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24 mai 2009 7 24 /05 /mai /2009 20:07

SNUT !

L’effet pervers

mai 24th, 2009


À l’heure où l’on débat des rémunérations et bonus des dirigeants, notamment de ceux dont les entreprises ont reçu des aides étatiques, un consensus semble se faire jour : oui aux rémunérations élevées et aux bonus des dirigeants si ceux-ci ont « bien » dirigé l’entreprise dont ils ont la charge, si celle-ci dégage des bénéfices et n’a pas (trop) obtenu d’aides de l’État.

Mais ce consensus comporte un effet pervers majeur : comment obtient-on aujourd’hui un tel résultat ?

Compte tenu de l’atonie de la demande (schématiquement, « il n’y a plus d’argent »), le moyen privilégié reste la réduction des coûts, notamment de la masse salariale, en variabilisant les dépenses.

Variabiliser, pour l’entreprise, cela veut dire précariser pour celui qui est l’objet – ou plutôt la victime – de cette variabilisation. Deux exemples illustrent cette précarisation.
  
  
Délocalisation à l’étranger

C’est un grand classique, un poncif, mais ça marche toujours. Délocaliser à l’étranger, notamment dans les dictatures à bas salaires, permet de réduire ses coûts en appliquant une recette très simple : on peut toujours trouver un esclave moins cher sur la planète.

Le résultat au niveau local ? Une « révolution industrielle » de type XIXe siècle européen, où des masses de paysans sont incitées manu militari à quitter leurs terres pour venir travailler 10 à 14 heures par jour dans des usines ne respectant aucune norme de type occidental (que ce soit en matière de droit du travail, d’hygiène, de sécurité ou d’environnement) avant de retourner dans leur bidonville.

Premier effet pervers de la bonne gestion qui vaudra bonus aux dirigeants et dividendes aux actionnaires : une casse sur le plan humain dans les pays où se développe la délocalisation.
  
  
Auto-entreprenariat


Au niveau local – en France – la recette pour réduire les coûts va être plus subtile : recours tous azimuts à la sous-traitance et à « l’auto-entreprenariat », ce dernier étant particulièrement à la mode et encouragé par nos gouvernants.

De quoi s’agit-il ? Très simple. Au lieu de licencier « sec » un collaborateur, on lui propose de quitter l’entreprise avec un pécule et de s’installer comme « auto-entrepreneur », « consultant », l’entreprise devenant son premier client. La méthode est principalement utilisée pour se débarrasser à petites doses du personnel d’encadrement, notamment des « vieux cadres » (40 ans et plus), afin de les remplacer par du personnel plus jeune, donc moins cher et plus « malléable ».

Cette méthode présente, pour l’entreprise et le gouvernement, un double avantage :

● L’entreprise variabilise le coût lié à un poste et met cet « auto-entrepreneur » en concurrence sur le marché avec d’autres « auto-entrepreneurs ». Une étude marketing à réaliser ? Les « auto-entrepreneurs » vont se retrouver en concurrence, parfois entre anciens collègues, et celui qui sera finalement retenu acceptera, après une négociation symbolique, le prix que lui offrira l’entreprise, toujours nettement inférieur à celui d’une réalisation en interne.

● Le viré n’apparaît pas dans les statistiques du chômage : il est « auto-entrepreneur », « créateur d’entreprise » et sa démarche permet à différents ministres de pavoiser devant la presse et sur leurs sites Internet : Lagarde, Novelli, ils sont tous ravis !


Au-delà de ces auto-satisfécits d’apparatchiks, la réalité est – bien évidemment – infiniment moins souriante, cette méthode de « dégraissage en douceur » ayant deux effets principaux :


● une augmentation de la concentration des richesses : plus il y a de chômage, plus les auto-entrepreneurs seront nombreux, plus le tarif de leurs prestation sera diminué (il en sera de même pour les sous-traitants), d’où de meilleures marges pour l’entreprise qui profite de cette situation, des bonus plus importants pour les dirigeants, des dividendes plus élevés pour les actionnaires et un
coefficient de Gini qui va régulièrement augmenter ;

● la création d’un « sous-prolétariat intellectuel » : des consultants totalement précarisés, corvéables à merci (« il me faut ça pour lundi matin »), dont le taux effectif de rémunération horaire ne dépasse guère le SMIC, voire y est inférieur.
L’effet véritablement pervers, c’est que les apparences sociales sont sauves pour « l’auto-entrepreneur » : il n’est pas chômeur, pas marginalisé, mais son compte bancaire est dans le rouge, sa vie familiale et sociale déstructurée, complètement dépendante du bon vouloir de ses employeurs d’un jour, sa possibilité de déterminer son avenir nulle.
Sous couvert ou prétexte de liberté, il en a fait perdu toute maîtrise de son destin. Seul, isolé, souvent déprimé, il n’est plus qu’un pion économique, ne pouvant compter ni sur l’aide d’un syndicat, ni sur une quelconque solidarité de corps.

 


Pour avoir ainsi passé des centaines et des centaines d’êtres humains au broyeur, le dirigeant de la grande entreprise sera félicité (bonne gestion, variabilisation des coûts, excellente maîtrise des dépenses…) et percevra l’intégralité de ses bonus et stock-options.

Une fois de plus (une fois de trop ?), l’argent public – notre argent, celui de tous les citoyens – devra venir à la rescousse de ces « auto-entrepreneurs » au bout du rouleau, pallier les tares d’un système qui aboutit à n’enrichir qu’une minorité au détriment de la collectivité, à favoriser la croissance d’un système ploutocratique qui, prenant prétexte de la crise actuelle, renforce son emprise économique et son pouvoir de destruction systématique d’un équilibre social péniblement bâti.
  
  
Lundi
© La Lettre du Lundi 2009

http://www.lalettredulundi.fr/


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