8 février 2010
1
08
/02
/février
/2010
10:41
Exclusif: 5 millions de locataires virés en 13 ans !
Emmanuel Lévy- Marianne | Lundi 8 Février 2010 à 05:01 | Lu 2606 fois
Comme chaque année, le scandale du logement refait surface avec la publication du rapport annuel de la fondation Abbé-Pierre : il manque un million de logements en France, mais la crise touche maintenant les classes moyennes : entre 1998 et 2009, près de 5 millions de personnes ont dû se trouver un nouveau toit, chassées par des hausses de loyers insoutenables ou des congés pour ventes.
Cela aurait pu être pire : on a oublié que Nicolas Sarkozy avait proposé en 2006, comme réponse à la crise du logement, de « rendre possible l’accès à la propriété pour tous », via la généralisation du crédit hypothécaire, une sorte de cousin germain des fumeux prêts subprimes américains.
Exécrable solution. Heureusement, les banquiers - pour une fois bien inspirés - avaient traîné des pieds et la crise déclenchée par ces produits financiers, a conduit le président à répudier son « idée géniale » et faire dans le classique: l’aide à l’accès à la propriété via une déduction fiscale des intérêts de l’emprunt. Cette solution a, depuis longtemps, montré son inefficacité. Elle renchérit les prix de l’immobilier. Elle ne créée pas un logement. Mais elle a l’immense avantage, comme la plupart des arbitrages fiscaux qui lui feront suite (bouclier fiscal, TVA réduite dans la restauration, baisse de l’impôt sur les successions) d’être populaire…dans la clientèle électorale de l’UMP.
Elle n'allège en rien l’énorme étreinte que constituent désormais loyers et traites dans le budget des ménages : 25 % de leurs dépenses, contre 20 % à la fin des années 1980, et moins de 11% en 1960.
Exécrable solution. Heureusement, les banquiers - pour une fois bien inspirés - avaient traîné des pieds et la crise déclenchée par ces produits financiers, a conduit le président à répudier son « idée géniale » et faire dans le classique: l’aide à l’accès à la propriété via une déduction fiscale des intérêts de l’emprunt. Cette solution a, depuis longtemps, montré son inefficacité. Elle renchérit les prix de l’immobilier. Elle ne créée pas un logement. Mais elle a l’immense avantage, comme la plupart des arbitrages fiscaux qui lui feront suite (bouclier fiscal, TVA réduite dans la restauration, baisse de l’impôt sur les successions) d’être populaire…dans la clientèle électorale de l’UMP.
Elle n'allège en rien l’énorme étreinte que constituent désormais loyers et traites dans le budget des ménages : 25 % de leurs dépenses, contre 20 % à la fin des années 1980, et moins de 11% en 1960.

Part de la dépense logement (loyer et charges) dans le budget des ménages (Source: Insee)
Les 500 000 personnes privées de domicile, et les 3,5 millions de mal logés, selon le 15 eme rapport de la fondation Abbé-Pierre, ne sont que la partie visible de l’iceberg. Mais toutes les catégories sociales ont été affectés, même les classes moyennes supérieures. Jusqu’au milieu des années 90, celles-ci se croyaient protégées, et même gagnantes dans ce formidable processus de réallocation des richesses. Elles ont vite déchanté, ainsi que le montre Gabrielle Fack, professeur d’économie à l’université Pompeu Fabra à Barcelone. Ses calculs mesurent que le taux d'effort net des ménages moyens est passé de 22 % à 30 % du revenu entre 1998 et 2006 pour les accédants à la propriété et celui des locataires du parc privé de 19 % à 30 %, jusqu’à 40% de Île-de-France !
Le logement, immédiatement vital, n’a pas d’élasticité au prix. Les Français modestes se mettent la corde au cou. En revanche, cette progression est beaucoup moins sensible pour les ménages disposant de hauts revenus. L’effort passe de 18 % à 21 % pour les accédants à la propriété. Un tel choc n’a évidemment pas été sans conséquence sur les arbitrages budgétaires des ménages. Nombre d’entre eux ont du quitter leur quartier et trouver un toit plus clément pour leur portefeuille, et souvent plus loin. Chassés par la hausse des prix, souvent par congé-vente.
Le logement, immédiatement vital, n’a pas d’élasticité au prix. Les Français modestes se mettent la corde au cou. En revanche, cette progression est beaucoup moins sensible pour les ménages disposant de hauts revenus. L’effort passe de 18 % à 21 % pour les accédants à la propriété. Un tel choc n’a évidemment pas été sans conséquence sur les arbitrages budgétaires des ménages. Nombre d’entre eux ont du quitter leur quartier et trouver un toit plus clément pour leur portefeuille, et souvent plus loin. Chassés par la hausse des prix, souvent par congé-vente.
Selon les calculs de Marianne, fondés sur les chiffres du Clameur ce sont prés de 320 000 personnes par an qui ont ainsi été ainsi contraintes de déménager. En douze ans, entre 1996 et 2007, le total atteint 4 millions. Il a continué à s’aggraver de près d’un million depuis 2007. Ce formidable exode, plus rapide que ne le fut l’exode rural d’après guerre, est cependant passé inaperçu mis à part quelques ventes à la découpe, localisées et donc parfois visibles. Il a pourtant naturellement abouti à une intense réallocation spatiale, autrement dit à des millions de déménagements vers des localités éloignées des villes dont les loyers sont plus modéré. La hausse des prix à l’achat, une progression de 2,5 fois depuis 1996, et avec elle celle des loyers, le congé pour vente, ont rebattu les cartes des choix résidentiels et accentué le regroupement, déjà à l’œuvre, des ménages par niveau de revenus. .
Ce dérapage ne doit rien au hasard. La libéralisation des prix, depuis la loi Méhaignerie de 1986, comme les facilités accordées aux congés pour ventes, les fameuse ventes à la découpe, ont créé le « malaise résidentiel », comme l’identifie le 15 eme rapport de la fondation Abbé-Pierre
Le million de logements qui manque à l’appel en France n'est pas pour rien dans cette situation – pénurie que devait justement combler la déréglementation. Ils sont pourtant le (non) produit de 30 ans de politique de logement. L’effort public représente aujourd’hui moins de 2 % du PIB, en constante diminution, et porte pour l’essentiel sur des programmes de soutient à l’investissement locatif comme les funestes Robien ou Borloo qui ne créent pas un logement, tandis que l’offre de logements dans le parc social se raréfie.
Les plans de ventes de HLM de Benoît Apparu, le nouveau ministre en charge du logement, ne font qu’amplifier ce phénomène. Les Français sont regroupés par niveau de revenus. La création de ghettos, et discrimination sociale par le logement s’accélèrent. Derrière apparait la question de l'école, et de la lutte pour l'accès à un enseignement de qualité, le plus souvent niché dans l'hyper centre des agglomérations, comme l’ont montré les travaux du géographe Christophe Guilly, dans son Atlas des nouvelles fractures sociales. Et c'est tant pis pour les classes moyennes reléguées dans les zones périurbaines, comme l'ont démontré deux autres auteurs, Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin, que Marianne2 a déjà évoqué à plusieurs reprises.
En matière de logement, le sarkozysme se situera plutôt dans la continuation que dans la rupture. On pourrait même parler d'aggravation. Apparemment, ce bilan évident ne semble guère émouvoir l'héritier officiel de l'Abbé Pierre, Martin Hirsh.
Texte modifié le 08/02/2010 à 10h05
Ce dérapage ne doit rien au hasard. La libéralisation des prix, depuis la loi Méhaignerie de 1986, comme les facilités accordées aux congés pour ventes, les fameuse ventes à la découpe, ont créé le « malaise résidentiel », comme l’identifie le 15 eme rapport de la fondation Abbé-Pierre
Le million de logements qui manque à l’appel en France n'est pas pour rien dans cette situation – pénurie que devait justement combler la déréglementation. Ils sont pourtant le (non) produit de 30 ans de politique de logement. L’effort public représente aujourd’hui moins de 2 % du PIB, en constante diminution, et porte pour l’essentiel sur des programmes de soutient à l’investissement locatif comme les funestes Robien ou Borloo qui ne créent pas un logement, tandis que l’offre de logements dans le parc social se raréfie.
Les plans de ventes de HLM de Benoît Apparu, le nouveau ministre en charge du logement, ne font qu’amplifier ce phénomène. Les Français sont regroupés par niveau de revenus. La création de ghettos, et discrimination sociale par le logement s’accélèrent. Derrière apparait la question de l'école, et de la lutte pour l'accès à un enseignement de qualité, le plus souvent niché dans l'hyper centre des agglomérations, comme l’ont montré les travaux du géographe Christophe Guilly, dans son Atlas des nouvelles fractures sociales. Et c'est tant pis pour les classes moyennes reléguées dans les zones périurbaines, comme l'ont démontré deux autres auteurs, Gaël Brustier et Jean-Philippe Huelin, que Marianne2 a déjà évoqué à plusieurs reprises.
En matière de logement, le sarkozysme se situera plutôt dans la continuation que dans la rupture. On pourrait même parler d'aggravation. Apparemment, ce bilan évident ne semble guère émouvoir l'héritier officiel de l'Abbé Pierre, Martin Hirsh.
Texte modifié le 08/02/2010 à 10h05
Détails des calculs.pdf (98.08 Ko)