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REUTERS/Philippe Wojazer
Angela Merkel, Silvio Berlusconi et Nicolas Sarkozy, le 4 octobre 2008 à l'Elysée.
http://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/berlusconi-sarkozy-une-difference-fondamentale_773110.html
février 5th, 2011
Arte a diffusé deux reportages, mardi 1er
février 2011, sur le système Berlusconi. On ne peut s’empêcher de penser à la France en regardant la description de cette stratégie pour prendre le pouvoir et, surtout, pour le conserver. Voici le résumé des principaux éléments.
Trois leviers d’accession et de conservation du pouvoir
Sylvio Berlusconi a conquis son pouvoir politique par la mise en œuvre méthodique de trois «
instruments
»
:
• Une véritable machine à retarder les mises en cause judiciaires pour des faits de corruption ou de fraude fiscale.
• Une pratique constante du clivage de la société italienne, dont il désigne les « bons » et les « mauvais » éléments.
• Un réseau de médias de masse chloroformant la population, «
lobotomisant les Italiens
» selon le mot de l’opposant Stefano.
Détaillons l’utilisation de ces trois instruments.
Arme n° 1 : retarder les mises en cause judiciaires. Les plaintes contre Berlusconi pour corruption ou fraude fiscale ont commencé dès sa première année de présidence du Conseil italien. La tactique de ses avocats ne varie pas
: invoquer des vices de procédure pour reporter le procès d’année en année, jusqu’à dépasser le délai de prescription des faits incriminés.
Quand cela ne suffit pas, Berlusconi fait voter par sa majorité au Parlement une loi d’amnistie ou un texte bloquant toute action judiciaire contre lui et ses ministres pendant la durée de la législature.
Arme n° 2 : le clivage de la société italienne ou «
diviser pour mieux régner
». Quand lui ou un de ses proches est mis en cause par la justice, ainsi qu’à chaque campagne électorale, Berlusconi fustige «
les méchants [la gauche] qui ne savent que critiquer et qui ne font rien pour le peuple italien
», crie à l’injustice et à l’erreur judiciaire lorsqu’il est condamné, clouant alors les juges au pilori. Dernier exemple en date
: la condamnation à plusieurs années de prison de son ministre Marcello Dell’Utri, pour corruption au profit de la mafia.
Arme n° 3 : un réseau de médias de masse «
lobotomisant
» la population italienne via des émissions de télévision d’un très bas niveau culturel (jeux, journaux d’information axés sur l’émotion, sport).
Les trois chaines de télévision, Rai Uno, Due et Tre, de son groupe Mediaset, le quotidien papier Il Giornale ainsi que le groupe d’édition Mondadori participent de cette stratégie du «
Ne pensez à rien, je m’occupe de tout
». Bien sûr, notre héros occupe en permanence les écrans et les colonnes des journaux (tout parallèle avec la situation en France ne serait pas entièrement fortuit…).
Quand un concurrent se lève, la chaine de télévision privée de Mr Stefano par exemple, le pouvoir l’empêche d’émettre, tout simplement en continuant pendant plusieurs années à émettre illégalement sur la fréquence attribuée à cette nouvelle chaine.
Les mains sales
Berlusconi a bénéficié dans son ascension de l’appui d’une loge présentée dans le reportage comme maçonnique, en tous cas un groupe dont il était membre, la «
loge P2
», présidée par un certain Licio Gelli. Cette organisation a été soupçonnée d’avoir commandité nombre d’attentats en Italie entre
1970 et
1980. Le plan supposé de Gelli était de créer le chaos en vue d’installer un pouvoir autoritaire. Mystérieusement, cet homme a bénéficié d’une impunité, qu’il admet lui-même dans le film, en répondant, à visage découvert, par un petit sourire à la question de l’interviewer sur ce point.
Cette stratégie de la terreur ayant échoué, Gelli a mis en œuvre, à partir de
1980, un «
plan de restauration démocratique
», en réalité antisyndical, pour un exécutif fort et un législatif affaibli.
Le moyen de mettre ce plan en œuvre
? Infiltrer en les corrompant tous les niveaux de pouvoir de l’administration, de la justice, de l’économie, enfin de la politique, avec l’aide de la mafia qui voyait là un investissement lucratif pour le long terme.
Et demain
?
L’Italie en est là aujourd’hui. Berlusconi a encore gagné les dernières élections régionales. Comment combattre cette entreprise réussie de conquête et de maintien au pouvoir au profit de quelques-uns
?
L’étau judiciaire et parlementaire semble maintenant se resserrer autour de Berlusconi et une autre voie s’est ouverte depuis deux ans. En
2009, le «
Mouvement du Peuple Violet
» a réussi, via Facebook, à réunir dans les rues de Rome près d’un million de personnes pour réclamer le départ de Berlusconi. En vain, pour l’instant, mais les graines sont semées…
Les exemples tunisien, égyptien, yéménite, jordanien… vont-ils donner de l’énergie aux Italiens jusqu’à présent attentistes
?
Un air de famille
En France, on n’entend pour l’instant pas parler de complot de type «
loge P2
» mais les cercles qui ont installé Nicolas Sarkozy au pouvoir en France en
2007 ne sont pas fondamentalement différents de ceux de l’Italie.
Leurs méthodes sont notamment identiques et le parallèle entre les deux pays est particulièrement net
:
• Médias au service du «
chef
» (aujourd’hui, Nicolas Sarkozy, demain un autre), chargés de chloroformer le peuple.
• Clivage de la population entre les bons et les méchants, le «
chef
» décidant qui appartient à quelle catégorie. Les récentes diatribes de Sarkozy contre les magistrats de Nantes, coupables selon lui de «
fautes
» qui seront «
sanctionnées
» pour avoir négligé le suivi judiciaire du meurtrier présumé de Laëtitia Perrais en Vendée, est un parfait exemple de cette stratégie, en lien avec le point suivant.
L’objectif est de discréditer et de déconsidérer l’ensemble des magistrats dans l’espoir d’un double gain politique
: dans l’immédiat, apparaître comme le défenseur des «
pauvres gens
» contre «
ces salauds de juges qui ne font pas leur travail
» (argument populiste classique, toujours bon dans la perspective de la présidentielle), à plus long terme préparer le terrain «
au cas où
» Sarkozy se retrouverait sur la sellette comme Silvio Berlusconi. Ce jour-là, il jouera les vertus outragées face à des juges qui «
l’ont toujours détesté car il avait osé dire la vérité
».
• Actions de retardement des mises en cause judiciaires (affaires Karachi, Woerth-Betancourt, Angolagate, etc…).
Comment la situation peut-elle évoluer
? Deux scenarii peuvent être envisagés
:
• soit une révolution populaire, de type tunisien ou égyptien. Observons cependant qu’en France, la dernière prise de pouvoir sous la pression de la rue remonte à
1870 avec la Commune de Paris, écrasée dans le sang par le pouvoir en place.
Le peuple français a-t-il la mémoire de cet échec
? Et surtout est-il assez désespéré pour tenter une aventure aussi risquée
? On semble bien loin du comportement des manifestants tunisiens ou égyptiens, «
prêts à mourir
» disent-ils, plutôt que de capituler…
• soit une évolution ou une tentation populiste, par les urnes, que ce soit avec Marine Le Pen à l’extrême-droite ou avec Jean-Luc Mélenchon à gauche (même si on ne peut considérer ce dernier comme le «
miroir
» de la nouvelle présidente du Front national).
Constatons malheureusement qu’aucun de ces deux scenarii n’apporterait grand-chose au peuple français. En effet, le pouvoir n’est plus entre les mains des politiques mais de ceux qui détiennent les médias de masse et les richesses, entreprises et banques de taille mondiale. En Tunisie, le «
clan
» Ben Ali-Trabelsi détenait des pans entiers de l’économie du pays.
Parmi les initiatives pour construire des contre-pouvoirs face aux détenteurs de la richesse, signalons une ONG, «
Les amis de la Terre - International
» qui, sous l’appellation Bankwatch, bâtit un lobbying pour contrer les projets financés par la Banque européenne d’investissement qu’elle considère dangereux pour l’environnement. De tels lobbyings pourraient être multipliés pour s’opposer à ceux des banques et des entreprises de taille mondiale.
Mardi
© La Lettre du Lundi 2011
http://lalettredulundi.fr/2011/02/05/la-tragedia-dellarte/