de la population luttait pour joindre les deux bouts ou tout simplement pour survivre.

Tout le monde le savait, du fermier le plus misérable à l’oligarque le plus fortuné. La chose était affichée aux yeux de tous, sans pudeur ni retenue, et nous éprouvions tous une certaine gêne. Nous éprouvions une gêne parce que nous étions tous témoins de notre propre impuissance devant le statu quo, et nous pestions contre les injustices de la vie lorsque le mérite individuel valait moins qu’un nom de famille ou un réseau de connaissances.

Nous trouvions un certain réconfort à nous dire que celait n’arrivait que parce que nous vivions dans un pays dirigé par un régime autoritaire qui n’avait pas de comptes à rendre à sa population. Et pourtant, si nous examinons de plus prés les économies de pays tels que les Etats-Unis ou la Grande-Bretagne, nous y trouvons les mêmes inégalités et, chose étonnante, avec les mêmes écarts.


Tenus dans l’ignorance


Ici aussi, un petit pourcentage se partage la part du lion du revenu national tandis que le reste voit ses revenues stagner, et ceci dans une société plutôt démocratique qu’autoritaire. Mais la véritable différence se situe ailleurs que dans les chiffres : ici, la population est tenue dans l’ignorance.

Selon Robert Hunter Wade, professeur d’économie politique au London School of Economics, en 2006, un pourcent des foyers aux revenus les plus élevés en Amérique empochait pratiquement un quart de la totalité des revenus perçus par l’ensemble des foyers. En d’autres termes, un pour cent de la population détenait un quart des richesses.

De plus, Wade a découvert que le revenu moyen des foyers qui composent les 90% des niveaux inférieurs a stagné depuis 1980, bien que la consommation ait progressé grâce à l’accumulation des dettes. Cela signifie que 90% de l’économie américaine était financée par un emprunt sur le Rêve Américain.

En Grande-Bretagne, Wade a découvert une augmentation alarmante de l’écart entre les salaires les plus élevés et les salaires moyens. En 1989, les cadres dirigeants touchaient 17 fois le salaire moyen. En 2007, les mêmes « capitaines d’industrie » gagnaient 75 fois le salaire moyen.

Il s’agit là d’une progression énorme qui ne me gênerait pas s’il s’agissait de mon propre salaire !


Ce qui est bon pour Wall Street…


Les avertissements sur la crise financière et la dépression qui allait suivre étaient visibles pour tous et depuis longtemps. Mais où étaient les avertissements au sein même du système pour dire que ces pays et ces individus menaient des trains de vie qui ne pouvaient pas durer ? Où étaient les alertes pour nous prévenir que les choses allaient tourner au désastre et, pire encore, que les plus vulnérables allaient en payer le prix le plus fort, proportionnellement à leurs revenus ?

Je crois que le statu quo était toléré parce que les banques tiraient des bénéfices obscènes grâce aux intérêts de nos dettes, et les gouvernements étaient complices. Car il ne faut pas oublier qu’au fur et à mesure que les gouvernements se sont retirés de la gestion de domaines tels que la santé, l’éducation et le logement, les banques se sont précipitées avec agressivité dans nos vies privées pour occuper l’espace abandonné.

De plus, je crois que ce fonctionnement pervers et injuste n’était pas remis en cause parce que l’électorat était tenu dans l’ignorance de la manière trés subtile. Tout l’enjeu a été rendu invisible aux yeux de l’électorat. L’électorat américain s’en est rendu complice parce qu’il était convaincu que ce qui était bon pour Wall Street était bon pour les Etats-Unis. Un coup politique mené d’une main de maitre. Ce qui explique le consensus qui régnait entre Démocrates et Républicains lorsque les lois sur les déréglementations ont été promulguées ces dernières années.


C’est ainsi que l’Amérique est devenue la propriété des banques.

Ann Pettifor, une économiste qui travaille à la New Economics Foundation, affirme que l’administration des Etats-Unis a été détournée par des pirates et que la démocratie a été écartée pour mieux servir les intérêts des banquiers et de ce qu’Abraham Lincoln appelait « le pouvoir de l’argent ». Et Dieu sait combien elle a raison. La manière dont les banques sont en train d’être sauvées en est la preuve.


Pomper les contribuables


Le fait que des banques en faillite aient été sauvées en dit long sur leur emprise sur l’administration d’Obama.

Certaines de ces banques devraient être abandonnées à leur triste sort tout simplement parce que leurs bilans sont si pourris qu’elles devront sans cesse faire appel à des fonds publics. Le problème est que cette opération de sauvetage est en train d’affaiblir les contribuables et de les plomber avec une dette qui enfle sans cesse. De plus, l’argent aurait pu être investi dans la restructuration de l’économie afin de la rendre moins dépendante du secteur financier.

Ce refus de laisser mourir ces banques en piteux état s’appuie sur une présomption erronée, et opportunément brandie, selon laquelle ces banques souffriraient d’une crise de liquidités, par opposition à une crise de solvabilité.

Une crise de liquidité signifie que les banques connaissent une crise passagère de crédit et, une fois le cap passé, tout rentre dans l’ordre. Une crise de solvabilité signifie que les actifs de certaines banques valent moins que leurs dettes. Ce qui signifie que ces banques là devraient être totalement nationalisées.

Ce qui nous ammène à Timothy Geithner, ministre des Finances des Etats-Unis, et à ses « tests de résistance ».

Ces tests étaient destinés à fournir une estimation claire et définitive sur les bilans de ces banques, en révélant quelles étaient les banques en bonne santé et quelles étaient celles qui ne survivraient pas si la récession devait s’aggraver.

Comme pour tout test de ce type, les « tests de résistance » étaient censés simuler les scénarios les plus pessimistes. En tout cas, ce que ce que l’on nous avait promis.

L’idée derrière ces tests était que si certaines banques étaient déclarées en trop mauvais état, alors on les laisserait couler une bonne fois pour toutes.

Malheureusement, les tests n’étaient pas trés sélectifs.

Nouriel Roubini, professeur à Stern School of Business à l’université de New York, a dit « le gouvernement a utilisé des modèles basés sur des projections de chiffres pour 2009 et 2010 qui étaient si optimistes que les données actuelles de 2009 sont déjà plus mauvaises que les projections les plus pessimistes. »

« Pour ce qui concerne certaines variables clés, comme le taux de chômage, qui est essentiel pour pouvoir faire des projections sur les insolvabilités sur les emprunts immobiliers – la tendance actuelle montre que le taux de chômage le plus pessimiste qui avait été prévu pour 2010 sera déjà dépassé dés 2009. »

Le taux de chômage le plus pessimiste prévu était de 8,9 % pour 2009 et de 10,3 % pour 2010. Mais ce taux a déjà atteint les 9,4 % pour l’année 2009 et dépassera probablement les 10,3 % d’ici 2010. Finalement, les tests n’étaient pas si sélectifs que ça.

La semaine prochaine, nous parlerons des plans de Timothy Geithner qui prévoit d’assainir les bilans des banques sans en fermer une seule… et de combien de temps il nous faudra encore avant de crier « ça suffit » et d’agir en conséquence.


Samah El-Shahat

traduction VD pour le Grand Soir http://www.legrandsoir.info
ARTICLE ORIGINAL
http://english.aljazeera.net/focus/2009/06/20096995715625752.html


http://panier-de-crabes.over-blog.com/article-33226799.html

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