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Tout sur la crise financière, économique, sanitaire, sociale, morale etc. Infos et analyses d'actualité. Et conseils, tuyaux, pour s'adapter à la crise, éventuellement au chaos, et même survivre en cas de guerre le cas échéant. Et des pistes, des alternatives au Système, pas forcément utopiques. A défaut de le changer ! Un blog d'utilité publique.

Grèce : "La clé est sous le paillasson", faillite inévitable - Eric Fry

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http://www.goubelle.net/5-categorie-10593085.html

 

 

"La clé est sous le paillasson" 

Eric Fry

 

 

▪ Papandréou à Merkel : "la clé est sous le paillasson".

Comme des propriétaires totalement insolvables, les Grecs se soustraient tout simplement à leurs obligations et disent à leurs créditeurs : "c'est à vous".

S'il est vrai que les Grecs ne sont pas encore partis, le Premier ministre Georges Papandréou, lui, est parti aujourd'hui... et c'est là la première étape.

"Attendez un peu !" me direz-vous. "Les Grecs ne sont-ils pas parvenus à faire émerger un accord politique pour sauver le renflouement ce week-end ? Papandréou n'a-t-il pas accepté de se retirer afin de permettre à un gouvernement intérimaire de coalition de garantir le plan de sauvetage de l'Union européenne à 130 milliards d'euros ?"

Réponse : oui, si vous croyez ce que raconte la presse américaine ou européenne ; pas du tout, si l'on en croit la presse grecque... ou si vous écoutez votre bon sens.

 

(..)

 

Papandréou ne s'est pas retiré pour "céder la place au plan de sauvetage". Il s'est retiré pour sortir du champ de bataille. Comme le dit hier le journal grec Ekathimerini, "n'oublions pas ce qui a provoqué l'effort malheureux et paniqué de Georges Papandréou pour se décharger du poids du gouvernement en appelant à un référendum : le besoin de réformes radicales, la colère populaire que cela a provoqué et la violence sporadique de groupes peu importants mais tenaces..."

Personne ne veut être le "candidat de l'austérité". Faire de la politique, c'est distribuer des cadeaux, pas les enlever. Papandréou a bien compris cette réalité et ne veut rien avoir à faire avec elle.

"Ce n'est pas une coïncidence", continue Ekathimerini. "Les deux fois où Papandréou a essayé de rejeter le fardeau gouvernemental, c'était durant les manifestations monstres et les violences qui les ont accompagnées. En juin dernier, au cours du débat parlementaire sur les nouvelles mesures d'austérité -- qui se sont accompagnées de violents affrontements sur la Place Syntagma -- Papandréou a soudain déclaré à Antonis Samaras, leader du parti Nouvelle Démocratie, qu'il démissionnerait de son poste de Premier ministre afin de laisser la place à un gouvernement d'unité nationale.

La seconde fois a eu lieu à la suite des manifestations du 28 octobre et de l'annulation du défilé militaire à Thessalonique, juste après un accord avec nos partenaires européens et le FMI pour effacer une grande partie de notre dette".


Sans surprise, Papandréou a préféré rendre les clés et exaspérer les créditeurs de la Grèce plutôt que de payer et exaspérer son propre peuple.

Publiquement, la plupart des hommes politiques grecs continuent à parler comme si le pays allait continuer à rembourser ses dettes. Mais cela est facile à dire tant que leurs créditeurs continuent à allonger de l'argent frais. Attendons de voir quand la source sera épuisée.

C'est à ce moment que les Grecs s'en iront et qu'ils mettront la clé sous le paillasson.

▪ Mais ne plaignez pas les Grecs. Les "chargés de la saisie" ne peuvent ni les expulser ni rentrer en possession de quoi que ce soit. Les prêteurs auraient dû demander des gages mais ils ne l'ont pas fait. Ce qui signifie que les emprunteurs grecs peuvent "garder leur maison" même après avoir fait faillite, tandis que les prêteurs devront faire une croix sur leurs mauvais prêts... exactement comme pour un défaut sur emprunt immobilier.

Pourquoi alors la Grèce ne devrait-elle pas mettre la clé sous le paillasson ? C'est ce qu'ont fait des millions d'emprunteurs américains depuis l'éclatement de la bulle immobilière. Le capitalisme c'est exactement cela : des échanges libres de capitaux et/ou de services entre adultes consentants. Parfois ces échanges produisent de la richesse et parfois des pertes. C'est cela le capitalisme.

Lorsqu'une banque prête de l'argent à un acheteur immobilier, elle comprend qu'elle recevra soit des intérêts mensuels... soit la maison elle-même. L'emprunteur comprend qu'il doit soit payer des paiements mensuels... soit donner la maison à la banque. C'est le deal. Il s'agit d'un contrat, pas d'une obligation morale.

La finance souveraine n'est guère différente. Lorsqu'une banque prête de l'argent à un emprunteur souverain, la banque comprend qu'elle recevra le paiement des intérêts aussi longtemps que l'emprunteur souverain restera solvable. Après cela, rien. C'est le deal. Il s'agit d'un contrat, pas d'une obligation morale.

Ce n'est pas la faute de l'emprunteur souverain si la banque n'a pas exigé de gage avant d'augmenter le montant du prêt. C'est la responsabilité du prêteur de garantir ses prêts, pas celle de l'emprunteur.

La plupart des Grecs dans la rue sont conscients de cette réalité, c'est pourquoi ils préfèrent la faillite à l'austérité. Clairement, Papandréou est sur la même longueur d'onde, c'est pourquoi il a demandé un référendum national sur le renflouement. Il savait que le peuple voulait mettre la clé sous le paillasson et n'avait aucun intérêt à l'empêcher de le faire.

Mais les banquiers du nord de l'Europe avaient tout intérêt à empêcher les Grecs de rendre les clés, c'est pourquoi ils ont fait pression sur Papandréou pour qu'il annule le référendum. C'est ce qu'il a fait, à contrecoeur... puis s'est retiré.

Cela pourrait être un événement qui "sauvera le plan de sauvetage grec", comme le rapportait la presse américaine. Mais c'est également un événement qui rapproche un peu plus la Grèce d'une faillite inévitable.

 

 

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τραγῳδία… tragôidía… tragédie

 

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Les récents épisodes de la tragédie grecque ont eu pour principal effet de mettre en lumière, de révéler la nature profonde, les craintes et ambitions des différents protagonistes qui y ont participé.
  
bild2.jpgD’un côté Angela Merkel et la presse allemande – le journal populaire Bild notamment (voir ci-contre une accroche d’article de ce journal que l’on pourrait traduire par « Vendez vos îles, Grecs ruinés, et l’Acropole par la même occasion ! ») – qui traitent Papandréou et les Grecs avec tout le mépris, le dédain et la condescendance dont ils sont capables.
  
obama-and-sarkozy2.jpgAu centre, se voulant le plus visible possible, le Prince-Président, soufflé d’orgueil et bouffi de suffisance, qui s’auto-congratule et se considère comme un des dirigeants les plus importants de la planète. Convoquant Papandréou pour le morigéner comme on le fait d’un laquais désobéissant, il roucoule comme une colombe dès qu’Obama lui manifeste la moindre attention.
 
dallara-and-barroso2.jpgDans la coulisse, le lobby bancaire, mené par Charles Dallara, directeur général de l’Institute of International Finance, qui s’affaire pour que les décisions politiques cadrent avec ses intérêts
  
Sans oublier tous ceux qui exhortent les Grecs à sortir de l’Union européenne et à abandonner l’euro, rêvant – pour des raisons parfois peu avouables – de précipiter la chute de la monnaie unique.
  
  
Quelques rappels
  
En premier lieu, ne soyons pas trop étonnés par ce qui se déroule aujourd’hui. Ce scénario, nous l’avions envisagé et décrit dès cet été dans deux billets, Les marches d’Odessa et Timeo Danaos. Nous vous proposons de les relire car, rédigés « à froid » avant le déclenchement de la crise grecque, ils sont vierges de l’influence de la pression du quotidien, qui perturbe bien plus souvent l’analyse qu’elle ne l’éclaire.
  
En second lieu, rappelons le deal proposé à la Grèce le 27 octobre par le trio Merkel-Sarkozy-Dallara :

• les banques renoncent, sur la base du volontariat, à la moitié de leurs créances sur la dette publique grecque ;

• un nouveau prêt de 100 milliards d’euros est accordé, sous conditions, à la Grèce d’ici 2014. Les conditions ? Plan d’austérité draconien, privatisations en série et contrôle permanent de la politique budgétaire grecque par une « troïka » composée de représentants de l’Union européenne, de la BCE et du FMI. En clair, une mise sous tutelle économique de la Grèce par des institutions chargées de pérenniser la structure du système financier actuel.

Ceci posé, quels enseignements tirer des événements de ces derniers jours ?
  
  
Un recul démocratique majeur
  
Papandréou, qui voulait faire ratifier par référendum l’accord ci-dessus mentionné, a du bien vite faire machine arrière devant la réaction et les menaces du lobby bancaire et du couple Merkel-Sarkozy (comme le dit servilement Paris Match, « il s’était attiré les foudres des Dieux européens, le président de la République française Nicolas Sarkozy et la chancelière allemande Angela Merkel »). On ne peut dire aujourd’hui si cet accord aurait été ou non ratifié par le peuple, celui-ci n’ayant plus son mot à dire sur des décisions qui vont changer complètement le sort et l’avenir du pays.
  
  
Une première victoire du lobby bancaire et financier…
  

À l’inverse, on peut affirmer qu’une bataille importante a été gagnée par le lobby bancaire dans sa volonté de soumettre le politique à ses intérêts. Le meilleur indicateur a été l’évolution en Bourse des actions des banques : à la hausse lorsque l’accord du 27 octobre a été conclu, elles ont plongé à l’annonce du référendum avant de remonter quand Papandréou a jeté l’éponge.
  
De façon très révélatrice, très significative, la plupart des commentateurs ont présenté cet abandon du référendum comme une bonne nouvelle, un « soulagement », se faisant l’écho d’un Christian Estrosi qui avait jugé le recours au peuple « totalement irresponsable ». Ces réactions montrent à quelle vitesse nous sommes en train de sortir du modèle républicain que nous avons connu pour entrer dans une « démocratie sous contrôle », à la russe ou à la chinoise.
  
  
… en attendant la prochaine
  

Nous en verrons une nouvelle preuve lors des prochaines « crises » qui ne manqueront pas de toucher l’Italie, l’Irlande ou le Portugal… en attendant la France. Dans tous les cas, le discours adressé aux citoyens sera le même que celui qui a été tenu aux Grecs : « tenez-vous à carreau, acceptez ce que nous vous proposons et dîtes merci, sinon ce sera pire encore. »

*        *
*

Lorsque nous avons commencé la rédaction des premiers billets de La Lettre du Lundi il y a près de trois ans, nous nous étions alors définis comme « extrêmement préoccupés par l’évolution que prennent nos institutions, l’économie, les relations sociales et désireux d’offrir aux lecteurs de La Lettre un point de vue et une analyse que l’on ne retrouve pas souvent dans les médias grand public ».
  
Au fil de nos billets, nous n’avons cessé de vous alerter sur ce qui était en train de se préparer : importance croissante des lobbies et, plus particulièrement, du lobby financier ; faillite, mise sous tutelle, voire quasi-disparition des États-nations ; transfert des compétences régaliennes aux TGE (très grandes entreprises) ; accélération du développement des inégalités ; naissance d’une nouvelle aristocratie tirant sa puissance d’une incroyable concentration des richesses ; marchandisation de l’ensemble des activités humaines et de l’homme lui-même ; régressions démocratiques majeures dans les pays occidentaux.
  
Ce qui se préparait est maintenant une réalité. Ce qui arrive aujourd’hui aux Grecs nous arrivera demain, se généralisera demain : ce n’est que la première étape d’un processus qui ne s’arrêtera pas. Pardonnez-nous de nous « auto-citer » une fois de plus mais, pour reprendre l’image utilisée dans Les marches d’Odessa, le landau a commencé sa descente. Pour l’arrêter, il n’y aurait qu’une solution dont la probabilité d’occurrence est quasi-nulle : dynamiter l’escalier.
  
 
Lundi
© La Lettre du Lundi 2011

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