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Le Parlement européen s’est réuni du 16 au 19 janvier 2012 à Strasbourg. Voici les principaux éléments discutés et votés lors de cette session.
Un curieux accord lie les deux principaux groupes politiques du Parlement européen. Le Parti Populaire Européen (PPE) de droite et les socialistes européens du groupe Socialistes & Démocrates (S&D) se partagent la présidence pour la durée de la législature. Le Président sortant, M. Jerzy Buzek était issu des rangs du PPE, c’est donc le socialiste Martin Schulz qui a été élu ce mardi 17 janvier par 387 voix. C’est une majorité plus faible de celle de son prédécesseur qui avait obtenu 555 voix lors de son élection en juillet 2009.
Lors de son intervention, le nouveau Président a déclaré : « Je serai le président de tous les membres du Parlement, et je défendrai les droits de vous tous ». Avec la Conférence des présidents (réunissant les présidents des différents groupes politiques), le président du Parlement européen représente notre instance auprès des autres institutions européennes, des Parlements nationaux et des pays tiers, et impulse l’activité du Parlement et la programmation législative. Il faut bien reconnaître que les promesses du Traité de Lisbonne pour un rôle plus important des parlementaires européens ne sont pas au rendez-vous. Il serait temps notamment que le Parlement ait la possibilité de proposer des lois et des directives.
Martin Schulz a dit aborder sa tache avec « humilité à un moment où l’échec de la construction européenne apparaît, pour la première fois dans son histoire, comme un scénario réaliste ». Celui-ci a regretté la mise de côté de la « méthode communautaire » : la recherche du compromis européen entre le Parlement et le Conseil.
Cette approche est selon lui de plus en plus mise en danger par la multiplication des sommets entre chefs d’Etat qui imposent leurs vues au Parlement. Il a été rejoint dans cette analyse par les présidents des autres groupes.
Notre groupe connaît aussi quelques changements, avec le départ d’Ilda Figueiredo, l’une des figures de la gauche portugaise, remplacée par Inès Zuber. De son côté, Elie Hoarau, le secrétaire général du Parti communiste réunionnais, laisse sa place à Younous Omarjee pour défendre les outremers français.
Mercredi 18 janvier, le Parlement a adopté par 521 voix pour, 124 contre et 50 abstentions une résolution très critique envers le projet de nouveau traité en négociation au sein des gouvernements européens.
Ceci est la manifestation des contradictions existant au sein des institutions européennes et entre les pays.
Le Parlement européen récuse le terme de « Traité européen » employé par Mme Merkel et M. Sarkozy, du fait du refus du Royaume-Uni d’y participer, la formulation retenue dans le préambule du texte est donc celle d’un « Accord d’union économique renforcée ».
Les négociations sont encore en cours. Mais le nouveau traité est une véritable camisole de force. Il doit instaurer pour tous les Etats signataires une limite de dépense publique avec des mécanismes d’ajustement immédiat. Dans sa version actuelle, si un Etat dépasse les 0,5% de déficit structurel (son déficit sans la charge de la dette et les effets de conjoncture), une autorité supérieure nationale (à définir) doit automatiquement le forcer à corriger son budget afin de le remettre dans les carcans communautaires. La mise en place de cette règle serait surveillée par la Commission qui aurait également le pouvoir de sanctionner les Etats n’appliquant pas suffisamment l’austérité sociale, économique et budgétaire.
Dans la résolution adoptée, les députés émettent « des doutes » sur le nouvel accord et sur sa forme. Le Parlement demande donc à revenir dans le jeu en faisant appel à la « méthode communautaire » : la recherche du compromis avec le Parlement et le Conseil, en co-législateurs égaux. Pour ce faire, il exige que, dans les cinq ans après sa ratification, ce nouvel accord soit intégré dans le système européen (afin que le Parlement européen puisse prendre sa place dans la structure qui sera établie).
Si elle critique essentiellement la forme de ce nouvel accord, la résolution émet aussi une opinion sur son contenu :
« estime que la discipline budgétaire, si elle constitue le fondement de la croissance durable, ne pourra à elle seule assurer la relance économique, et que l’accord doit adresser un message clair, à savoir que les dirigeants de l’Europe mettront en œuvre des actions énergiques sur les deux fronts; insiste, par conséquent, sur le fait que l’accord doit comporter l’engagement, de la part des parties contractantes, d’adopter des mesures visant à promouvoir le renforcement de la convergence et de la compétitivité, ainsi que des propositions en vue de la création d’un fonds d’amortissement, de l’émission d’emprunts obligataires pour le financement de projets, de l’instauration d’une taxe sur les transactions financières établie dans le droit de l’Union et, tout en veillant à la discipline budgétaire, de l’élaboration d’une feuille de route pour les obligations de stabilité ».
Évidemment les réticences ne vont pas jusqu’à tirer les leçons des échecs graves des Traités de Maastricht et de Lisbonne qui ont plongé l’Union européenne dans une crise inconnue jusque là.
Le passage en force qui est imposé pour répondre aux exigences de la Banque centrale européenne représente un véritable déni de démocratie que j’ai dénoncé dans une déclaration :
« Je m’oppose avec force à la démarche engagée pour établir un nouveau traité dont l’objectif est d’imposer l’austérité aux peuples européens.
Les négociations actuelles contournent les représentants élus directement par les citoyens européens en se limitant au cénacle des gouvernements et en excluant les parlements nationaux et le Parlement européen.
En prenant la forme d’une négociation entre Etats on n’accorde aux organes les plus démocratiques qu’un rôle de validation d’un fait accompli.
Ce déni de démocratie est d’autant plus intolérable qu’il en va du futur même du projet européen qui troque la solidarité européenne pour les demandes d’austérité de la Banque centrale et de la Commission.
Les mécanismes de surveillance et de sanction prévus représentent une mise au pas de la politique économique des Etats leur interdisant toute relance par la consommation et l’investissement.
L’Union européenne doit au contraire revoir de fond en comble ses fondements économiques et s’avancer vers un nouveau pacte de progrès social qui place l’humain au centre de ses préoccupations.
Une Banque centrale européenne, au service des peuples, doit être l’instrument de cette ambition en privilégiant par le crédit des investissements créateurs de richesse et de biens publics dans l’éducation, la formation, la recherche, les infrastructures, les services publics ».
(..)
Tous les six mois la présidence de l’Union européenne change et revient à un autre État membre. Après la Pologne, c’est au Danemark de reprendre la main.
La présidence n’accorde aucun pouvoir supplémentaire, d’autant plus qu’avec le Traité de Lisbonne l’Union européenne s’est également dotée d’un président du Conseil européen (actuellement Herman Van Rompuy). Cependant la présidence permet à un État de mettre en avant ses priorités dans l’agenda européen, les politiques qui lui tiennent à cœur. Dans le cas de la Pologne, c’était le partenariat oriental, les relations avec ses voisins de l’Est notamment l’Ukraine avec la volonté de conclure un accord d’association, ainsi que la politique énergétique.
Le Danemark, l’un des pays adeptes de la flexécurité, fait face à plusieurs contradictions. Résolument européen, il ne fait pas partie de la zone euro et son précédent gouvernement s’était fait remarquer en remettant en cause l’ouverture des frontières. Son nouveau gouvernement – de centre gauche – n’a qu’une centaine de jours d’ancienneté.
L’environnement constituera l’une des priorités de la présidence danoise, mais l’agenda européen 2012 sera surtout rythmé par la crise de la dette européenne et les négociations autour du nouveau traité. Le calendrier fixe la fin des négociations au 30 janvier, une adoption en mars et une application dès 2013. Le Danemark s’était lui administré une sévère cure d’austérité dans les années 80 qui avait conduit à une quasi décennie de stagnation. On peut donc s’attendre à ce qu’il soutienne le nouveau Traité.
L’agenda sera également occupé par les nouvelles réglementations sur le futur de la politique agricole commune (PAC). Le Danemark est l’un des pays les plus réticents à une PAC forte et soutient le principe de « verdissement des aides agricoles », c’est-à-dire la suspension de 30% des aides directes en cas de non respect de trois conditions : maintenir des pâturages permanents, pratiquer trois cultures distinctes et maintenir une « zone réservée à l’écologie ».
Autre point majeur : la préparation du Budget 2014-2020, grand enjeu de la deuxième partie de législature pour la définition des objectifs de l’Union européenne, avec cette question fondamentale : solidarité ou compétitivité ?
Mme Helle Thorning-Schmidt, Premier ministre danois et ancienne députée au Parlement européen, a rappelé l’attachement de son pays à la méthode communautaire. Søren Bo Søndergaard (GUE/NGL) l’a cependant avertie :
« Le gouvernement danois a remporté les élections de septembre grâce à la promesse de travailler à résoudre la crise plutôt que de s’engager sur la voie d’une austérité sauvage; de sortir de la crise grâce à la création d’emplois, pas par leur destruction. Ces questions sont d’autant plus d’actualité à un niveau européen, notamment à la lumière de la hausse du chômage. 5 millions d’espagnols sont au chômage, et le chômage de la jeunesse culmine à plus de 20% dans 18 pays de l’UE.
Cependant, le programme de la présidence danoise se lit comme un tract Merkozy : pas d’investissement, seulement des restrictions. Une telle politique va accroître le chômage et notre groupe pense que cette politique est un désastre.
Nous n’avons pas besoin de plus de restrictions imposées par l’UE, ni de conventions financières ou de traités visant à dégrader les services publics et à imposer des coupes de salaires. Les peuples européens ont besoin de travail pour améliorer notre bien-être commun et la présidence danoise a 6 mois pour démontrer si elle fait partie de la solution ou du problème ».
Jeudi 19 janvier le Parlement a dénoncé dans deux textes les pressions qui pèsent sur les agriculteurs face à la grande distribution et aux producteurs d’engrais.
Pour les intrants (les produits nécessaires au fonctionnement de l’exploitation agricole que celle-ci doit acheter) comme pour les sortants (la production), les agriculteurs sont en position d’infériorité face à des monopoles considérables, ce qui réduit leur marge de négociation et donc leur revenu.
C’est ce dilemme que souligne le rapport de José Bové adopté ce 19 janvier sur les intrants agricoles : « les producteurs primaires ne peuvent bénéficier pleinement de l’augmentation des prix à la production, car ils sont pris en tenaille entre, d’une part, les faibles prix au départ de la ferme en raison des positions fortes des transformateurs et des détaillants et, d’autre part, les prix élevés des intrants dus à une forte concentration des sociétés d’intrants agricoles ». Ce déséquilibre est bien illustré par ce chiffre du rapport : en dix ans « les coûts des intrants des agriculteurs de l’Union ont grimpé en moyenne de près de 40 % » alors que les prix payés aux agriculteurs n’augmentaient que de 25%, réduisant d’autant leur revenu.
La résolution commune adoptée le même jour s’attaque à l’autre bout de la chaîne : les déséquilibres dans le rapport de forces entre agriculteurs et centrales d’achats, négociants et grandes surfaces, qui nuit gravement aux agriculteurs et, en fin de compte, nuit aussi aux consommateurs.
Partant des « déséquilibres » constatés, elle demande de « garantir des relations loyales et transparentes entre les producteurs, les fournisseurs et les distributeurs de produits alimentaires ». Pour ce faire elle demande des actes forts de la Commission et des Etats contre les pratiques d’achat abusives et les abus de position dominante. D’abord en lançant une enquête générale dans chaque secteur puis en mettant en place dans chaque Etat, en coordination avec la Commission, un système de surveillance et de sanction.
La résolution demande également un plus grand respect des délais de paiements, une meilleure surveillance des prix, plus de pouvoirs pour les organisations de producteurs agricoles et l’adaptation des textes sur la concurrence pour qu’elle puisse s’attaquer plus efficacement aux pratiques abusives.
Lors du débat, Joao Ferreira (GUE/NGL) a rappelé les difficultés terribles auxquelles font face les petites et moyennes exploitations ainsi que les exploitations familiales. La spéculation grandissante sur les marchés agricoles mondiaux oblige à repenser totalement les politiques agricoles et commerciales ainsi que le marché unique :
« Il est impératif d’inverser cette tendance négative vers une centralisation de la production alimentaire. Nous devons encourager la production locale, réduire les transports, introduire des mesures fortes contre le genre de dumping dont nous avons été témoins dans le secteur laitier et s’assurer d’une distribution juste des capitaux tout au long de la chaîne alimentaire.
Des limites maximums doivent être appliquées aux marges de profits des gros acheteurs et des supermarchés et des systèmes de surveillance doivent être mis en place sur les prix appliqués par les détaillants et les entreprises de grande distribution.
Ces mesures sont cruciales non seulement pour l’Europe mais aussi pour les pays en développement pour des raisons de protection de l’environnement et de développement social ».
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