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12 février 2012 7 12 /02 /février /2012 01:14

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TGE : le revers de la médaille

février 12th, 2012


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Toujours plus riche, toujours plus gros (voir TGE : vers The World Company ?). À première vue, les TGE s’apparentent à des « rouleaux compresseurs » que rien ne peut arrêter. Quel est donc le grain de sable qui pourrait perturber et, le cas échéant, faire dérailler des mécaniques apparemment sans faille ?

Comme souvent en pareil cas, la principale menace ne vient pas de l’extérieur mais est intrinsèque à l’organisation.


Toujours plus complexe

Vous vous souvenez de l’histoire de Sébastien, exposée dans le premier billet de cette série, TGE : les maîtres du jeu ? De cette situation kafkaïenne, on peut tirer un enseignement : les TGE vont devoir affronter des situations et des problématiques de plus en plus complexes.

Cette augmentation de la complexité est directement liée à leur taille et à la variété des situations auxquelles elles vont se trouver confrontées. Nous avons vu dans le précédant billet que l’effondrement des États-nations va mécaniquement entraîner un accroissement de la taille des TGE. Conséquence de cette inflation, la complexité à laquelle elles vont se trouver confrontées va augmenter corrélativement, ou plutôt exponentiellement.

En effet, doubler de taille, ce n’est pas multiplier par 2 mais plutôt par 3 ou 4 le niveau de complexité que rencontre l’organisation, que ce soit dans la gestion des priorités, la définition et la mise à jour des process internes, la coordination des collaborateurs… plus la « machine » grossit, plus la complexité augmente, plus cette « machine » devient inefficace car elle consomme de plus en plus d’énergie - en l’occurrence de temps-homme - à régler des problématiques d’organisation interne, plus elle est en décalage avec les besoins et la réalité du monde extérieur.

Cette constatation, vraie pour les États-nations, l’est également pour les TGE : leur taille sans cesse croissante est pour elles un piège fatal. Toujours plus gros implique nécessairement toujours plus complexe, lequel, à son tour, génère du « toujours plus inefficace », jusqu’à ce que le système s’effondre son propre poids.

La solution, ce serait de contrôler la croissance, d’essayer de ralentir la machine. Mais ce type d’option va aussitôt soulever deux objections majeures dans les conseils d’administration.

La première, c’est que ralentir la croissance a pour conséquence de laisser le champ libre à des concurrents toujours à l’affût de nouvelles parts de marché, de nouvelles opportunités, avec le risque de se retrouver « à la traîne », décroché, marginalisé. La peur de rater « une bonne opportunité » et le moutonisme qui prévalent dans la plupart des décisions d’entreprise seront, dans la majorité des cas, plus fortes que la sagesse « de ne pas y aller ».

La seconde, c’est l’avidité, la recherche et l’obsession du « toujours plus »… d’argent, de dividendes, de pouvoir. La cupidité et l’orgueil font alors bon ménage pour s’opposer à la raison.

Ne pas grossir constitue donc un challenge quasi-inatteignable pour une TGE. Une autre raison s’y oppose : comment employer le cash ? On peut bien sûr augmenter les dividendes mais les actionnaires vont pousser à l’investissement, au réemploi du cash dans des affaires qu’ils estiment profitables, à la diversification…. bref, tout concourt à augmenter la complexité de l’organisation.


Toujours plus visible

Autre conséquence de ces augmentations de taille et de richesse : les TGE, déjà très visibles, vont le devenir de plus en plus. Elles vont devoir consacrer toujours plus d’argent et de temps pour contrôler et soigner leur image et leur communication. Cette mise en lumière de leurs activités, de leurs pratiques et de leurs mœurs ne fera qu’accroître les risques auxquels elles auront à faire face.

Malgré leurs efforts pour contrôler « ce qu’on dit d’elles », les TGE vont rencontrer des difficultés croissantes pour combler le « grand écart » entre l’image qu’elles souhaitent donner d’elles et la réalité de leurs pratiques.

Par exemple, Apple, avec ses 100 milliards de dollars de trésorerie et son usage de pratiques quasi-esclavagistes dans les usines Foxconn en Chine (voir Mourir pour un iPhone), devra consacrer des efforts (lisez : argent et temps) toujours plus importants pour continuer de se positionner comme une « gentille marque à la pomme » qui crée « des produits sympa, cool et branchés ». Un jour, on est rattrapé par la réalité…

Toujours plus visible, donc toujours plus risqué. En se substituant aux États-nations dans leurs activités les plus rentables (pour prolonger l’exemple ci-dessus, il est intéressant de noter qu’Apple s’est lancé sur le marché des manuels scolaires via l’iPad et commence à se positionner comme une « multinationale de l’éducation »), les TGE se trouveront confrontées à des problèmes de nature politique, à des revendications citoyennes, à des menaces de boycott ou de consommation alternative.


Toujours plus concentré

Last but not least, la concentration croissante des richesses au niveau mondial va conduire – à terme – les TGE dans une impasse.

En effet, celles-ci ont bâti leur fortune et leur croissance sur l’existence d’une classe moyenne capable d’acheter massivement les produits et services qu’elles produisent : une société de consommation en expansion perpétuelle est pour elles une condition sine qua non de survie.

Ces TGE se trouvent actuellement dans une phase où elles pressurent tout ce qu’il est encore possible de pressurer d’un « consommateur » occidental – et notamment américain – surendetté et en voie de paupérisation tout en « mettant le paquet » sur la classe moyenne asiatique naissante qui représente, à ses yeux, un nouvel Eldorado.

Mais tout ceci n’aura qu’un temps. La vitesse à laquelle les inégalités croissent en Chine (voir Le Second Empire) entraînera inéluctablement, sans doute plus vite qu’on ne l’imagine, le déclin et la paupérisation de cette classe moyenne mort-née.

La concentration des richesses des individus, qui tarira les sources de revenus des TGE, pourrait entraîner, à son tour, une phase ultime de concentration de ces dernières. Un Big Brother, une World Company pourrait-il alors voir le jour ? L’annoncer aujourd’hui relèverait du fantasme de politique-fiction. Au fond, il est fort probable que ce « système TGE » aura explosé en vol avant d’atteindre ce stade.

Pourquoi ? Tout simplement parce que richesse et taille sans cesse croissantes ne suffiront pas à contrebalancer les problèmes liés à une complexité constamment accrue et à une visibilité toujours plus forte, génératrice de conflits et de revendications. En devenant État-Providence, l’État-nation a probablement déclenché le processus qui le mènerait à son déclin ; en devenant TGE, l’entreprise a certainement fait de même.

Dans les deux cas, tout est question de temps et de vitesse d’accélération. Plus la transformation a été, est ou sera rapide, plus la croissance a été, est ou sera forte, plus le risque d’effondrement lié à la gestion de la complexité et de la visibilité a été, est ou sera élevé.

Après avoir connu l’apogée, les TGE connaîtront donc à leur tour le déclin : inefficacité croissante, critiques externes et internes, baisse des bénéfices, contestation de leur rôle et de leur utilité, revendications en tout genre…


Les deux phases du « nouveau Moyen-Âge »

Que conclure de cette série de billets ? Que nous pourrions sans doute assister à un « nouveau Moyen-Âge » qui se déroulerait en deux phases :

  • première phase, le haut nouveau Moyen-Âge, qui verra le déclin des États-nations et la prospérité des TGE. Pour elles, ce sera alors « toujours plus riche, toujours plus gros » ;
  • seconde phase, le bas nouveau Moyen-Âge. Les « toujours plus complexe, toujours plus visible, toujours plus concentré » prendront alors le dessus, avec pour conséquence que les TGE entameront à la fois une période de concentration et de déclin.

Les signaux annonçant l’entrée dans cette première phase sont d’ores et déjà visibles : nous assistons actuellement à des « écroulements » successifs de structures publiques surendettées et devenues incapables de gérer leur taille ainsi que la complexité des situations auxquelles elles sont confrontées.

Quant à la seconde phase, elle ne peut aujourd’hui qu’être déduite de la première, même si des signaux (très) discrets d’une « autre vision de la société » se font jour en ordre très dispersé mais sans constituer, et de très loin, une pensée structurée et cohérente.

On pourrait objecter que cette représentation du futur s’apparente trop à un « copier-coller » de ce que nous avons connu entre la chute de Rome et l’an 1500. Permettez-moi alors, à titre certes assez inhabituel, de conclure par une citation de l’Ecclésiaste : « ce qui sera dans l’avenir a été antérieurement. »


Lundi
© La Lettre du Lundi 2012

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