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31 janvier 2012 2 31 /01 /janvier /2012 02:13

LE JEU TROUBLE DES DIRIGEANTS TUNISIENS : Un Maghreb sans l’Algérie ?

 

« Parler vrai n’est pas suffisant. Encore faut-il avoir quelque chose à dire... »
Michel Rocard

Des nouvelles inquiétantes, véhiculées par les médias occidentaux- nous viennent de Tunisie s’agissant de la montée inexorable dit-on de « l’intolérance ». L’exemple de la chaîne Nessma qui ferait partie indirectement de l’empire Berlusconi se donne des airs de chaine occidentale et fait - de mon point de vue- dans la provocation en diffusant un film où on voit une petite fille s’adresser à Dieu représenté en image ce qui est interdit en Islam. C’est de la provocation pour une société qui n’a pas encore trouvé ses repères En clair, l’ingérence occidentale par ses coups de boutoir est en train de tester le régime tunisien.

Pourtant les Tunisiens sont connus pour aimer leur pays et ne sont pas tentés par le chaos. Il semble cependant que le président Moncef Marzouki qui est connu comme un militant des droits de l’homme en exil a, comme Rached Ghannouchi, surfé sur la vague de la jeunesse tunisienne en venant recueillir le fruit de cette révolte dépossédant de ce fait,la jeunesse tunisienne dont on dit que près de 250 jeunes sont tombés lors des émeutes de janvier 2011.

Est-ce que le vivre-ensemble tunisien est plus fort que la tentation du califat ?

Dans cette affaire, il semble qu’Ennahda navigue entre deux eaux. Elle donne des signes d’allégeance qui lui ont permis de revenir en grâce auprès de l’Occident, mais d’un autre, elle joue le rôle qui lui est attribué dans le formatage du Monde arabe façon GMO. N’est-ce pas Rached Ghannouchi, qui, dans une interview au journal L’Express le 29. 04. 1993, avait ce cri du coeur : « Si j’ai le choix entre vivre dans un pays musulman sans liberté et un pays laïc où existe la liberté, je choisis le second ! Il est sans doute plus proche de l’islam que le prétendu Etat musulman... »

Pour la période présente, M.Ghannouchi, et la Tunisie dans son ensemble, a « choisi » ou plutôt a eu « pour instruction de choisir » de reconnaître le CNT syrien. On se souvient que lors de sa visite à Washington, Rached Ghannouchi avait déclaré qu’à son retour à Tunis, il allait s’atteler à unir toute l’opposition syrienne sous l’unique bannière du Conseil « national » syrien créée en octobre 2011 et qu’il allait inviter son président, Borhane Ghalioun. Aussitôt dit, aussitôt fait. Non seulement Borhane Ghalioun a répondu présent à l’appel, mais il vient accompagné de 200 personnes, opposants de l’extérieur, pour tenir le 1er Congrès du CNS du 16 au 18 décembre 2011. Selon certaines sources, la décision aurait été prise cet été, lors de l’une de ses visites secrètes à Qatar, où il aurait rencontré Ali Sadreddine El Bayanouni, ancien chef des Frères musulmans syriens venu probablement lui aussi percevoir ses honoraires pour son engagement qatari-turco-atlantiste. » (1)

Moncef Marzouki et l’Algérie

Si Rached Ghannouchi ne cache pas ses préférences pour les islamistes algériens, d’une façon tout à fait énigmatique le président Marzouki désigné et qui se dit légitime avec 5% des voix, semble prendre pour cible lui aussi,-le démocrate-, l’Algérie. L’une de ses premières actions est de réserver son premier déplacement à la Lybie contrairement au précédent responsable Beji Caïd Essebsi - plus diplomate bien que lui-aussi ne porte pas aussi l’Algérie dans son coeur- et qui a rendu visite à Alger.

Mieux encore, le président Marzouki, qui était bien à l’époque, au chaud en France, s’est permis de juger a postériori l’Algérie pour avoir arrêté le processus électoral en 1991. Il déclare : « Au lendemain même de la déclaration du président tunisien, lit-on sur journal tunisien Bussinessnews, Mourad Medelci, ministre algérien des Affaires étrangères, a rappelé, sur une radio algérienne sur un ton des plus inhabituels, les lignes rouges à ne pas dépasser dans les relations avec l’Algérie, tout en insistant sur le fait qu’elle « n’a pas de leçons à recevoir » de quiconque. « L’Algérie est souveraine, elle n’a pas au cours de la décennie noire, reçu d’aide d’aucune partie. Elle est aujourd’hui en mesure de partager son expérience avec les autres, mais elle n’a pas de leçons à recevoir », a lancé le ministre des Affaires étrangères, lors de son intervention dans l’émission « L’invité de la rédaction » de la radio Chaîne III. » (2)

« Les journaux algériens ont rebondi sur l’affaire et ne semblent pas apprécier que la première visite officielle du président tunisien ait eu lieu en Libye. L’Algérie devant être « la première destination du chef de l’Etat, selon la tradition diplomatique en vigueur entre les deux pays », comme paru dans un article du quotidien algérien « Tout sur l’Algérie », notamment. Dans cet article, l’Algérie déplorerait « la marque d’ingratitude » commise par « le nouvel homme fort de la Tunisie » qui « n’en finit pas de multiplier les petits affronts envers son voisin algérien ». Tout en déclarant que « pour sa première visite à l’étranger en tant que chef de l’Etat tunisien, il [Ndlr : Moncef Marzouki] choisit donc la Libye, et non le « grand voisin », le « grand frère », la « grande puissance régionale » que l’Algérie entend continuer à représenter ».(2)

Mieux encore, lors de son déplacement à Tripoli, M.Marzouki, président tunisien, s’est rappelé aux bons souvenirs des généraux algériens en stigmatisant leur façon d’opérer sanglante durant les années 1990 ! Pour couronner le tout, Tunisiens et Libyens annonceront un projet de « idmaj », fusion, union, qui n’annonce rien de bon dans les relations des deux pays en « phase d’union » et le voisin algérien. (...) Madré et rusé, Bouteflika sait qu’en partie, le devenir des relations intermaghrebines ne dépend plus des régimes maghrebins et que ce sont les autres, ceux qui gouvernent le monde, qui le font avancer selon leur vision, leur cadence et, surtout, leurs intérêts. (3)

Un président maladroit ou en mal de reconnaissance ?

Apparemment, le président Marzouki veut se donner une stature qu’il n’a pas ! Il multiplie les interventions intempestives comme celle qu’il a faite pour souhaiter les voeux sur France 24 aux Français croyant mettre les points sur les « i » concernant le colonialisme. Nous donnons à ce propos la réaction d’amertume de « celui qui mord la main qui l’a nourri », du député UMP Bernard Debré dont le père était le chantre enragé de l’Algérie Française.

Ecoutons-le : « Nous avons eu le devoir et je dirai la joie de vous accueillir dans notre pays pendant que vous n’étiez pas « persona grata » dans le vôtre. (...) Vous avez pu, de la France, mener votre combat. J’imagine que vous avez pu regarder autour de vous dans notre pays ce qui se passait. Liberté religieuse aussi bien pour les catholiques, les juifs que les musulmans. Vous avez vu la tolérance qui régnait chez nous, État laïque acceptant toutes les religions à partir du moment où elles ne sont ni agressives, ni vindicatives, ni totalitaires. Nous avons plus de musulmans en France qu’il n’y en a en Tunisie ! » (4)

« J’ai trouvé, mais beaucoup de mes concitoyens ont également la même opinion, qu’il était un peu trop facile de votre part d’accuser les Français, ficelles souvent utilisées pour minimiser les problèmes intérieurs et focaliser l’attention de vos concitoyens sur autre chose ! (..) Mais là où véritablement la coupe est pleine, c’est quand, il y a quelques jours, vous avez dit aux Français de stopper leur islamophobie ! De quoi voulez-vous parler Monsieur le Président ? La France serait islamophobe alors que les mosquées se multiplient, l’État est laïc et garantit par là, la liberté de culte, alors que dans votre pays, une poussée de l’islamisme conduit les femmes à rentrer dans leur foyer, imposer progressivement la burqa et, peut-être, prendre le Coran, telle la Libye, comme base politique. (...) Il y a plus de musulmans en France qu’en Tunisie. La France - terre d’asile n’est pas une vaine expression. » (4)

Il n’y eut pas de réaction officielle de la part du président tunisien. Par ailleurs, il semble qu’une lutte sourde entre la présidence et l’Exécutif se déroule à bas bruit. Lisons le commentaire de M.Nordine Hlaloui : « Le président provisoire de la République continue à faire parler de lui en multipliant les actions populistes et, surtout, les gaffes qui nuisent à la réputation de la Tunisie dont il dit qu’il est là, justement, pour la représenter dignement.(...) Certes, par ses sorties en burnous et ses visites aux familles des martyrs et autres prisonniers, il s’attire la sympathie d’un certain nombre de citoyens et gagne, probablement, en popularité, mais pour combien de temps ? Sa dernière trouvaille a été l’annonce de la formation d’un vrai gouvernement parallèle en guise de cabinet présidentiel, composé de dix-sept membres ayant tous, rang de ministre ou de secrétaire d’Etat. (...) Et dire que le même Marzouki n’arrête pas de parler d’austérité et de récupération de l’argent du peuple. (...) » (5)

« Or, M.Marzouki ne dispose, en fait, que de prérogatives honorifiques. A moins qu’il ait vraiment cru qu’il était le chef d’état-major de l’armée comme il le répète à satiété ! (...) Une autre aberration de taille, c’est le fait d’avoir copié sur Ben Ali la volonté d’avoir une mainmise sur les affaires politiques et l’information. (...)Un fait est là, et le président provisoire de la République semble s’ennuyer, tout seul au vaste palais de Carthage. Les audiences et autres visites guidées, notamment pour enfants, ne suffisent pas à remplir le temps d’un président hyper-dynamique, même s’il est provisoire ! Alors, il faut qu’il s’entoure de tout un staff qui lui garantira une activité et une animation quotidiennes. (...) Comme M.Marzouki se sentira plus fort que Jebali dans la mesure où il est, désormais, président de la République (même si c’est provisoire) et chef de gouvernement (même s’il est parallèle) ! Maintenant que l’Emir de l’Etat de Qatar lui a appris à se tenir, à marcher, il peut dire qu’il a la stature et la prestance d’un chef suprême. L’impression qui prévaut est que M.Marzouki, tout en voulant donner l’impression d’être l’enfant du peuple, se comporte comme quelqu’un qui voit grand. Folie des grandeurs, voire mégalomanie, diront d’autres ».(5)

Le désenchantement des Tunisiens

Nous donnons dans les lignes qui suivent un aperçu du désenchantement des Tunisiens de toutes couches qui s’expriment soit par l’émeute ou par la plume. : « Vous avez beau vous pavaner lit on dans une contribution d’un journaliste tunisien, dans le palais de Carthage, avec ou sans bournous, la présidence reste à mille lieux de vous. Loin de moi l’idée de nier la légitimité des urnes qui - faut-il le rappeler - ont été remportées avec des discours religieux hypnotisants, des promesses mensongères et quelques milliards qataris. N’est pas Président qui veut dit-on. Et pour cause, le ridicule de vos propos n’a d’égale que l’utopie de vos prérogatives. Si votre conscience refait surface et vous vous demandez pourquoi vous suscitez moins de respect que de dérision, parcourez ce qui suit. La Tunisie compte plus de 7 millions d’électeurs potentiels, seuls 350.000 ont voté pour le CPR, soit 5%. Et vous vous enorgueillez dans votre discours d’investiture de la « confiance » que le peuple vous a accordé ? » (6)

« Le peuple n’a pas voté pour votre personne Monsieur le Président. Il s’agissait d’élire une Assemblée constituante pour rédiger une nouvelle Constitution en l’espace d’un an. Vous n’êtes que le résultat d’une transaction douteuse de la Troïka, ce qui fait de vous le troisième président non élu par les Tunisiens. (...) Cela dit, à force de vouloir marquer les esprits et entrer dans l’Histoire de la Tunisie, vous l’entachez de vos discours populistes et démagogues. Vendre tous les palais dites-vous ? Et pourquoi ne pas faire comme Ubu Roi ? » « (...) C’est bien de votre santé mentale que les Tunisiens s’inquiètent. Souhaiter « la fusion entre la Tunisie et la Libye » est bien digne d’un Kadhafi. Vous avez le bournous blanc. Ne manque que la mouche. Est-ce la fin d’un Etat tunisien souverain et indépendant que vous souhaitez ? (...) Monsieur le Président, crédule que je suis, je veux bien croire que « l’Islam est la solution à tous nos problèmes ». (6)

« C’est pour cette raison que les islamistes sont au pouvoir. » Si les gouvernements islamistes se soldent par un échec, est-ce l’Islam qu’il faudra accuser ? « Faudra-t-il en vouloir au Bon Dieu aussi ? Y a-t-il des préceptes pour lutter contre le chômage, l’inflation, le déséquilibre de la balance commerciale, la dette publique et la redistribution inégale des richesses ? La « zakat » vous dites. Une bouchée de pain jetée du haut d’une montagne capitaliste. » Les chômeurs ne veulent pas de charité Monsieur, le travail c’est la dignité. (...) L’amour du pouvoir a-t-il eu raison de vos principes ? Revenez à votre raison Monsieur le Président. « Travail, liberté, dignité ». Il y a à peine un an, ensemble au Trocadéro nous le criions. A moins de croire à la folie passagère d’un Président éphémère, je prends Dieu et les Tunisiens à témoins que c’est le début de votre perdition.(...) Vendez la République au panarabisme chimérique. Vendez la souveraineté de la Tunisie à la noirceur wahhabite. Vendez tout et votre âme avec. » (6).

Pourtant, les « sorties » du président sont certaines fois courageuses/ « Il faut qu’on en finisse, dit-il, avec la politique du face-à-face, où le Maghreb utilise le français, et l’Orient l’anglais, en lui substituant une politique à multiples issues, comme le fait d’avoir en Tunisie des lycées pilotes tuniso-français, tuniso-anglais, tuniso-chinois, tuniso-nippons, tuniso-coréens, tuniso-espagnols, tuniso-portugais ; les générations seront ainsi ouvertes sur différentes cultures, et on se serait ainsi affranchi de toute dépendance culturelle qui nous cantonne dans une seule langue. »

Belle envolée, en aura-t-il les moyens ? Surtout qu’il donne l’impression de jouer au donneur de leçons sur « la faute de l’Algérie ». Pour rappel , l’Algérie a aidé la Tunisie, c’est son devoir, elle a fêté la révolution, c’est aussi sa contribution à la sérénité de la région mais vouloir amoindrir d’une façon irresponsable la place de l’Algérie n’est pas pour la Tunisie la meilleure voie pour son avenir. Ce « petit jeu » du président Marzouki risque d’hypothéquer durablement l’avènement de ce Maghreb tant fantasmé. La place centrale de l’Algérie est un facteur d’équilibre que ni l’islamisme passager, ni les dollars de l’Ubu quatari, ni la démocratie exogène type quartier Latin ne pourront remplacer. Seul le parler-vrai aux peuples pour les convaincre d’un destin commun donnera une chance de survivre à ce Maghreb dans un monde de plus en plus anomique.

Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz

 

 
P.S.

1.http://libnanews.com/2011/12/17/pre...

2.http://www.businessnews.com.tn/Monc... incident-diplomatique-avec-l%E2%80%99Alg%C3%A9rie-(Mise-%C3%A0-jour),520,28596,11

3.http://www.lematindz.net/news/7015-...

4.http://www.echsar.com/article-30913...

5.Noureddine Hlaoui http://www.businessnews.com.tn/A-qu...

6.http://www.legrandsoir.info/monsieu...

 

 

http://www.oulala.net/Portail/spip.php?article5482

 

 

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