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27 juillet 2012 5 27 /07 /juillet /2012 08:29

 

La prévention des conflits avec les dictatures du Golfe

 

 

La Fondation Konrad-Adenauer (CDU) pousse à la coopération entre l’Allemagne et l’UE d’une part et les dictatures de la Péninsule arabique d’autre part. Selon la Fondation, son « programme régional pour les États du Golfe » a lancé en commun avec d’autres organisations européennes et de la Péninsule arabique un projet visant à approfondir la collaboration entre l’UE et le CCG (Conseil de Coopération du Golfe).


 

 

« On développe donc activement les contacts avec les États les plus réactionnaires du monde arabe, qui pour l’instant y donnent le la, juste au moment où, dans toute la région, les forces islamistes ont le vent en poupe – avec le soutien des dictatures du Golfe. »

Parallèlement la Fondation Adenauer poursuit sa prise d’influence dans les dictatures du Golfe, bien qu’elle ait été récemment expulsée des Émirats arabes unis, où elle avait son siège régional. Elle déclare elle-même que ses efforts de coopération ne se limitent pas à l’économie mais s’étendent également à la politique sécuritaire, un domaine où l’importance du CCG s’accroît rapidement. Elle veut également aborder expressément, dans les États du Golfe, les aspects « sécurité intéressant la région ». Plusieurs membres du CCG, en particulier le Qatar, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, non contents de s’être rangés aux côtés de l’Occident dans l’affrontement avec l’Iran, deviennent, par le soutien militaire qu’ils apportent aux rebelles libyens et syriens, des alliés de plus en plus précieux de l’Allemagne, de l’UE et des États-Unis pour renverser les régimes qui déplaisent à ceux-ci.

Le programme régional « États du Golfe »

La Fondation Konrad-Adenauer est présente depuis juin 2009 dans les dictatures de la Péninsule arabique par le biais du « programme régional pour les États du Golfe ». Originellement elle avait son siège à Abou Dhabi, où elle travaillait avec plusieurs organisations gouvernementales ou non gouvernementales, dont le laboratoire d’idées « Emirates Center for Strategic Studies and Research » (ECSSR) et la Chambre de Commerce et d’Industrie germano-émiratie. À partir de sa filiale d’Abou Dhabi, la Fondation soutenait des projets dans pratiquement tous les États du CCG (1) ainsi qu’au Yémen. Entre temps elle a dû fermer son bureau aux Émirats sous la pression du ministre des Affaires étrangères local. On n’a pas donné de raison officielle; et de fait d’autres filiales de fondations allemandes proches de la CDU ont déjà été expulsées de plusieurs pays pour s’être immiscées dans leurs affaires intérieures. Le dernier cas de ce type est l’Égypte (2). Depuis la fermeture de son bureau aux Émirats le « programme régional pour les États du Golfe » est géré à partir d’Amman, la capitale jordanienne, la Fondation recherchant toujours, selon ses dires, un autre siège permanent dans le Golfe arabo-persique.

Entourés de foyers de crise

Comme l’explique la Fondation Konrad-Adenauer, son travail dans les dictatures de la Péninsule arabique se fonde sur « l’importance croissante » des États du CCG, en pleine croissance économique. Il ne s’agirait pas seulement de leur « rôle de fournisseurs de matières premières énergétiques » mais aussi de leur importance économique; désormais ils seraient notamment « une interface essentielle du commerce mondial » (3). Depuis plusieurs années les relations économiques entre l’Allemagne et certaines dictatures arabes sont en plein essor ; on pense que cette croissance va se poursuivre. En coulisse se profile leur richesse en matières premières et donc les ressources financières que les clans au pouvoir cherchent depuis quelque temps à utiliser en prévision de l’époque où le sous-sol sera épuisé. (4) C’est la raison pour laquelle la Fondation Adenauer – selon ses propres dires – se consacre à des questions liées à l’ « ordre économique » – « à l’échelle nationale, régionale et mondiale ». En outre elle souhaite aborder des « thèmes sécuritaires (…) intéressant la région » et compléter l’ensemble en créant un « réseau d’experts ». Entourés de foyers de crise, les États du Golfe représenteraient « une bonne base pour la prévention des conflits » (5).

Rebelles islamistes

Et de fait, lors que la Fondation Konrad-Adenauer a débuté sa coopération « sécuritaire » avec les États du CCG, les livraisons d’armes de l’Allemagne aux dictatures du Golfe ont atteint un premier pic: près de 800 millions d’euros pour l’année 2009. (6) Le fond de l’affaire, c’était qu’il fallait armer le CCG contre l’Iran; ce que la République fédérale n’a toujours pas cessé de faire. En outre diverses dictatures arabes, qui, selon la Fondation Adenauer, pourraient servir de «  base pour la prévention des conflits » (5), ont commencé en 2011 à intervenir dans plusieurs États du monde arabe. Il s’agit presque toujours de soutenir des organisations islamistes, souvent salafistes, par exemple en Tunisie, en Égypte, en Syrie, au Liban. En Libye, les activités de certains États du Golfe, au premier chef le Qatar, ont pris une tournure militaire (7); le résultat en est qu’aujourd’hui les milices islamistes sont très influentes en Libye (8). Plusieurs États du Golfe poursuivent maintenant leur politique d’intervention en Syrie. Des observateurs avertissent que ce seraient à nouveau les islamistes qui bénéficieraient de leur soutien. Selon une analyse actuelle du gouvernement fédéral, basée entre autres sur les rapports des services secrets, la Syrie a été, entre fin décembre 2011 et début juillet 2012, la cible de 90 attentats terroristes « qui pourraient porter la marque d’organisations proches d’Al-Qaïda ou de groupes djihadistes. » (9)

Prise d’influence via la Ligue arabe

Parallèlement les dictatures du Golfe, avec lesquelles travaillent les Occidentaux en général et la Fondation Konrad-Adenauer en particulier ont mis sous leur coupe la Ligue arabe. « Dans la crise libyenne le Qatar a pris la haute main il y a un an. Dans le conflit syrien, ce sont les Émirats et l’Arabie saoudite qui mènent la danse », estimait un expert dès le début mars. « Les autres poids lourds » – l’Égypte, la Syrie, l’Irak – « sont aujourd’hui réduits au silence ». (10) Désormais les dictatures du Golfe « ont placé le monde arabe sous leur houlette ». L’actuel Secrétaire de la Ligue arabe, Nabil Al Arabi, serait parvenu à ce poste en mai 2011 sur la base d’un deal avec le Qatar ; « d’emblée » il aurait « en échange établi avec le Qatar et l’Arabie saoudite une étroite » coopération. Les dictatures du Golfe seraient désormais en mesure d’imposer leurs desiderata de politique étrangère par le biais de l’organisation faîtière, d’autant plus que la Ligue arabe fonctionne depuis quelques années selon le principe majoritaire. Elles pourraient ainsi élargir nettement leur influence partout où la Ligue arabe est active – en Syrie par exemple : « Dans la Syrie de demain l’Arabie saoudite et le Qatar joueront un rôle important », si l’on en croit un opposant syrien.

Liaisons dangereuses

Pour renforcer les liens de l’UE et de l’Allemagne avec les dictatures du Golfe, qui ont nettement élargi leur influence dans le monde arabe, la Fondation Konrad-Adenauer a récemment lancé un nouveau projet, conjointement avec d’autres organisations. Prévu initialement sur deux ans, il sera financé par la Commission européenne et vise à élargir les relations à plusieurs domaines politiques. Le Directeur du « programme régional pour les États du Golfe » de la Fondation Adenauer est « convaincu » que ce projet aura une incidence « positive » sur la coopération entre l’UE et le CCG. « En particulier l’implication de divers groupes d’intérêts » tels que « diplomates et représentants des gouvernements » mais aussi « acteurs de la société civile et représentants du monde économique, scientifique et médiatique (…) favorisera les relations bilatérales ». (11) On développe donc activement les contacts avec les États les plus réactionnaires du monde arabe, qui pour l’instant y donnent le la, juste au moment où, dans toute la région, les forces islamistes ont le vent en poupe – avec le soutien des dictatures du Golfe.

 

Notes

[1] Le Conseil de coopération du Golfe (CCG) regroupe le Bahreïn, le Koweït, le Sultanat d’Oman, le Qatar, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. Il a été créé en 1981 à l’initiative de l’Arabie saoudite et sous la pression des USA, pour tenter de contrer les effets de la révolution islamique de 1979 en Iran.

[2] Voir Lutte d’influence sur le Nil (III)

[3] Qui sommes-nous : voir www.kas.de/rpg/de/about

[4] Voir Investisseurs féodaux, L’ordre dans le Golfe et La voie qatarie

[5] Qui sommes-nous: voir www.kas.de/rpg/de/about

[6] Voir aussi Partenaires militaires dans le Golfe (II) et Luttes pour l’hégémonie dans le Golfe (II)

[7] Voir Invités chez des amis et Les forces de demain

[8] Voir aussi Plus important que les droits humains et Échappés au contrôle

[9] « L’Allemagne aussi fait sa propagande», Frankfurter Allgemeine Zeitung 17.07.2012

[10] Rainer Hermann: Dans les États du Golfe: nager avec le courant www.faz.net  08.03.2012

[11] Projet de l’UE lancé à Rome: www.kas.de, 21.06.2012

Article original : Konfliktprävention mit den Golfdiktaturen

Traduction : Tlaxcala

 

http://mecanoblog.wordpress.com/2012/07/24/la-prevention-des-conflits-avec-les-dictatures-du-golfe/

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