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28 août 2012 2 28 /08 /août /2012 00:40
Jean-François Copé, l'ambitieux aux mille visages
Vendredi 24 Août 2012 à 16:20


Claude Askolovitch


Jean-François Copé doit déclarer officiellement sa candidature à la présidence de l'UMP le 26 août, date à laquelle il devrait commencer à clarifier sa ligne politique. Mais comment zigzaguer entre les humanistes, les libéraux de l'UMP et les ultras de la droite populaire qui lorgnent sur l'électorat FN?


(Jean-François Copé, le 30 juillet 2012-ALFRED/SIPA)
(Jean-François Copé, le 30 juillet 2012-ALFRED/SIPA)
Article publié de le n° 785-786 du magazine Marianne, daté du 9 au 18 mai 2012.

La défaite est sa victoire, le moment où il peut devenir la droite, quand ses mots symbolisent son camp, quand son destin porte celui de la famille - la France des lodens et des banques, des foulards autour du cou, des costumes bien coupés, la rage au coeur d'être dépossédée. Ils regarderont vers lui et il sera leur revanche. On raconterait la politique comme un mauvais roman, Jean-François Copé serait le héros d'une épopée d'oligarque. Il y a cinq ans, il n'était rien, tricard chez Sarkozy, voué à l'humiliation des destins manqués. Aujourd'hui, secrétaire général de l'UMP, tenant l'appareil, les finances donc, ayant placé ses hommes, noué des alliances, paré à résister à François Fillon, Laurent Wauquiez ou Nathalie Kosciusko-Morizet, une bernique à son rocher. Il a fait sa propre campagne, lovée dans celle de Sarkozy : chauffant les salles en son nom propre, provoquant les «Jean-François !» militants, irréprochable et pourtant déjà en marche...

>> Lire aussi : Copé-Fillon, une guerre inévitable

On pourrait s'ennuyer de cette froide perfection. Copé est un classique qui parle de la politique comme d'un art codé. Il fait des figures imposées, tels des arpèges au piano. Député, maire, ministre, le groupe parlementaire, un club politique, le parti, calcul, l'Elysée en 2017. «Je construis un parcours initiatique», dit-il. «J'ai beaucoup travaillé en cinq ans», ajoute-t-il, et on le sentirait piaffant de conter autre chose que du convenu. Parler pour soi ? Mais est-ce possible encore ou bien tout est-il déjà cristallisé, dans les mots de ses ennemis et dans ce qu'il a construit : un homme aimable aux riches et dur aux pauvres, portant le durcissement de la droite ? De quoi Copé est-il le nom ? D'une disposition fiscale favorisant les holdings, mais aussi de la taxation des indemnités des accidents du travail. Un député devenu avocat d'affaires, qui provoquait un rendez-vous entre un de ses collègues et la garde des Sceaux Rachida Dati, afin de bloquer une réforme (la fusion entre le métier d'avocat et celui de conseil en propriété industrielle) gênante pour sa profession. Un patron de l'UMP additionnant sur TF1, le soir du premier tour de la présidentielle, les scores de Sarkozy et de Le Pen pour proclamer «la droite» à 48 %. Un républicain laissant ses troupes applaudir le journaliste Eric Zemmour, à peine condamné pour avoir défendu les contrôles au faciès, qui réclamait dans un colloque UMP hilare l'abrogation des lois antiracistes.

Il dit qu'il n'a jamais agi que par liberté, et qu'il se fout des pruderies ! Pourtant, elles comptent. Il s'est passé une chose, pendant cette campagne, qui vaut plus qu'un incident. Chez Laurent Ruquier, dans une émission de télévision où s'attestent les évidences, Copé s'est fait cracher à la figure par Audrey Pulvar. «Nous ne nagerons pas ensemble dans la piscine de M. Takieddine», a lancé la dame, renvoyant Copé à son amitié avec l'affairiste scandaleux. La scène était d'une brutalité rare dans un média, la télévision, d'ordinaire servile aux forts : donc Copé ne l'est pas tant que ça ? Pour Copé, Pulvar illustre la haine des gauches et la perte des repères du service public. Etre sa cible l'a même conforté dans sa famille assiégée. Il n'empêche. C'est arrivé. Etre traité de pourri en public. Cela circule sur le Web, des photos de vacances - lui qui abhorre l'exhibitionnisme, qui jamais ne convoquera les photographes pour son jogging, ni n'utilisera ses enfants.

A droite, l'antisémitisme affleure contre Copé l'affairiste, et ce juif laïc, longtemps pudique jusqu'au déni sur ses origines, le soupçonne déjà. Mais il n'y a pas que cela. Martin Hirsch - hollandiste après son séjour sarkozyste - voit en Copé l'incarnation du conflit d'intérêts. Anecdote ? Ces deux-là se méprisent dans une de ces haines qui font la politique. Elle est née sous Chirac, quand Copé, ministre du Budget, bloquait une taxe sur le textile, destinée à financer la récupération de vieux vêtements - la taxe Emmaüs. Elle est allée crescendo jusqu'aux ruptures ultimes, exacerbée par des origines communes, des familles toutes deux sauvées par des justes du Chambon-sur-Lignon, chacun jugeant l'autre indigne de ce passé. Pour Copé, Hirsch est un veule opportuniste ; pour Hirsch, Copé est un corrompu en puissance. Les deux hommes peuvent se tromper, mais cela ne rend rien plus simple. Copé, en réalité, pèche par morgue : il trimbale une inconscience, un complexe de supériorité qui l'autoriserait. Naturellement invité chez Takieddine, pensant naturellement que les entreprises méritent plus d'égards qu'un maçon tombé de l'échelle, hésitant à taxer le textile mais soupçonnant les accidentés du travail de faire porter à la Sécu les foulures du foot du dimanche. Il est vraiment de droite, convaincu que l'ordre est bon, et si la crise nous force à tout changer, ce n'est pas dans la protection qu'on trouvera le salut, mais dans l'adaptation au monde. En est-il un salaud ? Tout cela lui est tellement naturel qu'il n'y met plus de frein.

Résister ou se perdre

Quand Sarkozy croyait encore réformer la France et transgresser les «tabous», Copé s'y opposait. C'était au temps de l'ouverture - Copé était contre - et du «Grenelle de l'environnement» - son ami Christian Jacob, parangon de l'agriculture de combat, défendait les pesticides. Quand Sarkozy a largué l'ouverture pour le combat identitaire, Copé est revenu au coeur du système. A ses convictions ? Il aura été aux manettes du parti au temps de la guerre faite aux Roms, de l'assimilation de l'islam au vote des étrangers et de la proclamation du FN en parti républicain. Président de groupe, il s'est fait aimer des députés en se rangeant à leurs réticences ; patron du parti, il a chevauché la violence de sa base. La droite dite populaire, cette coalition d'individualistes qui attisent les feux jusqu'aux confins du Front national, y a trouvé son avantage. Il y a deux semaines, lors un repas à la questure, les membres de La Droite pop ont choisi Copé pour la suite ; comme Brice Hortefeux, gardien du sarkozysme émietté ; comme Jean-Pierre Raffarin, ultime héritier du libéralisme. Copé veut diversifier son pouvoir, être le fédérateur, cultiver ses centristes, ne pas être prisonnier des seuls ultras. «Il y a une nouvelle génération autour de moi», affirme-t-il, et il cultive Guillaume Peltier, atypique égaré au FN à 20 ans, désormais sniper droitier de l'UMP qui - paradoxe - voudrait amener «Jean-François» au culte de la protection et des services publics, et l'éloigner des vulgarités populistes.

Copé soupèse. Il pense que la ligne droitière est majoritaire en France, que le pays a rejeté Sarkozy dans un élan irrationnel, mais que la gauche échouant, tout lui reviendra. Ne pas bouger donc ? Si l'on pioche dans ce qu'il a construit avec son club Génération France, il y a chez Copé une droite à l'ancienne en mal de changement. Il revendique la générosité - mais le mot vient d'en haut et reste un concept creux. Il a réfléchi sur l'égalité au collège. Quand il menait la charge contre la burqa, il défendait en même temps l'enseignement de l'arabe dans l'Education nationale, au nom de la fierté des enfants d'immigrés. Et, au lendemain des tueries de Toulouse et de Montauban, il allait à la mosquée de Meaux. En réalité, il a du mal avec une société mouvante, avec le religieux qui s'installe, lui qui n'est que laïc ne comprend rien à l'irrationnel. «L'islamophobie est détestable, dit-il, il faut en finir avec la peur de l'invasion !» Mais, pour ce faire, il aurait voulu imposer aux mosquées des prêches en français...

Jadis, il aurait été d'une droite à la Tardieu, à la Reynaud, conservatrice et républicaine, portant des repères, autoritaire, mais incapable d'indignité. Ce furent les repères de son enfance et de ses premières ascensions, quand la République se tenait au repère gaulliste. Aujourd'hui, quand la société se fracture, quand les peurs s'égarent et des rages emportent la droite paroxystique, Jean-François Copé va devoir résister à sa famille, ou se perdre. Ses mots ne seront plus des habiletés tactiques, mais des enjeux nationaux. Il dit le savoir. A lui de choisir à qui il ressemble, s'il en est encore capable.

Copé et la ligne rouge du FN

Il ne le fera jamais, jure-t-il, mais n'en est pas cru pourtant, tant sa réputation d'arriviste obère ses sincérités ! Jean-François Copé ne s'alliera pas avec le Front national, ni ne dialoguera avec le parti lepéniste. Il l'a dit jusqu'à la veille du second tour, au risque même (calculé ?) de gêner Sarkozy dans ses dernières razzias, retrouvant un refus chiraquien presque incongru. Il l'a dit, mais tiendra-t-il parole ? Copé pourrait pourtant explorer la piste frontiste, poussé par la base, les électorats qui convergent, par son affirmation même d'une droite sans complexes ni tabous... Mais sa ligne rouge, répète-t-il, est ici : le FN le dégoûte et les Le Pen lui répugnent. Il s'en cache à peine, exaspéré par la démagogie et les constructions hasardeuses, imprégné d'une supériorité d'énarque qui le fait détester du FN en retour.

Il y a là le complexe du gouvernant, l'horreur du vulgaire de l'élève des écoles, et aussi autre chose : des raisons intimes, qui tiennent aux origines de Copé. C'est le juif républicain qui résiste, mais ne pourra jamais l'admettre politiquement : il y a une tragédie en pointillé, qui ne se résume pas à Copé, mais aux raisons que la droite se donnera. Refusant de condamner moralement le Front national, abandonnant le désistement républicain au profit du PS, proclamant «normal» le parti lepéniste, elle s'ampute d'un argument au moment décisif. Quand Copé était jeune ambitieux, un homme l'avait pris sous son aile, qui s'appelait Paul Benmussa, restaurateur dans le quartier des médias, ami des politiques et des grands journalistes qui cantinaient Chez Edgard, son antre dans le triangle d'or du VIIIe arrondissement de Paris. Benmussa, ces années-là, s'amusait à voir venir Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret, le numéro deux de l'extrême droite, en quête de validation culinaire, et à leur claquer la porte au nez, en souriant. «Nous sommes complets», lançait-il, devant une salle vide.

Il y aurait désormais des tables libres à l'UMP pour un banquet du diable. Copé tiendra-t-il la ligne Benmussa ? C'est toute la question.
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UMP : l'islamophobie, un "clivage fondamental" pour Juppé
Créé le 28-08-2012 à 12h53 - Mis à jour à 13h36

S'il n'a pas nommément visé Jean-François Copé, l'ancien Premier ministre ne veut pas que l'on "globalise les problèmes de cette religion".

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L'ancien Premier ministre Alain Juppé, interrogé mardi 28 août par France Inter sur sa préférence pour la tête de l'UMP, a expliqué qu'un "des points de clivage fondamentaux" était l'islamophobie, contraire, a-t-il dit, aux principes républicains.


Comme on lui faisait valoir que ses prises de position antérieures semblaient l'incliner plus vers François Fillon que vers Jean-François Copé, l'ancien premier ministre a répondu qu'il "attend de voir ce que propose chacun des deux candidats".

"Pas la guerre aux religions"

"Ma vision de l'identité de la France est tout à fait claire", a enchaîné le maire de Bordeaux. "Ce sont les principes républicains", "le principe de laïcité" qui "n'est pas la guerre aux religions, mais le respect de toutes les religions".

"Pour moi, un des points de clivage fondamentaux, c'est l'attitude vis-à-vis de l'islam", a poursuivi le dirigeant UMP. "L'islamophobie qui globalise les problèmes de cette religion est contraire à ce principe de laïcité et ce principe républicain. C'est donc pour moi un point extrêmement sensible".

 

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