Les Tsiganes n'ont jamais défendu leurs droits, par exemple celui de la reconnaissance de leur génocide en 40; Faut-il qu'ils soient malmenés par Sarkozy pour que, sans doute, des avocats aient souhaité prendre leur défense... eva
Les tsiganes collent l’Etat au tribunal pour obtenir le respect de leurs droits et de solides dommages et intérêts, venus compenser la violation grave et renouvelée de leurs droits fondamentaux. Ce serait enfin « justice », et le moyen d’accéder au droit.
L’occasion est belle comme jamais. Bien sûr, il y a d’abord la réunion de la secte du Security Club qui s’est tenue hier, sur le principe plein de sagesse : tapons sur les pauvres, ce sont eux qui ont bouleversé l’économie mondiale depuis un an. Mais il y a surtout, joli télescopage, la sentence rendue le 30 juin 2010 par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe, saisi par Centre européen des droits des Roms (CEDR), un comité d’experts indépendants (Résolution CM/ResChS(2010)5, Réclamation collective n° 51/2008).
Le résultat est très simple : le conseil de ministre a adopté sept résolutions pour des manquements graves à la Charte sociale européenne :
- Création d’un nombre insuffisant d’aires d’accueil ;
- Mauvaises conditions de vie et des dysfonctionnements des aires d’accueil ;
- Accès insuffisant au logement des Gens du voyage sédentarisés ;
- Violence des procédures d’expulsion et des autres sanctions ;
- Privation d’une existence indépendante du fait des très mauvaises conditions d’accueil et de logement ;
- Discrimination par le traitement différencié des personnes se trouvant dans une situation identique, et par le traitement de la même manière des personnes se trouvant dans une situation différente ;
- Atteinte à la vie familiale normale ;
- Atteinte à la dignité de l’être humain ;
- Manquements dans la lutte contre l’exclusion sociale : droits sociaux fondamentaux, notamment en termes d’emploi, de logement, de formation, d’éducation, de culture et d’assistance sociale et médicale ;
- Mépris des droits fondamentaux des personnes en situation irrégulière.
Déjà, j’entends le porte-parole du Security Club s’esclaffer : « Mais mon cher ami, vous vous emportez, la Charte sociale européenne n’est pas d’application directe et les résolutions du Conseil de ministres statuant dans le cadre de l’article 9 du Protocole additionnel ne sont qu’indicatives ».
Tu parles, Charles !
D’abord, le principe général est que ces déclarations qui énoncent des droits-créances , pour faire simple disons des droits sociaux, créent des obligations de l’Etat signataire vis-à-vis des autres, mais pas vis-à-vis des citoyens directement. Certes, sauf que c’est de moins en moins vrais. Tout dépend en réalité de l’importance du droit et de la précision de la règle. C’est qu’on dit la cour de cassation et le Conseil d’Etat d’abord pour la convention sur les droits de l’enfant (Cass, 24 mai 1975 et CE 21 décembre 1990, CNAFC) ou encore pour certains articles du Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels (Cass., 16 décembre 2008, Eichenlaub). Donc, on peut en parler, et le meilleur moyen de savoir, c’est encore de déposer une requête.
Surtout, les droits violés, et répertoriés en fonction de la Charte sociale, sont des droits fondamentaux pour lesquels on trouve maintes définitions et qualifications en droit interne. Et puis si vous ne trouvez pas le texte exact, il reste toujours la possibilité, avec un petit raisonnement à la clé, de démontrer l’existence d’un manquement au fonctionnement du service ou d’une faute de nature à engager la responsabilité.
Et après, allez y les amis ! Tous azimuts !
- Recours en légalité pour les décisions illégales qui sont prises, ou les décisions qui ne sont pas prises ;
- Recours en responsabilité pour l’allocation de dommages et intérêts liés à la violation des droits ;
- Et quelques pour entretenir le moral des troupes, quelques petites plaintes pour discrimination : le Code pénal est très bien rédigé et il ne demande qu’à saisir.
Pour les argumentaires de fond, pas compliqué : il suffit de suivre le raisonnement du comité des ministres, avec le rapport introductif et les nombreux documents visés.
Pour vous simplifier le travail, voici cette délibération du comité dans son ensemble.
* * *
LA DECISION DU 30 JUIN 2010
Le Comité des ministres,
(i) à l’unanimité, qu’il y a violation de l’article 31§1 de la Charte révisée ;
a) en raison de la création d’un nombre insuffisant d’aires d’accueil ;
Le Comité note qu’un texte de loi concernant les aires d’accueil destinées aux Gens du voyage a été adopté en 2000 (loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des Gens du voyage, dite « Loi Besson »). Ce texte fait obligation aux communes de plus de 5000 habitants de se doter d’un plan prévoyant l’implantation d’aires permanentes d’accueil pour les Gens du voyage. Néanmoins, le Comité relève également qu’à ce jour, la loi n’a été suivie d’effet que dans une minorité des communes visées. Le Comité constate que la mise en œuvre insuffisante de la loi précitée a pour conséquence d’exposer les Gens du voyage à l’occupation illégale de sites et à des expulsions au titre de la loi de 2003 pour la sécurité intérieure.
Le Comité relève que, selon le mémorandum du Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe rédigé à la suite de sa visite en France en 2008, il y a une carence des places disponibles.
Le Comité observe que, malgré les efforts de l’Etat et des autorités locales dans ce domaine et les résultats positifs parfois obtenus, il y a une longue période de défaut de prise en compte par les collectivités locales, comme par l’Etat, des besoins spécifiques des Gens du voyage.
b) en raison des mauvaises conditions de vie et des dysfonctionnements des aires d’accueil ;
Le Comité constate que les mesures d’application de la « Loi Besson » adoptées par le gouvernement répondent, en théorie, aux exigences de l’article 31§1. Le Décret n° 2001-569 du 29 juin 2001 relatif aux normes techniques applicables aux aires d’accueil des Gens du voyage prévoit le nombre de blocs sanitaires nécessaires dans les aires d’accueil, les conditions d’accès à l’alimentation en eau potable et à l’électricité ainsi que le dispositif de gestion et de gardiennage. Des circulaires du 3 août 2006 et du 5 juillet 2001 viennent compléter le décret précité.
Le Comité note toutefois qu’en pratique, les aires d’accueil ne répondent pas toutes aux conditions de salubrité exigées. Selon le mémorandum du Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, il arrive parfois que les aires soient réalisées en dehors des zones d’activités urbaines ou à proximité d’installations engendrant des nuisances importantes (transformateurs électriques, routes extrêmement passantes, etc.) rendant leur utilisation difficile, voire dangereuse, notamment pour les familles avec de jeunes enfants. Le Comité estime dès lors que certaines aires d’accueil ne répondent pas, en pratique, aux conditions de salubrité et d’accès en eau et à l’électricité telles que prévues par la législation.
c) en raison de l’accès insuffisant au logement des Gens du voyage sédentarisés ;
Le Comité note que, selon la législation française, les caravanes ne sont pas considérées comme un logement parce qu’elles ne sont pas soumises à un permis de construire. De plus, le fait d’habiter dans une caravane ayant conservé des moyens de mobilité n’ouvre pas droit aux aides au logement. Enfin, l’achat de caravanes ne donne pas droit à un prêt au logement. Il ressort d’une enquête réalisée par la Fondation Abbé Pierre que de nombreuses familles des Gens du voyage sont bloquées dans leur projet d’acquisition par des difficultés à accéder à des prêts immobiliers et ont tendance à acquérir des terrains qui ne sont pas en zones constructibles en raison de la carence de terrains familiaux.
Le Comité constate que même si certains départements ont mis en place des subventions pour créer des terrains [sites de construction] familiaux, concrètement, la création de ces terrains reste faible par rapport à la demande. Le Comité note que le gouvernement déclare que le droit au logement opposable s’applique aux Gens du voyage désirant acquérir un logement ordinaire. Or, cette possibilité ne tient pas compte du mode de vie en caravanes des Gens du voyage sédentarisés.
Malgré les efforts de l’Etat et des autorités locales et les résultats positifs parfois obtenus, il y a une absence de moyens mis en œuvre et un défaut de prise en compte par les collectivités locales, comme par l’Etat, des besoins spécifiques des Gens du voyage sédentarisés.
(ii) à l’unanimité, qu’il y a violation de l’article 31§2 de la Charte révisée en raison de la procédure d’expulsion et des autres sanctions ;
Le Comité rappelle que « l’occupation illégale de sites ou de logements est de nature à justifier l’expulsion des occupants illégaux. Les critères de l’occupation illégale ne doivent cependant pas être compris de façon exagérément extensive. De plus, l’expulsion doit être prévue par des règles suffisamment protectrices des droits des personnes concernées et opérée conformément à ces règles » (CEDR contre Bulgarie, réclamation n° 31/2005, décision sur le bien-fondé du 18 octobre 2006, §51).
Il rappelle également que « les Etats parties doivent s’assurer que les procédures d’expulsion soient d’une part justifiées, d’autre part exécutées dans des conditions respectant la dignité des personnes concernées, enfin assorties de solutions de relogement » (FEANTSA contre France, réclamation n° 39/2006, décision sur le bien-fondé du 5 décembre 2007, §163). La loi doit également préciser les modalités de procéder à l’expulsion indiquant par ailleurs les moments dans lesquels elles ne peuvent pas avoir lieu (nuit ou hiver), définir des voies de recours juridiques, offrir une assistance juridique à ceux qui en ont besoin pour demander réparation en justice, et assurer une indemnisation en cas d’expulsion illégale » (CEDR contre Italie, réclamation n° 27/2004, décision sur le bien-fondé du 7 décembre 2005, §41).
Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a constaté dans son mémorandum que la question des expulsions est particulièrement problématique et plonge les familles dans un climat de crainte.
« Ces expulsions sont souvent caractérisées par le recours à des méthodes brutales, au gaz lacrymogène et à la destruction de biens personnels ». A la suite de certaines expulsions, la Commission nationale de déontologie et de sécurité (CNDS) a conclu à des actes de violences injustifiés et disproportionnés. Le Comité constate que les Gens du voyage ont, lors de ces expulsions, été victimes de violences injustifiées.
(iii) par 12 voix contre 2, qu’il y a violation de l’article E combiné avec l’article 31 de la Charte révisée ;
L’article E complète les clauses normatives de la Charte révisée. Il n’a pas d’existence indépendante puisqu’il vaut uniquement pour « la jouissance des droits » qu’elle garantit. Certes, il peut entrer en jeu même sans un manquement à leurs exigences et, dans cette mesure, possède une portée autonome, mais il ne saurait trouver à s’appliquer si la situation en litige ne tombe pas sous l’empire de l’une au moins desdites clauses (CFDT contre France, réclamation n° 50/2008, décision sur le bien-fondé du 9 septembre 2009, §37).
Le Comité considère que la situation décrite se situe dans le champ d’application de l’article 31, de par le manque d’aires d’accueil, des mauvaises conditions de vie dans les aires d’accueil, de la procédure d’expulsion de ces aires et du fait que les caravanes ne sont pas explicitement reconnues comme des logements pour pouvoir bénéficier d’aides au logement.
L’article E interdit deux catégories de discrimination. La première est le fait de traiter différemment des personnes ou groupes se trouvant dans une situation identique. La deuxième est le fait de traiter de la même manière des personnes ou groupes se trouvant dans une situation différente (Autisme-Europe contre la France, réclamation n° 13/2002, décision sur le bien-fondé du 4 novembre 2003, §52).
Au regard de la première catégorie, une différence de traitement entre des personnes ou des groupes se trouvant dans la même situation est discriminatoire si elle « manque de justification objective et raisonnable », c’est-à-dire si elle ne poursuit pas un « but légitime » ou s’il n’y a pas de « rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé » (CFDT contre France, réclamation n° 50/2008, décision sur le bien-fondé du 9 septembre 2009, §38 ; voir aussi CEDR contre Bulgarie, réclamation n° 31/2005, décision sur le bien-fondé du 18 octobre 2006, §40). Les Etats parties jouissent d’une certaine « marge d’appréciation » pour déterminer si et dans quelle mesure des différences entre des situations à d’autres égards analogues justifient des distinctions de traitement juridique (voir mutatis mutandis Cour européenne des droits de l’homme, arrêt Rasmussen du 28 novembre 1984, série A n° 87, p. 12, §40), mais il appartient au Comité de décider, en dernier lieu, si la distinction entre dans la marge d’appréciation.
Au regard de la seconde catégorie, le Comité considère que, dans une société démocratique, il faut non seulement percevoir la diversité humaine de manière positive, mais aussi réagir de façon appropriée afin de garantir une égalité réelle et efficace. A ce titre, l’article E interdit aussi toutes les formes de discrimination, soit de traitements inappropriés de certaines situations, soit de l’inégal accès des personnes placées dans ces situations et des autres citoyens aux divers avantages collectifs (Autisme-Europe contre France, réclamation n° 13/2002, décision sur le bien-fondé du 4 novembre 2003, §52).
Le Comité estime que, s’agissant des Gens du voyage, la simple garantie d’un traitement identique ne suffit pas à les protéger de toute discrimination. Dans le cas d’espèce, il est évident que les Gens du voyage se trouvent dans une situation différente et qu’il faut tenir compte de cette différence de situation. Il considère que l’article E pose l’obligation de prendre dûment en considération les différences spécifiques et d’agir en conséquence. Compte tenu des éléments qui précèdent, le Comité considère que les différences spécifiques des Gens du voyage ne sont pas suffisamment prises en compte et que, par conséquent, ils font l’objet de discrimination dans la mise en œuvre du droit au logement.
(iv) à l’unanimité, qu’il y a violation de l’article 16 et de l’article E combiné avec l’article 16 de la Charte révisée ;
Le Comité considère que, parmi la population concernée par la réclamation, il est incontesté qu’il y a des familles. Eu égard à la portée qu’il a constamment prêtée à l’article 16 s’agissant du logement de la famille, les constats de violation de l’article 31, ou de l’article E combiné à l’article 31, emportent constat de violation également de l’article 16, et de l’article E combiné à l’article 16 (Conclusions 2006, Observation interprétative de l’article 16, p. 13 et Conclusions XVIII-1, article 16, République tchèque, p. 249-250).
(v) à l’unanimité, qu’il y a violation de l’article 30 de la Charte révisée ;
Le Comité considère que le fait de vivre en situation d’exclusion sociale porte atteinte à la dignité de l’être humain. Afin d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection contre l’exclusion sociale, l’article 30 exige des Etats parties qu’ils adoptent une approche globale et coordonnée, laquelle doit consister en un cadre analytique, en un ensemble de priorités et de mesures correspondantes en vue de prévenir et de supprimer les obstacles qui entravent l’accès aux droits sociaux fondamentaux. Il faut aussi qu’il existe des mécanismes de contrôle impliquant tous les acteurs concernés, y compris des représentants de la société civile et des individus touchés par l’exclusion. Cette ligne de conduite doit relier et intégrer les politiques de manière cohérente (Conclusions 2003, article 30, France, p. 227).
L’un des principaux éléments de la stratégie globale de lutte contre l’exclusion sociale doit être la mise à disposition de ressources suffisantes, qui doivent être affectées aux objectifs de la stratégie (Conclusions 2005, Slovénie, p. 717). Enfin, il faut que les mesures répondent qualitativement et quantitativement à la nature et à l’ampleur de l’exclusion sociale dans le pays concerné (Conclusions 2003, article 30, France, p. 227-228).
Le Comité considère qu’il résulte de ses conclusions au titre de l’article 31 que la politique de logements en faveur des Gens du voyage est insuffisante. Par conséquent, il constate l’absence d’une approche coordonnée pour promouvoir l’accès effectif au logement des personnes se trouvant ou risquant de se trouver en situation d’exclusion sociale.
(vi) par 11 voix contre 3, qu’il y a violation de l’article E combiné avec l’article 30 de la Charte révisée ;
Le Comité rappelle que les mesures prises pour une approche globale et coordonnée de lutte contre l’exclusion sociale doivent favoriser l’accès aux droits sociaux fondamentaux, notamment en termes d’emploi, de logement, de formation, d’éducation, de culture et d’assistance sociale et médicale et lever les obstacles qui l’entravent. Il convient de noter qu’il ne s’agit pas là d’une liste exhaustive des domaines dans lesquels il importe d’engager des initiatives pour corriger les phénomènes pluridimensionnels d’exclusion. (Conclusions 2003, France, article 30, p. 227). Le Comité estime que la référence aux droits sociaux de l’article 30 ne doit pas être comprise strictement et que la lutte contre l’exclusion sociale est un domaine où la notion d’indivisibilité des droits fondamentaux revêt une importance spécifique. A cet égard, le droit de vote, tout comme d’autres droits relatifs à la participation civique et citoyenne, constitue une dimension nécessaire à la réalisation de l’intégration et de l’inclusion sociale et est, par conséquent, couvert par l’article 30.
Le Comité constate que la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969, relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe, impose aux Gens du voyage l’obligation d’être administrativement rattachés à une commune. Le choix de la commune de rattachement est effectué pour une durée minimale de deux ans. L’inscription sur les listes électorales ne peut être faite par les intéressés qu’après trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune.
Parallèlement, selon l’article L 15-1 du code électoral, les citoyens qui ne peuvent fournir la preuve d’un domicile ou d’une résidence et auxquels la loi n’a pas fixé de commune de rattachement sont, à leur demande, inscrits sur la liste électorale de la commune où est situé l’organisme d’accueil dans lequel ils sont inscrits depuis au moins 6 mois.
En ce qui concerne le délai de trois ans, le Comité constate que le régime appliqué aux citoyens identifiés par leur appartenance à la communauté des Gens du voyage est différent du régime appliqué aux citoyens sans domicile fixe. La différence de traitement dans l’accès au droit de vote faite entre Gens du voyage et personnes sans domicile fixe ne repose pas sur une justification objective et raisonnable et constitue, dès lors, une discrimination contraire à l’article E combiné avec l’article 30. Le Comité note à cet égard que la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE), à la suite de recommandations relatives à la situation et au statut des Gens du voyage et en l’absence de suites favorables données à ces recommandations, a adopté un rapport spécial publié au Journal officiel de la République française dans lequel elle considère que l’article 10 de la loi n° 69-3 impose un traitement discriminatoire aux Gens du voyage dans l’accès au droit de vote et recommande qu’il doit être réformé.
En ce qui concerne le quota, le Comité constate que, selon l’article 8 de la loi n° 69-3, le nombre de personnes détentrices d’un titre de circulation, sans domicile ni résidence fixe, rattachée à une commune, ne doit pas dépasser 3 % de la population municipale. Lorsque le quota de 3% est atteint, les Gens du voyage ne peuvent pas s’inscrire à une commune de rattachement et ne bénéficient pas du droit de vote.
Le Comité considère que le fait de limiter à 3 % le nombre de personnes ayant le droit de vote a pour conséquence d’exclure une partie des électeurs potentiels. En pratique, cette limitation touche les Gens du voyage. Le Comité considère la fixation d’un tel seuil à un niveau aussi bas conduit à un traitement discriminatoire dans l’accès au droit de vote des Gens du voyage et, par conséquent, est un facteur de marginalisation et d’exclusion sociale.
(vii) à l’unanimité, qu’il y a violation de l’article 19§4c de la Charte révisée ;
Dans son mémoire, le gouvernement souligne que beaucoup de Roms se trouvent en situation irrégulière sur le territoire français. Le Comité note effectivement qu’un certain nombre d’entre eux sont en situation irrégulière et, par conséquent, n’entrent pas, à première vue, dans le champ d’application de l’article 19§4c.
Cependant, il est incontesté que, parmi cette population, figurent des travailleurs migrants Roms provenant d’autres Etats parties qui sont, eux, en situation régulière et donc, titulaires des droits énoncés par l’article 19§4c.
Le Comité a déjà statué sur la situation du droit au logement des Gens du voyage dans la présente décision dans le cadre de l’article 31 : ce raisonnement vaut également pour les migrants Roms se trouvant en situation régulière sur le territoire. Il considère par conséquent que les constats de violation de l’article 31 emportent également constat de violation de l’article 19§4c (CEDR contre Italie, réclamation n° 27/2004, décision sur le bien-fondé du 7 décembre 2005, §35 et §41).
Vu les informations communiquées par la délégation de la France lors de la 1077e réunion des Délégués des Ministres :
1. prend note de la déclaration du gouvernement défendeur indiquant que la France poursuit ses efforts dans le domaine en cause et s’engage à mettre la situation en conformité avec la Charte révisée ;
2. attend de la France qu’elle fasse rapport, lors de la présentation du prochain rapport relatif aux dispositions pertinentes de la Charte sociale européenne révisée, sur la mise en œuvre des mesures annoncées, et qu’elle tienne le Comité des Ministres informé régulièrement de tout progrès réalisé.
Auteur : Gilles Devers - Source : Actualités du droit
http://www.dazibaoueb.fr/article.php?art=14600
"caravanes ne sont pas explicitement reconnues comme des logements pour pouvoir bénéficier d’aides au logement"
Il faut faire campagne, déjà, pour qu'ils puissent bénéficier d'aides au logement ! Eva
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Le racisme anti-Roms :
des discours semblables à ceux des nazis
Thomas Hammarberg
« L’histoire honteuse de l’antitsiganisme en Europe est oubliée - et se répète »
Seuls quelques milliers de Roms en Allemagne ont survécu à l’holocauste et aux camps de concentration. Ils ont eu énormément de mal à se construire une vie nouvelle, après avoir perdu tant de membres de leur famille et vu leurs biens détruits ou confisqués. En outre, nombre d’entre eux étaient en proie à la maladie. Certains d’entre eux cherchèrent à obtenir réparation mais leurs demandes furent rejetées pendant des années.
Or, justice ne fut pas rendue à ces survivants pendant la période post-hitlérienne. Au procès de Nuremberg, l’extermination massive des Roms ne retint pas l’attention, ce qui est significatif. Le génocide des Roms -Samudaripe ou Porrajmos - ne fut guère reconnu dans le discours officiel.
Cette négation passive de la sinistre réalité ne pouvait hélas pas surprendre outre mesure les Roms eux mêmes car, pendant des générations, ils avaient été traités comme un peuple dépourvu d’histoire. Les violations dont ils avaient été victimes furent rapidement oubliées, si tant est qu’elles aient été reconnues.
Malheureusement, l’histoire se répète. C’est pourquoi, il est particulièrement appréciable que le Conseil de l’Europe ait établi une série de fiches d’information sur l’histoire des Roms. Ces fiches sont destinées aux enseignants, aux étudiants, aux responsables politiques et autres décideurs et à toute personne désireuse de savoir quelles épreuves ce peuple a traversées.
Les lecteurs de ces fiches d’information peuvent ainsi découvrir que les divers groupes roms ont subi, en Europe, cinq cents ans de répression honteuse depuis qu’ils sont arrivés d’Inde au terme d’une longue migration. Les méthodes répressives étaient variées, allant de l’esclavage au massacre en passant par l’assimilation forcée, l’expulsion et l’internement.
Les « raisons d’être » de ces politiques étaient, quant à elles, similaires. Les Roms étaient considérés comme peu fiables, dangereux, criminels et indésirables. Ils étaient ces étrangers dont on pouvait aisément faire des boucs émissaires lorsque les choses tournaient mal et que la population locale ne voulait pas en assumer la responsabilité.
En Valachie et en Moldavie (la Roumanie d’aujourd’hui), les Roms vécurent dans la servitude pendant des siècles, jusqu’en 1855, date à laquelle les derniers esclaves roms furent enfin émancipés.
En Espagne, un jour de 1749, plus de dix mille Roms furent arrêtés dans le cadre d’une action militaro policière soigneusement planifiée. Selon un homme d’Eglise éminent qui conseillait le gouvernement, cette opération avait pour but « d’éradiquer cette sale race qui était odieuse à Dieu et pernicieuse à l’homme ». Les conséquences furent effroyables pour la communauté rom ; les déportations, les détentions, le travail forcé et les meurtres détruisirent, en grande partie, la culture rom originelle.
Au XVIIIe siècle, sous l’Empire austro-hongrois, les autorités appliquèrent une politique d’assimilation forcée. Les enfants roms furent retirés à leurs parents et l’on interdit aux Roms de se marier entre eux. En outre, il ne fut plus permis de pratiquer la langue romani. Cette politique fut brutalement appliquée. Par exemple, tout individu employant la langue « tsigane » était passible d’une condamnation à la flagellation.
Au XXe siècle, les fascistes s’en prirent aussi aux Roms. En Italie fut publiée, en 1926, une circulaire qui ordonnait l’expulsion de tous les Roms étrangers afin de « débarrasser le pays des caravanes tsiganes qui, cela allait s’en dire, constituaient un risque pour la sécurité et la santé publique du fait du mode de vie caractéristique des Tsiganes ».
L’instruction indiquait clairement que le but était de « frapper au cœur de l’organisme tsigane ». Dans l’Italie fasciste, les Roms furent ainsi en butte à des discriminations et à des persécutions. Nombre d’entre eux furent détenus dans des camps spéciaux ; d’autres furent envoyés en Allemagne ou en Autriche et plus tard exterminés.
En Roumanie, le régime fasciste de la « garde de fer » entreprit les déportations en 1942. Comme de nombreux Juifs, quelque 30 000 Roms furent déplacés en Transnistrie où ils connurent la faim, la maladie et la mort. Seule la moitié d’entre eux environ parvinrent à survivre aux deux années de privation extrême qu’ils endurèrent avant que la politique ne change.
En France, quelque 6 000 Roms furent internés pendant la guerre, dans la zone occupée, pour la majorité d’entre eux. Contrairement à d’autres victimes, les Roms ne furent pas systématiquement remis en liberté lorsque les Allemands battirent en retraite. Les nouvelles autorités françaises virent dans l’internement un moyen de les forcer à la sédentarisation.
Dans les Etats baltes, un grand nombre d’habitants roms furent tués par les forces d’invasion allemandes et leurs partisans locaux au sein de la police. 5 à 10 % seulement des Roms d’Estonie survécurent. En Lettonie, près de la moitié des Roms furent fusillés et l’on estime qu’en Lituanie, les Roms furent aussi tués dans leur grande majorité.
En fait, les idées racistes de l’époque n’épargnaient aucun pays d’Europe. En Suède, pays neutre, les autorités avaient déjà, dans les années 1920, encouragé la mise en œuvre d’un programme de stérilisation qui avait principalement pour cible les Roms (et qui s’est poursuivi jusque dans les années 1970). En Norvège aussi, des pressions s’exercèrent sur les Roms en vue de leur stérilisation.
Le régime nazi définissait les Roms (dont les Sintis) comme une « race inférieure » ayant un « comportement asocial » considéré comme héréditaire. Ce jugement était en fait une amplification de préjugés anciens et largement répandus tant en Allemagne qu’en Autriche. Lesdites lois raciales de Nuremberg, datant de 1935, privèrent les Roms de leur nationalité et de leurs droits civils. Il était exigé qu’ils soient internés dans des camps de travail et stérilisés de force.
Un plan antérieur imaginé par les racistes nazis et visant à maintenir certains Roms « de race pure » dans une sorte de musée anthropologique fut oublié, tandis que d’autres Roms, en particulier des enfants, furent sélectionnés pour être soumis aux cruelles expériences médicales de Josef Mengele. Une politique de stérilisation forcée fut mise en œuvre, souvent sans anesthésie.
L’élimination systématique des Roms débuta pendant l’été 1941 lorsque les troupes allemandes attaquèrent l’Union soviétique. Ils étaient considérés comme des espions (à l’instar de nombreux Juifs) au service du « bolchévisme juif » et furent fusillés en masse par l’armée allemande et les SS. De fait, dans toutes les zones occupées par les Nazis, des Roms furent exécutés.
Les chiffres sont imprécis mais l’on estime que plusieurs centaines de milliers de Roms furent exécutés dans ces circonstances, y compris dans les Balkans où les massacres étaient soutenus par les fascistes locaux. La milice Oustacha de Croatie géra des camps mais organisa aussi des déportations et procéda à des exécutions massives.
En décembre 1942, le régime nazi décida de déporter à Auschwitz tous les Roms du « Reich allemand ». Là, ils durent porter un triangle noir et se faire tatouer un Z sur le bras. De tous les détenus du camp, ils avaient le plus fort taux de mortalité : 19 300 d’entre eux y perdirent la vie. Sur ce nombre, 5 600 furent gazés et 13 700 moururent de faim, de maladie ou à la suite d’expériences médicales pratiquées sur eux.
On ne sait toujours pas combien de Roms au total furent victimes des persécutions nazies car ils ne furent pas tous inscrits comme Roms et les registres sont incomplets. L’absence de statistiques fiables sur le nombre de Roms vivant dans ces régions avant leur extermination massive rend encore plus difficile l’estimation du nombre réel de victimes. Selon les fiches d’information du Conseil de l’Europe, il est fort probable que ce nombre s’élève à au moins 250 000. D’après d’autres études crédibles, plus de 500 000 Roms perdirent la vie, et peut être même beaucoup plus.
Les fiches d’information soulignent la nécessité d’entreprendre des recherches complémentaires sur l’histoire des Roms. Les Roms eux mêmes ont eu peu de moyens de consigner les événements et les autorités n’avaient guère intérêt à le faire. Cependant, il y a des spécialistes roms et autres dont les travaux doivent être encouragés (les auteurs des fiches d’information ont notamment mis à profit les connaissances de plusieurs d’entre eux comme Ian Hancock et Grattan Puxon).
Cela dit, les fiches d’information publiées ont déjà des effets positifs. J’espère que de nombreuses personnes les liront et que les gouvernements européens soutiendront cette démarche et la faciliteront en traduisant ces textes dans leur langue nationale et en les diffusant auprès des enseignants et des responsables politiques entre autres. Il faudrait aider les organisations roms à les propager aussi largement dans leur communauté.
Un lecteur attentif ne pourra que tirer un certain nombre de conclusions. L’une d’entre elles est qu’il n’est pas surprenant que de nombreux Roms éprouvent de la méfiance vis à vis de la société majoritaire et que certains considèrent les autorités comme une menace. Lorsqu’on leur enjoint de se faire recenser ou de donner leurs empreintes digitales, ils craignent le pire.
En effet, plusieurs pays ne reconnaissent toujours pas l’oppression dont cette minorité a été victime par le passé et n’ont présenté officiellement aucune excuse. On peut, néanmoins, citer un bon exemple de comportement inverse ; en 2003, le gouvernement de Bucarest a pris la décision de créer une commission sur l’holocauste qui a, ultérieurement, publié un important rapport sur la répression et les massacres en Roumanie pendant la période fasciste.
Les fiches d’information montrent que les Roms ne vivent pas en nomades pour des raisons retorses ou parce qu’ils ont le voyage « dans le sang ». Lorsque c’est possible, ils se fixent bel et bien quelque part mais, pendant longtemps, ils ont dû se déplacer d’un pays à l’autre ou au sein d’un même pays pour éviter la répression ou simplement parce qu’ils n’étaient pas autorisés à s’installer dans un endroit donné. L’autre raison principale est que le type d’emploi ou de travail qui leur était accessible exigeait leur déplacement.
L’histoire nous donne des leçons sur la façon de faire face à la montée actuelle de l’antitsiganisme dans certains pays. Le discours de certains responsables politiques et des médias xénophobes ravive les stéréotypes séculaires au sujet des Roms, ce qui, à son tour, « légitime » les actions, souvent violentes, menées contre des personnes roms. Une nouvelle fois, on en fait des boucs émissaires.
Le discours d’aujourd’hui contre les Roms est tout à fait semblable à celui qu’employaient les nazis et les fascistes avant que ne commence l’extermination de masse dans les années 1930 et 1940. On prétend à nouveau que les Roms sont une menace pour la sécurité et la santé publique. Aucune distinction n’est faite entre une poignée de délinquants et la majorité écrasante de la population rom. C’est une attitude honteuse et dangereuse.
* Thomas Hammarberg est commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe - Consultez son site internet : http://www.coe.int/t/commissioner/d...
Consultez également :
Les fiches d’information sur l’histoire des Roms font partie du projet du Conseil de l’Europe sur l’éducation des enfants roms en Europe. Le racisme anti- Roms : Des discours semblables à ceux des nazis
http://info-palestine.net/article.php3?id_article=9162
http://www.alterinfo.net/Le-racisme-anti-Roms-des-discours-semblables-a-ceux-des-nazis_a48603.html
Il a eu 8 ans pour faire bouger les choses…
Source : Un quinquennat dérangeant