1°) Les mots « OTAN » et « Alliance atlantique » sont apparus dans les traités européens à partir du traité de Maastricht créant l’Union européenne
Le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) le 18 avril 1951 ne mentionnait nulle part les mots « OTAN » ou « Alliance atlantique ».
Le traité de Rome du 25 mars 1957, instituant la Communauté économique européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique, ne mentionnait lui non plus, nulle part, ces mots « OTAN » ou « Alliance atlantique ».
Les mots « OTAN » et « Alliance atlantique » sont apparus dans le traité de Maastricht, décidé lors du Conseil européen du 9 décembre 1991 (signé formellement le 7 février 1992 et entré en vigueur le 1er novembre 1993). Ce traité décisif, qui a créé une « Union européenne », une « monnaie unique » européenne et une « Politique étrangère et de sécurité commune » européenne, évoque expressément l’alliance militaire atlantique avec les États-Unis d’Amérique dans sa partie intitulée « Déclaration relative à l’Union de l’Europe Occidentale » (UEO).
Depuis lors, l’OTAN et l’Alliance atlantique ont été expressément mentionnées dans tous les traités régissant les institutions européennes, qui ont progressivement élargi le champ d’application du traité de Maastricht : traité d’Amsterdam (signé le 2 octobre 1997, entré en vigueur le 1er mai 1999), traité de Nice (signé le 26 février 2001, entré en vigueur le 1er février 2003), projet de « Constitution européenne » (signé le 29 octobre 2004, abandonné le 23 juin 2007), traité de Lisbonne (signé le 13 décembre 2007, entré en vigueur le 1er décembre 2009).
Le traité actuellement en vigueur – le traité de Lisbonne -, qui reprend tous les traités antérieurs et qui les scinde en deux (traité sur l’Union européenne appelé « TUE » d’une part, traité sur le fonctionnement de l’Union européenne appelé « TFUE » d’autre part), mentionne expressément l’OTAN et l’Alliance atlantique dans l’article 42 du TUE (ex article 17 de la version précédente du TUE).
2°) Que prévoit l’article 42 du traité sur l’Union européenne (TUE) ?
Cet article 42 porte en réalité sur la « politique de sécurité et de défense commune » de l’Union européenne et précise qu’elle « fait partie intégrante de la politique étrangère et de sécurité commune » de l’UE.
Le début de l’article est ainsi rédigé :
« 1. La politique de sécurité et de défense commune fait partie intégrante de la politique étrangère et de sécurité commune. Elle assure à l’Union une capacité opérationnelle s’appuyant sur des moyens civils et militaires. L’Union peut y avoir recours dans des missions en dehors de l’Union afin d’assurer le maintien de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale conformément aux principes de la charte des Nations unies. L’exécution de ces tâches repose sur les capacités fournies par les États membres.
2. La politique de sécurité et de défense commune inclut la définition progressive d’une politique de défense commune de l’Union. Elle conduira à une défense commune, dès lors que le Conseil européen, statuant à l’unanimité, en aura décidé ainsi. Il recommande, dans ce cas, aux États membres d’adopter une décision dans ce sens conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.
La politique de l’Union au sens de la présente section n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres, elle respecte les obligations découlant du traité de l’Atlantique Nord pour certains États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre. »
3°) La marque honteuse d’une vassalisation
Il faut souligner d’emblée à quel point il est anormal que des traités internationaux – a fortiori un traité prétendant au titre de « Constitution européenne » d’une entité fédérale en gestation – mentionnent l’existence et la soumission de certains de ses membres à des alliances militaires avec des États tiers non parties au traité.
Pour comprendre l’extraordinaire anomalie de cette situation, il suffit de changer de point de vue et d’imaginer l’effet qu’elle nous inspirerait si nous la constations ailleurs.
Que penserions-nous des États-Unis d’Amérique et des Américains si la Constitution américaine, établie en 1776, avait expressément prévu de respecter les alliances nouées par certains des États américains nouvellement fédérés (la Virginie, le Maine, la Nouvelle Angleterre, la Floride, les deux Carolines, etc.) avec le Royaume-Uni ?
Que penserions-nous de l’Inde et des Indiens si la Constitution de l’Union indienne adoptée en janvier 1950 avait prévu que les États du Rajahstan, de l’Uttar Pradesh, du Gujerat, du Maharashtra, du Karnataka et du Tamil Nadu devaient organiser leur défense et leur alliance militaire avec celle du Royaume-Uni, alliance qui s’imposerait et primerait sur toutes les décisions de l’Union indienne en la matière ?
Que penserions-nous du Brésil si sa récente Constitution de 1988 stipulait que les États de Baia, du Mato Grosso, du Minas Gerais, du Parana, du Pernambuco, de Rio de Janeiro et du Rio Grande do Sul devaient se plier d’abord à une alliance militaire avec les États-Unis d’Amérique ?
Nous estimerions bien entendu que ces regroupements d’États seraient des unions fantoches, complètement vassales d’une grande puissance étrangère tierce. Nous en ririons ou nous nous en indignerions, selon notre humeur ou la sympathie que nous éprouvons pour ces peuples.
Telle est pourtant exactement la situation de la prétendue « Union européenne ».
4°) Que signifie précisément le charabia de l’article 42 ?
Il faut bien lire et relire l’article 42 du TUE à tête reposée car, quoique rédigé d’une façon peu compréhensible, il est d’une importance fondamentale. Il pose en effet 4 principes essentiels :
1er principe : l’UE doit se doter à terme d’une seule et même politique de défense
La « PESD » (« politique de sécurité et de défense commune » de l’UE) doit en effet « inclure la définition progressive d’une politique de défense commune » et celle-ci verra le jour lorsque le Conseil statuant à l’unanimité en aura ainsi décidé.
2ème principe : l’UE doit mettre sur pied une armée européenne commune
La PESD doit en effet comprendre des « missions » de nature « civile et militaire » : il s’agit donc bien de bâtir à terme une armée européenne commune.
3ème principe : l’UE doit se livrer à des opérations de police internationale définie par l’OTAN, même sans mandat de l’ONU
Les « missions » de l’Union européenne ont vocation à s’étendre « en dehors de l’Union [européenne] », et cela « afin d’assurer le maintien de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale ». En clair, cela signifie que l’UE doit se livrer à des opérations de police internationale.
Il est certes précisé que ces actions doivent se faire « conformément aux principes de la charte des Nations unies ». Mais ce garde-fou est un trompe-l’œil car le respect des « principes » de la charte de l’ONU est une contrainte très vague et sujette à mille interprétations. Il eût été bien plus précis, bien plus contraignant, et plus encore conforme au droit international, de préciser que ces actions de l’UE devraient se faire « conformément aux décisions prises par l’Assemblée Générale ou par le Conseil de Sécurité des Nations unies ».
En ne précisant pas ce point fondamental, l’article 42 du TUE témoigne de l’extrême perversité de ses rédacteurs : il fait référence à la charte de l’Organisation des Nations unies pour mieux en trahir la finalité puisqu’il ouvre la voie à des opérations de police internationale, réalisées dans le cadre de l’UE et de l’OTAN, même sans avoir obtenu le moindre mandat de l’ONU et en particulier du Conseil de Sécurité, seule instance planétaire habilitée par le droit international public à décider de l’organisation d’opérations militaires.
4ème principe : les obligations de l’OTAN s’imposent à l’UE
Il est en effet précisé que la « PESD » doit « respecter » les obligations de l’OTAN « pour certains États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de » l’OTAN.
5°) L’article 42 subordonne bien l’UE à l’OTAN
Un lecteur lisant cet article hâtivement peut en retirer l’impression – erronée – que le TUE poserait un simple principe de compatibilité entre la PESD et l’OTAN « pour certains États membres ». Mais il s’agit là aussi d’une tromperie destinée à endormir les opinions publiques, selon la méthode habituelle de la prétendue « construction européenne ».
Car cet article pose en réalité le principe d’une subordination de la PESD à l’OTAN, et cela pour 2 raisons :
a)- Parce qu’il indique que la PESD doit « respecter » les obligations de l’OTAN.
Cela signifie bien que l’OTAN prime sur la PESD. Sinon, le traité aurait dit exactement le contraire : le TUE aurait par exemple indiqué que « les États membres de l’UE également membres de l’OTAN doivent renégocier leur participation à l’OTAN afin de rendre celle-ci compatible avec les obligations de la PESD ».
Du reste, l’article 42, difficile à suivre du fait d’une phrase à incidentes multiples, précise même que « la politique de l’Union au sens de la présente section [...] est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre [celui de l'OTAN]. Cet article 42 annonce donc noir sur blanc que la politique de défense de l’UE ne peut jamais contrevenir à celle de l’OTAN, États membres ou pas.
b)- Parce que la formule qui indique « pour certains États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l’OTAN » est d’une rare hypocrisie.
Il faut en effet rappeler que, sur les 27 États membres de l’UE, il y en a 21 qui sont membres de l’OTAN, et notamment tous les plus grands pays :
Allemagne, Belgique, Bulgarie, Danemark, Espagne, Estonie, France, Grèce, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie
Les 6 États Membres de l’UE qui ne sont pas membres de l’OTAN se divisent en 2 groupes :
a) 5 États qui ont proclamé leur neutralité internationale depuis de nombreuses années (voire depuis plusieurs décennies) : Suède, Finlande, Autriche, Irlande, Malte
b) -Le cas particulier de Chypre, île à la situation juridique complexe
Divisée en deux, cette île comprend les deux bases militaires britanniques d’Akrotiri et Dhekelia, qui sont situées juridiquement hors UE mais dans l’OTAN…
Au total, ces 6 États membres de l’UE qui ne sont pas membres de l’OTAN regroupent une population de 28,8 millions d’habitants, sur les 500,5 millions d’habitants de l’UE, soit 5,7 %.
Ce rappel permet de mesurer que 78 % États membres de l’UE sont également membres de l’OTAN et que 94,3 % de la population de l’UE habitent dans un État appartenant à l’OTAN.
Au sein de l’UE, c’est donc l’appartenance à l’OTAN qui est ultra majoritaire et la non-appartenance – d’ailleurs exclusivement pour des raisons de neutralité et non pas pour des raisons d’opposition – qui est ultra-minoritaire.
Dans ces conditions, la formule hypocrite de l’article 42 du TUE rappelée précédemment prend tout son sens : puisque ce qu’elle appelle « certains États » représente 94 % de la population de l’UE, cette formule signifie bel et bien que la PESD ne peut se déployer que dans le cadre de l’OTAN et que toutes ses orientations stratégiques lui sont subordonnées.
6°) L’entrée dans l’OTAN est désormais devenue un préalable, imposé par les États-Unis d’Amérique, à l’entrée dans l’Union européenne
Toute l’analyse qui précède est d’ailleurs désormais un secret de Polichinelle partout ailleurs qu’en France. Chez nous, tous les responsables et tous les partis politiques – à la seule exception de l’UPR – et les médias dominants cachent encore cette vérité aveuglante aux Français : UE = OTAN = subordination militaire et stratégique aux États-Unis.
C’est la raison pour laquelle tous les nouveaux pays de l’Est ayant adhéré à l’UE en 2005 ont été obligés – à la demande des États-Unis – d’adhérer d’abord à l’OTAN avant d’adhérer à l’UE.
C’est ce que le président américain George W. Bush avait d’ailleurs dit de la façon la plus explicite qui soit dans son discours à l’université de Varsovie du 15 juin 2001 : « Toutes les nouvelles démocraties de l’Europe, de la Baltique à la Mer Noire et toutes celles qui se trouvent situées entre les deux, doivent avoir la même chance pour la sécurité et la liberté – et la même chance de rejoindre les institutions européennes. Toutes les nations devraient comprendre qu’il n’y a aucun conflit entre l’appartenance à l’OTAN et l’appartenance à l’UE ».
7°) La subordination dans les faits : l’EUROCORPS
Ce bref tour d’horizon ne serait pas complet s’il ne précisait que certains États de l’Union européenne ont déjà commencé à concrétiser les engagements contenus dans l’article 42, en mettant sur pied un système de « missions européennes, civiles et militaires, en dehors de l’Union afin d’assurer le maintien de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale ».
Comment ? En créant le « Corps [militaire] européen », plus généralement appelé « l’EUROCORPS ».
Les lecteurs intéressés par cette institution gagneront à aller consulter :
a)- La fiche Wikipédia de l’Eurocorps
http://fr.wikipedia.org/wiki/Corps_europ%C3%A9en
On y apprend, entre autres choses, que ce corps d’armée créé en 1992 (date de signature du traité de Maastricht) comprend l’Allemagne, la France, la Belgique, l’Espagne et le Luxembourg, ainsi que 7 États qui y détachent des officiers : la Grèce, la Pologne, la Turquie, l’Italie, la Roumanie, l’Autriche [pourtant théoriquement neutre…] et… les États-Unis d’Amérique.
b)- Le site Internet de l’Eurocorps
http://www.eurocorps.org/home_page/home.php?lang_default=FRA
Outre une vidéo martiale en page d’accueil, on y consultera avec intérêt la brochure
http://www.eurocorps.org/bdd/briefing/brochureECWeb.pdf
Comme le constateront les lecteurs, cet Eurocorps apparaît bien, au Kosovo comme en Afghanistan, comme une force militaire d’appoint à l’OTAN dont les objectifs militaires et stratégiques sont ceux fixés par Washington.
D’ailleurs, le slogan de l’Eurocorps apparaît en haut de son site : « CORPS EUROPÉEN : UNE FORCE POUR L’UNION EUROPÉENNE ET L’ALLIANCE ATLANTIQUE ».
CQFD.
CONCLUSION
L’analyse qui précède montre ce qu’ont de vaines, trompeuses et mensongères les gesticulations des partis politiques dits « souverainistes », « eurocritiques » ou « gaullistes », qui ont fait mine de s’offusquer de la décision de Nicolas Sarkozy de faire réintégrer la France dans le Commandement militaire intégré de l’OTAN (d’où le général de Gaulle l’avait extraite en 1966), tout en dénonçant par ailleurs la volonté de l’UPR de faire sortir la France de l’UE.
La vérité, en termes juridiques comme en termes de rapport de forces au sein du continent européen, est que l’alternative qui s’offre à la France est d’une grande limpidité :
- soit la France continue à rester membre de l’Union européenne, et elle est alors ipso facto condamnée à s’enfermer dans l’Alliance atlantique, tant l’UE et l’OTAN ne sont en réalité que les deux faces de la même médaille, celle de l’asservissement géopolitique, diplomatique, militaire, économique et culturel aux États-Unis d’Amérique. C’est la conclusion logique à laquelle sont parvenus, par concessions successives, les présidents Giscard d’Estaing, Mitterrand, Chirac et enfin Sarkozy. Notons d’ailleurs que les installations dirigeantes de l’Union européenne et de l’OTAN se situent toutes dans la même ville, Bruxelles, ce qui confirme l’existence d’un dessein commun, la volonté de nouer des connexions constantes.
- soit la France décide de redevenir la nation libre et souveraine qu’elle a toujours eu l’ambition d’être et que le monde entier attend d’elle ; et il faut alors sortir à la fois de l’Union européenne et de l’OTAN, l’un n’allant pas sans l’autre. C’est la conclusion logique à laquelle était parvenu le président Charles de Gaulle, en faisant sortir la France du commandement militaire intégré de l’OTAN en 1966, la même année qu’il imposait le droit de veto à toute dérive supranationale de la construction européenne.
L’UPR a fait clairement le choix de cette seconde option. Tous les autres partis politiques français, quel que soit l’écran de fumée rhétorique qu’ils essaient de dresser pour le camoufler, ont fait le choix de la première.
http://www.u-p-r.fr/vos-questions-nos-reponses/questions-internationales/l-union-europeenne-est-subordonnee-a-l-otan
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Comment osez-vous être contre l’Europe puisque l’Europe c’est la paix ?
L’affirmation selon laquelle la construction européenne aurait installé la paix sur le continent européen doit être étudiée avec beaucoup de précision car il s’agit de l’un des arguments les plus efficaces de la propagande européiste. Tirant parti de ce qu’il n’y a pas eu de conflit armé, en effet, entre la France et l’Allemagne depuis 1945, la propagande européiste nous assure que cette situation heureuse découle indubitablement de la construction européenne et que celle-ci ne saurait donc être remise en question, sauf par de dangereux va-t-en guerre.
Pour beaucoup de Français, cet argument selon lequel « l’Europe, c’est la Paix » est d’autant plus intimidant qu’il semble incontestable. Il joue même un rôle décisif pour les Français qui ont personnellement des souvenirs d’enfance de la Seconde Guerre mondiale. Comme l’ont révélé les sondages post-électoraux effectués par tranche d’âge après le référendum de 2005, l’argument de la paix explique principalement pourquoi ce sont les électeurs de plus de 60 ans – et davantage encore ceux âgés de plus de 70 ans – qui ont été les seuls à voter majoritairement en faveur de la Constitution européenne.
Pourtant, cet argument selon lequel « l’Europe, c’est la Paix » est à la fois faux et très dangereux. Et l’UPR tient non seulement à ne pas le passer sous silence mais elle tient par-dessus tout à en expliquer la fausseté. Car, comme bien souvent dans l’histoire des hommes, une construction politique prétendument porteuse de paix est en train de nous conduire à la guerre.
Examinons pourquoi.
1) La construction européenne n’a été pour rien dans le maintien de la paix en Europe depuis 1945
Contrairement à ce qu’assène la propagande, la construction européenne n’a été pour rien dans le maintien de la paix sur le continent européen depuis 1945 (plus exactement dans sa partie occidentale, car le continent a connu plusieurs conflits très meurtriers dans l’ancienne Yougoslavie).
Qu’est-ce qui permet de l’affirmer ?
Tout d’abord la simple chronologie des faits.
En effet, si la fameuse Déclaration Schuman date du 9 mai 1950, le Traité de Rome n’a été signé quant à lui que le 25 mars 1957 et les institutions communautaires ne se sont mises en place que très progressivement ensuite. Ce simple rappel des dates a une conséquence logique immédiate : si la paix a prévalu entre 1945 et, disons, le début des années 1960, il est tout simplement impossible d’en attribuer le bénéfice à quelque chose qui n’existait pas.
Ainsi, ce n’est pas grâce à la CECA balbutiante ou au Traité de Rome, puisqu’il n’existait pas, que le blocus de Berlin de 1953 ou que l’insurrection hongroise de 1956 n’ont pas dégénéré en conflit mondial. Si la France et l’Allemagne ne sont pas entrées en guerre l’une contre l’autre pendant les années 50, c’est parce que ce n’était tout simplement pas le sujet du moment, loin s’en faut. La guerre qui menaçait d’ensanglanter l’Europe ne risquait pas d’opposer les deux rives du Rhin mais le camp occidental sous influence américaine et le camp socialiste sous influence soviétique.
Or, ce qui a préservé la paix porte un nom : l’équilibre de la terreur. C’est-à-dire la perspective d’une « destruction mutuelle assurée » – c’était le nom même du concept stratégique (« MAD » pour « Mutual Assured Destruction » en anglais) entre les troupes de l’OTAN et celles du Pacte de Varsovie -, à l’issue d’une apocalypse nucléaire qui aurait anéanti le continent et sans doute même la planète entière.
Ainsi donc, et l’on se sent presque gêné de devoir le rappeler tant la propagande européiste a occulté la réalité des faits, si la paix a prévalu entre 1945 et la chute du Mur de Berlin en 1991, c’est parce que l’Europe était, de part et d’autre du rideau de fer, armée jusqu’aux dents. C’est une triste réalité mais elle est indéniable : ce sont les bombes thermonucléaires, les sous-marins lanceurs d’engins, les forces aériennes stratégiques et les missiles balistiques ou de croisière, qui ont assuré la paix en Europe. Ce ne sont pas les montagnes de paperasses des technocrates de la Commission de Bruxelles visant à harmoniser l’éclairage des voitures ou le pourcentage de matières grasses dans le beurre de cacao…
D’accord. Mais maintenant ? Eh bien maintenant, il faut regarder le monde tel qu’il est en 2010 et non pas le monde tel qu’il était il y a cinquante ou cent ans.
2) Les trois évolutions majeures de l’Occident depuis 1945
Trois évolutions structurelles extrêmement puissantes se sont imposées en Europe occidentale depuis la fin du second conflit mondial.
2.1. – Première évolution majeure : la fin des guerres classiques entre pays développés
La première de ces évolutions concerne la fin des guerres classiques entre pays développés.
L’histoire européenne a été marquée, depuis la Renaissance, et surtout depuis la Guerre de Trente Ans et le Traité de Westphalie de 1648, jusqu’en 1945, par la guerre classique, c’est-à-dire des conflits opposant les armées d’État à État (armées de mercenaires d’abord, régulières ensuite).
Or ce type de conflits classiques tend désormais à disparaître, sinon de toute la surface de la planète, du moins de tous les pays très développés.
Pourquoi ? Pas du tout sous l’effet des institutions communautaires. D’ailleurs, les Français envisagent-ils davantage de faire la guerre à la Norvège qu’à la Finlande parce que la première n’est pas dans l’Union alors que la seconde l’est ? Evidemment non.
Autre exemple : un coup de chasse-mouche du dey d’Alger contre l’envoyé de Charles X avait été un motif jugé suffisant pour que la France intervienne militairement en Algérie en 1830. Mais, un siècle et demi après, le gouvernement français n’a jamais même simplement envisagé d’envoyer des soldats français en Algérie pour empêcher qu’un nombre significatif de nos compatriotes s’y fassent assassiner pendant les années 1980 et 1990. L’Algérie n’étant pas dans l’Union européenne, ce refus français d’entrer en guerre, si exactement contraire à ce que fut l’attitude française en 1830, tient donc à des causes qui n’ont rien à voir avec la construction européenne.
Quelles sont ces causes ?
Si la guerre classique d’État à État tend à s’éteindre dans l’ensemble des pays développés, c’est essentiellement sous le double effet :
* – d’une part d’un profond changement des mœurs, découlant de la hausse des niveaux de vie et de la généralisation de l’éducation,
* – d’autre part de la généralisation des moyens de communication visuels et instantanés : la télévision, puissamment relayée désormais par Internet.
Les Etats-Unis ont perdu la Guerre du Vietnam en 1975, d’abord et avant tout parce que le peuple américain ne supportait plus de voir les appelés du contingent mourir en direct sur le petit écran jour après jour, et que la conscience universelle n’aurait pas toléré que Washington usât de l’arme nucléaire dans ce cas.
C’est l’instantanéité et l’omniprésence de l’information qui rend la guerre classique de plus en plus inacceptable aux yeux des opinions publiques des pays développés, et nullement les institutions bureaucratiques de Bruxelles.
Cet état de fait entraîne deux conséquences majeures :
a) l’apparition de guerres nouvelles et d’un type inconnu entre les pays développés
La première conséquence, c’est que les États développés ne peuvent plus réellement se faire de guerre classique entre eux. Cela ne signifie hélas pas qu’ils ne se font plus la guerre du tout ! Cela signifie seulement que les guerres qu’ils se livrent sont d’une toute autre nature que les guerres classiques.
Désormais, les guerres entre pays développés sont beaucoup plus sournoises. Elles se font de façon invisible pour l’homme de la rue : il n’y a plus de déclarations de guerre, les armements classiques n’apparaissent plus, les destructions matérielles et humaines sont devenues très faibles.
Les guerres du XXIe siècle usent d’autres moyens, beaucoup plus perfides et sophistiqués :
- leurs armes sont les médias, les campagnes de propagande, les opérations de désinformation, les manipulations psychologiques, les actes terroristes à la paternité douteuse ;
- leurs cibles sont les cerveaux de chaque individu, leur mise en conditionnement pour accepter des évolutions et des prises de contrôle souvent bien plus totales que ce à quoi parvenaient les guerres classiques d’autrefois.
C’est en pensant à ce nouveau type de « guerre inconnue », de guerre du XXIe siècle, que François Mitterrand a livré, dans le testament politique qu’il a confié au journaliste George Marc Benamou quelques semaines avant sa mort, ces terribles phrases que j’évoque dans certaines de mes conférences : « La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort…apparemment. Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde… C’est une guerre inconnue, une guerre permanente, sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort ! » (Source : Le dernier Mitterrand de Georges-Marc Benamou – Date de publication : 27/1/1997 – Editeur : Plon – Omnibus).
b) – la relégation des guerres classiques dans des zones périphériques et hors du champ des médias
La seconde conséquence, c’est que lorsque les pays très développés ont encore recours à des interventions militaires, ils ne le font désormais que dans des zones périphériques du monde, éloignées et difficiles d’accès pour les médias, et sous des contraintes très fortes : en n’utilisant plus de conscrits mais une armée de métier, en ayant pour objectif le « zéro mort » pour leurs propres soldats, donc en privilégiant les bombardements aériens aux opérations terrestres, en visant à ce que le conflit soit le plus bref possible, et enfin en verrouillant le plus possible la couverture de presse.
C’est ce type de guerre qui se déroule dans plusieurs régions du monde, et notamment en Afghanistan ou en Irak, où les armées des pays membres de l’Union européenne sont d’ailleurs très largement engagés, sous couvert d’opérations de l’OTAN.
2.2. – Deuxième évolution majeure : le déclin du taux de natalité dans les pays d’Europe
La deuxième évolution structurelle concerne le déclin du taux de natalité dans les pays d’Europe, qui entraîne depuis des années un vieillissement accéléré des populations.
Cette évolution est tout spécialement spectaculaire en Allemagne puisque l’un des scénarios démographiques probables envisage que l’Allemagne perde 13,7 millions d’habitants d’ici à 2050, et cela malgré l’immigration annuelle massive de 100 000 personnes. En 2050, les personnes de plus de 60 ans représenteraient plus de 40 % de la population allemande et seraient presque trois fois plus nombreuses que les moins de 20 ans. (source : article « Démographie de l’Allemagne » dans Wikipédia).
Ces données démographiques sont capitales car tous les historiens savent que les guerres naissent très généralement entre des zones pauvres enregistrant une forte croissance de leur population et des zones riches de faible pression démographique. De ce point de vue, quel historien ou spécialiste des conflits peut sérieusement croire que la guerre est plausible entre les pays de l’ouest européen, alors que ceux-ci sont menacés de dénatalité et que les personnes âgées y sont d’année en année plus nombreuses ?
2.3. – Troisième évolution majeure : la démographie des pays du sud de la Méditerranée (Maghreb et Afrique)
Enfin, la troisième évolution structurelle concerne justement la démographie des pays du sud de la Méditerranée (Maghreb et Afrique), ainsi que, de façon plus éloignée géographiquement, celle du sous-continent indien.
Pour les raisons que l’on vient de rappeler, tout spécialiste sérieux ne peut pas ignorer que la disparité des situations démographiques et économiques entre les deux rives de la Méditerranée constitue le principal risque de guerre pour l’Europe dans les décennies qui viennent.
Or, et c’est là la tragique ruse de l’Histoire, le principe même de la construction européenne consiste précisément à repousser les pays du Maghreb et d’Afrique à l’extérieur du périmètre de prospérité européen (la candidature du Maroc à l’entrée dans l’Union européenne ayant d’ailleurs été officiellement rejetée).
Les européistes peuvent évidemment rétorquer que les pays du Maghreb ou d’Afrique n’ont pas leur place dans une « construction européenne », comme si la définition purement conventionnelle de ce que sont des continents devait primer sur une réflexion sage sur ce qu’il convient de faire pour préserver la paix des futures générations des deux côtés de la Méditerranée.
En réalité, ce raisonnement cynique et dur des européistes prouve en quoi l’Europe, loin de nous assurer la paix, est au contraire en train de nous amener la guerre. Si les européistes croyaient sincèrement que ce sont les dizaines de milliers de pages de directives d’harmonisation émanant de la Commission de Bruxelles qui ont empêché une nouvelle guerre en Europe depuis un demi-siècle, alors ils devraient logiquement proposer d’intégrer au plus vite les pays du sud dans cette construction politique censée garantir la paix.
En rejetant au contraire ces pays, ils font la preuve de leur terrible inconséquence et ils révèlent à leur corps défendant que la construction européenne n’est bien qu’une opération conçue depuis des années à Washington pour faire de l’Europe un glacis géostratégique américain.
Cet asservissement politique nous conduit tout droit au Choc des Civilisations théorisé précisément par Washington.
http://www.u-p-r.fr/vos-questions-nos-reponses/la_propagande_europeiste/l-europe-cest-la-paix-non-c-est-la-guerre