2- Telescope
Les trois « vagues scélérates » de l'été 2009
La vague du chômage massif: trois dates
d'impact qui varient selon les pays d'Amérique,
d'Europe, d'Asie, du Moyen-Orient et d'Afrique
L'été 2009 va marquer un point d'inflexion en matière d'impact du chômage sur le déroulement de la crise
systémique globale. En effet, c'est le moment où de conséquence, le chômage va devenir partout dans le
monde un facteur d'aggravation de la crise. Bien entendu ce processus ne se déroulera pas partout au
même rythme, ni avec des conséquences identiques. Cependant, partout sans exception, à partir de l'été
2009, il va occuper une place croissante tant dans l'opinion publique que dans les préoccupations des
dirigeants politiques et économiques.
Pour LEAP/E2020, cette vague générale de chômage massif heurtera en trois temps les principales
régions de la planète :
. dès la fin de l'été 2009 pour les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Irlande et l'Espagne
. à la fin de l'automne 2009 pour la Chine, les pays d'Asie du Sud-Est, l'Amérique latine, les nouveaux
états membres de l'UE, la Turquie, le Moyen-Orient, l'Afrique
. à l'hiver 2009/2010 pour le noyau de la zone Euro, le Danemark, la Suisse, la Suède et le Japon.
Le temps de l'impact est en fait déterminé par deux paramètres essentiels :
. la montée du chômage lui-même
. la qualité du système de protection sociale du pays concerné.
Comme nous l'avions indiqué dès l'Automne 2008, les pays disposant de systèmes efficaces
d'indemnisation du chômage seront en mesure de retarder l'impact déstabilisateur de ce chômage de
masse. Ceux qui disposent aussi d'un système de protection sociale étendue pourront atténuer de
manière significative cet impact13.
13 En effet, dans ces pays, même une fois leur période d'indemnisation échue les chômeurs peuvent compter sur la gratuité des
soins médicaux et sur tout un arsenal de prise en charge sociale, directement ou via leurs familles. Dans les autres pays, en-dehors
de la solidarité familiale et/ou des oeuvres charitables, les chômeurs arrivés en fin de droit se trouvent tout simplement à la dérive.
Or, les organisations caritatives sont dépassées en périodes de crise massive, du fait notamment d'une baisse des ressources liée à
la crise elle-même. C'est déjà le cas aux Etats-Unis comme dans les autres pays développés. Source : Washington Post, 10/06/2009
Etats-Unis, Royaume-Uni, Irlande et Espagne : le choc du chômage massif frappe dès la fin
de l'été 2009
Ce qui est certain dorénavant, c'est que la première vague de millions chômeurs en fin d'indemnisation va
frapper les Etats-Unis entre Juillet et Septembre 2009. Il s'agit de ceux qui ont été licenciés au cours du
quatrième trimestre 2008, début des grands licenciements avec des chiffres officiels14 à plus de 500.000
par mois. L'échec prévisible du plan de stimulation économique de l'administration Obama à créer les
emplois prévus (ils n'annoncent en effet que 150.000 création d'emploi en trois mois) entraîne donc un
choc social estival d'une ampleur inconnue depuis la grande démobilisation de l'après Seconde Guerre
Mondiale : environ 3 millions de chômeurs vont « tomber » hors du filet d'indemnisation en un trimestre.
Avec leurs familles, ce sont donc plus de 10 millions de personnes qui vont sombrer brutalement dans la
grande pauvreté15. Les 600.000 créations d'emplois récemment annoncées en urgence par Barack
Obama, si jamais elles se réalisent16, ne serviront qu'à limiter à la marge l'impact socio-économique de
cette vague de chômeurs à la dérive.
Cette situation est d'autant plus grave que, juste derrière elle, se précipitent des vagues au moins aussi
grosses pour la fin 2009. Même les plus optimistes aux Etats-Unis ont cessé de croire à une reprise de la
création d'emploi d'ici la fin 2009. Cela signifie que les plus de quatre millions de nouveaux chômeurs du
premier semestre 2009 et leurs familles vont voir arriver Noël avec comme seule perspective la fin de leur
indemnisation, et aucun emploi en vue17. Socialement et humainement, c'est une tragédie qui va
rapidement éclipser les références à la Grande Dépression et justifier l'appellation de « Très Grande
Dépression US » que LEAP/E2020 avait forgée dès le début 2007.
Etats-Unis : Si vous perdez votre emploi, combien de temps pourrez-vous payer votre couverture
sociale ? (Je ne pourrai plus : 32% -- 1 à 6 mois : 33% -- 7 à 12 mois : 18% -- Plus d'un an : 17%) - Source :
USAToday, 06/2009
14 LEAP/E2020 rappelle ici qu'il faut ajouter environ 60% de chômeurs réels supplémentaires à ces chiffres officiels, comme
démontré dans plusieurs GEAB précédents. Le taux de chômage réel actuel aux Etats-Unis s'approche en fait des 20%. Et, anecdote
intéressante, le lancement du recensement de population 2010 contribue à créer près de 1,4 millions d'emplois publics … pour une
durée de quelques mois seulement. Sources : Richard Daughty, 19/05/2009 / Chicago Tribune, 13/03/2009
15 Et rejoindre la cohorte des 'anciens pauvres', ces dizaines de millions d'Américains qui ont été les victimes de la 'croissance sans
emploi' de ces dix dernières années et dont les médias ne parlent plus pour ne s'intéresser qu'aux millions de citoyens des classes
moyennes en train de découvrir les premiers signes de pauvreté. A ce sujet, il est utile de lire le très intéressant article de Barbara
Ehrenreich dans le New York Times du 13/06/2009.
16 Et au vu des résultats actuels du plan de stimulation, et des anticipations du GEAB N°35 sur ce sujet, notre équipe est plus que
dubitative.
17 Toujours dans le cadre de l' « euphorisation » des marchés, on peut constater comment la presse spécialisée a récemment titré
sur un chiffre du chômage américain meilleur qu'attendu en Mai (345.000 au lieu des 500.000 prévus) … en oubliant de préciser que
dans la même livraison statistique du ministère du Travail US, on trouve les résultats de la seconde mesure du chômage (celle qui
passe par un sondage des ménages, alors que le premier chiffre vient des entreprises) qui affichent 787.000 chômeurs
supplémentaires en Mai 2009. Nul doute qu'en mettant ce chiffe en début d'article ou en titre, au lieu de le mettre en fin d'article,
les médias financiers auraient provoqué des réactions très différentes. A la décharge de MarketWatch cité ici, eux ont au moins cité
ce chiffre alors que la plupart de leurs collègues l'ont purement et simplement ignoré. Source : MarketWatch, 05/06/2009
Economiquement, et nous y reviendrons dans l'analyse de plusieurs autres « vagues scélérates », c'est un
phénomène destructeur pour la quasi-totalité des secteurs économiques18 et notamment le secteur
financier : les « jeunes pousses » vont être littéralement écrasées par les pieds des millions de
chômeurs19. Politiquement, c'est l'entrée dans une période de grave instabilité pour le pays. Nul doute que
l'urgence avec laquelle Barack Obama tente de réformer le système de protection sociale américain a un
lien étroit avec ces perspectives. Cependant, il nous paraît bien illusoire de penser réussir un tel exploit20
dans un tel contexte, surtout que le nouveau président américain n'a pour l'instant pas vraiment brillé
pour autre chose que de beaux discours suivis de peu, voire d’aucun, acte de changement profond ; et
qu'il est apparu très prisonnier des principaux lobbies, comme celui des banques par exemple. En tout
cas, selon LEAP/E2020, il lui reste très exactement trois mois pour réussir. Ensuite, il perdra toute illusion
de contrôle sur les évènements socio-politiques dans son pays.
Au Royaume-Uni21, comme en Irlande et en Espagne, mais dans un contexte monétaire et politique bien
pire22, les premiers millions de nouveaux chômeurs générés par la crise depuis la mi-2008 vont arriver en
fin d'indemnisation complète ou partielle dès la fin de l'été et voir leurs rangs grossir rapidement au cours
de l'automne. Les processus d'indemnisation aux durées et montants nettement inférieurs à ceux d'autres
pays européens (notamment du noyau de la zone Euro) avancent en effet le moment de l'impact et le
renforcent23. En Espagne en particulier, la très mauvaise saison touristique qui s'annonce, alors que le
tourisme est l'un des principaux pôles de création d'emploi dans le pays, va faire de l'été 2009 un moment
de vérité dramatique pour le pays. A l’inverse, Irlandais et Britanniques seront beaucoup moins nombreux
à profiter de vacances à l'été 2009, sans que cela créé pour autant de l’emploi dans leurs pays respectifs.
Dès septembre 2009, ils seront également confrontés au même problème : comment gérer des millions
de chômeurs sans perspective d'emploi à moyen terme et sans système de protection social solide pour
les soutenir. Si l'Irlande, du fait de sa taille plus limitée, peut espérer trouver des soutiens efficaces du
côté des fonds européens, en revanche, la taille du Royaume-Uni, comme la multiplicité des crises qui
l'affectent simultanément, ne laissent la place qu'à une perspective de crise généralisée dans le pays24.
18 L'enchaînement (qui va continuer) des faillites historiques aux Etats-Unis se réalise sur fond de licenciements massifs dans tous les
secteurs. Même le vénérable US Postal Service annonce un vague de plusieurs dizaines de milliers d'emplois perdus cette année.
Source : MarketWatch, 15/06/2009
19 Dans le secteur immobilier, la montée du chômage entraîne désormais une nouvelle vague de saisies. Elles ne touchent plus des
ménages trop pauvres pour leur acquisition (cause de la crise des subprimes), mais des ménages que la perte d'emploi, sans
perspective de nouvelle embauche, empêche dorénavant de rembourser leurs prêts hypothécaires. Autant dire que la reprise du
marché immobilier US n'est pas pour demain quoiqu'en disent les « experts ». Source : New York Times, 24/05/2009
20 A ce jour, toutes les tentatives de réformer le système américain de santé, le plus dispendieux au monde qui bénéficie
essentiellement aux entreprises pharmaceutiques et aux médecins, s'est heurté à des obstacles politiquement insurmontables,
notamment au Congrès US, et notamment du fait de la puissance d'influence des lobbies concernés.
21 Avec des perspectives de chômage à plus de 3 millions fin 2009, le problème de l'emploi va devenir plus préoccupant que celui des
banques de la City (source : Independent, 02/06/2009). Le Telegraph du 14/06/2009 nous invite à ce sujet à une plongée très
instructive dans l'Edimbourg de la crise.
22 L'Irlande et l'Espagne n'ont pas à craindre un effondrement de leur monnaie et une intervention d'urgence du FMI au cours de
l'été 2009, contrairement au Royaume-Uni.
23 Unijuridis fournit un très bon résumé des situations en ce qui concerne l'indemnisation du chômage, en comparant 12 pays
européens.
24 Avec les Etats-Unis, c'est probablement le seul pays qui va être touché de plein fouet par toutes les « vagues scélérates » de l'été
2009. Et en matière socio-économique et politique, même les îles sont submersibles.

Evolution de l'emploi aux Etats-Unis (01/1990 – 04/2009) - Officiellement plus de 5,7 millions d'emplois
perdus depuis le début de la récession, dont trois millions dans les cinq derniers mois - Sources : US Bureau of
Labor Statistics / T2 partners LLC, 06/2009
La Chine, les pays d'Asie et d'Amérique latine, les pays d'Asie du Sud-Est, l'Amérique latine, la
Russie, les nouveaux états membres de l'UE, la Turquie, le Moyen-Orient, l'Afrique frappés
par les conséquences socio-économiques du chômage massif à l'automne 2009
Les dirigeants chinois ont bien conscience de l'impact explosif pour l'ordre social et politique du pays d’un
chômage de masse continuant à croître après l'été 2009. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'une partie de
leur plan de stimulation économique comporte un important volet de développement de la protection
sociale25, notamment dans les campagnes (voir GEAB N°35). Eux aussi se sont mis à voir des « jeunes
pousses » partout pour convaincre leurs nouveaux consommateurs de consommer plus et leurs
entreprises d'entreprendre plus, mais c'est aussi afin de se convaincre eux-mêmes qu'ils sont en mesure
d'éviter la rupture de la « digue socio-politique » érigée dans les années 1980 entre économie de marché
et monopole politique du parti communiste chinois. Sous la pression de quelque 50 à 100 millions de
chômeurs supplémentaires sans ressources d'ici la fin de l'automne 2009, cette « digue » risque en effet
de s'effondrer brutalement. Et de toute manière, pour LEAP/E2020, c'est le principe même de la
dynamisation de la consommation intérieure qui est remis en cause par cette montée irrésistible du
chômage : les millions de chômeurs nouveaux s'accumulent chaque mois, le commerce mondial continue
sa descente aux enfers, les consommateurs américains, européens et japonais, vrais moteurs de la
croissance chinoise depuis vingt ans, sont eux-mêmes en proie au chômage ou à sa crainte. Dès la
rentrée, Pékin va devoir en faire sa principale priorité et l'ensemble des autres dossiers (Dollars et Bons
du Trésor US, réchauffement climatique, gouvernance mondiale, …) y seront soumis.
L'Asie du Sud-Est, dont les systèmes de protection sociale sont tout aussi embryonnaires, connaîtra un
choc identique dès l'automne, sur fond de continuation de la baisse des exportations. L'Amérique latine,
qui se sort mieux de cette crise pour l'instant, sera rattrapée à l'automne par la conjoncture mondiale et
les fermetures massives d'entreprises exportatrices de matières premières notamment. L'intégration
régionale n'est pas encore suffisante pour pallier la demande mondiale et les très faibles systèmes de
protection sociale vont contribuer à l'appauvrissement rapide de pans entiers des classes moyennes sudaméricaines,
notamment dans les grandes métropoles.
La Russie reste pour l'instant adepte du non paiement des salaires plutôt que des licenciements massifs.
C'est en effet une méthode qui permet de tenir sous contrôle plus longtemps les chiffres officiels du
chômage. Mais comme le montre l'accroissement des conflits sociaux brutaux et la nécessité
d'intervention directe du pouvoir politique au plus haut niveau, cette « solution » n'est pas vraiment
durable… sauf flambée des cours du pétrole au-dessus des 100$/baril d'ici la fin de l'été 2009 (et avec un
Dollar US qui ne s'effondrerait pas dans le même temps)26 et investissement massif dans des salaires
payés par l'état ou des banques relais. Dans tous les cas, chômage déguisé ou pas, en l'absence d'un
« miracle pétrolier », le chômage sera dès le début de l'automne la préoccupation centrale de MM.
Medvedev et Poutine.
Les nouveaux états membres de l'Union européenne vont connaître également l'impact du chômage
massif à l'automne 2009. Leurs systèmes de protection sociale sont en effet très réduits après une
décennie d' « adaptation » forcée aux dogmes néo-libéraux que leurs dirigeants ont pour la plupart
embrassés avec enthousiasme27. La diminution progressive de leurs marchés d'exportation et les
fermetures accélérées de sites délocalisés qu'induit la crise, notamment en Europe de l'Est, ne seront plus
très longtemps partiellement compensées par la relocalisation à proximité effectuée par les entreprises
d'Europe de l'Ouest28. Là aussi, l'été 2009, en voyant s'évanouir l'espoir d'une reprise à court terme, va
non seulement gonfler le nombre de chômeurs mais laisser à la dérive les millions de chômeurs accumulés
depuis un peu moins d'un an. L'accession à l'UE s'était déjà traduite par un coût social très lourd parmi de
nombreuses catégories de la population des nouveaux états membres ; voici venir un deuxième choc pour
les ouvriers et employés en particulier. La seule « chance » des populations de cette région, c'est qu'elles
ont déjà connu deux autres chocs très brutaux en moins de vingt ans (fin du communisme, accession à
l'UE) et qu'elles sont donc « aguerries ». Pour LEAP/E2020, il est moins certain que leurs gouvernements
le soient.
25 Le président chinois en a fait l'un des leitmotivs de ses discours, signe de la priorité qu'en fait Pékin. Source : China Daily,
24/05/2009
26 Sinon, le prix du baril n'augmenterait pas en valeur réelle.
27 Ils sont passés de systèmes hypertrophiés à l'époque communiste à des systèmes étiques aujourd'hui.
28 Au détriment d'usines précédemment installées en Asie ou Amérique latine.
Au Moyen-Orient (et dans le monde arabe en général), la situation du chômage va devenir explosive
après l'été 200929. Même les riches pays du Golfe vont voir les limites de leur 'état providence' sur fond de
rêves brisés de développement économique sur-dimensionné ou fondé sur des anticipations d'un monde
disparu en 2008 (et dont Dubaï est l'exemple le plus abouti et le plus tragiquement en crise)30. Rien que
pour absorber les jeunes arrivant sur le marché du travail, les pays arabes doivent créer 3,9 millions
d'emplois chaque année. Or en 2009, des emplois sont détruits en grande quantité, certainement pas
créés.
L'Afrique, qu’elle soit directement intégrée à l'espace économique européen (comme l'Afrique du Nord par
exemple) ou indirectement (comme l'Afrique noire, notamment via sa forte émigration vers l'UE), va
connaître dès l'automne 2009 une forte montée du chômage (ou une très forte baisse de l'émigration vers
l'UE) du fait de la poursuite de la récession européenne. Pour l'instant, l'impact sur les flux migratoires est
resté faible car les perspectives restaient attirantes à moyen terme. Et l'Afrique du Nord en particulier a
bénéficié, comme l'Europe de l'Est, de processus de relocalisation à proximité du marché européen. Mais,
faute de reprise, le contexte est en train de changer. Et, en ce qui concerne l'exploitation des matières
premières, même les diamants souffrent d'une baisse durable de la demande mondiale. Au-delà de la
spéculation et/ou des transferts du Dollar vers des actifs réels comme le fait Pékin notamment, la durée
de la crise n'est pas porteuse pour ce type d'activités économiques. Chômage et donc pauvreté accrue
sont par conséquent au rendez-vous de l'après été 2009 pour l'Afrique aussi.
29 La Turquie suit ainsi une telle évolution. Source : Les Echos, 15/06/2009
30 Source : Zawaya, 01/2009
Le noyau de la zone Euro, le Danemark, la Suisse, la Suède, le Canada et le Japon ont un
rendez-vous brutal avec les conséquences du chômage de masse à l'hiver 2009/2010
Seule une poignée de pays est encore protégée jusqu'au quatrième trimestre 2009 des conséquences les
plus graves du chômage de masse31. Ce sont les états dont les systèmes d'indemnisation du chômage et
de protection sociale sont les plus développés, à savoir le noyau de la zone Euro (Allemagne, Pays-Bas,
France,…), les pays scandinaves, la Suisse, le Canada32 et le Japon. Ils ont d'ailleurs pour l'instant
enregistré en général des hausses du nombre de chômeurs proportionnellement très inférieures à celles
des autres pays développés. C'est notamment grâce à l'indemnisation du chômage partiel que cette
situation a pu apparaître. Mais dans plusieurs pays ce processus arrive à ses limites budgétaires en terme
de volume (durée et nombre d'indemnisés)33. A partir de l'été 2009, on va donc assister, du fait des
perspectives de crise durable, à l'augmentation forte du nombre de nouveaux chômeurs34. Puis, dans un
second temps, vers la fin 2009, les premiers millions de chômeurs de la fin 2008 vont commencer à
arriver en fin de droit, surchargeant les autres dispositifs de protection sociale et entrainant de graves
déséquilibres budgétaires dans les comptes de la protection sociale.
31 Source : France 24, 15/06/2009
32 Pour le Canada, nos anticipations doivent toujours être modulées par le fait que ce pays se trouve au bord du « trou noir »
américain en gestation. Toute aggravation brutale de la situation chez le grand voisin du Sud peut très rapidement renforcer les
tendances négatives au Canada : ainsi la grande vague de faillites d'entreprises aux Etats-Unis prévues après l'été 2009 aura de
lourdes conséquences sur l'emploi au Canada notamment dans les états très dépendants des entreprises américaines.
33 L'Espagne est déjà obligée d'accroître les ressources budgétaires prévues pour faire face à la montée du chômage en direction de
20% de la population active. Et le gouvernement espagnol prépare la mise en place d'un revenu minimum pour éviter que les
chômeurs en fin de droit ne se retrouvent à la dérive. Ces évolutions vont affecter tous les pays dans les mois à venir, imposant de
formidables contraintes budgétaires. Source : TV5 Monde, 15/06/2009
34 Pendant de nombreux mois, l'intérim a permis de maintenir hors du chômage des millions de personnes. Dorénavant cette forme
d'emploi est elle aussi touchée de plein fouet par la crise et contribue donc à alimenter encore plus le flot des nouveaux chômeurs. Il
est peut-être utile de lire cette « plongée » dans la crise de l'intérim racontée par Le Monde du 30/05/2009. Source : MSNBC,
07/06/2009
Par ailleurs, dans ces pays-là comme dans le reste de l'Union européenne, en Amérique du Nord ou en
Asie, et les autres pays de l'hémisphère Nord, entre Juin 2009 et Septembre 2009, ce sont des dizaines de
millions de jeunes, diplômés ou simplement en fin d'âge scolaire, qui vont arriver sur le marché du
travail35. Et pour la première fois dans l'histoire moderne, d'un bout à l'autre de la planète, cette
génération va se trouver face à une absence quasi-générale d'emplois disponibles. Ces jeunes vont dès
cet été s'ajouter partout aux chômeurs décrits depuis le début de ce chapitre consacré à la vague du
chômage massif. Faute d'emploi préalable, la plupart n'aura pas le droit d'être indemnisée. Ils vont
renforcer l'armée des travailleurs précaires (stages, travail au noir,…) et beaucoup resteront à la charge
de leurs parents, diminuant d'autant la tendance « consumériste » de ces derniers. Même les ventes de
jeux-vidéo chutent désormais fortement36. Quand une génération montante entière, à l'échelle de la
planète, se rend compte qu'elle est laissée pour compte au profit des grandes banques et autres
établissements financiers, il n'est en effet pas certain qu'elle se contente de jeux-vidéo pour se défouler.
Cette vague massive de chômage sera bien l'un des phénomènes au coeur du processus de dislocation
géopolitique mondiale dont LEAP/E2020 anticipe le commencement au quatrième trimestre 200937.
35 Sources : China Daily, 11/06/2009 ; Maroc Emploi, 01/06/2009 ; Lien Social, 28/06/2009 ; Guardian, 10/06/2009 ; Washington
Post, 17/05/2009 ; University World News, 12/04/2009
36 Source : MarketWatch, 11/06/2009
37 Voir GEAB N°32 (15/02/2009)
La vague déferlante des faillites en série :
Entreprises, banques, immobilier, états, régions,
villes
L'injection massive de capitaux publics dans les banques et les grands groupes automobiles notamment
n'a pas réussi à empêcher des banqueroutes retentissantes comme l'illustrent les faillites historiques de
General Motors aux Etats-Unis (5 des dix plus grandes faillites de l'histoire des Etats-Unis ont eu lieu au
cours des douze derniers mois38), d'Arcandor en Allemagne39, sans compter les faillites hebdomadaires
d'établissements financiers américains40. Au-delà de ces évènements à très grande visibilité, on assiste
partout à une hausse rapide et continue des faillites d'entreprises et d'établissements financiers de
grande, moyenne ou petite taille qui va s'accélérer après l'été 2009, tandis que se prépare aux Etats-Unis,
au Royaume-Uni et en Espagne en particulier, une deuxième vague de saisies immobilières et que l'été
2009 va être marqué par le début d'une vague de cessation de paiements d'états, de régions et de villes.
Les « jeunes pousses » des médias financiers ne font que cacher les « feuilles mortes » de l'économie
réelle.

Problèmes croissants pour les prêts immobiliers de première qualité : 1° Graphique : Carte des états
concernés en % de saisies (ce sont les états les plus densément peuplés) / 2° Graphique : Evolution des prêts dont
les échéances à 90 jours sont dépassées (en voie de saisie) - Sources FACL, New York Times, 06/2009
38 Source : CNNMoney, 01/06/2009
39 La faillite du géant allemand de la vente de détail, la plus importante de l'histoire de la République fédérale, n'a pas que des
conséquences graves en Allemagne. Ainsi, en Inde, les fournisseurs sont également entraînés dans la faillite d’Arcandor. Source :
IndiaTimes, 15/06/2009
40 La liste se trouve sur le site de la FDIC, agence chargée de les « solder » et dont les réserves commencent à s'épuiser.
Pour un grand nombre d'entreprises de grande, moyenne ou petite taille, l'été 2009 est perçu comme l'été
de la dernière chance. Soit, comme c'est le cas dans de nombreux pays et régions, elles dépendent du
tourisme de manière cruciale et après des mois de « vaches maigres » elles ont un besoin vital de réussir
la saison d'été 2009 pour éviter la faillite dès Septembre, soit elles dépendent d'une forte reprise de
rentrée, après l'été, pour pouvoir effacer les pertes des 9 derniers mois (depuis l'accélération de la crise
au 3° trimestre 2009)41. Hélas, selon LEAP/E2020, dans les deux cas, la reprise ne sera pas au rendezvous42
:
. les touristes, s’ils viennent encore, sont désargentés
. les consommateurs, s'ils ont encore un salaire (et donc un travail), sont trop inquiets pour dépenser43.
Au coeur de cette vague déferlante, on trouve en effet la fin du consommateur prodigue occidental, et
plus particulièrement américain44 (qui soit devient chômeur, soit a moins d'heures de travail, soit voit son
salaire baisser)45.
On peut essayer de lui remonter le moral en l'abreuvant de nouvelles positives et en lui cachant les
informations inquiétantes46. On peut lui promettre des baisses de prix ou essayer de le relancer dans
l'endettement sans limite. Rien n'y fait … et surtout rien n'y fera car ce consommateur insouciant et dopé
au crédit a tout simplement disparu : il n'a plus d'argent ou bien il est trop inquiet pour faire autre chose
que des économies47.
41 Sources : New York Times, 18/05/2009 ; JoongAng Daily, 20/05/2009
42 Quand la Fed se met à parler « presque » comme LEAP/E2020 en déclarant le 20 Mai dernier qu'une vraie reprise aux Etats-Unis
pourrait prendre cinq à six ans, on devrait l'écouter davantage (car c'est franchement étonnant !) et comprendre qu'il n'y aura pas
de reprise du tout avant au moins cinq à six ans. Source : MarketWatch, 20/05/2009
43 Ainsi aux Etats-Unis, même les personnes avec un travail sentent la récession puisqu'ils travaillent un nombre d'heures moins
important. Voir graphique ci-dessous.
44 Sources : New York Times, 14/05/2009 ; Reuters, 15/05/2009 ; Washington Post, 17/05/2009 ; Federal Reserve Bank of San
Francisco, 15/05/2009 ; CNBC, 05/06/2009 ; MarketWatch, 11/06/2009
45 Dès la fin 2006, LEAP/E2020 avait anticipé ces évolutions en indiquant que la Très Grande Dépression US se traduirait par une
réduction de 50% du niveau de vie moyen aux Etats-Unis. Source : CNBC, 05/06/2009
46 C'est une question que pose directement MarketWatch (26/05/2009) en se demandant si les indices dits « de confiance du
consommateur » ne mesurent plus en fait que « l'espoir du consommateur » : les pauvres aussi peuvent avoir de l'espoir dans un
avenir meilleur … mais ils ne sont pas des consommateurs très confiants puisqu'ils n'ont pas d'argent à dépenser. Pour LEAP/E2020,
cette tendance est durable et les mois à venir vont montrer en effet que ces indices de confiance des consommateurs ne sont plus
fiables pour anticiper l'évolution de leurs comportements économiques.
47 A juste titre. Ainsi aux Etats-Unis, il y a déjà plus de 6.000 faillites par jour, en direction du chiffre de plus d'un million et demi de
faillites en 2009 (près de 50% de plus qu'en 2008). Et cette évolution a lieu malgré le durcissement très important des conditions
d'entrée en faillite adoptées en 2005. Source : USAToday, 03/06/2009
Les banques étant elles-mêmes insolvables peuvent bien prétendre le contraire48, mais elles sont bien
incapables de prêter de l'argent comme par le passé49. Donc, les consommateurs désargentés resteront
désargentés50. Et ceux qui ont la chance de pouvoir se passer des banques sont tellement inquiets sur
l'avenir, notamment à cause du risque croissant de chômage qui les menace aussi, qu'ils préfèrent
épargner plutôt que consommer (et s'ils consomment, le faire au rabais).
En résumé, anciens chômeurs, nouveaux chômeurs et futurs chômeurs conspirent inconsciemment pour
tuer le consommateur qui les a possédés au cours des dernières décennies. Nul doute que cette situation
constitue un scénario de film d'horreur économique à l'échelle mondiale51. Mais ce n'est pas en cachant
cette réalité aux dirigeants d'entreprises, aux salariés et aux actionnaires que dirigeants politiques et
experts économiques et financiers assument leurs responsabilités. Combien d'investisseurs, de patrons
d'entreprises et de salariés vont se trouver démunis dans quelques mois quand la réalité s'imposera
brutalement alors qu'ils avaient anticipé une évolution inverse52 ?
Et tous les pays dépendant fortement des exportations, Chine en tête malgré sa tentative désespérée de
créer d'urgence un « consommateur chinois prodigue », vont connaître la même désillusion53 : leur client
d'hier n'existe plus, le consommateur occidental prodigue est mort54. D'ailleurs, derrière les grandes
déclarations des dirigeants politiques et financiers, la réalité s'impose déjà comme le montre le graphique
ci-dessous sur l'évolution de la consommation électrique chinoise (l'indicateur le plus fiable sur la réalité
de la croissance du pays).
48 Cette prétention n'a pas d'autre but que de forcer la main des Etats pour qu'ils leur injectent massivement des fonds publics.
49 Heureusement d'ailleurs, sinon on repartait pour une crise encore plus violente.
50 Au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, en Chine, en Inde, les retraités pillent leur épargne-retraite pour s'en sortir. Source : Guardian,
10/06/2009
51 Ainsi cette année, la consommation mondiale d'électricité va baisser pour la première fois depuis 1945. Source : Financial Times,
21/05/2009
52 A lire : USAToday, 08/06/2009
53 Le commerce mondial ne redémarre en effet pas du tout, loin de là. Source : MoneyWeek, 12/06/2009
54 Le Mexique par exemple en fait la douloureuse expérience, tant via ses émigrés aux Etats-Unis qui reviennent faute d'emploi ou
n'envoient plus beaucoup d'argent au pays, que par la baisse du tourisme liée à l'appauvrissement de son voisin du Nord. Du coup,
son PNB se dirige vers une baisse de 8,5% en 2009. Source : Bloomberg, 29/05/2009
Cela est d'autant plus grave que cette vague déferlante de faillites du secteur privé, et son cortège de
licenciements massifs qui vont renforcer l'impact de la première vague analysée plus en détail dans ce
GEAB N°36, va renforcer les conséquences de la vague de faillites publiques : états, régions, et villes.
Pour les Etats-Unis et le Royaume-Uni, comme déjà anticipé dans de précédents GEAB, l'été 2009 va être
le moment de la cessation de paiement ; nous y revenons plus loin. Mais du Mexique à la Turquie en
passant par les pays d'Asie du Sud-Est et les pays baltes, les candidats à la banqueroute publique sont
désormais nombreux. Les formes prises par ces faillites seront différentes mais tourneront toutes autour
de trois axes : dévaluations massives (organisées ou imposées), budgets d'austérité (réductions
drastiques des salaires des fonctionnaires, des indemnités sociales chômage/retraites/santé, réductions
des services publics), importantes hausses d'impôts. Autant de mesures qui dans ces pays tueront tout
espoir de reprise économique à moyen terme (2/3 ans), tout en accroissant les risques d'explosion sociopolitique.
Et bien entendu, cela contribuera fortement à la réduction de la demande de biens et services
dans le monde, continuant à déprimer les économies des autres pays.
Il n'y a pas que les états qui vont connaître cette situation. Dans les états fédéraux (ou semi-fédéraux)
dont les régions ont d'importants pouvoirs en matière budgétaire et fiscale, on va assister au même
processus (sauf la dévaluation). Déjà la Californie, comme une bonne quarantaine des cinquante états
américains, est dans une telle situation. La Catalogne, région la plus riche d'Espagne, fait désormais face
à une envolée de son déficit qui va imposer des mesures très impopulaires dont elle fait porter la
responsabilité à Madrid ; tout comme un nombre croissant d'états et de villes américains accusent
Washington d'indifférence devant son refus de les aider. Au-delà des questions économiques, ces
situations vont tester durement la solidité des liens de solidarité internes de nombreux pays, prémisses
dans certains cas à des processus de dislocation géopolitique.
Licenciements d'employés des collectivités publiques, fermeture de services publics, réduction des
contrats pour les entreprises privées, … tout cela va accroître encore plus le nombre de faillites
d'entreprises dépendant des marchés publics, et donc le nombre de chômeurs. Ce processus a déjà
commencé et l'été 2009 va le voir s'intensifier très fortement avec une accélération en Septembre/Octobre
2009 quand les dernières illusions des dirigeants d'entreprises et des collectivités publiques se seront
envolées.
Non seulement cette vague déferlante de faillites va s'imposer comme une priorité des dirigeants
politiques d'ici la fin 2009, mais elle entre doublement en conflit direct avec le choix actuel de l'aide
publique massive au bénéfice des seuls établissements financiers55. En effet, il y a d'abord une
compétition pour les fonds publics disponibles (ce qui va aux banques ne va pas aux collectivités56,
comme l'illustre parfaitement la situation américaine), mais ensuite, il y a un phénomène d'éviction du
crédit induit par le super-endettement des états généré par leur aide massive aux banques57 (les marchés
financiers sont déjà et vont être encore plus siphonnés par les besoins d'emprunt des états). Ces derniers,
avec toujours les Etats-Unis et le Royaume-Uni au coeur, ont besoin d'emprunter en 2009/2010 beaucoup
plus que l'épargne mondiale disponible, comme déjà analysé dans des GEAB précédents. Ce qui fait que
l'accès aux financements va devenir de plus en plus difficile pour les opérateurs comme pour les
entreprises et les collectivités locales (sans même parler des consommateurs58).
55 Et ce ne sont pas les stress-tests des banques américaines dont les pires scénarios sont déjà dépassés par la réalité (le chômage
est déjà nettement plus haut que dans les plus mauvaises perspectives retenues par ces tests), ou les récentes déclarations de la
BCE sur les 200 milliards supplémentaires d'actifs toxiques encore présents dans le bilan des banques européennes, qui vont
arranger la situation. Source : Yahoo/Reuters, 15/06/2009
56 Les universités financées par des capitaux privés, y compris les plus prestigieuses universités américaines, doivent déjà licencier
des professeurs, supprimer des bourses aux étudiants, annuler des projets de recherche, d'extension ou de rénovation, … Cette
situation va s'aggraver considérablement à la rentrée universitaire 2009/2010. Source : Financial Times, 07/06/2009
57 Evidemment le lobby des banques est beaucoup plus puissant que celui des autres secteurs, et certainement plus que celui des
électeurs. Le graphiqu
e ci-dessous illustre bien cette situation aux Etats-Unis. Mais elle n'est pas très différente en Europe ou au
Japon.
58 Dans l'immobilier américain c'est exactement ce qui est en train de se produire : la hausse des taux (malgré l'action inverse de la
Fed) liée aux craintes sur les capacités d'emprunts de l'état fédéral dissuade les acheteurs potentiels.

1° Graphique : Dépenses du lobby bancaire aux Etats-Unis (1999 - 03/2009) / 2° Graphique : Contributions des
comités bancaires de financements des partis lors des cycles électoraux US (1998 – 04/2009) - Sources : Open
Secrets / CQ-Moneyline / New York Times, 06/2009
Et pour finir la série, les faillites bancaires vont revenir sur le devant de la scène aux Etats-Unis, au
Royaume-Uni, en Europe et au Japon d'ici la fin de l'été 2009 car toutes ces faillites d'entreprises, de
collectivités publiques et de ménages touchés par le chômage constituent autant d' « actifs toxiques » qui
sont actuellement comptabilisés positivement dans le bilan des banques59. D'ici un trimestre, ce seront de
nouvelles « bombes financières »60.
Last but not least, couplée avec la vague de chômage massif, cette déferlante de faillites va
considérablement accélérer la montée du protectionnisme dès la fin de l'été 2009, sachant que cette
tendance est déjà bien tangible aujourd'hui aux Etats-Unis, en Chine, en Australie, en France, …
59 Sources : Wall Street Journal, 19/05/2009 ; Washington Post, 22/05/2009 ; Financial Times, 28/05/2009 ; Wall Street Journal,
05/06/2009 ; GlobalEconomicAnalysis, 14/06/2009 ; Yahoo/Reuters, 08/06/2009 ; Yahoo/Reuters, 08/06/2009 ; MarketWatch,
09/06/2009 ; USAToday, 12/06/2009 ; USAToday, 15/06/2009 ; TimesOnline, 14/06/2009
60 LEAP/E2020 souligne à nouveau que les « actifs toxiques » sont d'autant plus nombreux et importants qu'ils proviennent de pays
au coeur du système économique et financier actuellement en train d'imploser : le prêt immobilier ou le prêt à l'entreprise, aux Etats-
Unis ou au Royaume-Uni notamment, est plus dangereux que celui du même type en Europe de l'Est, en Chine ou en Amérique
latine car il n'a pas été jugé comme tel à l'origine. Alors que dans les pays émergents, les institutions financières ont en général été
plus méfiantes et que ces prêts ont beaucoup moins été utilisés pour financer des activités de « bulle ».
La vague de la crise terminale des Bons du
Trésor US, du Dollar et de la Livre, et du retour
de l'inflation
Le premier Sommet des BRIC à Ekaterinebourg destiné à savoir quoi faire de ses réserves en Dollars US
et en T-Bonds61, la baisse des réserves chinoises en Bons du Trésor US62, l'appel de l'Organisation de
Coopération de Shanghai63 pour la création d'une nouvelle devise internationale de réserve64,
l'impuissance de la Fed à empêcher la baisse du prix des Bons du Trésor US65 et la hausse connexe des
taux d'intérêts, les inquiétudes dorénavant systématiques à la veille des ventes de Bons du trésor partout
sur la planète (et en particulier pour les pays à risque dont les Etats-Unis et le Royaume-Uni font
désormais partie), les variations de plus en plus brutales des cours des devises sur fond de dépréciation
régulière du Dollar US, la crainte des Européens d'un euro bondissant à des niveaux incompatibles avec
leurs exportations, la crise généralisée au Royaume-Uni touchant la politique, la finance, l'économie, la
monnaie,… tous ces éléments sont autant de nuages noirs qui s'accumulent à l'horizon de l'été 2009. Et,
pour LEAP/E2020, ils constituent la troisième vague (la troisième composante des « soeurs » si
dangereuses pour les navires) qui va entraîner à la fin de l'été le double phénomène de cessation de
paiement des Etats-Unis et de recours au FMI du Royaume-Uni ; et, d'ici la fin de l'année, le début de la
phase de dislocation géopolitique mondiale.
Evolution des montants d'émission d'emprunts publics pour les Etats-Unis, l'Eurozone et le Royaume-
Uni (2005-2010 prévision) - Le Royaume-Uni émettra en 2009 une dette quatre fois supérieure à celle de 2005 -
Les prévisions 2009/2010 sont estimées en fonction des chiffres officiels qui ont tous sous-estimer l'ampleur et la
durée de la crise et des baisses de recettes fiscales (note de LEAP/E2020) - Source : CitiGroup, 06/2005
61 Source : China Daily, 16/06/2008
62 Source : China Daily, 16/06/2009
63 Une institution désormais mûre. Source : Asia Times, 13/06/2009
64 Source : RiaNovosty, 16/06/2009
65 Leurs détenteurs, notamment des bons à long terme, ont perdu entre 20% et 30% en un an. Source : Seeking Alpha, 18/06/2009
En effet, ce premier sommet des BRIC, dont il n'est pas difficile d'imaginer combien il a dû être difficile à
organiser, constitue un premier signe de dislocation du système international actuel. Non seulement les
Etats-Unis ont dû tout faire pour empêcher sa tenue, mais ils se sont en plus vus refuser la présence en
tant qu’observateur, un signe clair que ce qui s'y est dit n'était pas destiné à être diplomatique. Et le sujet
central n'était certainement pas un problème militaro-stratégique, mais bien une question monétarofinancière
: que faire des centaines de milliards de Dollars US (sous forme de Bons du Trésor notamment)
accumulés par ces quatre pays au cours des années récentes ?
Chinois et Russes ont pu déjà constater que leurs Dollars ne sont pas forcément les bienvenus aux Etats-
Unis, en Europe ou en Australie s'ils cherchent à investir dans des actifs « stratégiques »66. Avec les
Brésiliens et les Indiens, ils ont donc multiplié les accords de swaps dans leurs devises (et ce sommet va
accroître cette tendance) et ils tentent d'acheter en Dollars tout ce qu'ils peuvent tant que certains pays
acceptent de vendre leurs richesses en échange de cette devise. Mais ils savent tous très bien, d'une part,
qu’ils ont beaucoup trop de Dollars pour pouvoir les dépenser utilement puisque l'économie américaine se
contracte et que la Fed a entrepris de créer des centaines de milliards de nouveaux Dollars; et, d'autre
part, que la méfiance s'installe vis-à-vis de cette devise et de ses actifs liés. C'est pour cette raison qu'ils
ont décidé de commencer à s'acheter mutuellement des bons du trésor pour sortir de leur dépendance
des Bons du Trésor US67. Il ne s'agit pas à ce stade de vendre des Bons du Trésor US ; mais c'est un coup
direct porté aux ventes futures de T-Bonds.
Pour LEAP/E2020, ce sommet Ekaterinebourg est probablement le dernier effort avant rupture68. Si les
demandes qui en sont issues concernant la réorganisation plus rapide et plus profonde des droits de vote
au sein du FMI et des autres grandes organisations internationales ne sont pas acceptées et mises en
oeuvre rapidement par les Etats-Unis, les Japonais et les Européens, alors le prochain sommet des BRIC
sera un sommet de rupture, mettant en place des stratégies indépendantes, voire contraires à celles du
trio USA/Japon/UE.
66 Source : Reuters, 10/06/2009
67 Source : Bloomberg, 16/06/2009
68 Les demandes chinoises se font de plus en plus pressantes concernant une garantie américaine sur leurs avoirs libellés en Dollars.
Sans réponse positive (et il semble impossible qu'il y en ait une), la confrontation est inévitable. Source : China Daily, 15/06/2009
Avec un volume d'émission de Bons du Trésor US qui est désormais passé à plus de 100 Milliards par mois
(contre des pics à seulement 10 milliards par mois auparavant), le rythme de la rupture s'impose
naturellement. Comme anticipé par LEAP/E2020 dans des GEAB précédents, c'est à la fin de l'été 2009
que la conjonction des besoins incontrôlés de financements des Etats-Unis et du Royaume-Uni (accrus par
ceux des autres pays69) et de la méfiance croissante des acheteurs potentiels va atteindre son moment de
vérité : le besoin de financements va passer de 1.600 Milliards en 2008 à 2.600 Milliards en 200970. Et ce
moment de vérité ne peut prendre qu'une seule forme générale : le refus des acheteurs de continuer à
accumuler les Bons du Trésor US et les Gilts britanniques. Et en ce sens, la décision des BRIC de s'acheter
leurs bons du trésor mutuels est un premier signe que cette « grève des acheteurs de Bons du Trésor
US » en train de s'étoffer71.
A partir de là, soit la Fed et la Banque d'Angleterre augmentent considérablement leurs achats des bons
émis par leurs propres gouvernements, et les deux monnaies plongent du fait de l'emballement de la
planche à Dollars et à Livres, provoquant une hausse très forte de l'Euro, du Yuan, du Real, … et d'un tas
d'autres devises. En fait, le Dollar et ses devises affiliées s'effondrent avec la Livre face aux autres
monnaies mondiales. La dévaluation à laquelle rêve nombre de dirigeants américains, pour éponger d'un
coup de « baguette magique » la dette publique US et relancer les exportations, est ainsi réalisée. Et ils
peuvent jouer les victimes des méchants chinois, russes, etc... facilitant au passage l'adoption de mesures
protectionnistes pour essayer de relancer l'industrie US et l'emploi américain. Bien entendu, dans ce
processus, les Américains verront leur pouvoir d'achat brutalement amputé de 50%, mais il n'est pas
certain que grand-monde s'en soucie vraiment à New York et Washington72.
Evolution des déficits/excédents budgétaires du mois d'Avril aux Etats-Unis (1981-2009) - Avril 2009 est
le premier mois d'Avril déficitaire en 26 ans (sachant qu'Avril est traditionnellement le mois d'excédent le plus
important) - Sources: US Treasury Department, Casey Research, 06/2009
69 La France, bien que très loin derrière les Etats-Unis et le Royaume-Uni, va aussi contribuer à cet excès d'emprunts publics en 2009
et les années suivantes. Source : Le Monde, 18/05/2009
70 Source : Financial Times, 18/05/2009
71 Source : Bloomberg, 15/06/2009
Soit Barack Obama, Timothy Geithner et Ben Bernanke doivent annoncer à la télévision que le Dollar US
est dévalué de 30 à 50% par rapport aux grandes devises mondiales pour faire face à l'incapacité du
gouvernement américain à rembourser les détenteurs de Bons du Trésor73 (n'oublions pas que les
détenteurs de Bons du Trésor US, Chinois en-tête, ont entrepris de vendre leurs bons à moyen et long
termes pour les transformer en bons à trois mois). C'est l'option « nouveau Dollar » déjà évoquée par
LEAP/E2020 dans de précédents numéros du GEAB.
Les BRIC ont des natures et des intérêts très divers. Mais ce qui les rassemble est en revanche très
puissant : c'est la volonté d'accroître leur place dans le système de gouvernance mondiale et le sentiment
qu'ils n'y parviendront qu'ensemble. Ils ont compris que désormais l'Occident en général, et les Etats-Unis
en particulier ont un besoin vital des capitaux qu'ils possèdent pour survivre, une compréhension qui ne
peut qu'alimenter une réflexion stratégique où les pertes à court terme sont les gains à moyen terme.
En ce sens, pour l'Union européenne, censée être plus ouverte à un monde en évolution, c'est un échec
majeur que de ne pas avoir su intégrer les préoccupations de ces quatre puissances dans sa propre
stratégie. Et pour les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Japon, c'est un échec majeur que de ne pas avoir
pu empêcher l'émergence de ce pôle géopolitique : nouvel indice de l'affaiblissement rapide de leur
influence sur le système mondial74.
Pour notre équipe, l'une des conséquences géopolitiques majeures de cette évolution est l'autonomie
croissante de certains acteurs régionaux qui vont y trouver une marge de manoeuvre nouvelle qui avait
disparu depuis la « Guerre froide ». L'instabilité des régions explosives de la planète va donc croître dans
les mois à venir car chaque mois apporte un signe plus clair de l'effacement de la toute-puissance
américaine de ces vingt dernières années. Nul doute que cela aura notamment une influence à la hausse
sur les prix de l'énergie.
D'ailleurs, sur fond de cessation de paiement US et britannique et de forte baisse du Dollar, il est certain
que les prix des matières premières libellés en Dollar US et en Livre sterling vont s'accroître, même si,
rapportés aux autres devises, leurs cours peuvent stagner voire baisser du fait de la poursuite de la
récession. C'est donc un marché qui va devenir de plus en plus difficiles à anticiper, ce que ne va pas
aider les entreprises déjà en plein marasme.
73 Actuellement ils font le tour du monde pour quémander l'achat de leurs bons du trésor. Source : Europac, 05/06/2009
74 Source : Telegraph, 02/06/2009
Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, avec une devise en chute libre et une création monétaire
surdimensionnée75 par rapport à une économie qui se contracte, la situation ne peut que déboucher sur
une très forte inflation (voire une hyperinflation momentanée)76. Heureusement, du fait de la nature peu
stratégique de leurs exportations (à la différence de l'énergie ou des matières premières), cette inflation
sera peu exportable et largement compensée, pour les autres pays, par l'effet déflationniste des
appréciations des autres devises.
75 Une réflexion intéressante sur la masse monétaire : AgoraVox, 27/01/2009
76 Les achats d'or se multiplient pour se protéger de cette inflation à venir. Source : Telegraph, 12/06/2009
72 De manière significative, un nombre croissant d’Américains s'inquiète des perspectives internes du pays ; et des livres comme
« Getting out : your guide to leaving America » (« Sortir : votre guide pour quitter l'Amérique ») connaissent un succès croissant.
Source : Amazon.
Japon.
58 Dans l'immobilier américain c'est exactement ce qui est en train de se produire : la hausse des taux (malgré l'action inverse de la
Fed) liée aux craintes sur les capacités d'emprunts de l'état fédéral dissuade les acheteurs potentiels.

1° Graphique : Dépenses du lobby bancaire aux Etats-Unis (1999 - 03/2009) / 2° Graphique : Contributions des
comités bancaires de financements des partis lors des cycles électoraux US (1998 – 04/2009) - Sources : Open
Secrets / CQ-Moneyline / New York Times, 06/2009
Et pour finir la série, les faillites bancaires vont revenir sur le devant de la scène aux Etats-Unis, au
Royaume-Uni, en Europe et au Japon d'ici la fin de l'été 2009 car toutes ces faillites d'entreprises, de
collectivités publiques et de ménages touchés par le chômage constituent autant d' « actifs toxiques » qui
sont actuellement comptabilisés positivement dans le bilan des banques59. D'ici un trimestre, ce seront de
nouvelles « bombes financières »60.
Last but not least, couplée avec la vague de chômage massif, cette déferlante de faillites va
considérablement accélérer la montée du protectionnisme dès la fin de l'été 2009, sachant que cette
tendance est déjà bien tangible aujourd'hui aux Etats-Unis, en Chine, en Australie, en France, …
59 Sources : Wall Street Journal, 19/05/2009 ; Washington Post, 22/05/2009 ; Financial Times, 28/05/2009 ; Wall Street Journal,
05/06/2009 ; GlobalEconomicAnalysis, 14/06/2009 ; Yahoo/Reuters, 08/06/2009 ; Yahoo/Reuters, 08/06/2009 ; MarketWatch,
09/06/2009 ; USAToday, 12/06/2009 ; USAToday, 15/06/2009 ; TimesOnline, 14/06/2009
60 LEAP/E2020 souligne à nouveau que les « actifs toxiques » sont d'autant plus nombreux et importants qu'ils proviennent de pays
au coeur du système économique et financier actuellement en train d'imploser : le prêt immobilier ou le prêt à l'entreprise, aux Etats-
Unis ou au Royaume-Uni notamment, est plus dangereux que celui du même type en Europe de l'Est, en Chine ou en Amérique
latine car il n'a pas été jugé comme tel à l'origine. Alors que dans les pays émergents, les institutions financières ont en général été
plus méfiantes et que ces prêts ont beaucoup moins été utilisés pour financer des activités de « bulle ».
La vague de la crise terminale des Bons du
Trésor US, du Dollar et de la Livre, et du retour
de l'inflation
Le premier Sommet des BRIC à Ekaterinebourg destiné à savoir quoi faire de ses réserves en Dollars US
et en T-Bonds61, la baisse des réserves chinoises en Bons du Trésor US62, l'appel de l'Organisation de
Coopération de Shanghai63 pour la création d'une nouvelle devise internationale de réserve64,
l'impuissance de la Fed à empêcher la baisse du prix des Bons du Trésor US65 et la hausse connexe des
taux d'intérêts, les inquiétudes dorénavant systématiques à la veille des ventes de Bons du trésor partout
sur la planète (et en particulier pour les pays à risque dont les Etats-Unis et le Royaume-Uni font
désormais partie), les variations de plus en plus brutales des cours des devises sur fond de dépréciation
régulière du Dollar US, la crainte des Européens d'un euro bondissant à des niveaux incompatibles avec
leurs exportations, la crise généralisée au Royaume-Uni touchant la politique, la finance, l'économie, la
monnaie,… tous ces éléments sont autant de nuages noirs qui s'accumulent à l'horizon de l'été 2009. Et,
pour LEAP/E2020, ils constituent la troisième vague (la troisième composante des « soeurs » si
dangereuses pour les navires) qui va entraîner à la fin de l'été le double phénomène de cessation de
paiement des Etats-Unis et de recours au FMI du Royaume-Uni ; et, d'ici la fin de l'année, le début de la
phase de dislocation géopolitique mondiale.
Evolution des montants d'émission d'emprunts publics pour les Etats-Unis, l'Eurozone et le Royaume-
Uni (2005-2010 prévision) - Le Royaume-Uni émettra en 2009 une dette quatre fois supérieure à celle de 2005 -
Les prévisions 2009/2010 sont estimées en fonction des chiffres officiels qui ont tous sous-estimer l'ampleur et la
durée de la crise et des baisses de recettes fiscales (note de LEAP/E2020) - Source : CitiGroup, 06/2005
61 Source : China Daily, 16/06/2008
62 Source : China Daily, 16/06/2009
63 Une institution désormais mûre. Source : Asia Times, 13/06/2009
64 Source : RiaNovosty, 16/06/2009
65 Leurs détenteurs, notamment des bons à long terme, ont perdu entre 20% et 30% en un an. Source : Seeking Alpha, 18/06/2009
En effet, ce premier sommet des BRIC, dont il n'est pas difficile d'imaginer combien il a dû être difficile à
organiser, constitue un premier signe de dislocation du système international actuel. Non seulement les
Etats-Unis ont dû tout faire pour empêcher sa tenue, mais ils se sont en plus vus refuser la présence en
tant qu’observateur, un signe clair que ce qui s'y est dit n'était pas destiné à être diplomatique. Et le sujet
central n'était certainement pas un problème militaro-stratégique, mais bien une question monétarofinancière
: que faire des centaines de milliards de Dollars US (sous forme de Bons du Trésor notamment)
accumulés par ces quatre pays au cours des années récentes ?
Chinois et Russes ont pu déjà constater que leurs Dollars ne sont pas forcément les bienvenus aux Etats-
Unis, en Europe ou en Australie s'ils cherchent à investir dans des actifs « stratégiques »66. Avec les
Brésiliens et les Indiens, ils ont donc multiplié les accords de swaps dans leurs devises (et ce sommet va
accroître cette tendance) et ils tentent d'acheter en Dollars tout ce qu'ils peuvent tant que certains pays
acceptent de vendre leurs richesses en échange de cette devise. Mais ils savent tous très bien, d'une part,
qu’ils ont beaucoup trop de Dollars pour pouvoir les dépenser utilement puisque l'économie américaine se
contracte et que la Fed a entrepris de créer des centaines de milliards de nouveaux Dollars; et, d'autre
part, que la méfiance s'installe vis-à-vis de cette devise et de ses actifs liés. C'est pour cette raison qu'ils
ont décidé de commencer à s'acheter mutuellement des bons du trésor pour sortir de leur dépendance
des Bons du Trésor US67. Il ne s'agit pas à ce stade de vendre des Bons du Trésor US ; mais c'est un coup
direct porté aux ventes futures de T-Bonds.
Pour LEAP/E2020, ce sommet Ekaterinebourg est probablement le dernier effort avant rupture68. Si les
demandes qui en sont issues concernant la réorganisation plus rapide et plus profonde des droits de vote
au sein du FMI et des autres grandes organisations internationales ne sont pas acceptées et mises en
oeuvre rapidement par les Etats-Unis, les Japonais et les Européens, alors le prochain sommet des BRIC
sera un sommet de rupture, mettant en place des stratégies indépendantes, voire contraires à celles du
trio USA/Japon/UE.
66 Source : Reuters, 10/06/2009
67 Source : Bloomberg, 16/06/2009
68 Les demandes chinoises se font de plus en plus pressantes concernant une garantie américaine sur leurs avoirs libellés en Dollars.
Sans réponse positive (et il semble impossible qu'il y en ait une), la confrontation est inévitable. Source : China Daily, 15/06/2009
Avec un volume d'émission de Bons du Trésor US qui est désormais passé à plus de 100 Milliards par mois
(contre des pics à seulement 10 milliards par mois auparavant), le rythme de la rupture s'impose
naturellement. Comme anticipé par LEAP/E2020 dans des GEAB précédents, c'est à la fin de l'été 2009
que la conjonction des besoins incontrôlés de financements des Etats-Unis et du Royaume-Uni (accrus par
ceux des autres pays69) et de la méfiance croissante des acheteurs potentiels va atteindre son moment de
vérité : le besoin de financements va passer de 1.600 Milliards en 2008 à 2.600 Milliards en 200970. Et ce
moment de vérité ne peut prendre qu'une seule forme générale : le refus des acheteurs de continuer à
accumuler les Bons du Trésor US et les Gilts britanniques. Et en ce sens, la décision des BRIC de s'acheter
leurs bons du trésor mutuels est un premier signe que cette « grève des acheteurs de Bons du Trésor
US » en train de s'étoffer71.
A partir de là, soit la Fed et la Banque d'Angleterre augmentent considérablement leurs achats des bons
émis par leurs propres gouvernements, et les deux monnaies plongent du fait de l'emballement de la
planche à Dollars et à Livres, provoquant une hausse très forte de l'Euro, du Yuan, du Real, … et d'un tas
d'autres devises. En fait, le Dollar et ses devises affiliées s'effondrent avec la Livre face aux autres
monnaies mondiales. La dévaluation à laquelle rêve nombre de dirigeants américains, pour éponger d'un
coup de « baguette magique » la dette publique US et relancer les exportations, est ainsi réalisée. Et ils
peuvent jouer les victimes des méchants chinois, russes, etc... facilitant au passage l'adoption de mesures
protectionnistes pour essayer de relancer l'industrie US et l'emploi américain. Bien entendu, dans ce
processus, les Américains verront leur pouvoir d'achat brutalement amputé de 50%, mais il n'est pas
certain que grand-monde s'en soucie vraiment à New York et Washington72.
Evolution des déficits/excédents budgétaires du mois d'Avril aux Etats-Unis (1981-2009) - Avril 2009 est
le premier mois d'Avril déficitaire en 26 ans (sachant qu'Avril est traditionnellement le mois d'excédent le plus
important) - Sources: US Treasury Department, Casey Research, 06/2009
69 La France, bien que très loin derrière les Etats-Unis et le Royaume-Uni, va aussi contribuer à cet excès d'emprunts publics en 2009
et les années suivantes. Source : Le Monde, 18/05/2009
70 Source : Financial Times, 18/05/2009
71 Source : Bloomberg, 15/06/2009
Soit Barack Obama, Timothy Geithner et Ben Bernanke doivent annoncer à la télévision que le Dollar US
est dévalué de 30 à 50% par rapport aux grandes devises mondiales pour faire face à l'incapacité du
gouvernement américain à rembourser les détenteurs de Bons du Trésor73 (n'oublions pas que les
détenteurs de Bons du Trésor US, Chinois en-tête, ont entrepris de vendre leurs bons à moyen et long
termes pour les transformer en bons à trois mois). C'est l'option « nouveau Dollar » déjà évoquée par
LEAP/E2020 dans de précédents numéros du GEAB.
Les BRIC ont des natures et des intérêts très divers. Mais ce qui les rassemble est en revanche très
puissant : c'est la volonté d'accroître leur place dans le système de gouvernance mondiale et le sentiment
qu'ils n'y parviendront qu'ensemble. Ils ont compris que désormais l'Occident en général, et les Etats-Unis
en particulier ont un besoin vital des capitaux qu'ils possèdent pour survivre, une compréhension qui ne
peut qu'alimenter une réflexion stratégique où les pertes à court terme sont les gains à moyen terme.
En ce sens, pour l'Union européenne, censée être plus ouverte à un monde en évolution, c'est un échec
majeur que de ne pas avoir su intégrer les préoccupations de ces quatre puissances dans sa propre
stratégie. Et pour les Etats-Unis, le Royaume-Uni et le Japon, c'est un échec majeur que de ne pas avoir
pu empêcher l'émergence de ce pôle géopolitique : nouvel indice de l'affaiblissement rapide de leur
influence sur le système mondial74.
Pour notre équipe, l'une des conséquences géopolitiques majeures de cette évolution est l'autonomie
croissante de certains acteurs régionaux qui vont y trouver une marge de manoeuvre nouvelle qui avait
disparu depuis la « Guerre froide ». L'instabilité des régions explosives de la planète va donc croître dans
les mois à venir car chaque mois apporte un signe plus clair de l'effacement de la toute-puissance
américaine de ces vingt dernières années. Nul doute que cela aura notamment une influence à la hausse
sur les prix de l'énergie.
D'ailleurs, sur fond de cessation de paiement US et britannique et de forte baisse du Dollar, il est certain
que les prix des matières premières libellés en Dollar US et en Livre sterling vont s'accroître, même si,
rapportés aux autres devises, leurs cours peuvent stagner voire baisser du fait de la poursuite de la
récession. C'est donc un marché qui va devenir de plus en plus difficiles à anticiper, ce que ne va pas
aider les entreprises déjà en plein marasme.
73 Actuellement ils font le tour du monde pour quémander l'achat de leurs bons du trésor. Source : Europac, 05/06/2009
74 Source : Telegraph, 02/06/2009
Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, avec une devise en chute libre et une création monétaire
surdimensionnée75 par rapport à une économie qui se contracte, la situation ne peut que déboucher sur
une très forte inflation (voire une hyperinflation momentanée)76. Heureusement, du fait de la nature peu
stratégique de leurs exportations (à la différence de l'énergie ou des matières premières), cette inflation
sera peu exportable et largement compensée, pour les autres pays, par l'effet déflationniste des
appréciations des autres devises.
75 Une réflexion intéressante sur la masse monétaire : AgoraVox, 27/01/2009
76 Les achats d'or se multiplient pour se protéger de cette inflation à venir. Source : Telegraph, 12/06/2009
72 De manière significative, un nombre croissant d’Américains s'inquiète des perspectives internes du pays ; et des livres comme
« Getting out : your guide to leaving America » (« Sortir : votre guide pour quitter l'Amérique ») connaissent un succès croissant.
Source : Amazon.