Dimanche 16 août 2009
- Par L' Aviseur -
Reprise en main des banques, nouveau tour de vis budgétaire, poursuite de l’ouverture et réorganisation de la majorité en vue des régionales : d’ici peu, le calme politique de l’été ne sera plus qu’un souvenir…
La fin des vacances… S’il ne devait y avoir qu’un point commun entre les enfants et les banquiers, ce serait celui là : les uns comme les autres voient sans plaisir la rentrée s’approcher. Et l’on pourrait en dire autant des parlementaires, qui s’apprêtent à entériner un budget prodigue en révisions déchirantes. Sans parler des dirigeants de l’UMP, qui devront expliquer aux électeurs de droite pourquoi les impôts qu’ils avaient promis de baisser vont augmenter en 2010…
Pour les banquiers, l’échéance tombera une semaine avant celle des écoliers : le mardi 25 août, jour qu’a choisi Nicolas Sarkozy pour « s’occuper sérieusement de leur cas », selon l’expression d’un conseiller de l’Élysée.
Dès le 7 août, François Fillon les avait prévenus, juste après que Libération eut révélé, l’avant-veille,que BNP Paribas, secourue à hauteur de 5 milliards d’euros par les contribuables français, avait provisionné un milliard pour payer les bonus de ses traders en 2010 : « L’État a mis à la disposition des banques des moyens importants pour les aider à surmonter la crise financière : le respect de leurs engagements [de financer les particuliers et les entreprises] est une exigence absolue. »
Quels engagements ? Ni plus ni moins que les recommandations du G20, publiées en avril dernier (lire notre dossier pages 6 à 10) : « La politique de motivation salariale des banques doit promouvoir la stabilité de l’économie » et éviter de « récompenser le court terme et la prise de risque ». Très exactement ce que le président de la République entend répéter de vive voix – et d’un ton sans doute encore plus vif – aux représentants des établissements de crédit qu’il recevra à l’Élysée, le 25 août, juste avant le premier Conseil des ministres de la rentrée. Sa fermeté devrait être assortie d’une nouvelle initiative internationale : juste avant ou juste après cette réunion, il saisira personnellement chaque chef d’État présent au prochain G20 (à Pittsburgh, les 24 et 25 septembre) afin que ce sommet débouche sur des décisions unanimes et, si possible, immédiatement opérationnelles, permettant de contrôler l’usage fait par les banquiers des gigantesques masses de liquidités injectées par les États pour sauver leurs établissements…
Nul doute que, sur ce point, l’opinion, de droite comme de gauche, suivra largement Nicolas Sarkozy, dont les interventions répétées sur le sujet ont certainement contribué à faire grimper sa cote : + 12 points d’opinions favorables depuis le mois de mai, selon un sondage CSA pour VSD publié le 4 août, ce qui porte à 53 % la part des personnes interrogées estimant qu’il est un “bon président”.
Quoi qu’il signifie, ce net retournement de tendance devrait encourager le président à persévérer dans l’intransigeance qui est devenue la sienne face aux “excès du libéralisme”. La crise aidant, ses critiques contre « un système devenu fou » émaillent le moindre de ses discours. Elles devraient servir à justifier ce qui, sans elles, constituerait sans doute une provocation pour son électorat (et même pour les sympathisants socialistes qui l’avaient préféré en 2007 à Ségolène Royal) : la hausse inévitable de la pression fiscale.
Celle-ci est inscrite dans les chiffres depuis que le ralentissement de l’activité économique, avec son cortège de défaillances d’entreprises et de nouveaux chômeurs à indemniser, a débouché mécaniquement sur une baisse des recettes. Résultat : un déficit public de 140 milliards d’euros prévu en 2009, soit 7,5 % du PIB (un chiffre plus de deux fois supérieur au seuil maximal autorisé par les traités européens que nous avons signés). Et une dette publique qui pourrait atteindre 95,5 % du PIB en 2014 (contre 73 % actuellement et 63,8 % avant la crise)…
Déjà, les pistes sont connues pour limiter le creusement du déficit (à défaut de commencer à renflouer les caisses de l’État) et les arbitrages sont en suspens : une suppression des niches fiscales ou à tout le moins leur plafonnement, quand ce n’est pas un “rabotage” uniforme de toutes les réductions d’impôts consenties (lire page 25 le Commentaire de David Victoroff)… Mais il faudra sans doute qu’une fois de plus le président descende dans l’arène pour expliquer à ses électeurs que seules les classes moyennes devront payer davantage d’impôts, puisqu’il reste hors de question d’abolir le “bouclier fiscal” qui ne profite, de fait,qu’aux plus aisés (fût-ce, comme le propose le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, Philippe Marini, en supprimant du même mouvement l’ISF, responsable de l’expatriation de tant de patrimoines)…
Mais le creusement des déficits n’explique pas à lui seul le retour programmé de la pression fiscale. Pour l’Île-de- France en particulier, la réalisation du Grand Paris, chère à Nicolas Sarkozy, pourrait ajouter l’impôt à l’impôt.Ou plus exactement des taxes aux taxes.
C’est ainsi que le rapporteur de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Gilles Carrez, dans la synthèse qu’il vient de remettre au premier ministre sur le financement des travaux du Grand Paris (évalués à 40 milliards d’euros étalés sur quinze ans), propose une série de mesures qui ne devraient pas améliorer le moral des ménages franciliens.
D’abord et surtout pour les Parisiens, une hausse des amendes simples de stationnement, qui passeraient de 11 à 20 euros. Une mesure potentiellement impopulaire quand on sait que, de son propre chef, la mairie de Paris a décidé de restreindre drastiquement les places de parking… Mais les autres habitants de l’Île-de-France ne seraient pas oubliés, puisque Carrez envisage parallèlement d’augmenter le taux de la taxe spéciale d’équipement perçue par la région, de même que le prix des transports publics (jusqu’alors présentés comme une alternative à l’automobile !), tandis que les entreprises verraient, elles, le versement transport (VT) revu à la hausse. Toutes choses qui, de l’aveu même du rapporteur, ne suffiraient pas à financer les infrastructures du futur Grand Paris et nécessiteraient un (autre) recours à l’emprunt…
Pour autant, les projets de l’Élysée pour la rentrée ne se limitent pas aux questions économiques et budgétaires. Leur volet politique est tout aussi chargé.
La poursuite éventuelle de l’ouverture, d’abord. Faute d’avoir été mené à bien fin juillet, pour cause de malaise présidentiel, le mini-remaniement prévu pour compléter celui de juin pourrait avoir lieu d’ici à la rentrée. Même s’il ne devrait, comme on le suggère, concerner que deux ou trois secrétariats d’État, on imagine mal Nicolas Sarkozy laisser passer une occasion de frapper l’opinion par des nominations symboliques. Surtout, le président entend s’impliquer personnellement dans deux dossiers politiques qu’il considère comme prioritaires : le redécoupage des circonscriptions législatives et la préparation des élections régionales de 2010.
La refonte de la carte électorale, dont le projet a été préparé et présenté au Conseil des ministres du 29 juillet par le secrétaire d’État à l’Intérieur et aux Collectivités territoriales, Alain Marleix, était une nécessité démographique. Le dernier redécoupage remonte à 1986 : il avait été effectué sous l’autorité de Charles Pasqua, alors ministre de l’Intérieur, dans la foulée du rétablissement du scrutin majoritaire, aboli l’année précédente par François Mitterrand. Autant dire que, depuis vingt-trois ans, des circonscriptions s’étaient vidées de leurs habitants, devenant surreprésentées, d’autres se “remplissant” pour devenir sous-représentées. C’est ainsi que pour corriger ces écarts de population, qui pouvaient atteindre 600 % d’une circonscription à une autre (217 000 habitants pour la 6e du Var ; 37 000 seulement pour la 2e de la Lozère !), il a été décidé que 27 départements, ruraux pour la plupart, perdraient un total de 33 sièges de députés, et que 15 autres, essentiellement urbains, ainsi que 3 collectivités d’outre-mer, gagneraient 22 circonscriptions.Par ailleurs, 11 sièges sont créés pour les Français de l’étranger.
Un redécoupage rendu nécessaire par les évolutions démographiques
La plus grande circonscription française (la 6e de la Seine-Maritime) ne comportera plus désormais que 146 000 habitants, contre 61 000 pour la plus petite (la 2e des Hautes-Alpes).
Mais comme chaque fois qu’un gouvernement “redécoupe”, l’opposition s’empare du sujet pour suggérer une manipulation politique, la majorité au pouvoir se voyant reprocher d’offrir à ses sortants des frontières électorales sur mesure (comme les fameux “bourgs pourris” de l’Angleterre prévictorienne) et à ses adversaires, des zones hétérogènes, plus difficilement gagnables.
Aucune majorité, jamais, n’a échappé au soupçon. Et c’est pourquoi nul ne s’est essayé à l’exercice depuis Jacques Chirac, sous la première cohabitation. Sarkozy, lui, en fait une question de principe. Autant pour réparer une injustice politique évidente que pour affirmer son autorité.
Mais c’est dans la bataille des élections régionales du printemps 2010 que l’Élysée compte s’investir le plus. Avec une chance maximale, malgré la crise, d’emporter la mise…
En 2004, en effet, les socialistes avaient conquis 20 régions sur 22, situation exactement inverse de celle qui prévalait en 1992. Or les élections européennes du 7 juin, marquées par la poussée des écologistes, ont démontré que, sauf miracle, la gauche ne pouvait conserver tous ses gains.
Dans 6 régions sur 22 (parmi lesquelles l’Île-de-France, Rhône-Alpes et Paca), les écologistes, de fait, sont arrivés devant le PS. Un rapport de force qui, à coup sûr, débouchera presque partout sur des triangulaires UMP-PS-Verts, à moins que Martine Aubry et Daniel Cohn-Bendit parviennent à s’entendre sur des listes communes avant le premier tour.
Au PS, certains estiment même qu’il est inutile de négocier, tant les prétentions des Verts seront élevées. Déjà, Europe Écologie a annoncé la naissance prochaine du mouvement Régions Écologie, ce qui laisse peu de doute sur ses intentions… À l’UMP, où l’on se souvient que les régionales de 2004 avaient été perdues en raison des triangulaires imposées par le Front national, l’humeur est donc à l’optimisme : entre 8 et 10 régions pourraient ainsi être arrachées à la gauche. Et même plus si le Front national ne remonte pas d’ici là.
C’est dans cette perspective que Nicolas Sarkozy a personnellement demandé à Philippe de Villiers, qui ne l’a pourtant jamais ménagé, de faire liste commune avec l’UMP pour les régionales. Ce que le président du MPF pouvait difficilement refuser, dès lors que, s’agissant de la gestion quotidienne, et contrairement en cela aux dossiers européens, aucune question de fond ne le sépare du parti présidentiel. Forts de 14 % dans les Pays de la Loire et de 12% en Poitou-Charentes (chez Ségolène Royal), les villiéristes peuvent en effet jouer un rôle décisif dans cette reconquête du territoire.
Plus largement, Villiers prend acte, en rejoignant le comité de liaison de la majorité, de la bipolarisation croissante de la vie politique,dont son mouvement (4,8 % des voix) a été victime aux européennes. « Comme le parti conservateur britannique, composé de ses “progressistes” et de ses “intransigeants”, pourquoi la droite française ne compterait-elle pas, en son sein, une frange acquise au fédéralisme européen, et une autre à la souveraineté nationale ? », explique-t-on au MPF, où l’on veut croire à une entente possible avec l’UMP dans le cadre d’élections “ordinaires”…
Dans l’éternel débat opposant ceux qui pensent qu’on ne pèse efficacement que de l’“intérieur” et ceux qui estiment que le ralliement aboutit toujours à la disparition des minoritaires, Villiers a tranché, lui, pour la première proposition.
En 2010, en tout cas, elle devrait lui profiter.