Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
24 mai 2010 1 24 /05 /mai /2010 10:40

 

L’Iran, Sun Tzu et la dominatrice

 

"Lors d'un discours récent au Council on Foreign Relations à Montréal, sa sommité le Dr Zbigniew « Conquérons l'Eurasie » Brzezinski, a averti que l’« éveil à la politique mondiale, » ainsi que les luttes intestines dans l'élite mondiale, représentent quelque chose à redouter sérieusement. L’ancien conseiller à la Sécurité nationale zunienne a fait remarquer que, « pour la première fois dans toute l'histoire humaine, l'humanité est éveillée politiquement – c'est une réalité totalement nouvelle – il n'en a pas été ainsi pendant la plus grande partie de l'histoire humaine. »

      Qui pense être ces nouveaux parvenus éveillés politiquement, comme le Brésil et la Turquie – en osant bouleverser « notre » autorité sur le monde ?"... (..)

 

      Reconnaissons-le, Hillary Clinton est une sacrée dominatrice.


 

      Au début, la Secrétaire zunienne d'État a dit que la médiation brésilienne et turque, visant à faire accepter à l’Iran un échange de combustible nucléaire, était vouée à l'échec. Ensuite, le Département d'Etat a déclaré que c’était la « dernière chance » d’un accord sans sanction. Et enfin, moins de 24 heures après que Téhéran ait accepté l’accord, Hillary a fouetté le Conseil de sécurité jusqu’à ce qu’il se soumette et proclame triomphalement au monde qu’il est parvenu à un projet de résolution de l’ONU en faveur d’une quatrième série de sanctions contre l'Iran.


 

      Elle a monté un coup pour aboutir à des sanctions en « réponse aux efforts entrepris à Téhéran dans les tout derniers jours. » Attendez une minute. Immédiatement après une véritable – et fructueuse – médiation, sur un dossier très sensible, menée par deux puissances émergentes – et des négociateurs honnêtes – du monde multipolaire, le Brésil et la Turquie, Washington et ses deux alliés de l'Union européenne au Conseil de sécurité, la France et la Grande-Bretagne, la torpillent. Est-ce que cela passe pour de la « diplomatie » mondiale ? Pas étonnant que les alliés clefs de la Zunie, le Brésil et la Turquie, deux membres non-permanents du Conseil de sécurité, et deux puissances régionales clés, rageaient après une telle gifle en public. Le Brésil a d'abord dit qu'il ne voulait même pas discuter des sanctions à l'ONU. Puis le Brésil et la Turquie ont envoyé une lettre officielle à l'ONU, lui demandant de participer aux négociations des « Six sur l’Iran » à propos des sanctions, « pour empêcher l'adoption de mesures allant à l’encontre d’une solution pacifique. »


 

      Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva – qui avait personnellement dit à Clinton plus tôt cette année qu'il n'était « pas prudent de mettre l'Iran le dos mur » – ne pouvait que blâmer le Conseil de sécurité désuet, soulignant qu'au bout du compte, il n'était pas disposé négocier. Ahmet Davutoglu, le ministre turc des Affaires étrangères, a averti qu’une nouvelle série de sanctions « gâcherait l'atmosphère. »


 

      Et le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a souligné que la démarche avait gravement compromis la crédibilité du Conseil de sécurité – sans manquer de rappeler à tous, avec une ironie désabusée, l'idée absurde des cinq puissances nucléaires membres permanents du Conseil de sécurité visant à démanteler le programme nucléaire civil et légitime d'un pays en développement.


 

      Quant à « la crédibilité de la Zunie, » elle mord la poussière une fois de plus, non seulement dans la mesure où Lula et Erdogan sont concernés, mais à travers le monde en développement – la chair et le sang véritables de la « communauté internationale, » à la suite de cette comédie interminable.



 

Déchaînement frénétique contre l'enrichissement


 

      Ces tout derniers mois, Clinton la dominatrice* a sans relâche accusé l'Iran de refuser un accord d’échange de combustible similaire à celui proposé par la Zunie en octobre dernier. Cela fait partie du scénario habituel de Washington** – se comporter d’une manière tortueuse typique, en insistant sur des sanctions « n'ayant rien à voir » avec l'enrichissement, puisqu’il y a seulement quelques semaines, l'absence d’accord d'enrichissement était la principale cause d’autres sanctions.
[* Ndt : comme Pepe Escobar a déjà écrit « fouetter » plus haut, il n’y a plus aucun doute. Il compare effectivement la Clinton à la Grosse Lulu de Nantes (le Chameau de Nantes pour les connaisseurs), par exemple.]
[** Ndt : un scénario soigneusement relayé sur France Inter par des « journalistes » comme Bernard Guetta.]


 

      Et il y a pire. Tel que l’a révélé Gareth Porter (Washington brûle les ponts avec l'Iran, Asia Times Online, 21 mai 2010), Washington a proposé un échange de combustible en octobre dernier uniquement parce qu'il voulait dès le départ forcer l'Iran à accepter de suspendre toute activité d'enrichissement (à laquelle il a droit en tant que membre du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Mais ça n'a jamais été dit publiquement.


 

      L'Iran continuera de toute façon à produire de l'uranium enrichi à 20% (il en a le droit d’après le TNP) et va entamer la construction d'une nouvelle installation d'enrichissement de la même taille que celle de Natanz. Elle fait partie du plan de construction de 10 nouvelles installations, annoncé l'an dernier par le gouvernement de Mahmoud Ahmadinejad. Et, par-dessus le marché, la centrale nucléaire de Bushehr construite par les Russes est en cours de test final et sera inaugurée cet été. C’est la réalité incontournable du terrain.


 

      Le secrétaire du Conseil de sécurité national suprême de l'Iran, Saeed Jalili, de facto principal négociateur sur le nucléaire iranien, pourrait rencontrer bientôt en Turquie la chef de la politique étrangère de l'Union européenne, Catherine Ashton. Ashton, la négociatrice désignée par la « communauté internationale, » est aussi représentative de l'opinion publique mondiale que l’est un communiqué de presse de BP à propos de l’inondation de pétrole dans le Golfe du Mexique. Spécialement parce que l'UE est obligée de délivrer ses propres sanctions unilatérales contre l'Iran. Pareil pour le Congrès de Zunie, comme l’a confirmé cette semaine le sénateur démocrate du Connecticut, Chris Dodd. Mis à part le Conseil de sécurité, l'Iran devra également écoper de sanctions supplémentaires de la part d’une coalition sous direction zunienne, celle des larbins européens de droite bien disposés, embourbés dans le déclin.



 

La Chine et la Russie manient du Sun Tzu


 

      L’ancien général de l’armée chinoise, le stratège, philosophe et auteur de L'Art de la guerre, Sun Tzu disait : « Permettez à vos ennemis de faire des erreurs, et ne le corrigez pas. » La Chine et la Russie, les deux maîtres stratèges, appliquent cette maxime avec brio en ce qui concerne la Zunie.


 

      Le projet actuel de résolution de sanctions de 10 pages de l'ONU a déjà été extrêmement édulcoré par les membres permanents, Russie et Chine – et quels que soient les reliquats de discours belliqueux, ils seront encore démontés au Conseil de sécurité par les membres non-permanents, Brésil, Turquie et Liban (sans l’unanimité au Conseil de sécurité, les nouvelles sanctions sont mortes à toutes fins pratiques). Si l'Iran s’engage effectivement à coopérer, Washington n’a aucun moyen de contraindre le reste du Conseil de sécurité à ratifier une nouvelle série de sanctions.


 

      Tel que ça se présente, la nouvelle série de sanctions tape dur sur les importations d'armes classiques de l'Iran ; freine les importations en rapport avec les missiles balistiques ; gèle les avoirs de membres clés du corps des Gardiens de la Révolution islamique ; et organise des inspections de fret dans les ports maritimes et dans les eaux internationales. Ces sanctions sont en majorité spontanées – ou non-contraignantes – et n’auront aucune interférence sur le commerce mondial pétrolier et gazier de l'Iran.


 

      Beijing et Moscou ne se contentent pas juste de lécher le fouet de Clinton. Immédiatement après son annonce ampoulée, l'ambassadeur chinois à l'ONU, Li Badong, a déclaré que le projet de résolution « ne doit pas fermer la porte à la diplomatie, » mettant une fois encore l'accent sur « le dialogue, la diplomatie et la négociation. »


 

      Et le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, s’est assuré de parler au téléphone avec Clinton, plaidant pour une analyse plus approfondie de l'accord d’échange de combustible dans lequel le Brésil et la Turquie ont servi de médiateurs. M. Lavrov a aussi souligné que la Russie n'avait pas du tout aimé les sanctions unilatérales supplémentaires de la Zunie et de l'UE. Il a déclaré que les sanctions unilatérales incluraient des mesures « de nature extraterritoriale, dépassant les décisions prises par la communauté internationale et en contradiction avec le principe de primauté du droit international, faisant partie intégrante de la Charte des Nations Unies. »


 

      Nous en sommes arrivés comme ça à une situation où un véritable échange de combustible nucléaire approuvé par Iran est envisagé à l'Agence internationale de l’énergie atomique, pendant qu’une croisade de sanctions contre l'Iran est en chantier à l'ONU. À qui la vraie « communauté internationale » fera-t-elle confiance ? Erdogan n'aurait pas pu mieux dire : « C'est le moment de discuter de la question de savoir si nous croyons en la suprématie de la loi ou si la loi des suprématies et supérieure... »


 

      Ce que voit la grande majorité, le monde en développement, c'est le passé – Zunie, France, Grande-Bretagne, Allemagne – en lutte contre le développement de l'avenir – Chine, Inde, Brésil, Turquie, Indonésie. L'architecture de la sécurité mondiale – assurée par une bande d’affreux, de gardiens occidentaux auto-proclamés – est comateuse. Les Atlantistes occidentaux sont en train de couler façon Titanic.



 

Nous voulons la guerre et nous la voulons tout de suite


 

      Seul le puissant lobby zunien en faveur de la guerre perpétuelle est capable de décrire la première étape d’un accord nucléaire avec l'Iran comme un désastre. Ça inclut des journaux largement discrédités, favorables à la guerre en Irak, le New York Times (la médiation du Brésil et de la Turquie « complique les pourparlers sur les sanctions ») et le Washington Post (l’Iran « crée l'illusion d’un progrès dans les négociations nucléaires »).


 

      Pour le lobby pro-guerre, la médiation du Brésil et de la Turquie pour l’échange de combustible, constitue une « menace » car il est sur une trajectoire de collision avec l’attaque contre l'Iran (lancée par Israël et entraînant ensuite la Zunie) et le « changement de régime » – un caprice que Washington n'a jamais renié.


 

      Lors d'un discours récent au Council on Foreign Relations à Montréal, sa sommité le Dr Zbigniew « Conquérons l'Eurasie » Brzezinski, a averti que l’« éveil à la politique mondiale, » ainsi que les luttes intestines dans l'élite mondiale, représentent quelque chose à redouter sérieusement. L’ancien conseiller à la Sécurité nationale zunienne a fait remarquer que, « pour la première fois dans toute l'histoire humaine, l'humanité est éveillée politiquement – c'est une réalité totalement nouvelle – il n'en a pas été ainsi pendant la plus grande partie de l'histoire humaine. »


 

      Qui pense être ces nouveaux parvenus éveillés politiquement, comme le Brésil et la Turquie – en osant bouleverser « notre » autorité sur le monde ? Et puis le Zunien mal informé continue à se demander : « Pourquoi nous détestent-ils ? » Parce que, entre autres raisons, sectaire jusqu’au trognon, Washington n'hésite guère à faire un bras d’honneur, même à ses amis les plus proches.



 

      Pepe Escobar est l'auteur de Globalistan: How the Globalized World is Dissolving into Liquid War et de Red Zone Blues: a snapshot of Baghdad during the surge. Son nouveau livre, tout juste sorti, est Obama does Globalistan. Il est joignable à l’adresse pepeasia@yahoo.com.



 

Original : www.atimes.com/atimes/Middle_East/LE22Ak01.html
Traduction copyleft de Pétrus Lombard

 

http://www.alterinfo.net/L-Iran-Sun-Tzu-et-la-dominatrice_a46473.html

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Le blog d' Eva, R-sistons à la crise
  • : Tout sur la crise financière, économique, sanitaire, sociale, morale etc. Infos et analyses d'actualité. Et conseils, tuyaux, pour s'adapter à la crise, éventuellement au chaos, et même survivre en cas de guerre le cas échéant. Et des pistes, des alternatives au Système, pas forcément utopiques. A défaut de le changer ! Un blog d'utilité publique.
  • Contact

Recherche