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13 septembre 2009 7 13 /09 /septembre /2009 20:57
Samedi 12 septembre 2009

  vaccin-police-j.jpg

 

 

Une consoeur me dit qu’il y a eu un cas de grippe A/H1N1 dans une crèche de sa ville (Istres).  La sanction est tombée comme un couperet : fermeture de la crèche.

Ma consoeur a une fille en bas âge, qu’elle confie à une nounou. Or, les nounous de la ville d’Istres se réunissent régulièrement dans les différentes crèches de la ville, où des activités sont prévues à leur intention.

Las ! Dès que les autorités ont appris l’existence d’un cas de grippe, les activités ont été suspendues dans toutes les crèches de la ville. Et les réunions interdites.

Sauf que les nounous de la ville d’Istres semblent avoir plus d’un tour dans leur sac : elles ont décidé de se réunir dans l’un des parcs de la ville.

- Une crèche sauvage ! a soupiré ma consoeur.

Comme la pandémie de grippe est partie pour durer, il est à prévoir qu’à la re-ouverture de la crèche, d’autres cas de grippe seront au rendez-vous. Avec son corollaire : nouvelle fermeture, évidemment.

Re-ouverture. Nouveaux cas… Re-fermeture !

Jusques à quand ?

Entendu aux infos : Castries, dans l’Hérault, 850 élèves renvoyés chez eux parce que deux cas de grippe A/H1N1 ont été signalés dans l’établissement. Re-ouverture du collège le 21 septembre. Que va-t-il se passer si deux autres élèves trébuchent au milieu des virus le 22 ?

 

Je travaille dans un Centre Médical. Six médecins généralistes, vingt-deux spécialistes vacataires.

 

10 septembre : C’est mon jour de repos. Je suis sollicité pour remplacer une consoeur « malade ».

J’accepte.

La salle d’attente est bondée.

Premiers patients, premiers symptômes: courbatures, fatigue, frissons, fièvre… Rien de bien méchant, un tableau connu, récurrent. Dans notre jargon, nous appelons ça un « syndrome grippal ».

Que faire ?

Si je me plie aux instructions officielles, tout patient porteur d’un syndrome grippal doit quitter mon cabinet nanti d’un masque.

Non pas celui de Zorro, mais celui des Dalton (ou de tonton Picsou).

Et comme mes patients ont été en contact avec les autres patients de la salle d’attente, je devrais mêmement imposer l’accessoire Picsou à la trentaine de personnes qui fulmine en attendant son tour. Il y a aussi des enfants qui chahutent dans un coin. Comment vais-je pouvoir leur accrocher un truc pareil devant le nez !

 

J’ai proposé un masque à un patient. Il a écarquillé les yeux. Un second : la patiente s’est esclaffée. Pro ou prou, tous ceux à qui j’ai tendu l’objet ont eu cette réflexion :

 

- Vous voulez qu’on nous prenne pour des pestiférés, ou quoi ?

 

Voilà le maître mot :

 

La peste !

  Satellite.jpeg

J’ai bien dit la peste.

Il n’y a pourtant rien à voir entre le bacille de Yersin –  responsable de la peste – , et le virus de la grippe A/H1N1. Le premier est véhiculé par le rat (Rattus Rattus), qui le transmet à l’homme par l’intermédiaire de ses puces (Nosopsylles fasciatus). Le second, qui a d’abord pris ses quartiers chez des porcs mexicains (scrofa domesticus), a franchi le pas et s’est développé chez Homo Erectus sans l’aide d’aucune puce, même pas des fameuses puces sauteuses mexicaines.

En rentrant chez moi, après avoir débité une bonne vingtaine de fois – sans masque – la phrase assassine : « Ouvrez la bouche et dites Ah ! » , j’ai fermé les yeux et j’ai fait le point : aucun doute possible, j’ai bel et bien côtoyé le redoutable H1N1 !

Et parce que mes patients avaient répété le mot « pestiférés », j’ai repensé à la peste.

L’idée m’est venue de jeter un œil sur des documents relatant celle qui a décimé Marseille en l’an de grâce 1720.

La fameuse peste de Marseille.

 

J’ai fouillé dans les archives, dans les Mémoires de nos vieux confrères.

Et j’ai trouvé.

Trouvé quoi ? Des renseignements surprenants. Avec un frisson dans le dos, j’ai exhumé des détails sur ce lointain – et pourtant si proche dans les mémoires – mois de mai 1720, lorsqu’un bateau en provenance de Syrie, Le Grand Saint-Antoine, a jeté son ancre dans le port de Marseille.

 

Une histoire étrange.

J’ai parcouru ces pages jaunies par les ans en songeant à la grippe A(H1N1).

Je ne peux m’empêcher de la raconter. 

 

  Satellite-1.jpeg

 (Allégorie de la Peste, peintre anonyme, XVs.)

LA PESTE DE MARSEILLE :

 

Si vous entrez dans Marseille par les quartiers Nord, regardez sur votre gauche, vous verrez une murette en pierre sèche, noircie par les incendies de forêt, qui coupe la colline d’Est en Ouest. Elle fait partie des ouvrages construits en 1720 et destinés à isoler la ville. Des dizaines de kilomètres… qui ceinturaient la ville pour empêcher non pas d’y entrer, mais d’en sortir !

 

Que s’est-il passé ?

 

25 mai 1720

Le Grand Saint-Antoine,  un vaisseau marseillais commandé par le capitaine Chataud, arrive dans le Vieux-Port. Il vient de Tripoli, en Syrie, avec escale à Libourne. A son arrivée, le capitaine raconte aux intendants de santé que six hommes d’équipage sont morts pendant la traversée, que trois autres ont succombé à Libourne. Mais il produit un certificat signé par plusieurs médecins de cette ville attestant que la maladie des trois matelots était une fièvre maligne.

Deux jours après l’arrivée du vaisseau, tandis qu’on travaille au débarquement, meurt un autre matelot.

Gayrard, premier chirurgien de la santé, examine le cadavre et déclare qu’il ne porte aucune trace de peste. Cette conclusion, qui va dans le sens de ce que les administrateurs du port attendent, réjouit les échevins (magistrats de la ville).

Car la foire de Baucaire approche.

La cargaison du Grand Saint-Antoine – des tissus précieux d’une valeur de 100.000 écus – est destinée, justement, à la foire de Beaucaire. Et les échevins sont chargés de veiller à ce qu’elle arrive à bon port.

On place le Grand Saint-Antoine en quarantaine douce, non en quarantaine stricte, ce qui permet d’accélérer la procédure.

Pendant ce temps, des lots de tissu précieux quittent le Grand Saint-Antoine. C’est l’œuvre de contrebandiers, qui passent à travers les mailles – fort lâches –de la quarantaine. La corruption règne en maître sur le port de Marseille.

Or, des puces porteuses de la peste se trouvent dans les plis des tissus ( et non sur des rats).

 

12 juin 1720

Le garde de quarantaine sur le vaisseau du capitaine Chataud, meurt. Gayrard visite le cadavre et déclare qu’il ne présente aucune marque de « venin pestilentiel ».

 

20 juin 1720

Une lavandière de la rue Belle-Table, meurt bizarrement : elle a un « charbon sur les lèvres ». Mais les médecins ne relèvent pas ce détail. Personne ne pense à la fameuse « Peste Noire », dont le souvenir est si présent dans les esprits, qu’une procession est célébrée tous les ans le 16 août, jour de la Saint-Roch («protecteur de la peste »). On sait que pour rien au monde les Marseillais ne renonceraient à cette procession !

Mais la « Peste Noire » date du Moyen-Age, et les médecins n’ont pas l’habitude de fréquenter les processions. Personne n’évoque à la Peste.

Personne, sauf Peyssonnel père et fils.

 

1er juillet 1720

Les Peyssonnel sont appelés au chevet d’un jeune homme nommé Eyssalène, rue Jean Galant, près la place de Lenche. Leur diagnostic tombe comme un couperet : charbon sur le nez et les lèvres, bubons.

La peste !

Peyssonnel père et fils se précipitent à l’Hôtel de Ville dire aux quatre échevins, Estelle, Moustiers, Audimar et Dieudé, qu’ils viennent de soigner un jeune homme frappé de la peste. Ils sont reçus par Dieudé, qui les accueillit fort mal. Et pour cause : il est en conférence avec des envoyés de Beaucaire !

Peyssonnel père et fils quittent le Vieux-Port – où est sis l’Hôtel de Ville – , en se demandant s’il faut hurler, pleurer, ou ameuter la ville : Ils viennent d’annoncer que la peste est dans Marseille, et les échevins se contentent de leur montrer la porte !

Le lendemain, Eyssalène rend l’âme.

La femme qui l’a soigné meurt deux jours plus tard, le charbon aux lèvres.

Les médecins concluent à une maladie contagieuse.

Mais le « charbon aux lèvres » se glissa dans d’autres quartiers : il enlève un frippier avec toute sa famille place des Dominicains ; une lavandière, puis une couturière à la rue de l’Oratoire.

Un autre médecin, Sicard, avertit les échevins qu’un mal dangereux frappe Marseille. Mais les échevins ont pris des engagements avec Beaucaire. Il fait très chaud. Les échevins décident que cette maladie contagieuse est le résultat qu’un dérangement saisonnier et d’une mauvaise nourriture.

Au vu de l’entêtement des échevins, Peysonnel fils décide de frapper fort et ailleurs : il va à Aix-en-Provence, Istres, Martigues … et annonce aux magistrats de ces villes que la peste frappe Marseille.

La réaction ne se fait guère attendre : une traînée de poudre. Toutes les villes de la région coupent les ponts avec Marseille. Toutes s’interdisent le moindre commerce avec les Marseillais. On dresse des barrages, on arme des milices, on menace les Marseillais de la pointe des hallebardes !

Marseille n’est plus approvisionnée.

A la peste, dont on ne prononce toujours pas le nom, s’ajoute la disette.

Les malades mourent et les bien portants ont faim.

La ville est au bord de l’émeute.

L’intendant de Provence et le marquis de Vauvenargues, premier procureur du pays, ont avec Estelle, premier échevin, une réunion de travail sur les moyens d’approvisionner la ville. Ils se tiennent quand même à une distance respectable les uns des autres ! Il est décidé qu’on établira deux marchés, l’un du côté d’Aubagne, l’autre sur la route d’Aix. Les Marseillais, séparés des vendeurs par une double barrière, pourront acheter ce dont ils ont besoin sous la surveillance des gardes. On établit un troisième marché à l’Estaque, pour les marchandises en provenance de la mer.

La disette diminue, mais les morts augmentent.

Par une ordonnance du 31 juillet, on expulse de Marseille tous les mendiants étrangers à la ville. Quant aux mendiants marseillais, ils sont parqués dans l’hôpital de la Charité.

A peine de fouet !

Le 1er Août, le médecin Sicard propose d’allumer des feux sur les remparts et sur toutes les places de la ville, et ce à partir de 9 heures du soir, trois jours de suite. Les Marseillais, qui ne savaient plus à quel saint se vouer, allument tous des feux à leur tour devant leurs maisons.

Marseille se recouvre d’une fumée noire et brûlante, qui vient se mêler à l’odeur de mort et des cadavres en décomposition.

Ceux qui ont une maison à la campagne quittent la ville, ceux qui ont une barque, embarquent avec leur famille et jettent l’ancre à la sortie du port.

Il y a bientôt une ville flottante sur la rade.

Les plus pauvres plantent leurs tentes de fortune sur les bords de l’Huveaune ou au pied des remparts.

C’est le chaos.

 

 

(La suite demain )
 

   (Source: Augustin Fabre, Histoire de Marseille, Marius Olive éditeur, Marseille 1829)


http://www.basagana-ramon.com/article-35967959.html


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Dimanche 13 septembre 2009

k0288282.jpg

(photo Internet)



Voici la suite de l'article:

 

 

Que s’est-il passé, à Marseille, au cours de l’été 1720 ?

 

Depuis le mois de mai, un mal pernicieux décime la ville. Le mot peste est sur toutes les lèvres.

peste_002.jpg

 

 (La peste, tableau anonyme du XV siècle)


12 août 1720 :

 

Intrigué par les bruits en provenance du Midi de la France, le duc d’Orléans, régent du royaume, mande quérir deux médecins et un chirurgien de Montpellier. Il leur confie pour mission de déterminer si le mal qui frappe Marseille est vraiment la peste.  

Chicoyneau, Verny et Michel – c’est leur nom –  arrivent par la route d’Aix.

Les échevins – nom donné aux quatre magistrats en charge de la ville –  envoient une voiture d’honneur, qui les conduit à l’Hôtel de ville. Une réunion est prévue avec les médecins et les chirurgiens de la cité.

Verny explique leur mission : le régent, le roi, « veulent savoir ».

Pendant les jours qui suivent, Montpelliérains et Phocéens se rendent dans les hôpitaux, visitent les quartiers… Les signes cliniques sont passés au crible, les lésions comparées à celles que la médecine de l’époque a si bien décrites pendant « la peste noire » de 1348 et 1361. Une seule question hante les esprits :

Est-ce vraiment la « peste noire » ?

 

Le 16 août approche. Ce jour-là, et ce depuis le lointain Moyen-Age, les Marseillais fêtent la Saint-Roch.

 

Né à Montpellier vers 1340, Roch fait des études de médecine dans sa ville natale. A sa majorité, il distribue ses biens aux pauvres et part soigner les pestiférés. La « peste noire » de 1361-1362 décime l’Europe. Atteint lui-même du mal qu’il combat, il se cache dans la forêt pour ne pas contaminer les autres. La légende raconte qu’un chien le nourrit, en lui apportant tous les jours du pain volé à la table de son maître.

Saint Roch est le « patron » de la peste, et l’un des saints les plus populaires du Moyen-Age.

180px-Fete_saint_roch.JPG.jpeg  

(Procession de la Saint-Roch à Montpellier)
Photo Internet 

 

16 août 1720 :

 

Saint Roch.

Les Marseillais préparent le buste du « grand patron de la Peste » et s’apprêtent, comme tous les ans, à le conduire en procession à travers la ville.

Mais les échevins, qui craignent des débordements, interdisent la manifestation. Motif invoqué : éviter une « communication dangereuse » entre les gens.

C’est l’émeute !

Les magistrats manquent être lynchés. Finalement, contraints par la multitude, ils suivent eux aussi la procession… sous la protection non pas de saint Roch, mais des hallebardiers !

 

 

17 août 1720 :

 

Les trois médecins montpelliérains bouclent leurs malles. Leur mission est terminée. Leur diagnostic est sans appel : le mal dont souffrent les Marseillais n’est autre que la peste bubonique ou « peste noire ».

Ils l’annoncent aux échevins.

Pris de panique, ces derniers décident de dissimuler les conclusions Montpelliéraines et affichent un avis certifiant que l’épidémie marseillaise n’est qu’une fièvre contagieuse ; avec les secours qui ne vont pas tarder à arriver de la France entière, elle va définitivement cesser !

Les Marseillais se sentent floués. Ils se déchaînent.

Des bandes de jeunes armés de bâtons cherchent les Montpelliérains pour faire leur peau. Les malheureux esculapes se déguisent en marchants et quittent la ville à la hâte.

 

 

29 août 1720 :

 

Il fait une chaleur épouvantable.

Affaiblis, affamés, croupissant dans la crasse par manque d’eau, les gens tombent comme des fruits pourris.

On enterre par charretées entières.

Des malades sont jetés hors de leurs maisons par les membres encore sains de leur famille. Beaucoup gisent sur les pavés, près des points d’eau. Ceux qui ont quelque force, errent dans les rues.

Du lever au coucher du soleil, Marseille résonne du bruit lancinant des tombereaux.

 

Les échevins ont fait tendre des voiles de bateau au-dessus des places. Les pestiférés y sont entassés pêle-mêle, dans une puanteur abominable. Mais, du moins, sont-ils protégés du soleil !

Des quartiers entiers sont abandonnés. Les cadavres en décomposition, enflés par la chaleur, gisent dans des positions grotesques, obscènes, en travers des rues. Des hordes de chiens affamés se jettent sur les meilleurs morceaux !

La rue Dauphine est si pleine de morts, de hardes infectées et de moribonds, qu’il faut pousser avec un bâton pour poser son pied.

Les vivants ont du mal à survivre.

Il n’y a bientôt plus personne pour s’occuper des morts.

Personne, sauf…

Les échevins !

 

 

31 août 1720 :

 

Par un incroyable renversement de situation, les échevins, jusque-là cloîtrés à l’Hôtel de Ville, décident de descendre dans la rue.

Les témoignages abondent, toutes les sources concordent : les quatre hommes retroussent leurs manches et se portent au secours des pestiférés.

L’un d’eux reste à l’Hôtel de Ville pour expédier les affaires urgentes, les trois autres sont « sur le terrain ».

Mais, que peuvent-ils, même secondés par les bonnes volontés, contre l’amoncellement d’ordures, de morts, de hardes empoissées de pus, qui recouvrent la ville ?

Ils se rendent à la capitainerie des galères et suggèrent de réquisitionner des forçats.

L’idée est bonne.

Aussitôt dit, aussitôt fait : le commandant rassemble les forçats et propose à une centaine d’entre eux de ramasser les cadavres… contre promesse de liberté.

Ils acceptent.

Les retombées sont immédiates : On peut enfin marcher dans quelques rues.

Peu regardants, les forçats jettent les cadavres par les fenêtres. Ça va plus vite ! Et ils ne manquent pas de se servir !

Estelle et Moustiers, les deux premiers échevins chargés de la petite troupe de fossoyeurs, travaillent jour et nuit au ramassage des cadavres.
 

Pendant ce temps, les chanoines de la Major se glissent hors de la ville et se réfugient à la campagne ; ceux des Accoules et beaucoup de prêtres les imitent ; les moines de l’abbaye Saint-Victor se retranchent dans leur abbaye.

  246906.jpg
(Cathédrale La Major)

 

Mais d’autres religieux, dont les Pères Milay et Lever, Jésuites, prodiguent des soins aux pestiférés avec un dévouement qui suscite l’admiration.

Monseigneur Belsunce, évêque de Marseille, est du nombre. Il parcourt inlassablement les rues, apporte son aide aux malades, donne son argent aux nécessiteux, met ses meubles en gage. Il se dépense si bien pour les pestiférés, qu’il parvient à redonner espoir aux survivants, « oubliés » par le reste du pays.

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(Mgr Belsunce pendant la peste de 1720)

Les jours passent et les malades meurent par milliers. On parle de deux mille cadavres sans sépulture !

Et les forçats viennent à manquer.

C’est la désolation !

 

 

6 septembre 1720 :

 

De Rancé, l’intendant des chiourmes accorde 100 nouveaux forçats, 40 gardes, 4 caporaux et 4 officiers de « sifflet » (ceux qui, par un coup de sifflet, avertissent les soldats de ramer).

Ils abattent un travail de titan. Mais il reste encore un millier de cadavres en décomposition à l’esplanade de la Tourette.

Le chevalier Roze, qui mène les opérations, s’y rend à la tête des forçats. Il distribue du vin, en boit lui-même dans son chapeau, fait ceindre ses gens de mouchoirs trempés dans du vinaigre et fait creuser une tranchée. On la remplit de chaux vive.

Comme personne n’ose commencer « le travail », il empoigne lui-même un cadavre par les pieds et le jette dans le fossé.

Le ton est donné.

 

Mais les Marseillais sont seuls.

Marseille est isolée du monde.

La France ne veut pas voir… ferme les yeux, se protège.

 

 

12 septembre 1720 :

 

Le Régent, enfin instruit de la véritable situation de Marseille, touché par les récits qui remontent jusqu’à Versailles, donne le commandement de la ville à Langeron, chef d’escadre des galères.

Et il enjoint les Intendants des provinces de fournir des secours.

C’est le détonateur.

Les dons, d’un coup, affluent de toutes parts. Les villes rivalisent de générosité. Les évêques ordonnent des quêtes, Jean Law – de funeste mémoire – fait un don de 100.000 livres ; des médecins arrivent de toutes parts. Chicoyneau, Verney et Michel, les médecins de Montpellier, reviennent accompagnés du chirurgien du roi.

 

 

21 septembre 1720 :

 

On met le feu au Grand Saint-Antoine, ce trois mâts carré de fabrication hollandaise qui a emmené la peste depuis Tripoli, en Syrie. On brûle ses marchandises sur l’île de Jarre. (Des plongeurs retrouveront son épave calcinée en 1978).

Le capitaine Chataud est enfermé au château d’If.

La peste faiblit.

 

 

9 octobre 1720 :

 

Le pape Clément XI ordonne des prières publiques dans toutes les églises de Rome et assiste lui-même aux processions pour supplier Dieu de venir en aide aux Marseillais. Il met la main à la poche et fait acheter dans la Marche d’Ancône 3500 charges de blé destinées à « la ville martyre ».

 

1er Novembre 1720 :

 

Monseigneur Belsunce traverse la ville nu-pieds, la corde au cou, portant une croix.

Derrière lui, toute la ville de Marseille.

Le cortège se dirige vers la Porte d’Aix. Un autel y est dressé.

L’évêque fait un discours pathétique où il s’offre en victime propitiatoire.

 

La peste est finie.

 

 

4 juin 1755 :

 

Monseigneur Belsunce rend l’âme dans sa bonne ville de Marseille.

On lui fait des funérailles grandioses.

Un « Cours » porte aujourd’hui son nom.

http://www.basagana-ramon.com/article-36030087.html

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