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29 octobre 2010 5 29 /10 /octobre /2010 23:49

548_graisser_courroye

http://www.dessinateur.biz/blog/2010/07/13/nactualites-eric-woerth-lave-de-tout-soupcon-selon-nicolas-sarkozy/

Le procureur Courroye, un grand précurseur

Tous les siècles ont connu des magistrats qu’on dit parfois “grands” et qui, en tout cas, ont marqué leur époque et leur métier. Ils étaient parfois modestes comme le “bon juge Magnaud”, président du tribunal de Chateau-Thierry: à la fin du XIXe siècle, il relaxa une jeune fille-mère, affamée de deux jours, accusée d’avoir frauduleusement soustrait un pain chez un boulanger que le magistrat indemnisa lui-même. Il reste le modèle d’une justice humaine et indépendante. D’autres étaient plus huppés, comme René Cassin, vice-président du Conseil d’Etat puis vice-président et président de la cour européenne des droits de l’homme: son apport fondamental à la construction et à la diffusion des droits de l’homme n’a pas à être rappelé. Il reste le modèle du défenseur des libertés.

Notre siècle connaît un magistrat à la forte personnalité dont le nom est aujourd’hui presque universellement connu, le procureur Courroye. On lui doit une merveilleuse invention qui risque de faire recette dans un siècle obsédé par l’évaluation et la performance: l’auto-évaluation médiatique. Certainement lassé par les critiques incessantes de la presse, des syndicats, des politiques... portant sur sa gestion originale du dossier Bettancourt, ce magistrat innovant a eu le courage de s’adresser directement aux médias et d’oser dire dans une interview au Figaro tout le bien qu’il pensait de lui-même. Son travail, risque-t-il, est “un modèle du genre en matière de rapidité et d’efficacité”; il a “accompli un travail considérable” et a été “pointilleux” sur le respect du secret des sources des journalistes.

Le public ignore peut-être que les magistrats, procureurs compris, sont notés, comme n’importe quel fonctionnaire, comme n’importe quel élève. Ils subissent une grille de notation dans laquelle on relève notamment les rubriques suivantes. “Bon sens et jugement..., force de caractère et maîtrise de soi..., capacité d’écoute et de jugement..., esprit d’initiative.., esprit de synthèse..., puissance de travail et efficacité..., aptitude à constituer et à conduire un dossier..., relations professionnelles avec les magistrats..., capacité à représenter le service, la juridiction ou l’institution judiciaire”.

Il est certain que les appréciations élogieuses que le procureur de Nanterre porte sur l’activité du chef du parquet des Hauts de Seine lui vaudront non seulement la considération de sa hiérarchie mais une promotion bien méritée. Mais là n’est pas la question. L’idée de génie de ce magistrat est de rendre publique cette évaluation et de remplir sa propre grille de notation dans un grand quotidien national. La notation des magistrats est d’ordinaire un exercice mystérieux, souvent taxé d’arbitraire et qu’on dit gros de calculs inavouables. Comme toute appréciation professionnelle elle charrie médisances, jalousies, rancoeurs, doléances sans fin. Face à ce casse-tête déontologique et humain, il fallait de l’audace pour, d’un coup double, tenter l’auto-évaluation et surtout, abolissant tout secret, risquer la publication et braver l’opinion publique.

Nulle doute que cette audace fera des émules et simplifiera la tâche d’une hiérarchie toujours timide. Cette révolution sera surtout du meilleur effet pour l’image toujours un peu défaillante de la justice. Qui ne se réjouirait de voir les magistrats réserver régulièrement quelques colonnes d’une presse si critique, pour redorer leurs blasons et tresser des lauriers qu’on leur distribue si chichement?

Cette révolution est d’autant plus indispensable qu’elle pallie une autre insuffisance du système actuel de notation des magistrats. Elle permet d’affirmer sa farouche indépendance et son attachement indéfectible aux libertés. La public l’ignore aussi: la fameuse grille de notation des magistrats a complètement oublié de mentionner ces deux qualités pourtant essentielles. On aurait pu penser que la mission du magistrat livrée par la constitution (article 64: “l’indépendance de l’autorité judiciaire” et article 66: “L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi”) trouverait sa traduction dans l’évaluation officielle. Mais, dans un fâcheux moment de distraction, le merveilleux inventeur de la grille l’a oublié. Il ne reste donc aux magistrats que deux moyens pour faire valoir ces deux vertus cardinales. Le premier est la décoration. Il est bien vrai qu’aujourd’hui, comme hier, légion d’honneur ou ordre du mérite ont toujours permis de couronner dans le corps de la magistrature des carrières vibrantes d'indépendance et portant haut le flambeau des libertés. Le procureur des Hauts de Seine en est l’un des meilleurs exemples. L’autre moyen est donc l’auto-proclamation, nécessairement promise à un brillant avenir, à Nanterre ou ailleurs.

Dormez tranquilles, citoyens et justiciables, notre justice est exemplaire. Mieux, elle s’auto-améliore

 

http://chroniquedelhumaniteordinaire.blogs.nouvelobs.com/archive/2010/10/29/le-procureur-courroye-un-grand-precurseur.html

 

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Serge Portelli
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