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Messages subliminaux véhiculés contre les Musulmans,
pointés comme les boucs-émissaires
d'une société en pleine décomposition (eva)
Il est bon de le rappeler : les sondages sont rarement neutres. Tous les scientifiques le savent : un instrument d’observation peut avoir un impact sur la réalité qu’il est censé enregistrer de manière objective, et même produire cette réalité – et c’est par excellence le cas des sondages d’opinion [1].
C’est le cas, tout particulièrement, du sondage de l’IFOP, pour la simple raison, d’abord, que ce sondage est performatif : le simple fait de poser la question d’une éventuelle « menace islamique » contribue à semer le doute, inquiéter, et donc donner consistance à ladite menace. Chacun-e a déjà pu l’expérimenter : le meilleur moyen de susciter la peur dans une situation anodine, par exemple à la tombée du jour ou en cas de coupure de courant, est de poser la question de la peur. Que l’on demande « Tu as peur ? » ou qu’on affirme « Moi je n’ai pas peur », ou même qu’on déclare qu’« Il n’y a aucune raison d’avoir peur », le message implicite est le même : « Tu pourrais avoir peur », et il y a donc bien, en réalité, des raisons d’avoir peur.
Le sondage de l’IFOP est d’autant plus anxiogène qu’il ne dit pas, loin s’en faut, qu’il n’y a aucune raison d’avoir peur. Par les mots qu’il utilise, il construit au contraire, de manière discrète mais d’autant plus pernicieuse, une scène belliqueuse sur laquelle s’opposent d’un côté « la France », « notre pays », et de l’autre la spectrale « présence » d’une étrange « communauté musulmane » :
« Diriez-vous que la présence d’une communauté musulmane en France est :
plutôt une menace pour l’identité de notre pays ;
plutôt un facteur d’enrichissement culturel pour notre pays ;
ni l’un ni l’autre. »
Et pour celles et ceux qui ne l’auraient pas compris, la France est rebaptisée « notre pays », sous-entendu : « pas le leur » – ce qui là encore est aussi faux que tendancieux. Non seulement parce que la majorité des musulmans de France sont de nationalité française, mais aussi parce que des résidents étrangers peuvent tout aussi légitimement, dès lors qu’ils y ont élu domicile, considérer la France comme leur pays.
Enfin, la structure binaire plutôt…/plutôt… construit de toutes pièces une alternative tout à fait fallacieuse : l’Islam serait soit une menace, soit un enrichissement. La question laisse il est vrai la possibilité de répondre « Ni l’un ni l’autre », mais sans donner aucun contenu substantiel un tant soit peu précis et concret à ce « Ni l’un ni l’autre » – alors que, de facto, l’Islam peut représenter, pour un musulman comme pour un non-musulman, mille autres choses qu’une menace identitaire ou un enrichissement culturel.
- Hors-texte
Une réponse, par exemple, n’est pas proposée, alors qu’elle aurait sans doute pu recueillir un nombre conséquent de suffrages :
« L’Islam ne représente absolument rien pour moi. Je ne connais pas, et j’ai bien d’autres chats à fouetter. »
Ou encore celle-ci :
« l’Islam, pour moi, est une religion parmi d’autres, à laquelle on pourrait peut-être commencer à lâcher la grappe ».
D’autres réponses assez basiques ne sont pas proposées, par exemple celle-ci :
« La communauté musulmane n’existe pas, cette expression ne veut rien dire, on ne peut pas mettre tous les musulmans dans le même sac. »
Ou encore celle-ci :
« Les musulmans ne forment pas une communauté, ils sont différents les uns des autres, exactement comme les non-musulmans sont différents entre eux. »
Mille autres réponses possibles peuvent être imaginées, et en particulier des réponses non-racistes. En ne les proposant pas, en imposant une fausse alternative entre enrichissement culturel et menace identitaire, le sondage de l’IFOP maximise – c’est arithmétique – les chances pour la réponse raciste de casser la baraque : pour tous ceux qui n’éprouvent pas de sympathie ou de curiosité particulière à l’égard de « la culture musulmane », pour tous ceux qui se contrefoutent de la problématique de l’« enrichissement culturel », pour tous ceux qui, tout simplement, ne voient pas ce que ces mots au fond très vagues peuvent bien signifier, il ne reste plus que :
le refus de répondre, qui est la plus sage des réactions, mais que l’orgueil humain et le plaisir d’être pour une fois entendu nous poussent bien souvent à ne même pas envisager [2] ;
le vague et peu engageant « Ni l’un ni l’autre » ;
la première réponse, « la bonne », qui a pour elle l’apparente évidence de la tautologie : l’altérité (musulmane) menace l’identité (nationale).
En caricaturant à peine, je serais tenté de conclure que la question manifeste – « Diriez-vous que l’Islam est une menace ? » – recouvre une question latente et subliminale, nécessairement entendue par les sondés :
« Savez-vous que l’Islam est une menace ? » [3]
Ce à quoi 340 personnes sur 809 ont donc accepté d’acquiescer. Il ne s’agit pas en disant cela d’exonérer lesdits 340 de toute responsabilité : il y a après tout 469 autres sondés qui n’ont pas joué le jeu, et même davantage si l’on songe aux refus de répondre – toujours effacés soigneusement des résultats publiés par des instituts de sondage soucieux de nous convaincre que leurs questions idiotes et orientées passionnent tous les Français.
Il s’agit plutôt de souligner que les 340 racistes déclarés ne portent pas l’entière responsabilité de leur « opinion », et que les experts en blouse blanche de l’IFOP n’ont pas seulement « enregistré » cette immondice mais l’ont aussi légitimée, en mettant ces réponses racistes au coeur du débat public, et co-produite, en allant poser à des gens qui n’en demandaient pas tant une question qui est tout sauf neutre – puisqu’aussi bien un milliard d’autres menaces virtuelles (ou, pour certaines, bien réelles) ne sont jamais (ou très rarement) mises sur le tapis sondagier : la menace par exemple que pourrait représenter le catholicisme, le judaïsme, le bouddhisme, le libéralisme, le socialisme, le romantisme, le cubisme, le scoutisme, l’athlétisme, l’alcoolisme, le tabagisme, le tourisme, l’échangisme, le journalisme, l’éditorialisme ou… les sondages eux-mêmes !
Qu’est-ce à dire ? Tout simplement que nous sommes capables d’oublier nos propres vies, nos propres expériences, nos propres griefs et nos propres inquiétudes, dès que nous nous trouvons en situation d’avoir à exprimer « une opinion » sur un « problème de société » médiatiquement homologué, et qu’alors nos réponses consistent essentiellement à montrer que nous savons « ce que tout le monde sait » – qui n’est rien d’autre que ce que la télévision nous a appris.
C’est ce phénomène qui explique qu’une même « opinion publique » peut, tour à tour et dans un très court intervalle, se montrer par sondages
Moyennant quoi, aussi, on pourrait imaginer un contre-point rassurant au sondage ignoble de l’IFOP, qui nous ferait descendre bien en-dessous de ce terrifiant 42% – un sondage par exemple qui demanderait :
« Avez-vous déjà été menacé par un musulman ou une musulmane ? »
Ou même, puisque c’est le « ressenti » des Français que prétendent recueillir les sondeurs :
« Vous êtes-vous déjà senti-e menacé-e par des musulmans ou des musulmanes ? »
Ou encore : un sondage qui demanderait à chacun-e si il ou elle a déjà eu souvent, régulièrement, rarement ou jamais, à se plaindre du comportement d’un musulman, mais aussi d’un catholique, d’un policier, d’un employé de guichet, d’un propriétaire, d’un employeur ou d’un supérieur hiérarchique. Nul doute que la « menace islamique », telle que « les Français » la « ressentent », s’en trouverait pour le moins relativisée.
- Effets
Je le répète, mon propos n’est pas ici d’innocenter à tout prix les 340 racistes anonymes que l’IFOP vient d’élever au rang de « stars d’un jour » : même chauffés à blanc – c’est le cas de le dire – par des médias et des sondeurs zélés, ils portent la responsabilité d’un consentement qu’ils étaient fortement incités à donner, mais pas absolument obligés. Il s’agit simplement de souligner l’écrasante responsabilité de tous ceux qui, en amont, ont produit, attisé et légitimé ce racisme.
Mon propos n’est pas davantage d’opposer les salauds qu’acceptent de devenir les sondés quand on leur pose une question générale au chic type qu’ils redeviennent immédiatement quand on les renvoie à leur propre vie, dans leur propre ville, avec leurs propres collègues ou voisins musulmans. Les choses sont malheureusement plus complexes, dialectiques, dynamiques – et là encore performatives : si une même personne peut dire au même instant t que « l’Islam est une menace » et qu’elle n’a jamais rien eu à reprocher à un musulman, le premier énoncé finit par produire un effet sur la seconde problématique.
Je m’explique : entendre tous les jours que l’Islam est une menace, entendre un jour que 42% des Français le pensent, être amené soi-même à prononcer cette phrase magique, tout cela transforme une subjectivité, engendre des comportements (par exemple des réflexes de méfiance ou de défiance face à toute « manifestation ostensible d’islamité ») et bouleverse donc les interactions futures avec des musulman-e-s de chair et d’os. Pour être plus concret : à force d’entendre, puis de dire soi-même, que l’Islam est une menace, on finit qu’on le veuille ou non, qu’on le sente ou non, par adopter vis-à-vis des musulman-e-s qu’on croise une attitude hostile, distante, craintive ou méprisante, que lesdit-e-s musulman-e-s ne peuvent que ressentir, à laquelle ils ou elles ne peuvent que réagir – et à laquelle ils ne peuvent réagir que d’une manière vive qui sera à son tour décryptée par notre bon français comme la preuve que, décidément, « l’Islam est une menace ». Avec en prime, cette fois-ci, une « expérience » à faire valoir si d’aventure on le sonde sur son rapport personnel avec des musulmans réels.
- Système
Voilà dans quels cercles vicieux nous ont enfermés plusieurs années de journalisme racoleur et tendancieux (sur « la poussée fondamentaliste », « les filières terroristes » et « les reculs de la laïcité »), d’éditorialisme belliqueux (sur « la défense du modèle républicain »), d’opérations idéologiques (sur « l’identité nationale », « les tournantes » et « les cités du mâle ») et de législations d’exception (sur « le voile » en 2004, sur « la burqa » en 2010).
Les 340 racistes anonymes de l’IFOP ne sont en somme que la toute petite partie émergée d’un immense iceberg : c’est tout un système qui porte aujourd’hui l’idée que « l’Islam est une menace ». Un système dont les agents – conscients ou pas – sont des ministres, des partis de droite, des partis de gauche, des patrons de presse, des intellectuels, des journalistes… et des sondeurs. Un système qui a ses petites mains mais aussi ses Grands Commis : Yves Calvi, Christophe Barbier, Éric Zemmour, Élisabeth Lévy, Caroline Fourest, Alain Finkielkraut, Élisabeth Badinter, Fadela Amara, Sihem Habchi, Abdennour Bidar, Abdelwahab Meddeb, Michel Onfray, Philippe Val, Robert Redeker, Claude Lanzmann et Bernard-Henri Lévy… Un système qui constitue, pour le coup, une véritable menace – pour la démocratie, pour la paix civile, mais plus directement, plus immédiatement, plus durement, pour les musulmans.
Est-il encore temps d’enrayer cette machine infernale ? Y-a-t-il encore une gauche pour rompre clairement avec cette dynamique, plutôt que « refuser-la-haine-de-l’autre-tout-en-restant-à-l’écoute-de-l’inquiétude-des-Français » ? Les musulmans doivent-ils ne plus compter que sur eux-mêmes et une poignée d’islamogauchistes ? Faut-il agir sur le terrain juridique, politique, social, culturel, à l’échelle locale, nationale, internationale ? Je n’ai évidemment pas la réponse – mais une chose est sûre : la propagande islamophobe bat son plein et porte ses fruits, les injures, violences et discriminations sont quotidiennes, et l’histoire nous a appris que tout cela peut, si on laisse faire, aller encore plus loin.
[1] Cf. aussi Collectif Les mots sont importants, « État de l’opinion ou opinion de l’État ? ».
[2] Et qui, lorsqu’on l’a envisagé et pratiqué, n’est de toute façon pas comptabilisé !
[3] De même que, symétriquement, l’autre hypothèse recouvre sous une forme manifeste – « Diriez-vous que l’Islam est un facteur d’enrichissement culturel ? » – une question latente et subliminale :
« Vous ne croyez tout de même pas que l’Islam est un facteur d’enrichissement culturel ?!! »
[4] Les sondés étaient 80% à qualifier l’insécurité urbaine de « préoccupante », mais seulement 19% à se déclarer « plutôt » ou « très insatisfaits » de la sécurité dans leur quartier et leur ville – contre 81% de « plutôt » ou « très satisfaits » ! Pour une analyse critique des sondages sur l’insécurité, cf. Pierre Tevanian, « La France d’en bas n’a rien demandé ».
[5] Ce qui se produisit en janvier 2000, après la parution du livre de Véronique Vasseur, Médecin Chef à la prison de la Santé.
Pierre Tevanian pour http://lmsi.net/Pour-100-des-musulmans-les
Relire :
http://www.islamenfrance.fr/2011/01/10/reflexions-sur-la-construction-mediatique-de-l%E2%80%99islamophobie/
Les détracteurs de tous poils, à court d’arguments contre ce phénomène qui les dépasse, en viennent d’ailleurs de plus en plus à déserter le terrain intellectuel et les débats d’idées au profit des manifestations haineuses et de la promotion du « hooliganisme » xénophobe qu’ils jugent sans doute plus expéditifs pour défendre leur point de vue.
Après les « apéros saucisson pinard » provocateurs, étouffés dans l’oeuf par les Préfectures de Police de l’Hexagone pour « risques graves de troubles à l’ordre public », nos islamophobes se risquent aujourd’hui à organiser des « assises de la haine (1) » dans le but non dissimulé d’inciter leurs émules à réprimer brutalement les expressions islamiques. Les ténors nationalistes européens auront donc une tribune libre et un public acquis à leur cause pour éructer à loisir leurs divagations et leurs techniques de répression. En surfant sur la crise économique et les frustrations qu’elle engendre chez les esprits simples, gageons que ces apprentis sorciers n’auront aucun mal à réunir les ingrédients nécessaires pour initialiser l’épuration ethnique qu’ils appellent de leurs voeux. Tant que c’est encore possible, et s’ils s’intéressent véritablement à maintenir la paix sociale, les Pouvoirs Publics seraient bien inspirés d’intervenir au plus vite et fermement pour empêcher la prolifération de ces rassemblements racistes. Quand la guerre aura éclaté entre les communautés, il sera trop tard pour calmer le jeu. Lire le reste…
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A lire :
Ne soyons pas complices de cette campagne islamophobe permanente, alimentée par des attentats ou des enlèvements perpétrés par les Services Secrets ! Elle vise d'une part à détourner notre attention des VRAIS responsables de nos problèmes, et surtout, elle nous prépare à accepter d'envoyer nos enfants mourir pour les multinationales apatrides, via un choc de civilisations artificiellement provoqué. Enfin, tout cela profite, artificiellement aussi, à Sarkozy, qui en 2012 surfera sur NOS peurs !
eva R-sistons aux mensonges