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Dans les contraintes de l’émission C dans l’air du 08/07/11, il ne m’a pas été possible de détailler mes affirmations sur la mammographie, qui semblent cependant avoir intrigué nombre de téléspectateurs. En conséquence, je remets dans les sujets d’actualité cet article qui date d’octobre 2010.
J’en profite pour signaler la parution prochaine (septembre 2011) d’un remarquable livre écrit par Rachel Campergue (Titre encore non fixé) et qui sera, à ma connaissance, le premier ouvrage en langue française à analyser avec force détails l’effrayante arnaque de la mammographie. Et pour compléter mes assertions un peu courtes d’hier, j’extrais de la préface que m’a demandée l’auteur le passage suivant qui correspond à l’analyse la plus synthétique que je puisse faire aujourd’hui du problème posé.
Car s’il faut récapituler en termes simples les données recensées dans ce livre, il n’y a pas bataille : sur cent femmes « cancéreuses » revendiquant, la larme à l’œil, d’avoir été « prises à temps » [1] , il doit y en avoir à peu près cinquante qui ont vu leur vie lamentablement gâchée par d’épouvantables traitements alors qu’elles n’auraient jamais développé le moindre cancer mammaire sinon (faux positifs ou pseudomaladie), tandis que les autres, indubitablement cancéreuses, n’ont strictement rien gagné hormis quelques années supplémentaires de prise en charge anticancéreuse « précoce » – avec le martyr inhérent – qui ne se solderont par aucun allongement d’espérance de vie. Et s’il s’agit d’affiner compte tenu de quelques progrès thérapeutiques [2] , la préoccupante stagnation de la mortalité – bien décrite par Bernard Junod – amène à soupçonner une surmortalité imputable, en dernière analyse, à l’actuelle stratégie de dépistage… Dans de telles conditions, elles sont où les lignes directrices du « libre choix » ?
Comme chaque année à la même époque - et sans considération pour l’épuisement financier progressif de notre assurance maladie - c’est reparti pour la promotion de la mammographie. A entendre les autorités sanitaires - relayées par la presse et, apparemment, par la majorité du corps médical -, la survie de la plupart des "femmes que nous aimons" [3] dépendrait de ce dépistage, qu’il conviendrait d’intensifier encore.
Et, selon une dynamique d’entraînement propre à toutes les grandes causes religieuses, on trouve - par exemple sur Le Post - la revendication des nouveaux convertis qui en réclament toujours plus, cette fois en direction des femmes plus jeunes, présentées en l’espèce comme victimes d’un scandaleux oubli. Un peu comme en 1994-95, quand la fédération des parents FCPE tonnait de tout son prestige laïque pour dénoncer la pingrerie de Douste-Blazy qui avait lamentablement limité aux classes de sixième les bénéfices évidents de la vaccination contre l’hépatite B : ambiance [4]... A quand la mammographie chez les adolescentes ?
Conformément à la méthodologie que les visiteurs du présent site commencent à connaître, essayons d’identifier quelques critères intrinsèques qui, même dans un débat hypertechnique, donnent au citoyen de base des éléments de fait, facilement vérifiables par tout un chacun et lui permettant de se réapproprier quelques éléments d’appréciation.
Destinés à faciliter la représentation du lecteur, les chiffres donnés ci-après sont théoriques, mais permettent de poser clairement le problème de base (il y a d’autres questions plus subtiles, mais il importe d’en hiérarchiser l’importance).
Imaginons que, historiquement (avant toute procédure de mammographie), la moyenne d’âge pour le diagnostic d’un cancer du sein soit de 60 ans et que, toujours en moyenne, la durée de survie après ce diagnostic soit de 8 ans (soit, donc, un décès à l’âge moyen de 68 ans).
A présent, imaginons que, grâce au dépistage, le diagnostic soit avancé de trois ans, et qu’il soit fait en moyenne à l’âge de 57 ans.
On aura déjà fait un grand pas quand ces chères femmes que nous aimons tous tellement au point de nous faire un devoir de les exhorter au dépistage systématique auront compris cette réalité arithmétique simple...
En médecine, on l’oublie trop souvent, le 100% n’existe pas : de même qu’il n’existe pas de médicament efficace à 100%, il n’existe pas non plus d’examen de dépistage fiable à 100%.
De plus et pour indubitablement cancéreuses qu’elles puissent être, nombre de tumeurs mammaires ont un développement extrêmement lent : tellement lent qu’elles seraient restées muettes sur toute la durée de vie des femmes concernées [6] ; certains auteurs n’hésitent pas à soutenir que certaines tumeurs pourraient même spontanément régresser [9]. En d’autres termes, des femmes vont subir le martyr d’une prise en charge anticancéreuse pour des tumeurs dont elles n’auraient jamais entendu parler toute leur vie durant.
D’autre part et quoique je n’aie pas vu d’études consacrées à ce sujet, c’est une remarque que m’ont parfois faite des chirurgiens consciencieux que certaines tumeurs, a priori minuscules et à ce titre supposées ne pas poser de problème thérapeutique, semblent "flamber" une fois qu’elles ont été opérées, comme si la chirurgie en avait exacerbé le potentiel d’aggravation et de diffusion : situation là encore regrettable si les minuscules tumeurs en question étaient de celles qui seraient restées latentes si on n’avait pas été les taquiner à coups de bistouri... Il s’agit, répétons-le, de simples observations individuelles, mais qui pourraient au moins justifier des études afin d’examiner ce risque iatrogène potentiel de la chirurgie.
Enfin, il est utile de rappeler que, outre ses inconvénients patents en termes de faux positifs, la mammographie - comme toute procédure médicale - mériterait de voir mieux évalués ses effets indésirables directs : outre l’inconfort voire la douleur (rapportés par de nombreuses femmes), on peut notamment s’interroger sur les effets cumulés d’irradiations répétées.
Sous l’influence de ce qu’il faut bien appeler une promotion assez systématiquement mensongère, les femmes - surtout celles que nous aimons... - ont été conduites à penser que la détection par mammographie d’une tumeur maligne allait "sauver leur vie". C’est essentiellement faux.
A ce stade de l’information, il n’est pas utile d’entrer dans un détail plus fin des évaluations ou des controverses : je n’ai jamais soutenu, par exemple, que les évaluations Cochrane étaient irréfutables ou que tous les confrères qui pensent que la mammographie peut être utile étaient nécessairement des brigands.
Mais de même qu’avec les vaccins contre la grippe [13] (et plus encore eu égard aux conséquences iatrogènes potentiellement terribles des campagnes de mammographie), la justification du présent article repose sur un constat clair, déjà fait par d’autres [14] et qu’il est difficile de contester : il y a un contraste effarant entre les preuves d’un bénéfice pour la santé publique - qui sont inexistantes - et la débauche de moyens mis en oeuvre par les autorités sanitaires, le personnel médical ou certaines associations pour convaincre les citoyens du contraire.
Post-scriptum du 11/06/11.
Des internautes me demandent des références complémentaires permettant de contrer l’atterrante malhonnêteté de la promotion mammographique telle qu’opérée en France par nos autorités sanitaires. Outre la brochure rédigée dans le cadre de la fondation Cochrane et déjà donnée en PJ dans cet article, on peut citer :
[1] Prêtes à mordre et à griffer tout interlocuteur tant soit peu sceptique, telle cette infirmière qui, au cours d’une émission radiophonique faisant une large place aux interventions téléphoniques des auditeurs, n’a pas craint de me traiter de « charlatan » la voix vibrant d’indignation…
[2] Non que les « innovations » anticancéreuses soient plus efficaces aujourd’hui qu’avant au contraire de ce que soutiennent les fabricants et leurs sponsors de l’administration sanitaire, mais parce qu’on a fait des progrès dans la prise en charge symptomatique de leurs complications.
[3] "Mobilisez-vous pour les femmes que vous aimez" dit un spot de la campagne.
[4] Les laïcs ont sur les fanatiques cette supériorité qu’ils sont redoutables de bonne foi quand ils sacrifient au fanatisme...
[5] Il est toujours possible s’orienter avec une boussole qui indique toujours le sud : il suffit juste de le savoir...
[6] Je traduis rapidement à destination des francophones obstinés : "If you look into their funding sources, you’ll often find a pharmaceutical company or device maker who stands to benefit from an expansion in the number of people with the condition." Welch calls AstraZeneca’s sponsorship of the awareness month "a huge conflict of interest," since encouraging women to get screened will invariably increase the number of breast cancer diagnoses and thus the market for their breast cancer drugs Arimidex, Faslodex, Nolvadex and Zoladex ("Si vous en venez aux sources de financement, vous trouverez souvent une firme pharmaceutique ou un fabricant de dispositif médical, qui ont tout à gagner d’une augmentation des gens concernés par la maladie". Welch [un des spécialistes interviewés par le journal] tient le sponsoring du mois d’information par Astra Zeneca pour "un énorme conflit d’intérêts", attendu qu’encourager les femmes à se faire dépister va immanquablement augmenter le nombre de cancers mammaires diagnostiqués et, par là même, étendre le marché des anticancéreux de cette firme, comme Arimidex, Faslodex, Nolvadex et Zoladex).
[7] Quand ce n’est pas leur droite avec leur gauche...
[8] Esserman, L., Y. Shieh, and I. Thompson, Rethinking screening for breast cancer and prostate cancer. JAMA, 2009. 302(15) : p. 1685-92.
[9] Zahl, P.-H., J. Maehlen, and H.G. Welch, The Natural History of Invasive Breast Cancers Detected by Screening Mammography. Arch Intern Med, 2008. 168(21) : p. 2311-2316.
[10] Black, W.C., D.A. Haggstrom, and H.G. Welch, All-cause mortality in randomized trials of cancer screening. J Natl Cancer Inst, 2002. 94(3) : p. 167-73
[11] Lasch, C., La culture du narcissisme. 1979 : Flammarion (Champs essais).
[12] Garattini, S. and V. Bertele, Efficacy, safety, and cost of new anticancer drugs. BMJ, 2002. 325(7358) : p. 269-71.
[13] Par rapport auxquels, n’en déplaise à certains internautes, j’ai parfaitement compris la différence entre efficacy et effectiveness selon les acceptions des revues Cochrane...
[14] "L’information fournie par les associations et les organisations gouvernementales est pauvre et gravement biaisée en faveur du dépistage. Peu de sites internet respectent les standards de l’acceptable en matière de consentement informé (...)". Jorgensen, K.J. and P.C. Gotzsche, Presentation on websites of possible benefits and harms from screening for breast cancer : cross sectional study. BMJ, 2004. 328(7432) : p. 148.
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