Stéphane Quéré : Si les exemples sont nombreux, l’Italie est de loin la grande championne en Europe de l’Ouest des crises sanitaires liées aux activités mafieuses. La situation italienne est d’ailleurs assez problématique pour ses voisins puisque ces activités débordent souvent dans le reste de l’Europe notamment en France. En 2008, 70 millions de litres de vin en provenance d’Italie se sont avérés constitués de seulement 20 à 30% de vin, le reste étant du sucre, de l’eau mais aussi de l’acide sulfurique et chlorhydrique. De la même façon, de grands groupes industriels italiens supposément liés aux oligarques russes et à la mafia napolitaine ont acheté des produits laitiers périmés en provenance d’Inde ou de Chine, sous de faux étiquetages néo-zélandais et australiens, et en ont fait des fromages revendus notamment en France. De cette affaire ont également découlé des problèmes de produits laitiers en France autour de beurre frelaté utilisé par de grands groupes industriels normands, mais aussi des mayonnaises faites à base de matières grasses dangereuses.
De manière plus indirecte mais tout aussi dangereuse, le traitement des déchets par les mafias pose aussi de graves problèmes agro-alimentaires. L’Italie, où c’est un domaine traditionnellement mafieux, manque d’incinérateurs et de décharges. Ces dernières sont donc compensées par des décharges sauvages qui, à terme, laissent des produits s’écouler dans le sol puis dans les eaux et provoquent des intoxications indirectes comme celle du lait de bufflonne dont on a pas mal parlé et qui est le constituant essentiel de la célèbre mozzarella. Ces "éco-mafias" n’agissent pas uniquement dans la région de Naples et en Calabre : ont été coulés des bateaux remplis de déchets chimiques envoyés dans le sud par les riches industriels du nord pour des raisons économiques. A terme, cela contamine les poissons dont se nourrissent les Calabrais. On a constaté dans ces régions une augmentation significative du nombre de cancers et maladies liées aux contaminations.
Pire encore, toujours en Campanie, on estime à un millier le nombre de fours à pain illégaux qui sont alimentés par les déchets fournis par la mafia napolitaine. Ce nouveau marché est directement lié à la forte augmentation des prix des matières premières. Dans le même genre, il est tristement important de parler des alcools de contrefaçon comme la fameuse vodka à l’anti-gel qui se vend en Russie. Enfin, il existe ce que l’on appelle les « viandes de brousse » qui consiste en l’importation illégale d’animaux souvent venus d’Afrique à des fins gastronomiques. Cela se passe bien sûr sans contrôle sanitaire et peut provoquer de légères épidémies qui restent en général d’une ampleur limitée à cause de l’aspect communautaire de la chose.
Au-delà des questions agro-alimentaires, les activités dangereuses appartiennent en grande partie à ce que l’on appelle les « contrefaçons dangereuses » qui diffèrent du fait d’acheter un sac à main d’une marque célèbre qui bien qu’illégal n’est pas en soi dangereux. Si par exemple, vous achetez des cigarettes de contrefaçon, vous vous exposez à consommer des produits ne correspondant pas aux normes sanitaires européennes dans lesquelles sont présentes de très fortes quantités de produits chimiques. Plus largement, arrivent d’Asie et d’Europe de l’Est par conteneurs dans les ports européens de très nombreux produits dangereux comme des disjoncteurs provoquant des risques d’incendie ou encore des jouets pouvant obstruer les organes respiratoires des enfants. Encore plus dangereux à grande échelle, entrent sur le territoire des équipements de contrefaçons pour voitures et pour avions, des freins défectueux ou des capots ne se rétractant pas comme prévu qui peuvent provoquer des accidents très lourds. Ces produits ne sont pas l’apanage de mafias particulières sur notre territoire et sont diffusés par différents groupes criminels établis.