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De l’utilité de la Bourse
août 14th, 2011
80
% de trouille, 20
% de cupidité, tel est le dosage du «
cocktail
» auquel ont fonctionné les «
marchés
» cette semaine (8 au 12
août). Les médias nous ont inondé d’un vocabulaire de fin du monde
: écroulement, effondrement, dégringolade, descente aux enfers, dévissage, krach, panique… sans oublier de vilipender d’une part les «
spéculateurs
» qui amplifient le phénomène, d’autre part les «
colporteurs de rumeurs
» qui ont notamment entraîné à la baisse le titre de la Société Générale.
Tout cela sonne faux. Faux car cette comédie de la «
catastrophe que l’on évite de justesse
» nous est maintenant servie ad nauseam, à intervalles de plus en plus brefs, comme un vieux plat réchauffé dont les convives ne veulent plus.
Faux car les «
spéculateurs
» que l’on nous jette en pâture comme boucs émissaires, mais sans jamais prononcer leur nom, sont avant tout les banques, dont l’activité «
salles de marché
» (c’est-à-dire casino boursier) est une source essentielle de leurs bénéfices. Cette semaine, elles ont donc «
joué
» les unes contre les autres, sur le registre «
je me porte mieux que ma voisine
», reflétant ainsi le narcissisme et l’ego surdimensionné de leurs dirigeants respectifs.
Faux car tout ce barnum n’est destiné qu’à engendrer la trouille auprès du bon peuple afin de le faire consentir à ce qui lui est présenté non seulement comme inéluctable mais de surcroît comme raisonnable
: passer à la caisse via des hausses d’impôts et des réductions de prestations. Comme les médecins de Molière, politiques et doctes économistes nous expliquent que, pour que le malade affaibli guérisse, il va falloir saigner, saigner toujours plus. Primo saignare, deinde purgare, postea clysterium donare, comme le caricaturait Daumier.
Faux car, à chaque «
crise
», Captain America Sarkozy nous sort un lièvre du chapeau
: il y a un peu plus d’un an, il nous annonçait qu’il allait «
sauver le capitalisme
» (voir notre billet Ad majorem pecuniae gloriam et l’inoubliable vidéo de Sarkozy annonçant cette grande nouvelle)
; aujourd’hui, c’est la «
règle d’or
» (les mots ne sont ni anodins ni choisis au hasard
: en associant les termes «
règle
» et «
or
», les communicants de l’Élysée veulent ainsi parer Sarkozy des attributs d’un «
grand prêtre
» qui détiendrait – seul – le pouvoir d’intercéder auprès du Tout-Puissant et d’édicter des règles de nature quasi-divine), en fait des fourches caudines que ce même Sarkozy propose d’inscrire dans la Constitution.
Faux car la question de fond est soigneusement évitée
: à quoi sert la Bourse
? Dans la panique et pour montrer au brave peuple que l’«
on fait quelque chose
», plusieurs pays européens viennent d’interdire les ventes à découvert. À quoi tout cela rime-t-il
?
Réformer la Bourse
?
Revenons aux concepts de base
: dans la plupart des manuels d’économie, on apprend que la Bourse sert à «
financer les entreprises
».
C’est évidemment une énorme blague
: aujourd’hui, la principale fonction de la Bourse, c’est de faire de l’argent avec de l’argent, le lien avec l’«
économie réelle
» étant de plus en plus ténu, la fonction de financement des entreprises de plus en plus théorique.
Réformons donc la Bourse. Non via des mesurettes du type interdiction des ventes à découvert mais, si l’on nous permet d’utiliser un parallèle audacieux entre le profane et le sacré, à l’image de ce qu’a fait Luther avec la foi catholique.
Pour réformer le catholicisme, Luther ne s’est pas contenté de demi-mesures
: il a tout mis par-dessus bord, à l’exception de ce qu’il considérait comme l’essentiel, la Bible. Tout le reste, c’est-à-dire le Pape, la hiérarchie de l’Église, les sacrements, les saints, les indulgences, la virginité de Marie… bref toute la «
superstructure
» du culte, est passé à la trappe.
Le parallèle avec la Bourse
? Si celle-ci est censée financer les entreprises, cela implique
:
• de ne pouvoir acheter des actions d’une entreprise qu’en les réglant cash, immédiatement, pour la totalité du montant investi
;
• de devoir conserver ces actions un minimum de deux ou trois ans. Si l’on prend la décision de financer une entreprise, ce n’est pas pour s’en retirer quelques heures ou quelques jours plus tard, n’est-ce pas
? C’est que l’on croît sérieusement en ses possibilités de développement à moyen et long terme et que l’on inscrit cet investissement dans cette perspective.
Tout le reste – SRD, warrants, certificats, trackers, SICAV, ETF, futures et tous autres produits dérivés ou à effet de levier (sans oublier, bien sûr, les fameuses ventes à découvert) – doit être purement et simplement interdit.
C’est tout. D’une simplicité biblique, pourrait-on dire. Revenir aux fondamentaux. Se concentrer sur l’essentiel.
La banque et la Bourse redeviendront alors ce qu’elles n’auraient jamais dû cesser d’être
: des activités ennuyeuses et sans grand relief, dont la croissance reflète celle de l’économie réelle. Faute de pouvoir s’investir dans le mécano financier, les «
énergies
» (notamment celles des cerveaux les plus brillants – voir Une autre route qu’eux) seront à nouveau orientées vers l’innovation technologique, la production… tout simplement le monde réel.
Lundi
http://lalettredulundi.fr/2011/08/14/de-lutilite-de-la-bourse/
Il y a eu un article sur le Monde Diplomatique : Supprimer la Bourse ?
Dans l'intérêt des citoyens, je réponds oui (eva)