Champs de Pavot Afghanistan Wikipedia
Le Courrier de Russie |26 Mars 2010
La Russie, par les voix de Dmitriï Rogozine, représentant permanent de la Russie auprès de l’OTAN, et Viktor Ivanov, responsable de l’Agence fédérale de lutte contre les stupéfiants, hausse le ton concernant la politique menée en Afghanistan par l’administration Obama et l’OTAN de lutte contre le narcotrafic. La Russie paie un lourd tribut à l’héroïne.
Entre deux millions et deux millions et demi de Russes en sont dépendants et 30 000 personnes meurent d’overdose chaque année, sans compter les effets de cette consommation sur la transmission du virus HIV. Dmitriï Rogozine engage le débat sur deux fronts. D’une part, sur le fait que la production de pavot à opium a été multipliée par 40 depuis le début de l’intervention américaine (données ONU et service fédéral russe de contrôle des stupéfiants), ensuite sur l’exportation croissante, depuis l’Europe vers l’Afghanistan, de produits précurseurs de drogues synthétiques.
Ces précurseurs permettent de transformer sur place l’opium brut en héroïne pure. L’Afghanistan produit aujourd’hui 90% de l’héroïne mondiale. Les cultures et les laboratoires de transformation sont situés majoritairement dans des zones sous contrôle de l’OTAN, d’où la mise en cause, par Moscou, de l’organisation devant le Conseil de sécurité de l’ONU. Les liens entre les États-Unis et le narcotrafic via la CIA ne datent pas d’hier. La plupart des guerres clandestines de l’Agence ont mêlé le narcotrafic aux mouvements de guérilla anti-communiste.
La Birmanie dans les années cinquante, le Laos puis le Vietnam dans les années soixante. L’Amérique latine dans les années soixante-dix et quatre-vingt, puis l’Asie centrale. Tous ont encore en mémoire le scandale de l’Iran gate, à la fin des années quatre-vingts, où l’administration Reagan s’était révélée mouillée dans une vaste affaire de trafic de cocaïne, impliquant les Contras nicaraguayens et des ventes d’armes à l’Iran. Le marché de la drogue fonctionne selon une dynamique qui lui est propre, basée sur la demande, tandis que les centres de production évoluent. Les cinq grandes guerres contre la drogue, initiées depuis Nixon par la plupart des administrations présidentielles américaines, ont coûté, en tout, 150 milliards de dollars, et n’ont jamais abouti à rien.
Pendant que la DEA, agence américaine de lutte contre la drogue, enquêtait sur le terrain, la CIA organisait et finançait le trafic pour servir ses intérêts. Il serait intéressant de superposer la carte des fluctuations des grands centres de production de pavot et d’héroïne à celle des guerres clandestines des États-Unis. Le glissement de l’Asie et du Triangle d’or vers l’Asie centrale, l’Afghanistan et le Pakistan illustre parfaitement cette théorie.
Pour revenir à Kaboul, les Américains s’opposent à l’éradication des champs de pavot et à la régulation des précurseurs. Le coût géopolitique est-il trop élevé ? Il est vrai que l’essentiel du trafic est organisé par Ahmed Wali Karzai, frère du président afghan, et que lon retrouve, dans la fillière de distribution, les groupes criminels organisés du Kosovo et leurs liens avec Hashim Thaci, Premier ministre kosovar et grand ami de Washington...
Pour conclure par une note un peu plus légère sur les abus de produits illicites, notre ami le président géorgien Saakachvilli a certainement dû forcer sur quelque chose pour se laisser aller à cette incroyable provocation télévisuelle mettant en scène une invasion de la Géorgie par les troupes russes. Nous ne pouvons que lui souhaiter un prompt et bon rétablissement
http://www.comite-valmy.org/spip.php?article585