Résistance politique: En savoir plus sur la société, l’État, la désobéissance civile et la commune libre pour mieux agir
Mercredi 2 Janvier 2013
Bienvenus à notre première publication pour 2013. Nous pensons qu’il est essentiel pour mieux agir individuellement et collectivement pour le bien commun, d’en savoir plus sur la société, l’État, les dogmes et les mythes qui les entourent ainsi que les solutions possibles au marasme dont nous sommes à la fois les témoins et les victimes…
Petits précis donc pour aider à mieux analyser et agir. Nous avons divisé ce long essai en plusieurs parties qui seront publiées à intervalle régulier.
Aujourd’hui 1er Janvier 2013, 1ère partie: La Société
– Résistance 71 –
Petits précis sur la société, l’état, la désobéissance civile et la commune volontaire autogérée, solution au marasme systémique actuel
par Résistance 71
Le 1er Janvier 2013
Nous allons essayer ici de briser les clichés et les fallacies du martelage sociologique incessant depuis le XVIIème siècle et les thèses pseudo-scientifiques d’un certain Malthus sur la “surpopulation”, relayées par la suite au travers des théories du darwinisme-social erronées et mortifères, le tout concernant la société et l’état dans leur sens consensuel et très peu souvent remis en cause.
Que nous dit le consensus ethno-sociologique
depuis près de 400 ans ?
Pour résumer, que l’évolution a favorisé les plus aptes pour la survie, que cette loi immuable de la nature se transfère dans la société humaine, régit par la loi du plus fort, la survie du plus apte (Herbert Spencer, Thomas Huxley, XIXème siècle) et qu’en conséquence directe, l’inégalité au sein de l’humanité est “naturelle”, inéluctable et que les humains dans leur vaste majorité sont inaptes à comprendre ce qui est juste et bon pour eux et à prendre des décisions appropriés et durables et qu’il leur faut être dirigés en permanence par une “élite eclairée”, qui les guidera vers la “lumière de la civilisation”. Que cette “direction” peut prendre la forme de monarchie absolue, de monarchie constitutionnelle, d’états religieux ou séculiers, qui se sont succédés au cours de l’Histoire, forme de pouvoir “naturellement” dirigée par la minorité des plus aptes à diriger et à prendre les décisions “justes” pour l’ensemble des participants de la société. Bref,. Nous sommes, depuis le XVIème siècle, qui a vu l’avènement des états-nations sous la forme de la monarchie de droit divin dite monarchie absolue, sous la houlette au mieux d’une oligarchie, au pire d’une ploutocratie qui dirige les sociétés non pas en vue du bien commun, de la quête du bonheur pour tous, mais en vue exclusive de la préservation de ses privilèges et de la consolidation de son pouvoir monopoliste oppresseur, exploiteur et coercitif.
Ceci est devenu limpide depuis longtemps pour ceux qui sont attentifs aux développement de nos sociétés au cours de l’Histoire, et depuis 2008, évident également pour bon nombre de gens en analysant leur vie quotidienne au sein d’une société en crise systémique depuis les quatre dernières années.
Nous allons essayer de mieux faire comprendre cet état de fait en utilisant les écrits de gens comme Henry David Thoreau, Howard Zinn, Pierre Kropotkine, Pierre Clastres, Gaston Leval et des textes comme la constitution des cinq nations iroquoises, qui est la constitution la plus ancienne de l’humanité, écrite, d’après les experts aux alentours de l’an 1000 et faire entrevoir où la solution au mal sociétaire qui nous afflige toutes et tous pourrait se trouver. Nous allons étudier ce que les auteurs sus-mentionnés ont à nous dire objectivement après analyse scientifique des aspects de la société, de l’état, de la désobéissance civile et de modèles de remplacement du modèle “inéluctable” non-inéluctable produit et imposé par la minorité afin de contrôler la majorité.
Dans un premier temps nous verrons ce que nous dit sur la société et l’état, Pierre Clastres, ethnologue et anthropologue français de renommée internationale, dont les travaux en anthropologie politique ont révolutionné les concepts existant sur l’évolution des sociétés et l’origine (ou plutôt la non-origine) de l’État. Puis nous verrons ce que nous disent des penseurs comme Kropotkine et Leval sur l’état, Zinn et Thoreau sur la désobéissance civile vue comme un outil de transformation de la société vers un absolu de justice et d’égalité sociales et politiques, pour finalement entrevoir avec Proudhon, Kropotkine et Murray Bookchin, comment la société pourrait décemment évoluer vers un modèle égalitaire, non pyramidal et anti-autoritaire, dans un futur proche.
Dans “La Société contre l’État” (Editions de Minuit, 1974), Pierre Clastres nous fait part des résultats de ses recherches qui montrent, à l’encontre des dogmes établis, que “la société primitive” n’est pas une société en devenir, une société en cours de développement et “d’étatisation” (l’avènement de l’État dans l’Histoire étant vu pour certains, comme le philosophe Hegel et d’autres, comme la réalisation de la Raison dans l’Histoire, impliquant la fin de celle-ci), mais au contraire une société qui refuse l’état et le pouvoir coercitif. Il nous dit (p.19) que “les peuples sans écriture ne sont donc pas moins adultes que les sociétés lettrées. Leur histoire est aussi profonde que la nôtre et à moins de racisme, il n’est aucune raison de les juger incapables de réfléchir à leur propre expérience et d’inventer à leurs problèmes des solutions appropriées.” Dans l’ultime chapitre du livre (p.163) ils nous confirment que: “Il n’y a donc pas de hiérarchie dans le champ de la technique, il n’y a pas de technologie supérieure ni inférieure; on ne peut mesurer un équipement technologique qu’à sa capacité de satisfaire, en un milieu donné, les besins de la société.” Plus bas à la page 19, Clastres stipule que la vision et le jugement porté sur les “sociétés archaïques” n’est qu’une vue de l’esprit, déformée par le miroir de l’ethnocentrisme et de la pensée occidentale dominante, il dit: “L’obstacle épistémologique que la ‘politicologie’ n’a pas su jusqu’à présent surmonter, nous avons cru le déceler dans l’ethnocentrisme culturel de la pensée occidentale, lui-même lié à une vision exotique des sociétés non occidentales. Si l’on s’obstine à réfléchir sur le pouvoir à partir de la certitude que sa forme véritable se trouve réalisée dans notre culture, si l’on persiste à faire de cette forme la mesure de toutes les autres, voire même leur télos, alors assurément on renonce à la cohérence du discours et on laisse se dégrader la science en opinion. La science de l’Homme n’est peut-être pas nécessaire.”
La société prime l’État, qui n’est pas la condition sine qua non du développement. Les sociétés ont existé avant l’état et sont inhérentes à la grégarité humaine (vie en groupe) au contraire de l’état qui est la forme aboutie et perfectionnée de la coercition et de l’exploitation de la vaste majorité par la minorité oligarchique. Plus loin dans son étude Clastres nous dit (p.131):
“Il y a évènement historique lorsque, aboli de ce qui les sépare et donc les voue à l’inexistence, pouvoir et parole s’établissent dans l’acte même de leur rencontre. Toute prise de pouvoir est aussi un gain de parole. Il va de soi que tout cela concerne en premier lieu les sociétés fondées sur la division: maîtres-esclaves, seigneurs-sujets, dirigeants-citoyens, etc. La marque primordiale de cette division, son lieu privilégié de déploiement, c’est le fait massif, irréductible, peut-être irréversible, d’un pouvoir détaché de la société globale en ce que quelques membres seulement le détiennent, d’un pouvoir qui, séparé de la société, s’exerce sur elle et au besoin, contre elle. Ce qui est désigné ici c’est l’ensemble des sociétés à État, depuis les despotismes les plus archaïques, jusqu’aux états totalitaires les plus modernes, en passant par les sociétés démocratiques dont l’appareil d’État, pour être libéral, n’en demeure pas moins le maître lointain de la violence légitime.”
Un peu plus loin (p.134), il assène: “Dans la société primitive, dans la société sans État, ce n’est pas du côté du chef que se trouve le pouvoir: il en résulte que sa parole ne peut pas être parole de pouvoir, d’autorité, de commandement. Un ordre: voilà bien ce qu’un chef ne saurait donner, voilà bien le genre de plénitude refusée à sa parole. Au delà du refus d’obéissance que ne manquerait pas de provoquer une telle tentative d’un chef oublieux de son devoir, ne tarderait pas à se poser le problème de sa reconnaissance… La société primitive est le lieu du refus d’un pouvoir séparé, parce qu’elle-même et non le chef est le lieu réel du pouvoir.
La société primitive sait par nature, que la violence est l’essence du pouvoir. En ce savoir s’enracine le souci de maintenir constamment à l’écart l’un de l’autre le pouvoir et l’institution, le commandement et le chef. C’est le champ même de la parole qui assure la démarcation et trace la ligne de partage. En contraignant le chef à se mouvoir seulement dans l’élément de la parole, c’est à dire dans l’extrême opposé de la violence, la tribu s’assure que toutes les choses restent à leur place, que l’axe du pouvoir se rabat sur le corps exclusif de la société et que nul déplacement des forces ne viendra bouleverser l’ordre social. Le devoir de parole du chef, ce flux constant de parole vide qu’il doit à la tribu, c’est sa dette infinie, la garantie qui interdit à l’homme de parole de devenir homme de pouvoir.”
Peut-on être plus explicite ? La “société primitive” mérite t’elle le mépris ethnocentriste au mieux, raciste au pire, que l’occident dogmatisé à dessein lui octroie depuis l’avènement de la pseudo-science du darwinisme-social ? Qui est vraiment “primitif” ?
L’apogée de son étude intervient dans le dernier chapitre qui porte le titre du livre (p.161). Là, Clastres nous livre l’essence même de l’antagonisme entre la société et l’état résultant de ses recherches ethno-anthropologiques, ainsi qu’une définition révisée du travail: “Les sociétés primitives sont des sociétés sans état: ce jugement de fait, en lui-même exact, dissimule en vérité une opinion, un jugement de valeur qui grève dès lors le possibilité de continuer une anthropologie politique comme science rigoureuse. Ce qui en fait est énoncé est que, les sociétés primitives sont ‘privées de quelque chose’: l’État, qui leur est, comme toute autre société, la nôtre par exemple, nécessaire. Ces sociétés sont donc ‘incomplètes’. Elles ne sont pas tout à fait de vraies sociétés; elles ne sont pas policées; elles subsistent peut-être dans l’expérience douloureuse d’un manque, le manque d’État, qu’elles tenteraient toujours mais en vain de combler. Plus ou moins confusément, c’est bien cela que disent les chroniques des voyageurs ou les travaux des chercheurs: on ne peut pas penser la société sans l’État. L’État est le destin de toute société. On décèle dans cette démarche un ancrage ethnocentriste d’autant plus solide qu’il est le plus souvent inconscient.
[...] Ces sociétés seraient, dit-on, condamnées à une économie de subsistance pour cause d’infériorité technologique. Cet argument n’est fondé, on vient de le voir, ni en droit ni en fait, ni en droit car il n’y a pas d’échelle abstraite sur laquelle nous pouvons mesurer les ‘intensités technologiques’: l’équipement technique d’une société n’est pas comparable directement à celui d’une autre différente, on ne peut opposer le fusil à l’arc ; ni en fait donc puisque l’archéologie, l’ethnographie, la botanique etc, nous démontrent précisément la puissance de rentabilité et d’efficacité des technologies sauvages. Donc si les sociétés primitives reposent sur une économie de subsistance, ce n’est pas faute de savoir-faire technique. Voilà justement la vraie question: l´économie de ces sociétés est-elle vraiment une économie de subsistance ?
[...] Dans la société primitive, société par essence égalitaire, les hommes sont maîtres de leur activité, maîtres de la circulation des produits de cette activité: ils n’agissent que pour eux-mêmes, quand bien même la loi d’échange des biens médiatise le rapport direct de l’homme à son produit. Tout est bouleversé par conséquent, lorsque l’activité de production est détournée de son but initial, lorsque, au lieu de produire seulement pour lui-même, l’homme primitif produit aussi pour les autres, sans échange et sans réciprocité. C’est alors que l’on peut parler de travail: quand la règle égalitaire d’échange cesse de constituer le ‘code civil’ de la société, quand l’activité de production vise à satisfaire les besoins des autres, quant à la règle échangiste se substitue la terreur de la dette. C’est bien là en effet qu’elle s’inscrit la différence entre le Sauvage amazonien et l’Indien de l’empire inca. Le premier produit en somme pour vivre, tandis que le second travaille en plus, pour faire vivre les autres, ceux qui ne travaillent pas, les maîtres qui lui disent: il faut payer ce que tu nous dois, il faut éternellement rembourser la dette à notre égard.
[...] La division majeure de la société, celle qui fonde toutes les autres, y compris sans doute la division du travail, c’est la nouvelle disposition verticale entre la base et le sommet, c’est la grande coupure politique entre détenteurs de la force, qu’elle soit guerrière ou religieuse et assujettis à cette force. La relation politique de pouvoir précède et fonde la relation économique d’exploitation. Avant d’être économique, l’aliénation est politique, le pouvoir est avant le travail, l’économique est une dérive du politique, l’émergence de l’État détermine l’apparition des classes.”
Plus loin dans ce dernier chapitre, Clastres analyse les différences fondamentales entre la “société primitive” sans état et la “société étatique”. C’est ainsi que nous apprenons que:
“…L’apparition de l’État a opéré le grand partage typologique entre Sauvages et Civilisés, elle a inscrit l’ineffaçable coupure dans l’au-delà de laquelle tout est changé, car le Temps devient l’Histoire.
[...] Le continent américain illustre clairement l’autonomie respective de l’économie et de la société. Des groupes de chasseurs-pêcheurs-collecteurs, nomades ou non, présentent les mêmes propriétés socio-politiques que leurs voisins agriculteurs sédentaires: ‘infrastructures’ différentes, ‘superstructure’ identique. Inversement, , les sociétés méso-américaines, sociétés impériales, sociétés à État, étaient tributaires d’une agriculture qui, plus intensive qu’ailleurs, n’en demeurait pas moins, du point de vue de son niveau technique, très semblable à celle des tribus ‘sauvages’ de la forêt tropicale: “infrastructure” identique, “superstructures’ différentes, piuisqu’en un cas il s’agit de sociétés sans État et dans l’autre d’États achevés.
C’est donc bien la coupure politique qui est décisive et non le changement économique. La véritable révolution dans la protohistoire de l’humanité, ce n’est pas celle du néolithique, puisqu’elle peut très bien laisser intacte l’ancienne organisation sociale, c’est la révolution politique, c’est cette apparition mystérieuse, irréversible, mortelle pour les sociétés primitives de ce que nous connaissons sous le nom de l’État.
[...] L’État dit-on, est l’instrument qui permet à la classe dominante d’exercer sa domination violente sur les classes dominées. Soit. Pour qu’il y ait apparition de l’État, il faut donc qu’il y ait auparavant division de la société en classes sociales antagonistes, liées entre elles par des relations d’exploitation. Donc la structure de la société, la division en classes, devrait précéder l’émergence de la machine étatique. Observons au passage la fragilité de cette conception purement instrumentale de l’État. Si la société est organisée par des oppresseurs capables d’exploiter des opprimés, c’est que cette capacité d’imposer l’aliénation repose sur l’usage d’une force, c’est à dire sur ce qui fait la substance même de l’État, son ‘monopole de la violence physique légitime’… Ce que l’on sait maintenant des sociétés primitives ne permet plus de rechercher au niveau de l’économique, l’origine du politique. Ce n’est pas sur ce sol là que s’enracine l’arbre généalogique de l’État. Il n’y a rien, dans le fonctionnement économique d’une société primitive, d’une société sans État, rien qui permette l’introduction de la différence entre plus riches et plus pauvres, car personne n’y éprouve le désir baroque de faire, posséder, paraître, plus que son voisin. La capacité, égale chez tous, de satisfaire les besoins matériels et l’échange des biens et services, qui empêchent constamment l’accumulation privée des biens, rendent tout simplement impossible l’éclosion d’un tel désir, désir de possession qui est en fait désir de pouvoir. La société primitive, première société d’abondance, ne laisse aucune place au désir de surabondance. Les sociétés primitives sont des sociétés sans État parce que l’État y est impossible.
[...] Une société est primitive s’il lui fait défaut le roi, comme source légitime de la loi, c’est à dire la machine étatique. Inversement, toute société non primitive est une société à État, peu importe le régime socio-économique en vigueur. C’est pour cela que l’on peut regrouper en une seule classe les grands despotismes archaïques, rois, empereurs de Chine, ou des Andes, ou Pharaons, les monarchies plus récentes, l’État c’est moi, ou les systèmes sociaux contemporains, que le capitalisme y soit libéral comme en Europe occidentale ou d’État comme ailleurs..
Il n’y a donc pas de roi dans la tribu, mais un chef qui n’est pas un chef d’État. Qu’est-ce que cela signifie ? Simplement que le chef ne dispose d’aucune autorité, d’aucun pouvoir de coercition, d’aucun moyen de donner un ordre. Le chef n’est pas un commandant, les gens de la tribu n’ont aucun devoir d’obéissance. L’espace de la chefferie n’est pas le lieu du pouvoir et la figure (bien mal nommée) du ‘chef’ sauvage ne préfigure en rien celle d’un futur despote. Ce n’est certainement pas de la chefferie primitive que peut se déduire l’appareil étatique en général.
[...] Ce que nous montrent les ‘sauvages’, c’est l’effort permanent pour empêcher les chefs d’être chefs, c’est le refus de l’unification, c’est le travail de conjuration de l’Un, de l’État. L’histoire des peuples qui ont une histoire est, dit-on, l’histoire de la lutte des classes. L’histoire des peuples sans histoire, c’est, dira t’on avec autant de vérité au moins, l’histoire de leur lutte contre l’État.”
L’anthropologie politique classique pense que l’évolution des sociétés passe des fonctions primitives de sociétés “incomplètes » vers des sociétés complètes étatisées; Pierre Clastres dans sa trop courte carrière (maître de recherche au CNRS), a prouvé qu’il n’en était rien et que les sociétés dites “primitives” luttent de fait incessamment contre leur division, contre l’instauration du pouvoir et donc l’émergence de l’État. Elles savent instinctivement que pouvoir, coercition et violence fonctionnent ensemble pour la perte de leur paradigme égalitaire.
Pierre Clastres était un spécialiste des sociétés indiennes d’Amérique du sud qu’il étudia sur le terrain pendant plusieurs années, essentiellement au Paraguay et au Brésil chez les indiens Guayaki, Guarani, Chulupi, Yanomami et les Guaranis du Brésil, entre 1963 et 1974 (pas de manière continuelle).
Qu’en est-il des “sociétés primitives” d’Amérique du Nord ?
L’ethnographie générale semble corroborer les résultats des recherches de Clastres. Ici n’est ni le lieu ni le moment d’en faire une étude détaillée, mais nous pouvons néanmoins analyser brièvement une société établie de longue date (900 Ap. J.C), qui s’est structurée dès le XIème siècle en une confédération de cinq nations, régie par la plus vieille constitution de l’histoire de l’humanité, constitution datée de manière non précise par les historiens aux alentours de l’an 1000. Il s’agit de la Confédération des cinq nations iroquoises (Seneca, Cayuga, Onondaga, Oneida, Mohawk auxquelles est venue se greffer une sixième nation en 1745: la nation Tuscarora, qui est un membre adopté et non votant de la ligue iroquoise), confédération qui est régie par Kaianerekowa Hotinonsionne ou “La grande loi de la paix du peuple de la longue cabane” (117 articles). Il est à noter que Benjamin Franklin se servit de la constitution iroquoise comme d’une inspiration pour la rédaction de la constitution américaine et qu’elle servît aussi de base à la rédaction de la charte des Nations-Unies.
Comme beaucoup de nations natives nord-américaines (pas toutes néanmoins), la société iroquoise est une société matriarcale où les femmes ont une prédominance certaine (ce sont elles qui choisissent les chefs de clan et de nation, qui peuvent aussi les révoquer à tout moment) et où la propriété privée n’existe traditionnellement pas. Les produits des récoltes, chasses, pêches, ainsi que ceux résultant du commerce d’échange, étaient partagés au sein de la communauté. Si la constitution iroquoise établit une certaine hiérarchie des nations, elle prévoit néanmoins que toute décision impliquant la ligue ne peut se prendre qu’au cours de réunions du conseil des chefs des nations et doit être décidée à l’unanimité (pas de dictature de la majorité, tare bien connue de notre système pseudo-démocratique), cf. articles 8, 9 et 10 de la constitution iroquoise.
De fait, comme le souligne le professeur d’anthropologie Dean R. Snow, de l’université de l’état de Pennsylvanie dans son ouvrage “The Iroquois”, la constitution qui unit les cinq (six) nations iroquoises est essentiellement un pacte de non agression, plus qu’une véritable unité politique.
Ainsi cinq nations majeures se sont unies depuis plus de 1000 ans et ont scellé leur confrérie au moyen d’une constitution qui les réunit dans une confédération. Quoiqu’il en soit, les Iroquois ont traditionnellement évité l’écueil de l’étatisation en maintenant la dilution du pouvoir au sein du corps de leurs délégués (chefs nommés et révoqués par les femmes des clans) et par essence de chaque membre de leur population. C’est le pouvoir colonial qui, des Britanniques aux Américains indépendants en passant par les Canadiens à la fin du XIXème siècle, a forcé une division de la société iroquoise, comme de toutes les nations natives, en imposant une hiérarchisation de la représentation sur un modèle occidental. Nous retrouvons bien là les travers ethnocentristes et coercitifs inhérents à l’arrogance occidentale comme l’avait fort justement souligné Clastres. Ce n’est pas par hasard si les gouvernements coloniaux américain et canadien ne traitent officiellement avec les nations natives qu’au travers leur institution du Bureau des Affaires Indiennes et des chefs élus, seuls reconnus par les administrations de ces pays, bafouant le principe même du refus de la division inhérent à toutes les nations autochtones.
Nous avons observé grâce à Pierre Clastres que les rapports de la société et de l’état sont des rapports antagonistes et non pas des rapports harmonieux évolutifs, qu’en est-il du point de vue historique dans nos sociétés occidentales ?
A suivre…
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