
http://www.rue89.com/2008/05/14/valse-avec-bachir-la-memoire-disrael-en-dessin-anime
Puzzle identitaire autour de cauchemars récurrents
Dans « Waltz with Bashir », Ari Folman retrace un traumatisme individuel et collectif. Le sien et celui de son pays. Le choix, très gonflé, du cinéma d'animation renvoie à un souci d'exemplarité, histoire que chacun, en Israël, puisse se reconnaître à travers ces personnages dessinés et ordinaires, résolument non-héroïques. Quel est ce passé qui ne passe pas ? Comment la mémoire s'est-elle arrangée avec les souvenirs dérangeants ? Pourquoi un quart de siècle après les faits, le protagoniste principal du film, Ari lui-même donc, est-il victime de cauchemars récurrents ? Peu à peu, le puzzle identitaire s'assemble. A vingt ans, Folman fut un soldat de Tsahal. Au Liban, en 1982, il connut l'horreur des combats et la déraison sanguinaire au travail. Point d'orgue, si l'on ose dire, les massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila perpétrés par les milices chrétiennes, suite à l'assassinat du président libanais Bashir Gemayel, sous l'œil (au mieux indifférent) de l'armée israélienne.
Le film bouscule la chronologie. Mêle le présent et des bribes des événements de 1982. Ari met en scène son enquête subjective. Il va voir ses potes de l'époque. Retrace avec eux une jeunesse commune. Les avertit de son ambitieux dessein (« Ce film est une thérapie »). Les réminiscences s'incarnent sur l'écran. Départ pour le Liban. Rêveries érotiques pour conjurer la trouille. Plongée dans le quotidien des attentats et le bourbier libanais. Permissions intermittentes. Apprentissage en accéléré de l'âge adulte. Enjeux politiques et militaires flous…
Face au refus collectif de se voir dans la peau du tortionnaire
Pourquoi une mémoire si friable ? Qu'avons-nous désiré à ce point ne pas voir ? La grande force (esthétique et politique) de « Waltz with Bashir » tient dans cette double question que Folman se pose à lui-même et pose à son pays. Sorte de psychanalyse historique, le film, en à peine une heure trente, tend un miroir dérangeant à Israël et à ses enfants. Et ose même avancer -ce que seul un Israélien peut faire- que la mauvaise conscience nationale face à ce passé éminemment trouble s'explique peut-être par un refus collectif de se voir dans la peau du tortionnaire.
Audace sur le fond et, bien sûr, audace sur la forme. Même si l'on est plus ou moins séduit par le style d'animation (un rien pompier) mis au point par Folman ; même si l'on peut regretter une certaine grandiloquence (musique omniprésente, effets sur-dramatisants), « Waltz with Bashir » demeure une œuvre atypique et, surtout, historiquement marquante.
À la fin du film, le cinéaste renonce à son procédé. Des images documentaires (cadavres de palestiniens, désolation dans les camps, errance des survivants hagards) succèdent à celles d'animation. Comme si en ayant renoué les fils de sa propre mémoire, il était temps désormais pour Ari Folman de montrer ce qu'il était vraiment advenu et qu'il convient de ne jamais oublier.
http://www.rue89.com/2008/05/14/valse-avec-bachir-la-memoire-disrael-en-dessin-anime
http://www.20minutes.fr/article/286945/Cinema-Valse-avec-Bachir-en-BD.php
Un film d'Ari Folman
Titre original : WALTZ WITH BASHIR (Israël)
Présenté en Sélection Officielle au Festival de Cannes 2008
Ari, metteur en scène israélien, a rendez-vous en pleine nuit dans un bar avec un ami en proie à des cauchemars récurrents, au cours desquels il se retrouve systématiquement pourchassé par une meute de 26 chiens. 26, exactement le nombre de chiens qu'il a dû tuer au cours de la guerre du Liban, au début des années 80 !
Le lendemain, Ari, pour la première fois, retrouve un souvenir de cette période de sa vie. Une image muette, lancinante : lui-même, jeune soldat, se baigne devant Beyrouth avec deux camarades.
Il éprouve alors un besoin vital de découvrir la vérité à propos de cette fraction d'Histoire et de lui-même et décide, pour y parvenir, d'aller interviewer à travers le monde quelques-uns de ses anciens compagnons d'armes.
Plus Ari s'enfoncera à l'intérieur de sa mémoire, plus les images oubliées referont surface.
A l’image de la horde de chiens, graphisme hallucinant, qui dévalent la rue, enragés pour finalement aboutir devant un domicile. Celui de l’homme qui raconte son rêve, celui qui toutes les nuits revient le hanter. Ce souvenir, celui des chiens qu’il fut chargé de réduire au silence lors d'une opération commando de « Tsahal » au Liban.
Ce rêve, il s’en ouvre à Ari, le réalisateur de ce film d’animation, le dessin comme filtre, comme un léger écran pour pouvoir aborder ce qui va suivre. Mais d’abord Ari Folman devra lui-même retrouver la mémoire, rétablir la vérité, recoller les éléments du puzzle, que son esprit a plus ou moins gommé, cette fameuse mémoire sélective, reléguant au loin les faits dérangeants de notre vie.
Commence alors pour lui un voyage vers ses anciens compagnons d’armes, ceux avec qui il a effectué ce fameux service militaire obligatoire israélien. Des gamins morts de trouille.
Le dessin est très coloré, le trait précis et pourtant lâche, établissant ainsi un bon équilibre entre l’importance du propos, du récit et la visualisation que chacun peut s’en faire ! Alors que petit à petit les faits remontent à la surface, l’histoire se dessine, la mémoire de’Ari se réveille, , les chars entrant dans Beyrouth, les snipers, Bachir et sa valse meurtrière…Guerre et peur, l’une se nourrissant de l’autre et vice versa, des gamins apeurés tirant à tout va, se rassurant au seul staccato de leur mitrailleuse. En face, parfois un gamin seul armé d’un lance roquette sème lui-aussi son lot de mort en vrac..
L’histoire, nous pourrions y mettre un H majuscule, nous sommes ici plongé aux trois quart dans un passé bien réel.
Et quand enfin tout le passé remonte à la surface, c’est un événement d’un gout amer, putride, abject, celui que même la guerre et ses tribunaux condamne..le massacre organisé de population civiles et belligérantes confondues, l'assassinat par les phalangistes chrétiens des palestiniens des camps de Sabra et Shatila, là haut à porté de jumelles Tsahal assiste , les Phalangistes agissent, les Palestiniens meurent. !
Voila Un film nécessaire, adouci par l’animation, comme nous stylisons, restituons une image, en l'occurrence un dessin de nos émotions de nos souvenirs comme de nos peurs , les images de fin , d’archives celles-là attestent de la véracité du propos, de l’horreur aussi !!! Une œuvre choc, je suis resté sonné durant quelques minutes..
Cette pensée bien présente à l'esprit , comme pour ces hommes le réel retrouvé
"Reality is that which, when you stop believing in it, doesn't go away."
"La réalité est cela qui, quand vous cessez de croire à elle, ne
part pas. - Philip K. Dick
Voilà, il me semble, l'évidence qui a marqué et ne quittera pas l'esprit de ces hommes, quand à ce dernier comme la meute du début il est un loup pour son frère, encore que l'animal obéisse à des impératifs plus honorables, une simple question de survie !
CommeAuCinema.Com "..On sort sonné et même bouleversé par la force des images animées, qui laissent leurs places sur les dernières minutes à des images vraiment réelles qui rappellent qu’il ne s’agit hélas pas que d’un mauvais rêve.."
Excessif.Com "...Ari Folman a en effet choisi l'animation comme processus narratif. .... il craignait que sous forme de simples témoignages, le propos ne perde de sa force et devienne très vite ennuyeux .. la forme du récit attire, d'autant plus que visuellement Valse avec Bachir est magnifique, l'esthétisme du film venant du coup se heurter au sujet, dramatique, revenant sur l'assassinat par les phalangistes chrétiens des palestiniens des camps de Sabra et Shatila. L'animation est certainement pour Ari Folman une façon de pouvoir supporter cette barbarie, le dessin se posant comme une barrière de protection avec la réalité directe, mais du coup, et même si on la ressent, elle reste minimisée par rapport à la force d'une photographie, et c'est probablement pour recentrer son récit dans la violence de ces évènements, la faire pleinement jaillir, que le cinéaste clôt son film sur de poignantes images, celle de la réalité.
http://irreductibles.blogspot.com/2008/06/valse-avec-bachir-un-film-dari-folman.html
David Polonsky poursuit sa Valse avec Bachir sur papier
Posté par Laurence Le Saux le 12 fév 2009 dans Magazine • Pas de commentaires
En 1982, Ari Folman est envoyé à Beyrouth pour faire la guerre, et assiste aux massacres de Sabra et Chatila. Vingt-cinq ans après, le cinéaste israélien décide de traduire ses souvenirs en images dans le film Valse avec Bachir. Il choisit le dessinateur David Polonsky comme directeur artistique. Ce dernier a ré-endossé ce rôle afin de transposer leur long-métrage en bande dessinée. Il explique le passage d’un médium à un autre.

Comment le dessin animé Valse avec Bachir est-il devenu une BD?
Grâce à un mail de Riva Hocherman, éditrice chez Metropolitan Books à New York. Elle m’a écrit un an avant que le film soit terminé, elle avait eu vent du projet et cherchait à publier des albums denses, au contenu politique. Ari et moi nous sommes dit que c’était une bonne idée : nous voulions voir Valse avec Bachir sur un autre support. Le film est un vrai bordel, un objet turbulent qui mêle le son et la musique, et où beaucoup de choses se passent. La BD nous offrait l’opportunité de délivrer à nouveau notre message, mais de façon plus claire et concise, de façon à ce qu’il atteigne plus facilement le cerveau ! Peut-être qu’en lisant le livre vous ne pleurerez pas, mais vous comprendrez mieux l’histoire…
À quelles difficultés vous êtes-vous heurté en transposant le film sur papier ?
L’absence de son, d’abord. Certaines scènes sont imprégnées de musique, comme celle où les soldats sont sur la plage. Toute cette énergie musicale était impossible à traduire dans l’album. Plutôt que de tenter d’imiter cette ambiance, j’en ai pris le contre-pied, en ralentissant le rythme. Il m’a aussi fallu réorganiser la narration en doubles pages. Pas question d’empiler les scènes les unes à la suite des autres, leur effet se serait annulé. D’autant qu’elles fonctionnent par rapport à l’atmosphère graphique et aux couleurs. Trouver comment les agencer fut un véritable casse-tête ! Alors que je pensais passer trois mois sur le livre, j’ai fini par lui consacrer un an et demi – pas à plein temps toutefois. Heureusement, je n’ai pas eu à refaire beaucoup de dessins. J’ai même utilisé certains croquis préparatoires, comme dans la scène avec les chiens, car ils étaient plus détaillés que les documents finalement utilisés pour le film.
Comment avez-vous connu Ari Folman ?
Un jour, en 2004, Ari m’a appelé. Nous ne nous connaissions pas, mais il cherchait quelqu’un pour animer une série documentaire, The Material that love is made of [Le Matériau dont est fait l'amour]. On y suivait quatre histoires d’amour à différentes période de la vie, qui mêlaient images animées et prises de vues réelles. C’est en réalisant ces épisodes qu’Ari a compris qu’il pouvait traiter ses souvenirs de guerre par le même biais.
Quel a été précisément votre rôle sur le film Valse avec Bachir ?
Pendant trois ans et demi, j’en ai été le directeur artistique. C’est-à-dire que j’ai développé l’approche esthétique de l’œuvre et que j’ai fait la plupart des dessins. Sur ce projet, les animateurs ne dessinaient pas, il se contentaient de manipuler les images. Chaque dessin a été imaginé de façon à pouvoir être divisé en de multiples morceaux, afin de pouvoir être animé le plus facilement possible. Ainsi, le nombre de dessins à réaliser n’a pas été énorme. J’ai principalement travaillé à la maison, dans mon salon !
Comment avez-vous défini le style graphique ?
Il devait être naturaliste, expressif, mais très simple. Il ne s’agissait pas d’être virtuose, mais d’atteindre un certain réalisme. À la différence de Persepolis, qui est un récit beaucoup plus personnel et offre par conséquent une plus grande liberté artistique, Valse avec Bachir porte une responsabilité historique et compile les histoires de plusieurs personnes. Il fallait donc tenter d’être le plus objectif possible.
Quel a été votre parcours avant Valse avec Bachir ?
Ma famille est originaire de Kiev, en Ukraine. En 1981, nous avons quitté l’URSS pour venir nous installer en Israël, à Haïfa. Ma sœur et moi avons toujours été intéressés par le dessin. Nos parents, ingénieurs, nous ont encouragés dans cette voie. Enfant, je voulais devenir explorateur, et écrire des livres comme ceux de l’écrivain et naturaliste Gerald Durrell. Je ne sais plus pourquoi j’ai laissé tomber cette idée, ç’aurait été une activité plus saine que le dessin ! Dans ces deux professions, on retrouve toutefois un goût fort pour l’observation. Après mon service militaire en Israël, j’ai étudié la communication visuelle à Jérusalem et me suis installé à Tel-Aviv – comme tous ceux qui veulent éviter de côtoyer les ultra-religieux… J’ai ensuite fait de l’illustration et de petites animations télévisées, ainsi que des livres pour enfants.
Quels sont vos projets ?
Je travaille sur un film de science-fiction avec Ari Folman. Il est tiré d’un roman de Stanislaw Lem [l'auteur de Solaris], Le Congrès de futurologie. On y traitera entre autres des effets hallucinatoires de la drogue et de la fin du cinéma à Hollywood… Je prépare aussi un livre de recettes. Il me servira d’excuse pour raconter des histoires de juifs soviétiques, qui sont les gens les plus drôles de la Terre !
Propos recueillis et traduits par Laurence Le Saux
http://www.bodoi.info/magazine/2009-02-12/david-polonsky-poursuit-sa-valse-avec-bachir-sur-papier/11823

http://www.iconovox.com/blog/tag/valse-avec-bachir/
Sélection officielle du Festival de Cannes
Vidéo ici
http://videos.arte.tv/fr/videos/valse_avec_bachir-3541392.html