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1 octobre 2010 5 01 /10 /octobre /2010 01:59

Dans Newsweek, "Europe: la montée de l'extrême droite", par Denis Mac Shane

La Une de Newsweek (DR) La Une de Newsweek (DR)


La Suède a dévoilé ce que sera l'avenir de l'Europe, et ce n'est pas la première fois. Depuis des décennies, la Suède, en pointe, a défini un modèle, mélange de libre-échange et de solidarité sociale, qui est devenu l'idéal européen. Il ne l'est plus. Ce mois-ci, lors d'un scrutin, les électeurs suédois ont rejoint leur voisins européens moins doués en tournant le dos à la politique traditionnelle, celle qui oscille entre des partis plaidant pour le libre-échange, et d'autres de centre-gauche réclamant plus de solidarité- mais sans aller plus loin. Aujourd'hui, même les solides Suédois ont conduit au Parlement un bloc d'hommes politiques qui ne sont obsédés que par un seul thème : la perte supposée de l'identité nationale. Ils sont fâchés avec les immigrés et les étrangers qui menacent, selon eux, l'identité suédoise.

 Une nouvelle manière de faire de la politique arrive donc en Europe. Il y a une décennie, les extrémistes étaient encore tenus à l'écart, se contentant de défiler lors de manifestations. Ils sont maintenant une force parlementaire qui commence à influencer le langage et le comportement des autres partis. La politique binaire divisée entre une droite chrétienne démocrate et une social-démocratie de gauche, avec peu d'espace pour les partis libéraux classiques, n'existe plus. La plus grande région démocratique du monde, qui compte 46 Etats-nations regroupés au sein du Conseil de l'Europe, accouche d'une politique centrifuge, où l'identité remplace la classe. Pas un seul parti, pas une seule formation politique, ne peut prendre le contrôle d'un Etat et gouverner sur la base d'un programme recueillant l'adhésion d'une majorité d'électeurs. Même en Grande-Bretagne, il est nécessaire de former une coalition pour obtenir la majorité à l'Assemblée. La Belgique et les Pays-Bas n'ont quant à eux toujours pas formé de gouvernement, des mois après des élections qui n'ont donné aucun résultat concluant.

 L'Europe d'après-guerre devait composer avec à la fois un adversaire et un ami de taille pour produire une unité politique, même si les grands partis se disputaient au sujet des priorités.

Les sociaux-démocrates et les chrétiens-démocrates étaient unis contre le soviétisme et les partis communistes dérivant de Moscou. Les Etats-Unis se sont alliés avec la droite et la gauche modérées pour créer l'Otan, ont soutenu l'abolition des nationalismes avec la création de l'Union européenne et ont sevré les Européens du protectionnisme économique, en le remplaçant par le libre-échange et les marchés concurrents.

Aujourd'hui, l'Europe ne doit plus faire face à une menace globale, en dépit des efforts déployés par une droite islamophobe présentant les musulmans comme une force étrangère qui doit être combattue et contenue. Et les Etats-Unis n'inspirent plus personne. Les présidents George W. Bush et Barack Obama se sont embourbés dans leurs guerres respectives en Irak et en Afghanistan, des conflits qu'ont désertés les Européens, inquiets. Le libre-échange américain est tenu pour responsable de la récession et de la crise bancaire. Même le ministre britannique du Commerce du nouveau gouvernement conservateur de David Cameron, Vince Cable, s'en est pris violemment aux démons du capitalisme et au "monde obscur" des entreprises lors d'une conférence de son parti ce mois-ci à Liverpool.

Parce qu'elle n'a pas d'adversaire commun, et parce qu'elle ne reconnaît pas la priorité écrasante que constitue l'Alliance atlantique, la politique en Europe perd ses amarres. La politique de la "Gemeinschaft" (communauté) est remplacée par celle de la "Gesellschaft" (société). De nouvelles communautés de vrais croyants se forment à travers l'Europe. Ceux qui considèrent comme des ennemis nationaux les immigrés – ou l'énergie nucléaire, l'Union européenne, les musulmans, les juifs, l'économie de marché ou les Etats-Unis – s'unissent dans de nouvelles communautés politiques, toutes nuisibles pour la société. Gouverner une société nécessite de faire des compromis et d'établir des priorités. L'impulsion dominante de cette nouvelle politique identitaire est au contraire de rejeter, de crier "Non!"

La Suède doit maintenant vivre avec un parti nationaliste et identitaire menaçant, les Démocrates de Suède, qui compte 20 membres au Riksdag, le Parlement. Bien que portant un nom avenant, les Démocrates de Suède sont anti-immigration et anti-islam, et appellent à des solutions autoritaires pour résoudre la crise sociale qui s'étend en Suède. Le chômage y atteint 9 %, après quatre ans d'une coalition de centre-droit dirigée par Frederik Reinfeldt. Mais un fort taux de chômage ne va pas forcément de pair avec un virage à gauche. Les sociaux-démocrates suédois ont vu leur nombre de voix s'effondrer à 30% - le taux le plus bas en un siècle- et n'avaient jamais encore perdu deux élections à la suite.

 Les discussions qui ont eu lieu entre les sociaux-démocrates sont typiques du désordre qui règne au sein de la gauche en Europe. Les leaders des partis suédois ont commencé par se parler à eux-mêmes, croyant en leur propre rhétorique, alors qu'il était évident que de moins en moins d'électeurs y croyaient. Traditionnellement, le parti était foncièrement anti-communiste et pro-industrie, mais il a ensuite dévié vers une gauche floue, menée par Mona Sahlin, pur produit des féministes de gauche des années 1970. Le parti s'est allié à un parti d'extrême gauche et aux Verts, et a présenté un programme plaidant pour plus d'impôts et davantage de dépenses publiques. Ces mesures ont été massivement rejetées par les électeurs. Les classes moyennes ont soutenu les baisses d'impôts que proposait le centre-droit. Beaucoup d'ouvriers, bien que de moins en moins nombreux en Suède, se sont tournés vers les Démocrates de l'extrême droite.

 

La décomposition des partis centristes dirigeants a été précipitée par le système électoral, basé sur une théorie du 19e siècle, de la représentation proportionnelle, qui permet même aux petits partis de gagner des sièges dans les parlements. Ce système empêche maintenant l'émergence de tout gouvernement cohérent en Europe. Chaque mouvement ou groupe peut créer son propre parti pour maintenir une unité électorale. Avec la représentation proportionnelle, les partis nationalistes et anti-immigration ont progressé dans les parlements nationaux lors des récentes élections. Des partis comme le Jobbik, qui se qualifie également comme le "Mouvement pour une meilleure Hongrie", sont antisémites. La droite nationaliste en Europe de l'est cherche à minimiser l'holocauste en comparant les crimes du communisme européen à l'extermination à l'échelle industrielle des juifs dans les camps de la mort nazis.

Le soutien des électeurs à l'extrême droite en Europe ne peut plus être considéré comme un phénomène marginal, spécifique à un pays. La plus grande région démocratique du monde est maintenant le terreau de l'extrême droite. Lors des dernières élections, l'extrême droite a totalisé 11,9% en France (Front National), 8,3% en Italie (Ligue du Nord), 15,5% aux Pays-Bas (Parti pour la liberté néerlandais de Geert Wilder), 28,9% en Suisse (Parti du peuple Suisse), 16,7% en Hongrie (Jobbik) et 22,9% en Norvège (le Parti du progrès). Des partis significatifs existent aussi en Belgique, en Lettonie, en Slovaquie et en Slovénie. La plupart de ces formations ont pris de l'importance depuis 2000, ou n'existaient même pas il y a dix ans. Le soutien des électeurs a considérablement réduit la portée des partis traditionnels et a érodé la confiance des formations dominantes d'après-guerre.

 Cette nouvelle forme de politique ne peut pas pour autant être mise en quarantaine. En France, Nicolas Sarkozy, cherchant à donner un élan populiste à sa politique déclinante, a lancé une campagne de vives critiques et d'expulsions forcées à l'égard de la minorité rom. La grossièreté de ce procédé - viser une minorité ethnique pour l'expulser - a choqué jusque parmi les soutiens de Sarkozy. Une commissaire européenne, la luxembourgeoise Viviane Reding, a comparé l'expulsion des Roms par Sarkozy à celle des juifs pendant la Seconde guerre mondiale, et a pratiquement traité Sarkozy de nazi, ce que le président français, en colère, a vivement réfuté. Mais le spectacle d'un centriste tel que Sarkozy se rapprochant de l'extrême droite n'est en aucun cas un signe avant-coureur. Les sociaux-démocrates allemands, un parti traditionnel du centre-gauche, jouent sur les mêmes peurs en accusant la chancelière Angela Merkel d'échouer à accélérer l'intégration obligatoire des immigrés. Même la coalition du nouveau gouvernement britannique, qui n'est ni raciste, ni extrémiste, a imposé une limite drastique au nombre d'étrangers autorisés à travailler en Grande-Bretagne. En dépit des cris d'orfraie poussés par les employeurs, qu'un protectionnisme si manifeste inquiète, David Cameron doit donner un os anti-immigrés à ronger aux électeurs qui ont envoyé l'an dernier deux membres du British National Party au Parlement européen.

Le déclin des partis dirigeants sape le projet européen dans son ensemble. Après avoir passé une décennie à se tourmenter et à être aux petits soins pour sa Constitution, Bruxelles ne dispose d'aucune réponse pour faire face à la lente désintégration des partis politiques nationaux. Le projet de construire une Europe unie nécessite des partis politiques soutenus par une majorité de personnes, qui seraient favorables à l'octroi de plus grands pouvoirs à l'élite de l'Union européenne. Celle-ci devra de son côté exiger un plus grand respect.

 La classe gouvernante de Bruxelles, passive et tournée vers elle-même, régule une économie régionale faible qui compte maintenant 23 millions de chômeurs et n'a pas de plan d'attaque. Aucun commissaire ne perd jamais son emploi, même s'il est incompétent. L'Europe a maintenant trois présidents- un pour la Commission, un pour le Conseil et un pour le Parlement- mais pas de gouvernement.

 L'absence de gouvernement européen créé une brèche pour l'extrême droite, habituée à exploiter le ressentiment engendré par le déclin économique. Lorsque la croissance européenne était forte dans les années 1960, les travailleurs étrangers étaient perçus comme une valeur ajoutée pour les économies nationales, mais on leur reproche maintenant de voler les emplois. Et on accuse les frontières de l'Europe, ouvertes depuis peu, de permettre l'entrée des étrangers. Les partis droitisants continuent l'offensive. Les communautés régionales telles que les Catalans, les Flamands, ou les nationalistes écossais, ne veulent plus faire partie de l'Espagne, de la Belgique ou du Royaume-Uni. Le rêve d'un libéralisme social et économique commun à toute l'Europe écrasant les vieux atavismes d'une politique nationaliste est en stand-by.

Les électeurs à la recherche d'une communauté et d'une identité façonnent une nouvelle politique en Europe. Ceux qui pensent que la nouvelle droite populiste renvoie la politique au fascisme d'avant-guerre sont trop alarmistes.

 La démocratie européenne demeure forte, peut-être trop forte, tandis que les partis politiques se fragmentent et que le vacarme des voix concurrentes se fait de plus en plus entendre. Le mythe de l'"Eurabie", ou la prise de contrôle de l'Europe par les musulmans, reste un mythe pour ces mêmes raisons. La majorité des 20 millions de musulmans d'Europe aspire à s'intégrer et à partager le mode de vie des classes moyennes européennes, et tandis que leur nombre croît, ils ne sont en position, dans aucun pays, de devenir autre chose qu'une petite communauté minoritaire. Ce dont l'Europe a besoin, c'est d'un gouvernement confiant en mesure d'unir les communautés qui se déchirent derrière un projet capable de dire autre chose que non.

 

par Denis MacShane

Traduction : Bérénice Rocfort-Giovanni

 

http://tempsreel.nouvelobs.com

 

 

La peste brune gangrène l'occident 

 

Du Nord au Sud et d'Est en Ouest, l'Europe est à nouveau prise dans le
tourment de la peste brune. Presqu' aucun pays du vieux continent n'est
épargné. Voilà que même en Suède, le parti d’extrême droite "
Démocrates de Suède" dirigé par Jimmie Aakesson passe la barre des 4%, avec
5,7% des votes et obtient 20 sièges aux législatives. L’alliance de
centre-droit sortante remporte les élections mais perd la majorité absolue
avec 49,2 des sièges, ce qui permet à l'extrême droite d'occuper la
position confortable d'arbitre au sein du parlement suédois. L' autre
surprise est la montée fulgurante de l'extrême droite dans un ancien pays
communiste comme la Hongrie. En avril dernier, avec 16,7% des voix,le Mouvement
pour une meilleure Hongrie (Jobbik) est, tout comme son homologue suédois,
entré pour la première fois au Parlement avec 46 sièges. Si on peut expliquer
la montée de l'extrême droite dans des pays comme la Bulgarie ou la Hongrie
par l'augmentation de la pauvreté, cet argument perd tout son sens dans des
pays comme la Hollande ou l'Autriche. Aux Pays-Bas, le 9 juin dernier, le PVV
de Geert Wilders s’est installé comme troisième force dans le paysage
politique néerlandais, avec 15,5 % des voix et 24 sièges au Parlement contre
neuf auparavant. En Autriche, le Parti autrichien de la liberté (FPÖ) et l'
Alliance pour l'avenir de l'Autriche (BZÖ) cumulent 29 % des voix aux
dernières législatives.
Conseils municipaux et parlements sont progressivement investis. Aux
élections européennes de juin 2009, l'extrême droite a réalisé un score à
deux chiffres dans des pays comme la Hollande, la Belgique, le Danemark, la
Hongrie, l'Autriche, la Bulgarie et l'Italie. Maintenant, c'est au tour de
l'exécutif de tomber entre les mains de ces formations fascisantes. Après que
l'Autriche en ait fait l'expérience, c'est en Italie, l'un des six pays
fondateurs de l' UE, que le parti populiste de la Ligue du Nord participe au
gouvernement de Silvio Berlusconi. A l'allure ou vont les choses, il est fort
probable que plusieurs autres pays suivront.

La montée du fascisme en occident n'est nullement un accident de
l'histoire. Cette vision du monde puise son sens dans la pensée colonialiste
et raciste du 19ème siècle et continue de nos jours à faire moult émules en
Europe et en Amérique du nord. En temps de vaches maigres, le vernis
universaliste et démocratique se craquelle et fond comme neige au soleil
mettant à nu les traits hideux de la modernité. Depuis le 19ème siècle,
l'Europe balance entre deux mode de pensée : l'universalisme ambigu à la
française et l'ethnocentrisme de type germanique. Le tiraillement entre
universalisme et repli nationaliste trouve ses origines en France dans la
pensée d'un Tocqueville et d'un Renan d'un coté et celle d'un Gobineau de
l'autre. Bien que croyant à la hiérarchie des races, les deux premiers
voyaient d'un bon oeil le rapprochement des races et des cultures, symbolisant
ainsi l'optimisme libéral mais combien naïf du 19ème siècle. Gobineau, lui,
confondant race et nation, pensait que la pureté raciale était la clef de la
vitalité durable des nations, il assurait que les peuples élites, entendez par
là les peuples de race blanche, en se mélangeant avec les autres, couraient à
la dégénérescence raciale et sociale. C'est cette dernière lecture de la
société qui semble actuellement envahir le mental d'une frange de plus en
plus importante du monde occidental.

Paradoxalement, c'est toujours au moment ou à la veille d'un projet
expansionniste que la grande bourgeoisie pousse la population vers le repli
identitaire en la dressant contre un épouvantail choisi selon l'intérêt du
moment. Des politologues de diverses tendances considèrent que l'extrême
droite n'a pas d'avenir car xénophobe, antimondialiste , se situant à contre
courant du néolibéralisme dominant. On oublie très vite que pendant les
années vingt et trente, les partis populistes n'auraient jamais pu s'emparer
du pouvoir en Europe, sans le soutien de la grande bourgeoisie financière et
industrielle. En Allemagne, c'est grâce aux Krupp, Siemens, Thyssen,
Messerschmitt, IG Farben, re groupés en cartels que Hitler a pu accéder au
pouvoir et que l'économie de guerre a pu se mettre en marche . En Italie, les
fascistes ont été également subventionnés par les grands patrons italiens de
l'industrie d'armement (Fiat, Ansaldo, Edison) et par l'ensemble des milieux
industriels et financiers. L'émergence des régimes fascistes a été l'outil
idéal d'embrigadement et de militarisation de la société en vue d'une
nouvelle guerre mondiale. En France, la situation n'était guère différente.
Une synarchie, composée de banquiers et d'industriels imposait depuis 1922 ses
choix aux politiciens, à l'armée et aux intellectuels de service. Pendant les
années trente, les différentes formations d'extrême droite, issues des
classes moyenne et pauvre, vont se liguer pour former la Cagoule, une vraie
armée de miliciens financée par la grande bourgeoisie. Après le coup d'état
raté de 1937 visant le gouvernement du Front Populaire , le gros des troupes de
la Cagoule collaboreront avec l'occupant sous le gouvernement de Vichy. Dans
son ouvrage " Le choix de la défaite ", l'historienne Annie Lacroix-Riz
défend la thèse selon laquelle l'arrivée des hommes de Vichy au pouvoir
était préparée d'avance. La transformation des institutions passait par la
défaite française, voulue et planifiée par la grande bourgeoisie nationale.
Ainsi l'occupation a permis ce que les autres régimes fascistes voisins ont
réussi : démanteler un régime parlementaire mou et museler définitivement
les partis de gauche et les syndicats, repaires du péril bolchevique. Ce qui
préoccupait le plus le monde libre à cette époque, ce n'était nullement les
libertés bafouées mais l'élimination de la vermine rouge qu'Hitler s'est
chargé d'éradiquer au profit de tous. Mais, ayant raté son coup, ce dernier
a payé cher son échec.

Bien qu'arborant des slogans et des revendications en contradictions avec les
politiques de la classe dominante, l'extrême droite avec sa conception
raciologique de la nation a toujours été instrumentalisée pour répandre un
sentiment d'insécurité et de haine. Pendant les années trente, la
démonisation du juif et du bolchevique a permis de rallier la majorité au
national-socialisme. Le délire paranoïaque rendait plus aisée l'adhésion
des masses à une guerre d'expansion impérialiste.

La rhétorique de la démonisation est une constante dans l'imaginaire
occidental. Elle a toujours servi à rationaliser l'agression qui se trame et
à la justifier après coup. On a vite fait de dénier à une altérité jugée
démoniaque son humanité et par conséquent sa légitimité. L'urgence de son
éradication s'impose alors comme un impératif moral. C'est comme si la
modernité inquiète par essence, en quête perpétuelle de sens, ne retrouve sa
cohésion et sa consistance et ne construit son identité que face à une
altérité maléfique qu'elle s'invente selon les les besoins du moment. Ce
que nous vivons en ce moment n'est pas sans nous rappeler les années trente du
siècle dernier. Je sais que beaucoup ne manqueront pas de m'accuser
d'anachronisme mais les similitudes sont si frappantes et si inquiétantes.

Si la figure du juif persécuteur et assassin du Christ, bolchévique de
surcroît a fait les beaux jours des fascistes de l'époque, aujourd'hui,
c'est celle de l'islamiste-musulman-arabe (pas la peine d'être très
regardant sur la nuance) qui fait le bonheur de l'extrême droite européenne,
nord-américaine, australienne...Voila que ressurgit des tréfonds du passé le
sarrasin sanguinaire, violent, violeur, voleur, obscurantiste, barbare, inculte,
conquérant, sans foi ni loi pour s'acharner contre les valeurs chèrement
acquises du monde civilisé. Curieuse cette subite diabolisation de l'islam
alors qu'il n y a que quelques années l'occident qualifiait les terroristes
actuels du nom gratifiant de moujahidines. Il faut dire qu'à cette époque les
islamistes combattaient l'armée soviétique en Afghanistan. Ce qu'il faut
dire aussi est que l'islam radical a été encouragé, financé et propagé
dans le monde arabo-musulman par ceux-la même qui le démonisent aujourd'hui.
L'effondrement de l'URSS a créé en occident un vide qu'on pourrait
qualifier à la limite d'existentiel. Le monde capitaliste s'est rendu compte
alors de sa fragilité et de son incapacité à assurer sa cohésion interne
sans s'inventer une altérité démoniaque. On a alors vite fait de remplacer
le démon communiste défaillant par un autre, le démon islamiste. Curieux,
cependant, cet enchaînement des faits. Les États Unis, pays traditionnellement
anti-islamique et pro-sioniste promouvant et finançant l'extrémisme islamiste
au moment où l'union soviétique implosait d'elle-même!... Et si l'objectif
étasunien n'était autre que d'éveiller les vieux démons de l'extrême
droite européenne et occidentale!... Mettre deux extrémismes face à face et
provoquer une belle réaction en chaine! En un mot instaurer " le chaos
créateur " si cher à Condoleezza Rice!

La manoeuvre a si bien réussi que toute l'Europe s'est mise en branle,
sonnant l'hallali. La meute fascisante a retrouvé subitement toute sa hargne
alléchée par la nouvelle proie, confondant taliban afghan, savant iranien,
élu palestinien, ouvrier turc, jeune des banlieues, etc...etc...A tous les
niveaux de la société, une atmosphère de guerre froide s'installe. Une
vision duale et réductrice du monde opposant l’Occident à l’Orient, la
civilisation à la barbarie relègue en arrière-plan les identités sociales.
Depuis plus de vingt ans déjà l'extrême droite occupe les devants de la
scène sociale, politique et médiatique, brandissant sans répit
l'épouvantail arabo-islamique, semant la peur et l'insécurité, remodelant
les clivages sociaux en dressant les unes contres les autres les ethnies et les
confessions. Une marche à rebours vers le tribalisme!

Le plus inquiétant est l'apparition des milices idéologiques. 127 milices
extrémistes ont été dernièrement répertoriées aux États Unis. En Hongrie,
la Magyar Garda, émanation du parti d’extrême droite, Jobbik; organisation
para-militaire raciste et potentiellement violente s'est donné pour tâche
d'expulser les Roms du pays (une manie en Europe ces derniers temps). En
Italie, la situation est bien plus grave. Une multitude de milices fascisantes
se sont implantées à travers la péninsule. Elles font office de police
parallèle, remplaçant souvent la police d'état. Parmi ces milices on peut
citer les Chemises Vertes des Gardes du Pô, la Garde Nationale Padane (Guardia
Nazionale Padana) de la Ligue du Nord, d' Umberto Bossi, la Guardia Nazionale
Italiana (GNI) dont l’uniforme paramilitaire est calqué sur celui des milices
crypto-nazies des années 30. On y retrouve l’aigle impérial romain, et
surtout ce logo, le Schwarze Sonne ( soleil noir) à 12 branches, symbole
central du mysticisme nazi. Dans le sud de la France, la Ligue du Sud, réplique
en quelque sorte de la ligue du nord italienne vient de créer des milices qui
font la chasse à la délinquance, entendez par là la chasse aux non-blancs. En
région parisienne les identitaires ont pris le nom emblématique de « Projet
Apache ». Ils sont très actifs dans les beaux quartiers et très influents
parmi les supporters du PSG (virage Boulogne). La droite traditionnelle se met
elle aussi de la partie. Dans un discours prononcé le 24 novembre 2009, Sarkozy
propose : «... Des réservistes expérimentés seront recrutés comme
délégués à la cohésion police-population. Ils s'appuieront sur des
"volontaires citoyens de la police nationale", c'est à dire des habitants
dont je veux engager le recrutement pour qu'ils s’impliquent dans la
sécurité de leur propre quartier... » Il s’agit en un mot d'installer des
milices de quartier à l'image de ce qui se passe dans l'Italie de Berlusconi.


La dérive islamophobe s'amplifie à un point tel qu'elle devient alarmante.
Votation contre l'édification de minarets en Suisse, profanation de
cimetières musulmans en France, menace d'autodafé du Coran aux Etats Unis,
attitude provocatrice d'Angela Merkel, honorant le danois auteur des
caricatures du prophète...Sommes-nous donc à la veille de la neuvième
croisade?!
Le phénomène déborde l'extrême droite et s'empare de la droite
traditionnelle. En France, slogans et revendications du FN sont
systématiquement adoptés par le gouvernement. Le calcul électoral ne suffit
pas à lui seul à expliquer une telle dérive. Il faut croire plutôt que nous
assistons à une radicalisation de la droite qui tend à se fasciser entraînant
derrière elle une partie de la gauche bien pensante.On a de plus en plus
l'amère impression que c'est Le Pen qui légifère et le gouvernement qui
exécute. Le spectacle insupportable de l’expulsion des Roms et la déchéance
de la nationalité française d’immigrés évoquent les mesures infligées par
le gouvernement de Vichy et des nazis à l’encontre des tziganes et des Juifs
durant l’occupation. La loi sur les mineurs délinquants passe de la
responsabilité pénale individuelle à la responsabilité collective. Il
s'agit de punir les parents d'enfants délinquants, autrement dit, pratiquer
les punitions collectives qui rappellent les pires moments des exactions
coloniales. Il ne manque plus que l'étoile verte à épingler sur la poitrine
des immigrés quoique facilement reconnaissables au faciès. Nostalgique de
l'apartheid étasunien ou sud-africain ou ébloui par l'admirable modèle
social israélien, l'état français rafle la première place à tous ses
voisins qui ne manqueront pas de l'imiter.

Lorsque le régime démocratique devient incompatible avec les intérêts de
la grande bourgeoisie, celle-ci commence par abandonner progressivement les
positions modérées de la droite traditionnelle et se tourne vers les
formations fascistes. Tel a été le cas en Europe pendant les années trente,
la situation aujourd'hui ne semble guère différente. On commence par agiter
une menace entraînant une réaction paranoïaque : "le juif bolchévique" à
l'époque, "le terroriste islamiste" aujourd'hui. Inhibée par le sentiment
d'insécurité, la société perd toute réactivité et le pouvoir ne manque
pas d'en profiter. L'épouvantail du 11 septembre a permis à l'état US de
prendre des mesures liberticides, connues sous le nom de Patriot Act. Imitant
les États Unis, le Canada, l’Allemagne, l’Italie et bien d’autres pays
ont profité de l' « aubaine » pour faire passer des lois portant atteintes
aux libertés fondamentales. La France, en bon élève, surpasse tout les autres
. Il est vrai qu'en temps de crise, cet état de non-droit permet de tenir en
laisse la société et d'imposer une politique drastique d'austérité,
cependant, ce type d'interprétation me semble bien en deçà de la réalité.
Les dictatures fascistes installées par le grand capital sont souvent
annonciatrices de grandes invasions impérialistes. La démonisation de
l'altérité a pour fonction de transformer les conquêtes en actes de
légitime défense. Hitler a choisi de conquérir son "espace vital" à l'
Est se donnant pour mission d'éradiquer le mal bolchevique, les États Unis et
leurs alliés ont choisi leur "espace vital" au Sud-Est avec pour mission
d'écraser le mal islamiste et peut-être même islamique...qui sait...

A ceux qui ne s'en sont pas encore aperçu, nous sommes déjà en pleine
guerre mondiale! Après l'Afghanistan et l'Irak à qui le tour?...
L'Iran probablement... Et ensuite?...La Chine peut-être...

Boulimique...Bien trop boulimique l'occident!

Fethi GHARBI


Vendredi 1 Octobre 2010
http://www.alterinfo.net/La-peste-brune-gangrene-l-occident_a50351.html
Lettre ouverte aux citoyens juifs
par eva R-sistons

Le rejet de l'autre, la discrimination, l'instrumentalisation de causes ou de personnes, sont des abominations.

Vous avez vécu dans votre chair, dans vos familles, dans vos vies, l'horreur de la persécution. Longtemps. Et tout s'est accéléré, de manière atroce, avec le nazisme.

La chasse aux sorcières, par exemple aux Etats-Unis contre les Noirs ou contre les communistes du temps du Maccarthysme, est insupportable. Vous savez, pour l'avoir vécu, ce qu'est l'intolérance, la haine, le fanatisme.

Aujourd'hui, la peste brune s'étend à nouveau sur le monde, en particulier sur l'Europe. Des temps qu'on croyait révolus réapparaissent. L'abjection est à nos portes. Contre les Roms, et même plus généralement contre les Tsiganes, et puis contre les Musulmans, souvent Arabes, vos frères sémites. Oui, vous avez une origine commune, ne l'oubliez pas. Et un même culte du Dieu unique.

Sans doute direz-vous que je suis mal placée pour vous rappeler cela, moi qui critique si souvent Israël et les tenants du néo-sionisme militaro-financier. Mais n'y voyez pas une attaque personnelle, un rejet de votre religion, de vos citoyens. Je suis engagée pour la vérité - contre la désinformation et la partialité, donc -, contre les guerres génératrices de tant de souffrances et ne résolvant rien, contre le libéralisme financier et les privilèges de certains, contre les injustices qui frappent les plus faibles, les plus pauvres, toujours plus mal traités. Pour moi il n'y a qu'une seule race, humaine, et tous les individus sont mes frères et mes soeurs. Mais comme je combats pour la vérité, la paix, la justice, la communion des êtres et des civilisations, je ne peux souscrire aux politiques militaro-financières de vos décideurs, provoquant partout désolation et larmes. Au-delà des critiques concernant les choix de vos Responsables, il y a chez moi la recherche permanente de la communion entre les individus, de l'équité, de l'éthique.

Et c'est à ce titre que je m'adresse à vous. Parce que vous avez tant souffert du racisme et des discriminations, vous devriez être les premiers à dénoncer l'intolérance et le fanatisme. Or, la vérité commande de dire que vos frères et soeurs arabes sémites commencent à subir aujourd'hui ce que vous n'avez que trop subi pendant si longtemps.

En un mot, les Arabes, les Musulmans, sont aujourd'hui devenus les boucs-émissaires des frustrations de beaucoup. Ceux qui, au sommet, mettent en place les politiques anti-sociales détournent ainsi l'attention sur d'injustes victimes.  Il est intolérable que ces citoyens soient ainsi ostracisés, alors que sauf rares exceptions, bien entendu aussitôt épinglées par des médias partiaux, ils sont bien intégrés dans la société. J'admire leur patience ! Leur colère, leur ressentiment, devrait éclater chaque jour. Non, ils subissent en silence. Jusqu'à quand ?

Vous, les Juifs, vous devriez être les PREMIERS à dénoncer l'horreur qui se propage de jour en jour. Après la chasse aux sorcières communistes et juives, va-t-on dériver vers le rejet des Arabes et des Musulmans ? Alerte ! Ce que vous avez vécu, ils ne doivent pas le vivre. Pas plus que les Roms ou les Tsiganes. Vous savez jusqu'où cela peut mener : Dans les camps d'extermination. Et vers un choc de civilisations qui, s'il est nucléaire, risque d'ensanglanter la planète et de menacer l'existence même de la vie sur terre. Quelle abomination !

Alors, je m'adresse à vous: Certains parmi vous alimentent l'horreur d'aujourd'hui, alors que votre devoir, eu égard à votre passé, est au contraire d'arrêter la machine infernale. Puisque vous cultivez la mémoire de la Shoah, qu'elle serve à éviter que de telles atrocités ne se reproduisent sur de nouvelles victimes, Roms, Arabes, Musulmanes !

Citoyens juifs, l'Histoire vous ramène à votre devoir: Celui d'être les adversaires les plus farouches du rejet de l'autre. Au nom du passé, au nom des Préceptes qui vous ont été confiés, permettez-moi de vous le rappeler.

Nous sommes tous citoyens d'un même monde, le Créateur est le même pour tous, notre destin sur terre est le même, fragile, éphémère, et si beau, pourtant, lorsque nous faisons appel à nos instincts les plus nobles.

Rejoignez l'universel qui est, aussi, votre destin particulier, en accueillant l'autre fraternellement. Comme il est. "Si tous les gars du monde..."(titre d'un film) se donnaient la main au lieu de se rejeter et de se tirer dessus, comme le monde serait beau !

Pour être vraiment fidèle à votre passé, soyez au premier rang de ceux qui dénoncent les nouvelles discriminations !

Eva R-sistons au rejet de l'autre, quel qu'il soit.


http://r-sistons-actu.skynetblogs.be/archive/2010/10/02/lettre-aux-citoyens-juifs-qui-ont-ete-persecutes.html

 

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