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3 juin 2011 5 03 /06 /juin /2011 00:55

 

Dans le tourbillon médiatique permanent, un événement chasse l'autre à un rythme effréné, rendant toute prise de distance, aussi nécessaire qu'elle soit, extrêmement difficile. Dans le brouhaha de l'actualité très chargée de ces derniers jours, il eût été facile mais regrettable de perdre de vue une situation, celle de la jeunesse, qui me paraît extrêmement alarmante du fait de ce qu'elle implique pour l'ensemble des économies européennes.

Les rassemblements qui ont lieu en Espagne sur la place "Puerta del sol" depuis quelques jours, où des milliers de personnes, et notamment des jeunes, manifestent leur désarroi et leur révolte face à un déficit démocratique et à l'incapacité des responsables politiques à apporter des solutions à la multitude de problèmes auxquels ils sont confrontés, attirent notre attention sur une situation sociale qui est loin de s'améliorer à la mesure de l'embellie que connaissent actuellement de nombreuses entreprises, notamment dans le secteur bancaire.

 

 

Ces manifestations, qui ont trouvé un écho dimanche 29 mai place de la Bastille, à l'initiative de collectifs et d'associations de jeunes (et de moins jeunes), ne doivent pas être prises à la légère. On sous-estime trop souvent la capacité de la jeunesse à porter des revendications claires et cohérentes. Pourtant, la révolte actuelle, même si elle a lieu de l'autre côté de la frontière, et même si les revendications exprimées peuvent nous paraître confuses, est en effet symptomatique d'un malaise social que l'on retrouve dans de nombreux pays européens, et dont les causes sont clairement identifiées. Chômage de masse, difficultés économiques, souffrance due aux programmes d'austérité... il s'agit là de maux que nous partageons avec nos voisins européens, même si leur ampleur n'est pas toujours comparable.

 

C'est un fait, partout, on constate que la jeunesse est touchée par ces problèmes de manière disproportionnée par rapport aux autres classes d'âge, et son engagement dans les manifestations en Espagne comme dans d'autres pays européens est sans doute à la hauteur de son désarroi. Comment ne pas être désemparé, alors que le taux de chômage des jeunes a augmenté de 6 points dans l'ensemble des pays de l'OCDE, soit 2,5 fois plus que l'ensemble des actifs ; que les difficultés d'insertion sur le marché du travail, même pour les jeunes diplômés, sont immenses ; que parmi les jeunes ayant "la chance" d'avoir un emploi, une part significative n'a que des contrats précaires ou des temps partiels subis ; et que la situation des jeunes étudiants, tant sur le plan du logement, des perspectives d'emploi avenir ou de la santé, est pour le moins préoccupante ?

 

Afin de prendre la mesure du phénomène, citons brièvement quelques chiffres nous permettant d'appréhender la situation de la jeunesse dans notre pays :

  • Le chômage des jeunes et la difficulté d'insertion sur le marché du travail n'est pas un phénomène nouveau : le nombre de chômeurs de 15 à 29 ans a presque doublé depuis 1975, et la part relative des chômeurs de moins de 30 ans (tenant compte des évolutions démographiques depuis 30 ans) a plus que doublé. En France, le chômage des jeunes est un mal enraciné depuis plus de trente ans, et auquel les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, n'ont pas su répondre.
  • Mais ce phénomène s'est de toute évidence accentué avec la crise. En 2011, le taux de chômage des moins de 25 ans demeure extrêmement élevé (20,6% en janvier) dans l'Union Européenne. Avec 23,2%, la France dépasse cette moyenne (contre 8,3% en Allemagne, et 43,1% en Espagne...).
  • Au-delà du chômage proprement dit, les jeunes qui ont un emploi sont souvent contraints à accepter des conditions de travail précaires et insatisfaisantes. La montée en qualification des jeunes depuis trente ans n'a pas empêché leurs conditions d'entrée dans la vie active de se dégrader, notamment du fait de la concurrence accrue. De plus, si 11% des salariés occupaient en 2009 un contrat à durée déterminée, c'était le cas d'un tiers des 15-24 ans. La mobilité des jeunes d'un emploi à un autre, et donc la précarité, s'est également accrue. De plus, les jeunes sont nettement plus nombreux que les autres actifs à travailler à temps partiel - pour un bon nombre d'entre eux, il ne s'agit pas d'un choix mais d'une situation subie (41% des jeunes concernés, contre 28% des adultes, souhaiteraient travailler davantage). En outre, le rendement salarial du diplôme s'est réduit. Cela signifie que des parents investissant dans l'éducation de leurs enfants ne sont plus certains de leur assurer ainsi un emploi stable et rémunérateur à l'issue de leurs études. Enfin, un salarié sur trois de moins de 26 ans faisait partie, en 2006, de la catégorie des travailleurs pauvres (moins des deux tiers du revenu médian), contre un sur six pour l'ensemble des travailleurs.
  • Il faut également tenir compte du fait que la population considérée est pour moitié (47,4% des 15-29 ans en 2008) inactive. En effet, depuis trente ans, les attentes des familles et les politiques éducatives menées ont conduit à un accroissement du nombre de jeunes étudiants et à une extension de la durée des études. On ne peut que s'en féliciter. Pourtant, la situation économique et sociale des étudiants est loin d'être satisfaisante : taux de pauvreté important, nécessité de travailler pour payer leurs études, problèmes de logement, renoncement aux soins...

 

Or, face à une telle situation, a-t-on été à la hauteur des enjeux et des attentes des jeunes ? Et qu'a fait le gouvernement actuel et ses prédécesseurs, depuis 2002 ?

Entre fausses annonces et vrais renoncements, hypocrisie et désintérêt des décideurs politiques pour une classe d'âge perçue comme instable et donc peu "rentable" électoralement, le bilan des actions menées depuis dix ans est clairement insuffisant, c'est le moins que l'on puisse dire ! Comment ne pas s'indigner, lorsqu'on constate que les seules mesures adoptées l'ont souvent été dans l'urgence, au gré des statistiques alarmantes, des fluctuations de la pression médiatique et des révoltes qui viennent régulièrement agiter une classe d'âge sur laquelle repose l'avenir de notre pays ?

Pour ne citer qu'un seul exemple, le 1er mars dernier, Nicolas Sarkozy a dévoilé en grande pompe son plan pour l'emploi, s'appuyant sur l'apprentissage et la formation en alternance. Or, peut on réellement croire à une réelle volonté politique d'apporter des réponses adaptées aux problèmes de la jeunesse, alors même qu'une grande partie des mesures annoncées n'était pas nouvelle! Entre contrats aidés annoncés à plusieurs reprises, places supplémentaires d'hébergement qui ne se matérialisent jamais, contrats d'autonomie supplémentaires bien au-dessous des objectifs fixés en 2008... Que de promesses non tenues et d'effets d'annonce... jamais suivis d'effet !

 

Le constat est sans appel, au delà du service civique, qui est plébiscité par les jeunes et dont le succès est confirmé - mais bridé par l'insuffisance des moyens financiers qui lui sont accordés par le gouvernement -, et d'efforts insuffisants pour promouvoir la formation en alternance, le gouvernement actuel a bel et bien oublié la jeunesse. Parions que, les élections présidentielles arrivant, les promesses de campagne vont se multiplier dans la plus grande hypocrisie. Mais de quelle crédibilité la majorité présidentielle sortante pourra-t-elle se targuer, elle qui a brillé par son incapacité à résoudre les problèmes d'une jeunesse dont elle ne se souvient que lorsqu'elle sort dans la rue, ou lorsqu'il s'agit de payer les retraites ou donner du temps - par un service civique que la majorité veut obligatoire - à un pays qui ne la reconnait pas ?

 

Ma conclusion est simple : en 2012, n'oublions pas la jeunesse. Elle ne demande pas de vaines promesses, mais une reconnaissance, un espoir, des perspectives auxquelles elle puisse croire à nouveau.

 

http://www.pascalterrasse.com/accueil/85-articles/835-qgeneration-sacrifieeq-noublions-pas-la-jeunesse

 

 

 

Espagne : "génération perdue" de l’ère Zapatero
en révolte contre la crise
par Christian GALLOY, éditeur de LatinReporters.com

lundi 23 mai 2011, par Comité Valmy

 

MADRID, jeudi 19 mai 2011 (LatinReporters.com) - "Nous ne sommes pas une marchandise aux mains de politiciens et de banquiers", "Ce n’est pas une crise, c’est une escroquerie". Lancés par des milliers de jeunes mobilisés via Internet et ses réseaux sociaux, ces slogans et des insultes visant tant le gouvernement socialiste de M. Zapatero que la droite résonnent dans des dizaines de villes d’Espagne depuis plusieurs jours.

 


"Une vraie démocratie, maintenant ! Nous ne sommes pas une marchandise aux mains de politiciens et de banquiers" dit la banderole à la tête de la manifestation du 15 mai 2011 à Albacete. (Source : www.facebook.com/democraciarealya)

A l’appel sur le web du collectif Democracia Real Ya ! (Une vraie démocratie, maintenant !), appuyé depuis par des centaines d’autres plates-formes revendicatives, 20.000 manifestants, selon la police, défilaient le 15 mai à Madrid pour protester contre les partis politiques, les syndicats, la corruption, le chômage, les mesures d’austérité, le coût de la vie et des logements, le rôle des banques et d’un système économique "obsolète" qui appauvrirait la majorité des citoyens. Des manifestations moins massives parcouraient le même jour une cinquantaine d’autres villes, Barcelone, Séville, Valence, Malaga, Alicante, Saragosse, Albacete, Algésiras, etc.

Depuis le 15 mai , une part de ces jeunes qui s’estiment voués, selon leurs affiches, à une vie "sans futur, sans maison, sans boulot, sans retraite", mais aussi "sans peur", campent et dorment par milliers, comme à la Puerta del Sol de Madrid, ou par centaines et au moins par dizaines sur des places emblématiques de leur ville. Malgré les interdictions et les menaces d’intervention de la police, ils veulent s’y maintenir jusqu’aux élections municipales et régionales du dimanche 22 mai.

Ces indignés, comme ils se qualifient parfois eux-mêmes, invitent les électeurs à bouder le scrutin ou pour le moins à ne voter ni pour le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) de José Luis Rodriguez Zapatero ni pour son adversaire et grand favori du scrutin, le Parti populaire (PP, droite) de Mariano Rajoy.

Il s’agit de la première révolte coordonnée, visible et relativement massive de jeunes issus de ce que le Fonds monétaire international appelait récemment la "génération perdue" de l’Espagne en crise. Des éditorialistes madrilènes la qualifient de "génération Zapatero" pour stigmatiser le chef du gouvernement socialiste. Au pouvoir depuis 2004, M. Zapatero annonçait en avril dernier qu’il ne se présentera pas aux législatives de mars 2012. Sous sa gestion, le nombre et le taux de sans-emploi ont plus que doublé.

Dans une Espagne qui compte 4,9 millions de chômeurs selon l’Institut national de la statistique, soit 21,19% de la population active, record de l’Union européenne et de l’OCDE, la "génération perdue" de l’ère Zapatero est définie par un taux de chômage ahurissant de 44,6% parmi les jeunes Espagnols de moins de 25 ans. On peut ajouter que parmi les diplômés universitaires espagnols de 25 à 29 ans, 19% sont également chômeurs et 44% exercent un travail au-dessous de leur qualification, avec des salaires à la queue de ceux pratiqués en Europe.


"Révolte au km 0" titrait le 18 mai 2011 à la une le quotidien El Periódico sous une photo de milliers de contestataires emplissant la veille au soir à Madrid la Puerta del Sol, place emblématique considérée comme le km 0 des principales routes nationales espagnoles.

Tournant ?

Le réveil de la "génération Zapatero" revêt la spontanéité des révoltes arabes actuelles estime en substance un socialiste historique, l’ex-président du gouvernement Felipe Gonzalez (1982-1996). Mais, s’interrogent nombre d’observateurs, s’agit-il d’un tournant ou, au contraire, le rejet proclamé d’institutions politiques et économiques par ce que la presse appelle désormais le Mouvement 15-M (en référence au 15 mai, date de son lancement) ne sera-t-il qu’un coup de gueule sans lendemain ?

"On commettrait probablement la même erreur en exagérant la signification des manifestations qu’en la minimisant" estime prudemment l’éditorialiste de l’influent quotidien de centre gauche El Pais. Selon lui, "il est sûr que s’étend le sentiment, à l’intérieur et hors d’Espagne, que la politique institutionnelle ne fournit pas les réponses à certains des problèmes principaux créés par la crise économique, principalement parmi les jeunes et les citoyens les moins favorisés". El Pais avertit toutefois que "mépriser le parlementarisme et l’Etat de droit peut servir les causes les plus justes et les plus nobles, mais aussi les plus abjectes et les plus liberticides".

Dans les "tertulias" chères aux médias espagnols, c’est-à-dire dans les débats quotidiens d’analystes d’idéologies diverses sur les chaînes de radio et de télévision, certains ont le sentiment que la jeunesse espagnole vient d’avertir les autorités monétaires et économiques nationales et internationales que le coût de la crise ne pourra plus être indéfiniment facturée aux citoyens qui ne l’ont pas provoquée.

D’autres relèvent qu’en réduisant les salaires des fonctionnaires, en gelant les pensions de retraite, en augmentant les impôts et en facilitant les licenciements, le gouvernement socialiste de M. Zapatero a opéré les pires coupes dans le bien-être social en 35 ans de démocratie postfranquiste. Cela prouverait que la social-démocratie serait soumise aux diktats financiers et n’aurait aucune stratégie propre contre la crise. L’avenir du socialisme européen en deviendrait plus flou et celui du socialisme espagnol serait assombri par une très lourde sanction électorale immédiate.

"Sans maison, sans boulot, sans retraite, sans peur" dit cette affiche du collectif Juventud sin futuro (Jeunesse sans futur). (Source : www.facebook.com/democraciarealya)

Tentatives de récupération

Se prétendant "apartidista" (hors des partis), mais non apolitique, car il veut réformer globalement "le système", le Mouvement 15-M a bousculé la campagne électorale en accaparant depuis dimanche la une de tous les médias. José Luis Rodriguez Zapatero admet qu’il convient "d’écouter" les manifestants. Dans un meeting à Caceres, en Estrémadure, il a mis en garde mercredi contre l’abstention aux élections du 22 mai et a appelé les "progressistes critiques" à voter pour ne pas offrir la victoire à la droite. Le candidat socialiste à la présidence de la Région de Madrid, Tomas Gomez, a fait une tentative de récupération plus directe en clamant "J’appelle les jeunes à la rébellion. Je m’identifie à eux". Il est vrai que l’abstention de la "génération Zapatero" risque de nuire surtout à la gauche.

Espoir de récupération aussi de la part de Cayo Lara, coordinateur général des écolos-communistes de la Gauche unie. Selon lui, l’Espagne vit "le début d’une rébellion pacifique" qui va "contribuer à changer le cours de l’histoire" au profit de la démocratie, aujourd’hui "aux mains des pouvoirs financiers, des banquiers et des marchés à cause de gouvernements serviles".

A droite, le Parti populaire de Mariano Rajoy impute aux socialistes "un mécontentement très compréhensible". Quoique des journalistes conservateurs se demandent si le Mouvement 15-M n’a pas été lancé pour remettre la gauche en selle à la veille d’élections, le PP fait mine de n’être pas visé. Il le serait bientôt au premier chef si, comme les sondages le prédisent, il reprenait les rênes de la politique espagnole en triomphant au scrutin municipal et régional du 22 mai, puis aux législatives de mars 2012.

Des analystes n’écartent pas qu’à cette date la révolte de la "génération perdue", pour autant qu’elle se maintienne, soit renforcée par une cohorte de mécontents, chômeurs ou non, de tous âges. Ce renfort se dessine déjà aujourd’hui. On semble néanmoins encore loin d’un modèle espagnol de révolution pour l’Europe ... Question de patience ?

 

http://www.comite-valmy.org/spip.php?article1497

 

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