La crise des « subprimes » a démontré avec éclat et au prix fort, la nécessité de réguler les marchés financiers, et a converti à cette « philosophie » bon nombre de libéraux convaincus. La « main invisible » d’ Adam Smith, cette bonne fée chargée de veiller sur les marchés, n’est pas une magicienne infaillible. Elle a besoin d’être aidée. Or, paradoxalement en France, sous couvert de révision générale des politiques publiques (RGPP) visant à assurer les politiques publiques à moindre coût, but fort louable en soi, on en vient à démanteler la DGCCRF - Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes-, un des principaux vecteurs de la régulation des marchés des biens, des produits et des services La vérité des marchés financiers ne serait-elle pas la vérité des autres marchés ? N’est-on pas en train de jouer à nouveau aux apprentis sorciers ?
La régulation économique des marchés des produits, des biens et des service, c’est s’assurer, dans l’intérêt général, de leur bon fonctionnement et de leur efficacité. C’est par exemple - garantir la loyauté des transactions - veiller à la bonne information des consommateurs sur les prix et les produits. Le marché concurrentiel a pour fondement la transparence, c'est-à-dire la bonne information des acteurs pour que ceux-ci agissent au mieux de leurs intérêts, condition d’une bonne efficience du marché au bénéfice de tous. - veiller aux règles de concurrence pour éviter les ententes et abus de positions dominantes, pratiques qui faussent le fonctionnement du marché et maintiennent des prix artificiellement élevés. - s’assurer que les produits échangés sont sains (l’exemple récent de la mélamine dans le lait est là pour montrer que ce n’est pas un objectif anodin). - veiller aux règles d’hygiène, et plus généralement, à la santé du consommateur. - veiller à la sécurité des produits (retrait des produits dangereux). - rétablir les équilibres contractuels, ou corriger les déséquilibres. La protection économique du consommateur s’inscrit dans cette logique car celui-ci se trouve de plus en plus en position de faiblesse sur le marché. Les relations fournisseurs/distributeurs relèvent également du même enjeu avec des réglementations qui évoluent dans le temps en fonction des rapports de force, favorables aux uns à une époque, puis favorables aux autres un peu plus tard selon l’évolution des pouvoirs de marché des différents acteurs (puissance d’achat, pouvoir de négociation etc). Toutes ces missions de protection économique des consommateurs, régulation concurrentielle des marchés, loyauté des transactions, garantie de la qualité et de la sécurité des produits alimentaires, des produits industriels et des services sont assurées en France principalement par la DGCCRF, composée d’une administration centrale, d’un maillage territorial d’unités départementales fédérées au plan régional, de réseaux fonctionnels de compétence, et d’un réseau national de laboratoires. Cette organisation lui permet d’avoir une bonne connaissance du tissu économique, d’être réactive, et de développer des synergies entre toutes ses missions.
Or, une circulaire du premier ministre du 31 Décembre 2008 a décidé, en catimini, et à l’encontre de toutes les orientations discutées et retenues jusque là, d’intégrer purement et simplement les unités départementales de la DGCCRF aux nouvelles directions interministérielles des préfectures. « les actuelles unités départementales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes seront intégrées dans la DDPP ou dans la DDCSP » Ceci a pour conséquence de casser le lien entre ces unités et l’administration centrale, et de transformer un service public national de régulation économique du marché et de protection des consommateurs en une myriade de services départementaux isolés qui n’auront plus l’autorité et l’indépendance indispensable à l’exercice de leurs missions et ainsi la faculté de résister aux pressions économiques et politiques locales. Ils exerceront désormais leurs missions, certes à partir d’instructions nationales, mais dans le cadre des « arbitrages du Préfet » en tant que « garant de l’utilité publique ».
Ce changement est lourd de conséquences pour trois raisons :
1 - une action qui n’est plus à la dimension des marchés. Les marchés sont nationaux, européens et mondiaux et la régulation doit obligatoirement se situer au même niveau. Une des principales raisons des désordres des marchés, c’est justement de ne pas toujours avoir une gouvernance efficace au niveau européen et mondial. Toute l’évolution de la DGCCRF a été, dans son cadre national, de s’adapter aux nouvelles réalités économiques, en développant une capacité de réponse en rapport avec la situation d’un marché où les principaux opérateurs sont des entreprises nationales ou multinationales - grands groupes de distribution, laboratoires multinationaux, groupes bancaires, grands industriels etc- . Il faut, de toute évidence, être en mesure d’agir au même niveau.
En fait, il y a deux contresens fondamentaux dans cette réforme. - Elle est présentée sous l’angle d’une administration plus proche des citoyens ou des consommateurs, or pour bien jouer son rôle de régulateur du marché et de protection du consommateur, son action doit au contraire être nationale. - Le deuxième contresens porte sur la nature du rôle de la DGCCRF. Ce n’est pas un service public qui se contente de réagir lorsqu’il y a des crises, c’est au contraire un service qui agit en amont pour prévenir ces crises, et cette action a besoin d’être organisée nationalement. Ce n’est pas non plus un service qui a pour seules missions, ou missions essentielles, de veiller au bon affichage des prix, au respect des règles d’hygiène dans le commerce alimentaire de détail, ou de surveiller le bon déroulement des soldes. Même dans ces cas qui semblent pourtant relever du niveau local, une approche nationale est préférable car souvent les entreprises contrôlées font partie de groupements ou de réseaux qui obéissent à des pratiques dépassant le cadre strictement local.
2 - une action qui n’est plus indépendante. Dès lors que cette action est exercée sous l’arbitrage du préfet en tant que garant de l’utilité publique, on peut craindre que les missions ne pourront plus s’exercer en toute indépendance des milieux économiques et politiques car les pressions locales sont très fortes, et il peut y avoir antinomie entre les politiques publiques (emploi, développement économique local etc). Or, lorsqu’il s’agit de pratiques frauduleuses, anticoncurrentielles, de sécurité sanitaire, de qualité des produits, on n’a pas le droit de composer. Il ne peut y avoir d’arbitrage car ce sont des missions d’intérêt public. Il ne s’agit pas de défiance vis-à-vis des préfets et de leur sens de l’intérêt général, il s’agit de logique organisationnelle et d’efficacité des missions.
3 - une action qui sera amoindrie pour deux raisons : - l’unité sera noyée dans une direction des populations qui verra au fil du temps ses effectifs se restreindre. C’est le but voulu par la RGPP. Il sera plus facile de diminuer les effectifs d’un ensemble plus vaste que de réduire les effectifs des unités départementales de la DGCCRF actuelles qui sont à un niveau plancher dans bon nombre de départements, une poignée d’agents pour un champ d’action aussi vaste et essentiel. - un risque évident de dérive vers des tâches d’administration locale à l’appréciation unique des préfets qui seront en manque de moyens par ailleurs. Le risque de perte de moyens pour le cœur de mission de la « DGCCRF » est d’autant plus sérieux que les unités départementales y sont confrontées depuis toujours, mais que jusque là, adossées au ministère de l’économie, elles étaient mieux armées pour y résister.
Est-il imaginable que la régulation des marchés financiers puisse s’exercer à un niveau départemental ? Non bien sûr, ça n’a pas de sens. Eh bien, effectuer la régulation économique des marchés à ce niveau est tout aussi absurde. Une entreprise est implantée localement, prenons l’exemple du siège d’un grand groupe alimentaire, elle a à ce titre une importance économique locale considérable. Son action ne concerne pas seulement le département, mais l’ensemble du marché national. Les contrôles faits auprès de cette entreprise doivent pouvoir s’affranchir des contraintes locales car l’enjeu est national. Paradoxalement, au moment où l’économie se mondialise, on se replie en termes d’action économique sur l’échelon local. Lorsque les fraudes portaient sur l’adjonction d’eau au lait et que le produit falsifié était distribué localement, l’action du service au niveau départemental avait un sens. Aujourd’hui, les enjeux sont tout autres.
Mais est-ce si grave que cela ? Oui, parce que cela touche à des questions très sensibles. On a connu ces dernières années un développement des crises sanitaires (« crise de la vache folle », « tremblante du mouton », « grippe aviaire » etc). Avec la complexification des produits (aux ingrédients transformés et d’origines diverses) et la mondialisation de l’économie, ces crises continueront à se multiplier. Les domaines de l’alimentation animale et de l’alimentation humaine sont de plus en plus sensibles. Le consommateur n’imagine pas à quel point la concurrence exacerbée dans certains secteurs, et la course effrénée au profit peut conduire à des pratiques douteuses, voire dangereuses pour la santé. Seule une politique de contrôle indépendante des intérêts économiques et organisée nationalement peut les prévenir efficacement.
Oui, parce que le consommateur est de plus en plus vulnérable sous l’action conjuguée : - de l’accentuation des déséquilibres contractuels – le consommateur n’est pas en mesure de discuter des contrats qui lui sont imposés après avoir été ficelés par des services juridiques, - de la dépersonnalisation des relations commerciales – de plus en plus souvent le consommateur au lieu d’avoir un interlocuteur direct se trouve confronté à des serveurs vocaux ou à des « hot lines » délocalisées à des milliers de kilomètres - de l’émergence de pratiques commerciales de plus en plus opaques, ou de plus en plus agressives - d’une logique « low cost » dans bon nombre de secteurs, par exemple dans les secteurs nouveaux de l’économie numérique, de la téléphonie mobile, des fournisseurs d’accès Internet. Cette logique a pour effet de transférer la charge des litiges sur la collectivité. Certains agents sont employés quasiment à plein temps à gérer les manquements ou les litiges de telle ou telle enseigne.
Avant que n’éclate la fameuse crise des « subprimes », des esprits éclairés l’avaient prédîte en raison du laxisme des autorités, et des dérives des opérateurs économiques. Les conséquences en France de la dérégulation de fait du marché des biens, des produits et des services sont tout aussi prévisibles. Ne soyons pas aveugles et sourds deux fois de suite. Ces risques peuvent être évités si chacun à son niveau fait preuve de lucidité et de raison, et si se développe une prise de conscience collective à même de peser sur des décisions qui engagent notre avenir et notre bien-être. Le temps presse.
François DARGER
http://fdarger.lejdd.fr/2009/01/20/2-la-protection-et-la-securite-du-consommateur-en-danger
DGCCRF menacée !
Consommateurs, votre sécurité est en danger !
Votre protection est en danger !
Défendez-vous ! Agissez !
Nous, agents de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la répression des Fraudes, nous assurons au quotidien la défense de vos intérêts économiques (loyauté des transactions et qualité des produits), matériels et physiques (sécurité des produits alimentaires et industriels).
Nous vous alertons aujourd’hui, vous, consommateurs !
Car, dès demain, la DGCCRF, seule administration en charge de votre protection et largement reconnue pour sa réactivité et son efficacité (73% d’opinions favorables contre 56% il y a 3 ans), est fortement menacée de disparition pure et simple.
Elle ne sera plus une administration organisée sur l'ensemble du territoire, avec des réseaux nationaux de contrôle capable d'intervenir rapidement et avec efficacité sur des pratiques frauduleuses tant nationales que locales.
La DGCCRF va devenir un simple service local de contrôle chargé de mettre en œuvre les « arbitrages » des Préfets entre les entreprises et vous, consommateurs.
C’est l’histoire du pot de terre et du pot de fer ! Car, en cas de conflit d’intérêts,de quel côté pensez-vous que la balance va pencher ?
POSER LA QUESTION, C’EST Y RÉPONDRE !
L'activité de la DGCCRF ne sera désormais plus coordonnée au niveau national mais sera dictée par ce qui gêne ou non les professionnels locaux. C’est un cadeau de plus fait par le gouvernement aux entreprises.
Quant à vous consommateurs, vous devrez, dans le meilleur des cas, vous contenter d'une aide « ad minima », type arbitrage individuel local ou justice civile.
Et demain, que se passera-t-il si la France connaît un nouveau scandale ESB (vache folle) ?
Poulet à la dioxine ? Lait infantile empoisonné à la mélamine ?…
Quelle administration sera capable d'effectuer les actions indispensables (retrait des produits...) à la sécurité de tous sur l'ensemble du territoire national comme le fait aujourd'hui la DGCCRF, en relation avec son administration centrale et son réseau de laboratoires ?
Consommateurs, ne laissez pas le gouvernement, sous prétexte de réformes, casser le service public !!
Ne laissez pas le gouvernement sacrifier la sécurité de tous !
Signez notre nouvelle pétition et exigez une administration
indépendante du pouvoir politique et des pressions économiques locales !
Signer la pétition
Voir les signataires
télécharger le dossier de presse intersyndical
Comme plus de 10.000 personnes, vous aviez signé la précédente pétition ? Si le projet du printemps 2008 est bien enterré, nous sommes à nouveau menacés. La protection du consommateur semble vraiment la cible du gouvernement et nous avons plus que jamais besoin de vous !
pétition réalisée avec le logiciel libre phpPetitions
http://www.consommateurendanger.org/