d'un rapport confidentiel
Après avoir critiqué un rapport confidentiel sur les maladies négligées, l’industrie pharmaceutique est accusée d’avoir fait pression sur des experts de l’Organisation mondiale de la santé
L’affaire semble tout droit sortie d’un roman d’espionnage de John le Carré. Le 7 décembre 2009, un rapport confidentiel d’experts mandatés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est mis en ligne sur un site Internet spécialisé dans la publication de documents secrets : wikileaks. Le texte est un condensé de huit ans de réflexion sur les financements innovants pour favoriser la recherche en faveur des maladies négligées et l’accès des plus pauvres aux médicaments essentiels.
La « fuite » serait sans doute passée inaperçue si les 90 pages du rapport n’avaient été accompagnées d’une analyse critique de la Fédération internationale de l’industrie du médicament (Ifpma), laquelle n’était pas censée disposer d’une copie. La Fédération jugeait notamment « contre-productive » l’idée d’instaurer une taxe sur les bénéfices des entreprises pharmaceutiques pour financer la recherche médicale à hauteur de 160 millions de dollars par an. Ces remarques avaient conduit le Lancet, la revue médicale de référence, à accuser l’industrie pharmaceutique de vouloir « saboter » le travail des experts.

Aucune piste pour modifier le système actuel des brevets

Le rapport était très attendu par les représentants des nations du Sud et les acteurs de la lutte contre les maladies négligées. L’enjeu : stimuler l’innovation contre des pathologies comme le paludisme ou la tuberculose, mais aussi rendre accessibles les médicaments récents et coûteux aux populations des pays pauvres. Cela revenait à examiner l’impact des brevets déposés par les laboratoires après une découverte. Les entreprises pharmaceutiques défendent le fait qu’ils stimulent la recherche, par la promesse de nouveaux revenus. Mais les pays du sud et les ONG soulignent qu’ils leur permettent de fixer des prix élevés aux médicaments dont ils ont le monopole.
Dans le document de synthèse, les experts soulignent en préambule que « les mesures d’incitation commerciale fournies par la propriété intellectuelle (NDLR : les brevets) n’ont pas abouti à des améliorations suffisantes en matière de santé publique dans les pays en développement ». Pour autant, ces mêmes experts n’avancent aucune piste pour modifier de près ou de loin le système actuel des brevets. Dans les faits, ils sont divisés sur la question.

Une enquête en interne est lancée

Déçus des conclusions, le Brésil et les États africains ont exigé une seconde lecture du rapport complet, puis la rédaction d’un nouveau document de synthèse, dont les recommandations tiendraient compte des observations des pays du Sud. La directrice générale de l’OMS, Margaret Chan, a décidé de lever l’immunité diplomatique des auteurs du rapport et de lancer une enquête en interne à la suite de la sortie du rapport confidentiel. « Les résultats de nos investigations seront dévoilés aux États membres à l’occasion de l’assemblée générale de l’organisation du 17 au 22 mai prochain », a promis la porte-parole, Fadela Chaïb.
lien : http://www.la-croix.com/Nouvelle-controverse-a-l-OMS-apres-la-fuite-d-un-rapport-con/article/2419766/4077
L'OMS INFILTRÉE
L'Organisation mondiale de la santé est également dans le collimateur des sucriers. En mai 2002, l'OMS a jeté un pavé dans la mare avec un rapport qui recommandait, afin d'enrayer l'épidémie d'obésité, de limiter à 10 % la quantité de calories tirées quotidiennement du sucre ajouté dans les aliments transformés et les boissons. La Sugar Association, l'organisation mondiale du sucre, a tout fait pour empêcher la publication dudit rapport. Jusqu'à menacer le directeur général de l'OMS de faire pression sur le Congrès américain pour que ce dernier supprime sa subvention annuelle de 406 millions de dollars. Le 5 janvier, le directeur général de l'OMS recevait une lettre, émanant cette fois du conseiller du secrétaire d'Etat américain à la Santé, qui metttait en question la qualité scientifique du rapport. Celui-ci ne cesse d'ailleurs d'être attaqué par les industriels. Avec les mêmes arguments que ceux longtemps utilisés par les fabricants de tabac pour discréditer les études qui faisaient le lien entre cigarettes et cancer du poumon.
Ce n'est pas la première fois que l'industrie agroalimentaire tente d'influencer l'OMS. Dans un récent rapport sur le sujet réalisé par un universitaire américain spécialiste en santé publique (5), on découvre comment certaines firmes ont réussi, en plaçant des experts dans différents comités scientifiques au sein de l'OMS, à bloquer tout projet de réduction du sucre, du gras ou du sel dans les aliments industriels. Est notamment dénoncé le rôle de l'International Life Sciences Institute, une ONG dirigée jusqu'en 1991 par le vice-président de Coca-Cola, qui a lancé une trentaine d'études sur la nutrition, auxquelles a notamment participé Danone.
Rien ne doit entacher l'image positive du sucre. A tel point qu'en juin 2002, lorsque l'Association française des diabétiques (AFD) a édité des affiches montrant des morceaux de sucre avec la mention « Dépassement dangereux », le Cedus a aussitôt agité la menace de poursuites judiciaires. « Nous avons préféré stopper la campagne de prévention », a expliqué au Point Guillaume Charpentier, président de l'AFD. Pour les industriels, il faut éviter de faire un lien entre sucre et problèmes de santé publique. Face à l'épidémie d'obésité, ils invoquent l'argument de la liberté individuelle : on a le droit d'être obèse. Afin de défendre cette thèse, l'agro-alimentaire a repris à son compte certaines trouvailles des sociologues telles que l'« obésophobie », stigmatisée par le sociologue Claude Fischler. Selon ce dernier, les « médias qui relaient le discours médical » sont en partie responsables du rejet par notre société de l'obèse, dont l'image serait devenue celle du « maudit » . Quant au modèle de la minceur, Claude Fischler n'hésite pas à le comparer à la « forme laïcisée de la sainteté de jadis » .
L'agroalimentaire a même sorti du chapeau une nouvelle maladie, l'« orthorexie ». En clair, l'obsession des aliments sains. « C'est un désordre alimentaire apparu en 1997. Les personnes qui en souffrent se baladent avec leur yaourt au soja dans la poche... », ironise Anna Yung, ex-chercheuse chez Danone, aujourd'hui présidente du Conseil européen de l'information sur l'alimentation (Eufic). Cette organisation à but non lucratif, dotée d'un budget de 1 million d'euros, aligne une quinzaine de sponsors, dont Danone, Coca-Cola, Ferrero, Frito-Lay, Masterfoods, McDonald's, Nestlé... Sa dernière lettre d'information, diffusée à 220 journalistes, s'intitule : « Orthorexie : quand il devient malsain de manger trop sain ». Pour nourrir ses dossiers scientifiques, Eufic s'appuie sur un comité d'experts où l'on retrouve le professeur Basdevant... Jamais les produits allégés n'ont été aussi nombreux dans les rayons. Ils pèsent aujourd'hui en France plus de 2 milliards d'euros. L'allégé, c'est bon pour l'image, et c'est rentable parce que c'est plus cher. Coca-Cola l'a très bien compris, qui met en avant sa gamme « light » comme preuve de sa préoccupation de la santé. « Coca-Light Lemon, lancé il y a un an, nous a permis de recruter 100 000 nouveaux foyers », se réjouit Eric Laurencier, directeur adjoint de la communication. Pendant ce temps, les ventes du Coca traditionnel, qui représente un chiffre d'affaires de 570 millions d'euros, continuent de grimper au rythme de 3 % par an, grâce à des publicités à la télévision destinées aux jeunes, comme « Chihuahua » ou « Dancing Boy ».
lien : http://www.lepoint.fr/actualites-societe/2007-01-18/malbouffe-comment-on-nous-gave-de-sucre/920/0/45064
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Olivier TALLÈS |