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3 janvier 2010 7 03 /01 /janvier /2010 06:04


http://fr.wikipedia.org/wiki/Taxe_carbone

Anticonstitutionnalité
de la « contribution carbone ».
Décision n° 2009-599 DC du 29 déc. 2009
 

Les cadeaux du Conseil Constitutionnel pour 2010 (II)

Inconstitutionnalité de la « contribution carbone ». Décision n° 2009-599 DC du 29 décembre 2009



Le Conseil Constitutionnel, dont l'activité est amenée à augmenter considérablement à partir de 2010, en raison de la saisine judiciaire, offre en guise de cadeau à la France quelques décisions d'inconstitutionnalité partielle intéressantes.


oOo


Le Conseil Constitutionnel censure dans la Loi de Finances pour 2010 les dispositions relatives à la contribution carbone.

L'intérêt de cette décision n'est pas « politique » comme d'aucuns l'avancent. Il est essentiellement technique. Le Conseil Constitutionnel censure en effet plus le contenu technique des exonérations prévues par la loi et le défaut d'égalité devant la loi qui en résulte que le principe lui-même.


Exposé des griefs :

L'article 7 de la loi de finances pour 2010 institue au profit du budget de l'État une contribution carbone levée sur certains produits énergétiques mis en vente, utilisés ou destinés à être utilisés comme carburant ou combustible ;

L'article 9 institue un crédit d'impôt en faveur des personnes physiques afin de leur rétrocéder de façon forfaitaire la contribution carbone qu'elles ont acquittée ainsi que la taxe sur la valeur ajoutée qui lui est afférente ;

L'article 10 dispose que la consommation de fioul domestique, de fioul lourd et de divers autres produits énergétiques par les agriculteurs fait l'objet d'un remboursement des trois quarts de la contribution carbone ;


L'article 7 fixe le tarif de la contribution sur la base de 17 euros la tonne de dioxyde de carbone émis ;


Des aménagements sont prévus aux articles 7 & 10, qui instaurent, outre des exonérations, des réductions, remboursements partiels et des taux spécifiques.


Certaines émissions sont totalement exonérées de contribution carbone. Notamment celles :

  • des centrales thermiques produisant de l'électricité,
  • des mille dix-huit sites industriels les plus polluants, tels que raffineries, cimenteries, cokeries et verreries,
  • des secteurs de l'industrie chimique utilisant de manière intensive de l'énergie, les émissions des produits destinés à un double usage,
  • des produits énergétiques utilisés en autoconsommation d'électricité,
  • du transport aérien et du transport public routier de voyageurs ;

  • D'autres émissions sont taxées à taux réduit, et notamment :

    - les émissions dues aux activités agricoles ou de pêche, au transport routier de marchandises et au transport maritime ;


    Or, la Charte de l'Environnement (CdE), texte à valeur constitutionnelle, dispose :

    Art. 2 CdE : " Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement " ;

    Art. 3 CdE : " Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences " ;

    Art. 4 CdE : " ...Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu'elle cause à l'environnement, dans les conditions définies par la loi " ;


    Les députés et sénateurs à l'initiative de la saisine ont considéré que l'application de ce texte nouveau interdisait au Législateur d'instaurer des exonérations de cette contribution carbone, et qu'il y aurait au regard de la Charte de l'Environnement et des obligations y-instaurées (principe du pollueur-payeur) une rupture de l'égalité devant les charges publiques.


    Décision :


    Le Conseil Constitutionnel rappelle en premier lieu que, conformément à l'article 34 de la Constitution, le législateur est compétent pour de déterminer, les règles selon lesquelles doivent être assujettis les contribuables. Il rappelle également que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que soient établies des impositions spécifiques ayant pour objet d'inciter les redevables à adopter des comportements conformes à des objectifs d'intérêt général, pourvu que les règles fixées à cet effet soient justifiées au regard des objectifs poursuivis.


    Puis le Conseil Constitutionnel se réfère renvoie expressément aux des travaux parlementaires pour affirmer que l'objectif de la contribution carbone est de " mettre en place des instruments permettant de réduire significativement les émissions " de gaz à effet de serre afin de lutter contre le réchauffement de la planète. La taxe additionnelle sur la consommation des énergies fossiles est donc soumise au contrôle constitutionnel pour voir si son fonctionnement est incitatif à la réduction des émissions des émissions de GES et si ce fonctionnement se fait en adéquation avec les objectifs incitatifs exposés.


    Le Conseil Constitutionnel rappelle que des réductions de taux (de contribution carbone) ou des tarifications spécifiques peuvent être justifiées par la poursuite d'un intérêt général. Principe largement reconnu, mais qui devait être rappelé. Il donne d'ailleurs quelques exemples d'application de cet intérêt général, dont « la sauvegarde de la compétitivité de secteurs économiques exposés à la concurrence internationale »


    Le Conseil Constitutionnel valide implicitement le principe de l'exemption totale de cette contribution, pourtant en opposition apparente avec la lettre de la Charte de l'Environnement, en créant le test du contrôle de la redondance des dispositifs incitatifs. En effet, pour le Conseil Constitutionnel, l'exemption totale de la contribution ne peut être justifiée qu'à la condition que les secteurs économiques considérés soient spécifiquement mis à contribution par un dispositif autonome ;


    Or, le Conseil retient que si certaines des entreprises exemptées du paiement de la contribution carbone sont soumises au système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans l'Union européenne, le coût de cet échange est modéré à nul pour les entreprises concernées pendant toute la période 2010/2027, période d'entrée en vigueur progressive de ces quotas. Le Conseil Constitutionnel évalue même à 93 % le pourcentage des émissions de dioxyde de carbone d'origine industrielle, hors carburant, qui seront totalement exonérées de contribution carbone.


    Précisément, les activités assujetties à la contribution carbone (toutes causes confondues) représenteront moins de la moitié de la totalité des émissions de gaz à effet de serre ;


    Ainsi, le Conseil Constitutionnel relève que la contribution carbone portera essentiellement sur les carburants et les produits de chauffage qui ne sont que l'une des sources d'émission de dioxyde de carbone – et certainement pas la plus importante.


    En conséquence, le Conseil juge que, par leur importance, les régimes d'exemption totale institués par l'article 7 de la loi déférée sont contraires à l'objectif de lutte contre le réchauffement climatique et créent une rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques, et censure le dispositif, (hormis l'exonération temporaire dans les Départements d'Outre Mer)


    Analyse :


    Cette interprétation, téléologique, semble venir en contradiction avec la Charte de l'Environnement, qui précise spécifiquement que « tous » les opérateurs doivent être soumis à cette contribution. Cependant, le test de la redondance donne une solution intellectuelle satisfaisante, même si la logique aurait voulu qu'on mette en oeuvre un système de compensation équivalent à celui existant pour la lutte contre les doubles-impositions en droit international.


    Ce test est intéressant à retenir et mériterait de s'appliquer à d'autres domaines des prélèvements obligatoires.



    L'annonce, politique celle-ci, par le Président N. Sarkozy, de ce que le dispositif Carbone serait re-rédigé à la rentrée de janvier 2010 n'écarte en rien l'intérêt de la décision du Conseil Constitutionnel. Ne serait-ce que parce que le nouveau dispositif devra présenter une imposition minimale pour les secteurs qui étaient jusqu'à là épargnés.


    C'est également l'occasion pour les lobbys professionnels de faire valoir leurs intérêts. On pense notamment à la distorsion de concurrence existant entre le transport aérien et terrestre et celui maritime.


    Ariel DAHAN

    Avocat au barreau de Paris

    DESS de Droit Européen des Affaires 

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