Le 29 novembre dernier, nous avons célébré
dans la joie et la bonne humeur
.
la Journée internationale
sans achat 2008.
Un point de vue sur la crise financière
et les pratiques des banques coopératives.
Michel Abhervé, Pierre Dubois,
« Les banques coopératives. Du pire au meilleur pour le développement de l’économie sociale »,
Comprendre pourquoi quatre grandes banques historiques françaises, structurées sur une base coopérative (Banques Populaires [1], Caisse d’Epargne, Crédit Agricole, Crédit Mutuel) et qui ensemble ont une part majoritaire du marché de la banque de détail, se sont laissées entraîner dans la tourmente financière mondiale, ont pris des risques insensés de plusieurs milliards d’euros : exposition aux titres toxiques issus des subprimes [2], à la faillite d’une autre banque (Lehmann Brothers), aux dérapages internes (pertes de trading), aux escroqueries (Madoff), à la chute vertigineuse d’actions cotées en bourse [3]. Des milliards d’euros partis en fumée ou susceptibles de l’être ! Les banques coopératives n’appartiendraient-elles pas au monde de l’économie sociale et solidaire ?
Sociétaires d’une de ces banques - comme plusieurs millions de français - nous nous souvenons de réflexions des étudiants de la licence professionnelle Management des organisations de l’économie sociale lors d’une conférence faite par un cadre d’une de ces banques : « on nous dit que les banques coopératives et plus largement les coopératives sont, avec les mutuelles et les associations, un des 3 piliers de l’économie sociale. Expliquez-nous ! Pour nous, au quotidien, banques coopératives et banques privées, c’est la même chose ». Le conférencier n’a sans doute pas convaincu les étudiants : aucun des 148 diplômés de la licence ne travaille aujourd’hui dans le secteur bancaire coopératif. Dommage, ces banques auraient bien besoin aujourd’hui de jeunes professionnels engagés pour le développement de l’économie sociale et solidaire.
Sans compétences financières particulières mais à force de parcourir les sites des structures, groupes ou fédérations coiffant ces banques, de traquer leurs communiqués de presse, de lire la presse spécialisée, nous allons tenter, au vu des faits observés, quelques hypothèses explicatives de l’implication des banques coopératives dans la crise financière, puis suggérer des pistes d’actions pour réinventer la confiance des clients, des sociétaires, des salariés, pour enfin terminer par un appel à une initiative commune : « banques coopératives, retrouvez et montrez vos valeurs, agissez ensemble, au travers de vos Fondations, pour le développement de l’économie sociale et solidaire ».
Pourquoi avoir voulu jouer dans la cour des grands ?
Les avatars actuels des banques coopératives sont paradoxalement liés à leurs succès financiers, construits progressivement au cours de plusieurs dizaines d’années voire de près de deux siècles pour l’une d’entre elles, la Caisse d’Epargne. Ces succès - leur dénomination l’indique encore aujourd’hui -, elles ne les doivent pas aux riches, mais à la confiance de leurs sociétaires des classes populaires et moyennes, salariés, petits ou moyens entrepreneurs. Il ne faut pas oublier que le capital social des structures locales ou régionales de ces banques est composé de parts possédées par des sociétaires. Les banques coopératives ont longtemps fait leur boulot de banques commerciales gérées sans risques, selon les principes de la bonne gestion du père de famille : collecte de l’épargne de proximité, financement de prêts à la consommation, de prêts pour l’acquisition d’un logement, soutien de l’investissement productif de proximité.
Au fil du temps, à force d’implantations de proximité, de création de nouvelles agences et de fidélité de leurs sociétaires et clients, elles ont fini par être très rentables, par produire d’excellents résultats financiers, parmi les meilleurs de la place. Dès lors, que faire de cette importante marge de manœuvre financière dans un contexte de déréglementation bancaire croissante, de libéralisation et de mondialisation des échanges financiers, de fusions, de filialisations, de concentrations, d’absorptions, de concurrence exacerbée ?
Dès le début du nouveau siècle, les banques coopératives ne « se sont plus senties », ont voulu désormais « jouer dans la cour des grands », pouvoir se vanter d’être parmi les premières sur tel ou tel segment du marché et / ou sur tel ou tel territoire, le pays, l’Europe, le monde. Elles ont fait preuve d’une ambition, dont on constate aujourd’hui qu’elle était démesurée : devenir des groupes bancaires universels (comme la loi bancaire de 1985 le leur permettait), multi métiers (ceci impliquant la diversification dans l’assurance et les produits de placement), multi enseignes, devenir à la fois banques commerciales et banques d’affaires, de financement et d’investissement. Cette transformation s’est opérée au travers de plusieurs processus : complexification de la structuration organisationnelle (caisses locales, régionales, fédération nationale ou groupe), fusions de caisses locales et régionales, changement de statut juridique pour l’échelon le plus haut (création de Crédit Agricole SA, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, en 2001 et cotée en bourse), création de filiales (dont Natixis, créée en 2006, banque d’investissements et de projets, filiale commune de la Caisse d’Epargne et des Banques Populaires), acquisitions tous azimuts de banques ou d’institutions financières du secteur privé (le Crédit Lyonnais pour le Crédit Agricole, le CIC pour le Crédit Mutuel), développement d’une secteur assurances concurrençant directement le secteur des assurances à caractère mutuel, autre pilier de l’économie sociale. Il faut d’ailleurs mentionner des pratiques peu solidaires : quand une banque de l’économie sociale propose un taux d’emprunt inférieur à un de ses sociétaires qui sollicite un emprunt pour acheter une voiture, sous condition qu’il souscrive l’assurance de son véhicule chez lui, et abandonne donc la mutuelle dont il est également sociétaire, sommes-nous bien dans l’esprit Economie sociale ? Et comment, dans un tel contexte, s’étonner qu’en sens inverse, la MACIF lance en 2009 MACIF Banque, avec un objectif affiché de 300.000 comptes en 6 ans ?
A ce stade, il faut bien entendu se poser des questions. Qui a pensé ces stratégies ? Qui a pris les décisions ? Sous quel contrôle ? Tout cela, ce sont évidemment les affaires du haut de la pyramide organisationnelle ! On n’allait quand même pas appliquer le principe de base des coopératives : « un homme, une voix ». Un peu de démocratie sociale aurait peut-être pourtant rappelé à l’ordre et à la prudence les hautes sphères dirigeantes, les comités de projet ! Ce ne sont ni les assemblées générales de sociétaires, ni les conseils d’administration des caisses locales ou régionales, ni même leurs dirigeants [4] qui ont décidé réellement, même si, formellement, tout a été fait selon les règles statutaires. Mais qui sont donc les personnes qui occupent les positions du sommet ? Elles appartiennent en principe à deux univers : les dirigeants bénévoles (militants historiques du mouvement coopératif - il doit bien en rester encore !), les dirigeants salariés.
Tentons l’hypothèse : les dirigeants salariés ont pris le pouvoir parce que les dirigeants élus (vu leurs émoluments, on pourrait aussi les considérer comme des dirigeants salariés !) n’avaient pas les compétences techniques pour comprendre les nouveaux produits bancaires, sans cesse plus sophistiqués les uns que les autres, ou n’avaient pas envie d’exercer la réalité de la responsabilité qui était la leur, se contentant de l’apparence du pouvoir, et des flatteries qui l’accompagnent. Il serait important de pouvoir comparer les recrutements de cadres dirigeants des banques coopératives et des banques privées depuis 2000 et / ou de comparer la population des 5% de salariés qui touchent les plus hauts salaires, leurs trajectoires professionnelles, leurs diplômes, leur culture professionnelle et leur éthique (tous les cadres des banques coopératives ont-ils eu ou ont-ils un engagement bénévole dans l’économie sociale et solidaire ?). Et si les caractéristiques de la population des cadres dirigeants, anciens et nouveaux, étaient les mêmes dans les banques coopératives et dans les banques privées ?
Après des années d’excellents résultats financiers (ceux de 2007 étaient déjà moins bons que ceux de 2006), et comme conséquence de stratégies erronées, l’année 2008 n’a pas été bonne : la presse spécialisée annonce en décembre que le Groupe Caisse d’Epargne pourrait même finir l’année dans le rouge ; la perte de Natixis, selon Les Echos, pourrait être de 1,5 à 2 milliards d’euros pour 2008. 2009 sera sans aucun doute exécrable. « Le mutualisme s’est perdu dans la course aux profits », titrait en octobre dernier L’Expansion [5].
Tirer au plus vite les leçons de la crise
Que font les structures sommitales des banques coopératives pour faire face à la crise ? Nous avouons nous demander : mais pourquoi ne tirent-elles pas davantage et plus vite de leçons de la crise ? Elles s’endettent, continuent à « pomper » leurs banques de base et à penser aux méga fusions, dépensent des millions d’euros pour communiquer dans les médias, lancent de nouveaux produits, obsolètes avant même d’être placés sur le marché.
Les quatre banques coopératives ont concrétisé leur acceptation du plan de soutien de l’Etat au secteur bancaire à hauteur de plus de 6 milliards d’euros. Ainsi le 12 décembre 2008, « la Banque Fédérative du Crédit Mutuel a procédé à un contrat d’émission de 1,036 milliard d’euros de dette subordonnée avec la Société de Prise de Participation de l’Etat. La BFCM versera à la SPPE, pendant une période nominale de 5 ans, un coupon de 8,49% au titre de cette dette… La dette peut être rachetée à tout moment… Il y aura hausse du nominal à rembourser dès la deuxième année de l’émission ». En janvier 2009, est annoncé un 2ème plan de soutien. Ces taux élevés ont été imposés par la Commission européenne. Ils n’en sont pas moins énormes, en période de baisse des taux décidés par les banques centrales.
Pourquoi cet endettement ? Pour recapitaliser en urgence et faire remonter leur ratio de solvabilité, le TIER 1, surveillé par les agences de notation. Ce ratio rapporte les risques au « noyau dur des capitaux propres » (essentiellement le capital social - dans ce cas les parts détenues par les sociétaires - et les résultats mis en réserve). « Le minimum requis de TIER 1 selon les accords de Bâle I est de 4% ; dans la pratique, la plupart des banques visent au moins 7% ». Pourquoi les banques coopératives n’ont-elles pas fait appel à leur sociétariat pour lever cette augmentation de capital ? Pour le Crédit Mutuel par exemple, celle-ci aurait été couverte si 50% des 2.319.000 sociétaires des 681 Caisses locales avaient souscrit en moyenne 1.000 euros de parts nouvelles, en particulier de parts B (incluses dans le calcul du TIER 1). Nous ne comprenons pas pourquoi ce choix n’a pas été fait ou même évoqué, alors que les possibilités de rémunération de ces parts sociales, à un coût bien inférieur à celui de l’emprunt souscrit auprès de l’Etat, rendaient le placement attractif. Nous tentons donc une hypothèse naïve : au fond, les banques coopératives ne veulent pas d’un sociétariat fort dans leur capital pour ne pas donner l’idée aux sociétaires de vouloir peser sur les décisions.
Les résultats des caisses coopératives locales, ces caisses qui faisaient jusqu’à présent de la bonne gestion de père de famille, continuent d’être pompés par les structures nationales décideuses de projets aventureux. On s’aperçoit en effet que ce sont ces bonnes vieilles banques de détail qui assurent la très grande part des résultats financiers, agrégés au niveau des groupes et, bien plus, qu’elles en assurent une part croissante. Les résultats générés par la partie « banque d’affaires » étaient déjà en diminution en 2007. En 2008 et 2009, la partie « banques commerciales » aura à éponger les pertes engendrées par la partie « banques d’affaires ». Nous osons espérer que les banques concernées se débarrasseront au plus vite de cette partie gangrenée (et tant pis pour ceux qui auront cru à Natixis) et même qu’elles sortiront de la banque d’affaires et de la bourse. Il faut ici rappeler un point fort du statut coopératif : les banques coopératives ne sont pas susceptibles d’OPA amicales ou hostiles.
Les banques coopératives ont voulu jouer dans la cour des grands à coup de fusions, de filialisations, d’absorptions : cela n’a pas eu les effets positifs attendus et a accru les risques. Et elles continuent comme si ne rien n’était. Le Crédit Mutuel continue d’absorber des institutions de crédits à la consommation [6]. La Caisse Nationale des Caisses d’Epargne et la Fédération Nationale des Banques Populaires maintiennent leur projet de fusion prochaine. Philippe Dupont, président du Groupe Banques Populaires, dans un article du journal Le Monde paru en décembre 2008, définit les contours de la banque de l’après crise : banque de proximité au service du développement du territoire, banque de la solidité qui doit « veiller à ce que jamais la conquête ne mette en danger l’existant », banque de la maîtrise de « la nature et de la complexité des opérations et des produits financiers qu’elle propose ». Philippe Dupont est sans vergogne : pourquoi donc n’a-t-il pas appliqué ces principes sains dans la banque qu’il dirige depuis plusieurs années ? Pourquoi ne s’excuse-t-il pas de s’être trompé sur Natixis, banque de la non proximité, de la non solidité, de la non maîtrise ? Le premier argument qu’il invoque en faveur de la fusion est banal : complémentarité des clientèles. Son second argument tourne autour de la coopération : modernité du statut coopératif, ampleur et solidité du sociétariat, consécration d’une partie des résultats à des dividendes sociaux. Ce second argument milite en fait contre la fusion : dans un groupe plus grand, les sociétaires, les administrateurs, les dirigeants des caisses locales seront encore moins en mesure de peser sur les décisions stratégiques. Nous espérons, sans nous illusionner, que cette fusion ne se réalisera pas. Il est temps de dire que Great is not beautiful. Plus on est gros, plus les erreurs que l’on fait ont de larges répercussions, plus les pots cassés sont importants.
La Caisse d’Epargne a lancé pour sa part le 8 décembre 2008 une campagne de communication de grande ampleur, d’un coût qu’on peut estimer à plus d’un million d’euros, une goutte d’eau dans un océan de pertes. « Votre avenir peut compter sur la Caisse d’Epargne » ; elle réaffirme ses principes fondateurs : proximité, solidarité et solidité. Les cibles : le grand public (« pour être solide, l’épargne doit grandir petit à petit » ; « parce que dans la vie on ne peut pas tout prévoir, c’est au crédit de s’adapter »), les professionnels (« quand un professionnel cherche un crédit, il doit aussi trouver un partenaire »), les entreprises (« les entreprises se portent mieux quand elles sont bien accompagnées »), les collectivités territoriales (« accompagner les collectivités qui veulent créer un cadre où il fait bon vivre »). Cette communication met, à juste titre, l’accent sur le militantisme, la déontologie des salariés de la banque. Mais pourquoi donc la Caisse d’Epargne ne s’est-elle pas contentée dans les années récentes de faire seulement ce que dit aujourd’hui sa communication institutionnelle, pourquoi n’est-elle pas restée centrée sur ses métiers historiques, pourquoi a-t-elle transformé nombre de ses salariés en vendeurs sans vergogne d’actions Natixis, pourquoi les a-t-elle intéressés financièrement au prorata des actions souscrites ?
Notre surprise a été de constater, dans la campagne de communication de la CE à destination du grand public, l’invention d’un nouveau produit : le livret Grand format, portant intérêt à 5,75% (taux annuel brut), composé d’un taux de base de 4% (celui du livret A) augmenté d’un taux de fidélité d’1,75%. Dans une période où l’inflation diminue (ce qui va d’ailleurs entraîner automatiquement la baisse du taux d’intérêt du livret A à un niveau aux alentours de 2%) et où le risque de déflation existe, comment oser annoncer un tel rendement ? C’est même contradictoire avec le slogan publicitaire : « l’épargne doit grandir petit à petit ». Il faut en finir avec les rendements mirobolants ; ils sont contraires au principe de la solidarité (seuls ceux qui sont capables d’épargner beaucoup peuvent profiter de cette aubaine) ! Ce n’est pas parce que des banques privées sortent des produits qui annoncent de tels rendements que la Caisse d’Epargne doit les imiter.
Pourquoi ne copie-t-elle pas plutôt les produits solidaires proposés par d’autres banques coopératives ? Le Crédit Mutuel et le Crédit Coopératif [7] proposent des livrets d’épargne solidaires : ils offrent la possibilité d’épargner tout en reversant tout ou partie des intérêts à une ou plusieurs associations ; même en offrant la totalité des intérêts et en raison de la déduction fiscale pour les dons aux associations, l’épargne du titulaire du livret reste productrice d’intérêts nets, à un niveau proche de celui de l’inflation. En 2007, le Crédit Coopératif a pu ainsi verser 1,6 million d’euros aux associations. Il n’est certes pas simple pour les banques coopératives de mettre en œuvre, dans leurs politiques de crédit, le principe de solidarité vis à vis des plus démunis, principe cher à l’économie sociale et solidaire. Nous attendons pour notre part que les banques coopératives, pour ce qui concerne les crédits à la consommation, mettent fin au crédit revolving, source de surendettement, et soient plus souples en matière de découverts et d’interdictions bancaires. En matière de crédit à l’investissement, nous attendons qu’elles accentuent fortement leur politique de micro crédits personnels, qu’elles ne prêtent que pour les activités productives de biens et de services, même faiblement rentables, qu’elles donnent la priorité à l’investissement de développement des coopératives et des associations employeurs.
Qui doit, qui va payer les pots cassés ?
A-t-on fait autre chose des très beaux résultats financiers des banques coopératives que des investissements dangereux ? Ont-ils été aussi partagés ? Qu’ont perçu les dirigeants, les sociétaires, les actionnaires, les salariés, les clients et plus largement les citoyens les plus démunis ? La priorité a été donnée à la course à la grandeur et à la diversification. Cette stratégie a échoué. Ceux qui l’ont conçue et mise en œuvre doivent avoir l’élégance de démissionner sans indemnités. C’est déjà fait pour trois dirigeants de la Caisse d’Epargne (à vrai dire, ils n’ont pas eu le choix !). Nous ne comprenons pourquoi d’autres dirigeants ne démissionnent pas ou ne sont pas écartés. La banque de l’après crise ne peut pas être dirigée par des dirigeants qui portent des responsabilités dans la crise financière, ne serait-ce que celle de n’avoir pas anticipé les risques. Les nouveaux dirigeants ou les dirigeants restés en place ont l’obligation morale de faire voter par leurs conseils une limitation de leurs gains. Ils doivent démontrer que la course à l’argent facile, à toujours plus d’argent, c’est fini dans les banques coopératives. Pourquoi pas un salaire maximal limité à X fois le SMIC ? Et que dire de la pratique qui consiste à annoncer pour satisfaire l’opinion que des dirigeants sont écartés, alors que des postes discrets leur sont réservés dans d’autres structures du groupe : voir à ce propos, dans le blog de Michel Abhervé, la nomination de Charles Milhaud, « démissionnaire » de la Présidence des Caisses d’Epargne, à la présidence du Groupe OCEOR, holding des banques du Groupe sous les tropiques.
Les actionnaires de Crédit Agricole SA et de Natixis paient virtuellement les pots cassés (tant qu’ils n’ont pas vendu, ils n’ont pas perdu !). Nous ne les plaindrons pas : tous connaissent les règles de la bourse. Il faut cependant plaindre ceux qui ont été trompés et même qui ont été forcés. Des récits circulent sur Internet. Ils sont édifiants et méritent d’être médités : « les commerciaux des Caisses d’Epargne et des Banques Populaires ont été harcelés (et le mot n’est pas trop fort, j’étais à la BP à cette époque) pour placer le maximum d’actions de Natixis au maximum de clients. Le devoir de conseil avait été vite mis de côté par les managers. C’était une question d’honneur qui, du clan rouge ou du clan bleu, allait placer le plus d’actions. Une bien belle introduction sur fond de vente forcée, d’ordres de réservation jamais signés (dans mon agence, on avait passé 1.300 ordres à 15... vous pensez vraiment que 1.300 clients sont venus à l’agence en 2 semaines pour signer les réservations ?) et de paroles rassurantes : Natixis c’est du solide, valeur de bon père de famille, valeur de rendement… Les employés de l’agence ont eu droit à une coupe de champagne à la fin de la période de placement, mais après 18 heures, histoire de ne pas nuire à la productivité ».
Les sociétaires ne perdent pour l’instant rien. Il faut dire que les dirigeants des banques coopératives semblent n’en attendre rien. Mais qu’attendent les sociétaires ? On aurait pu penser qu’en bonne logique de l’économie sociale et solidaire, ils auraient exigé que l’argent gagné dans les temps fastes soit consacré à l’augmentation de la valeur des parts du capital social, que quelques dividendes leur soient versés sous la forme par exemple de réduction du taux des emprunts. Mais peut-être la plupart des sociétaires, des plus âgés d’entre eux en particulier (et donc des plus fidèles), n’attendent-ils que le buffet annuel qui leur est servi à la fin de l’assemblée générale annuelle de leur caisse locale, une fois votés les comptes et les résolutions qui leur ont été expliqués par de beaux powerpoints ? La pratique d’Assemblées Générales de Caisses locales est souvent édifiante : une présentation très technique des résultats, une présentation très rapide des décisions qui ne peuvent qu’être adoptées unanimement, tellement elles représentent le bon sens et l’intérêt bien compris de tous et de chacun, précèdent le banquet, temps fort de la journée, et celui qui se risque à poser une question suscite les regards noirs des autres sociétaires, fort impatients que l’apéritif soit servi.
La démocratie sociale exercée dans les banques coopératives est largement fictive. L’un d’entre nous en a fait la triste expérience dans la caisse locale dont il est sociétaire, lors de la dernière assemblée générale en particulier : pas de réponse aux questions écrites déposées par les sociétaires (faute de temps), pas d’appel à candidature pour les postes à pourvoir au conseil d’administration, candidats en nombre égal à celui des postes à pourvoir, aucune présentation des candidats, votes à main levée. Bref, cooptation de copains et de copines choisis dans le cercle des notables locaux. On a alors envie de donner un coup de pied dans la fourmilière. Pourquoi, dans la crise, les banques coopératives ne communiquent-elles pas davantage sur leur sociétariat, sur la nécessité de le renforcer ? Pourquoi ne valorisent-elles pas l’expérience de démocratie locale qu’il pourrait représenter (les Banques populaires appellent l’assemblée générale un temps fort de la vie sociétale !) ? On attend une campagne de mobilisation appelant les non clients à devenir clients, les clients à devenir sociétaires, les sociétaires à rester fidèles et à participer activement aux assemblées générales, les jeunes sociétaires à devenir administrateurs, les administrateurs à faire leur boulot et à ne pas cumuler des mandats, et à en limiter l’exercice dans le temps. Faut-il que les sociétaires lancent une pétition nationale pour se faire entendre et respecter [8] ? Ne serait-il pas temps de convoquer des assemblées générales extraordinaires dans les caisses locales, d’informer et de consulter les sociétaires sans langue de bois ?
Et les salariés ? Comme les sociétaires, c’est comme s’ils n’existaient pas pour leurs dirigeants. D’ailleurs combien sont-ils ceux qu’ils appellent « collaborateurs » ? Lors de la course à la grandeur, les dirigeants des banques coopératives étaient fiers d’annoncer : 162.000 collaborateurs pour le Crédit Agricole, 60.000 pour le Crédit Mutuel, 51.000 pour la Caisse d’Epargne, 45.000 pour les Banques Populaires, 22.000 pour Natixis, bref un total largement supérieur à 300.000. Les salariés sont susceptibles de payer plusieurs fois les pots cassés. Trinqueront le plus les salariés qui ont acheté des actions de Crédit Agricole SA ou de Natixis, qui sont titulaires d’un plan d’épargne salariale et/ou d’un plan de retraite par capitalisation : il faut les plaindre car, probablement, ils ont été contraints de faire ces choix. Mais, il faut les plaindre modérément, car, bien plus que leurs clients qu’ils ont incité à souscrire, ils avaient les moyens de connaître les dangers de l’investissement souscrit.
Bien plus, tous les salariés vont « casquer » car la maîtrise (= la diminution) de la masse salariale est la variable d’ajustement rapide des coûts que les Banques Coopératives, comme leurs concurrentes du secteur privé, utilisent, vont utiliser : limitation ou arrêt des augmentations salariales, collectives ou individuelles (il faudra suivre de près les négociations salariales pour 2009), limitation ou arrêt des promotions, non remplacement des départs et limitation des recrutements, dégraissages et plans de réduction des effectifs (dits « plans d’adaptation de l’emploi »). Natixis, en mai, novembre et décembre 2008, a annoncé des suppressions de postes en interne et parmi les prestataires extérieurs ; il s’agit « d’abaisser les frais fixes du groupe pour économiser 400 millions d’ici 2009 » ; « il est évident que nous allons aller plus loin en termes de réduction d’effectifs et de réduction de coûts que ce que nous avions envisagé dans le plan stratégique présenté à l’été »… « La banque dément les allégations sans fondement concernant la fermeture de l’ensemble des activités de marché, le changement de direction, voire le démantèlement de Natixis ». Peut-on la croire ? Et, d’ailleurs faut-il que le produit de la banque de détail, issu d’une inexorable multiplication des frais facturés au modeste sociétaire pour l’ensemble des opérations, selon des tarifs qui sont conçus pour défier la capacité de compréhension d’un sociétaire moyen, continue à financer le coût des errements dans lequel des dirigeants ont engagé des établissements qu’ils ont considéré, bien à tort, comme étant les leurs ?
Nous osons espérer qu’au moment où les employeurs de l’économie sociale ont montré leur représentativité en doublant pratiquement leur score aux élections prud’homales du 3 décembre 2008, les patrons des banques coopératives se comporteront en employeurs respectueux des valeurs de cette économie, en allant plus loin que ce que leur prescrivent la législation sociale et les accords collectifs, et ce en négociation étroite avec les représentants des salariés : maintien des droits à la protection sociale complémentaire, transfert des droits à la formation et abondement de ceux-ci , aides importantes accordées à celles et ceux qui auraient le projet de créer une entreprise d’économie sociale et solidaire pour le développement économique et social du territoire. Et si les banques coopératives appliquaient aux salariés en sureffectif ce que certaines pratiquent déjà par ailleurs - il faut le porter à leur crédit - : le mécénat de compétences ! Imaginons la création d’une filiale commune destinée à accueillir les salariés en sureffectif et désireux de se mettre au service du développement des entreprises coopératives et associatives de leur territoire ; cette filiale serait cofinancée par les banques elles-mêmes, par les entreprises d’accueil, par les collectivités territoriales et par l’Etat, et maintiendrait, à peu de choses près, le niveau des salaires antérieurs.
Pour un renforcement concerté des interventions des Fondations des banques coopératives en faveur du développement de l’économie sociale et solidaire
Les banques coopératives font profil bas : elles ne sont pas épargnées par la crise financière mondiale ; elles en portent une part de responsabilités vis-à-vis de leurs sociétaires, de leurs clients et de leurs salariés, des citoyens. Il est temps qu’elles reviennent à leurs principes fondateurs, qu’elles disent haut et fort : « nous nous sommes trompées en imitant la finance capitaliste qui recherche une rentabilité annuelle démesurée du capital investi ; nous sommes au cœur de l’économie sociale et solidaire ; nous voulons développer cette économie respectueuse de l’homme, de tous les hommes et en particulier des plus démunis ; nous allons nous investir, ensemble avec les mutuelles d’assurance et de santé, pour dynamiser les structures à but non lucratif, les coopératives et les associations employeurs. Ensemble, nous pesons plus de 2 millions d’emplois ; nous visons davantage ».
Dans la tourmente financière, on a, hélas (mais c’est compréhensible), tendance à oublier la multiplicité des interventions des banques coopératives en faveur de l’économie sociale et solidaire, de ses structures. Mais ces interventions sont dispersées, segmentées, trop peu visibles, sous financées. Elles sont organisées par des Fondations : on peut espérer que les dotations 2009 de celles-ci ne subiront pas l’effet de la baisse des résultats financiers. Ce serait un signe fort des banques coopératives si, au contraire, elles augmentaient les moyens financiers d’intervention de leurs Fondations, si elles annonçaient de concert avec les fondations des Mutuelles : « en 2009, nous allons soutenir des projets à hauteur d’un milliard d’euros ». Les interventions prennent la forme d’appels à projets, de prix et de trophées, de subventions, de mécénats, de sponsorings, de soutiens à des projets de recherche.
Mais tout se passe comme si chaque fondation voulait avoir ses propres causes, ses propres oeuvres à soutenir au niveau local, régional, national ou international. Le Crédit Agricole SA et sa Fondation Pays de France investissent la culture (patrimoine et musique) et la solidarité (enfance, solidarité Nord Sud, insertion économique, insertion sociale, aide au logement, soutien des talents des quartiers, aide aux projets des jeunes). La Fondation du Crédit Coopératif soutient les prix et trophées de l’initiative en économie sociale, la promotion et la recherche en économie sociale, l’accès à la citoyenneté des personnes handicapées, l’action culturelle, la solidarité internationale. La Fondation Groupe Banque Populaire « œuvre dans les domaines de la musique, du handicap, du patrimoine de la mer et de l’eau douce ». La Fondation Caisse d’Epargne pour la Solidarité « mène des actions de lutte contre les formes de dépendance et d’isolement liées au grand âge, à la maladie, au handicap ou encore à des situations d’illettrisme » ; originalité de la Fondation CE, elle gère un réseau de 82 établissements et services du secteur sanitaire et social non lucratif. La Fondation du Crédit Mutuel se centre sur la lecture.
Il est sans doute utopique de revendiquer une fusion de toutes les fondations de l’économie sociale et solidaire, fondations des banques coopératives, des mutuelles (Fondation MACIF et MAIF), des grandes entreprises de l’économie sociale (Fondation Groupe Chèque Déjeuner par exemple). La dispersion est cependant préjudiciable aux structures de l’économie sociale, aux associations en particulier qui ne sont pas toujours informées de leur existence et de leurs initiatives et qui n’en peuvent plus de devoir monter et combiner des dossiers de demandes de subventions de quelques milliers d’euros pour un seul et même projet, selon des calendriers différents, face à des exigences non coordonnées. Ces Fondations sont regroupées dans l’ASFONDES], qui joue un rôle de coordination ; il est probable qu’il faille aujourd’hui aller au-delà de ce regroupement.
La fusion n’est peut-être pas possible, du moins dans l’immédiat, mais des initiatives communes doivent être prises. On peut penser à la réalisation d’un bilan d’activité commun des interventions des Fondations au cours des dix dernières, à des appels à projets communs, à l’élargissement des champs d’intervention, à la création d’une Lettre d’information commune et d’un Site Internet partagé, à une campagne de communication commune de même ampleur que celle des Caisses d’Epargne.
Le moment serait particulièrement bien choisi au moment même où les Caisses d’Epargne mettent fin au programme PELS (Projets Locaux de Solidarité). Celui-ci était issu d’une obligation légale, contrepartie du privilège de disposer du produit d’épargne populaire par excellence qu’est le Livret A. Ce privilège prenant fin au 31 Décembre 2008 induit la décision pour la Caisse d’Epargne de mettre sans aucun délai fin à ce programme qui avait pourtant permis d’aider en 8 ans 18.000 projets de solidarité pour un montant de 325 millions d’Euros. La fin de cette obligation aurait mérité un bilan, une réflexion avec les acteurs de la façon dont l’action du Groupe Caisse d’Epargne pouvait continuer à soutenir les acteurs de la solidarité. Les Caisses d’Epargne ont décidé de cesser ce programme et de consacrer des moyens dans trois domaines : la philanthropie, l’inclusion financière, l’innovation sociale ou environnementale dans la gestion de l’activité. La reconversion des PELS aurait pu, aurait dû être une occasion d’organiser la réflexion avec les bénéficiaires des aides, mais aussi avec les responsables de l’Economie sociale. Les responsables des Caisses d’Epargne ont préféré réfléchir entre eux : quelle occasion perdue !
Au cœur de la crise du système capitaliste mondial, la communication doit aussi porter sur les valeurs et plus particulièrement sur la valeur « argent » dans l’économie sociale et solidaire. Il faut casser la mentalité du « gain » facile, appâtée par les rendements mirobolants des produits financiers. L’argent est un moyen et non une fin. Faire de l’argent, toujours plus d’argent pour consommer toujours plus n’est pas le but de la vie. L’argent ne doit pas être le fruit de la spéculation mais celui d’un travail productif, travail salarié ou travail entrepreneurial, argent d’un salaire équitable, épargne de précaution à rendement faible mais garanti, profit pour créer de l’emploi durable et non délocalisable (investissement dans le développement des entreprises, dans la création d’entreprises, dans l’innovation et la recherche, gages des emplois de demain). L’argent doit être remis à sa place. Il permet les échanges, mais d’autres outils permettent d’échanger autrement : c’est l’économie sociale et solidaire qui a lancé le SOL, monnaie non fiduciaire mais outil d’échanges, acquis dans les activités d’entraide et dépensé dans la mise en œuvre d’actions économiques et sociales locales. Et n’oublions pas les finances solidaires : les CIGALES (Clubs d’investisseurs pour une gestion alternative et locale de l’épargne solidaire) ont fêté leurs 25 ans en 2008 ; la NEF, société coopérative de finances solidaires, est un partenaire financier pour une économie plus humaine.
Les banques coopératives se sont trop comportées ces années dernières comme les banques du secteur privé lucratif ; elles ne sont pas épargnées par la crise. Mais, par là, elles ont porté un coup à l’ensemble de l’économie sociale et solidaire, aux coopératives de production et de consommation, aux mutuelles d’assurance et de santé, aux associations marchandes et non marchandes, associations employeurs ou non. Disposant encore de moyens financiers importants, elles doivent donc réagir en urgence, retrouver leurs principes fondateurs et se mettre prioritairement au service du développement de l’économie sociale et solidaire. Elles ont pour cela un outil formidable et à l’image intacte - les Fondations -. Celles-ci doivent être confortées et doivent monter ensemble au créneau et au plus vite, au moins par une campagne de communication de grande ampleur, rendant ainsi plus visible l’économie sociale et solidaire, montrant concrètement que celle-ci peut devenir une véritable alternative au capitalisme.
Pierre Dubois
Professeur des universités retraité
Michel Abhervé
Professeur associé
Université de Paris-Est Marne la Vallée
Licence professionnelle Management des Organisations de l’Economie sociale.
[1] . Le groupe Banques Populaires comprend la CASDEN BP et le Crédit Coopératif.
[2] . Déjà, en novembre 2007, le Groupe Caisse d’Epargne et le Groupe Banques Populaires rachetaient pour 1,5 milliard de dollars la totalité de la filiale américaine CIFG (rehausseur de crédits), filiale de leur filiale commune Natixis. Il s’agissait d’éviter la faillite de CIFG durement touchée par la crise des subprimes.
[3] . L’action du Crédit Agricole SA valait 16 euros au moment de son introduction en bourse en décembre 2001. Elle a atteint un sommet de 32,15 euros en octobre 2006. Elle descend en dessous de 10 euros à partir d’octobre 2008 (8,04 euros le 14 janvier 2009).
L’action de Natixis a été introduite en bourse fin 2006 : 5 milliards d’euros étaient recherchés, en plus du capital apporté par les fondateurs. Le prix maximum d’introduction envisagé était de 23,19 euros ; il s’est fixé en définitive à 19,55 euros. Plus d’un million de français auraient souscrit à l’opération. Le 14 janvier 2009, l’action Natixis était cotée 1,28 euro.
Il est intéressant de citer un extrait de rapport consultable sur le site de la CNCE. « Natixis détient des positions de premier plan dans ses métiers en France, en Europe et dans le monde. Numéro 1 des banques en gestion d’actifs en France, avec 591 milliards d’euros d’actifs gérés, numéro 1 français en épargne salariale, Natixis jouit aussi d’expertises reconnues au plan mondial notamment en matière d’assurance-crédit (numéro 3 mondial), de services financiers (monétique, conservation) et de financements structurés (immobilier, matières premières) ».
[4] . Le 7 décembre 2008, les Banques Populaires et les Caisses d’Epargne indiquent qu’elles « vont réunir dans les prochaines semaines les dirigeants de leurs banques et caisses régionales pour les associer au projet de rapprochement de leurs deux organes centraux. Cette décision a été prise à l’issue d’une réunion, la veille, du comité de projet chargé de piloter le rapprochement ».
[5] . « Au Royaume-Uni, la plus grande faillite bancaire, intervenue lors de la crise ouverte en 2007, Northern Rock, se révèle être une mutuelle qui a abandonné le principe mutualiste pour se transformer en société par actions » Hervé Kempf, essayiste, journaliste au Monde.
[6] . En 2008, pour se renforcer dans les crédits à la consommation, la Banque Fédérale du Crédit Mutuel (BFCM) acquiert l’espagnol Banco Popular, l’allemand Citibank Deutschland, le français Cofidis.
[7] . De tous les sites des banques coopératives, c’est celui du Crédit coopératif qui affiche le plus et le mieux son appartenance à et son implication pour l’économie sociale et solidaire. La carte bancaire Agir propose aux particuliers de soutenir les associations (3 euros versés à l’association de leur choix dès l’attribution de la carte et 0,06 euro à chaque retrait d’argent dans un distributeur automatique).
[8] . Un appel en ce sens a été lancé par les auteurs du Guide de l ’Economie Equitable : « Immédiatement, nous proposons à chacune et chacun des 20 millions de Françaises et des Français sociétaires des Groupes Banques Populaires, Caisses d’Epargne, Crédit Agricole, Crédit Mutuel, des 7,2 millions mutualistes de la Macif et de la Maif, aux élus des collectivités locales (communes, communautés de communes, départements, régions), de demander la convocation en urgence d’assemblées générales ou de réunions exceptionnelles dans toutes leurs instances pour être informés, comprendre, agir et décider face à la crise internationale qui désormais atteint aussi banques et assurances coopératives et mutualistes ».
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Les groupes de grande distribution lancent de nouveaux concepts de magasins de proximité, censés répondre aux nouvelles attentes des consommateurs urbains qui n'ont plus envie de passer des heures dans les hypermarchés le samedi matin. Lire la suite l'article
Auchan a ainsi annoncé lundi la transformation cette année de l'intégralité de son parc de supermarchés Atac en "Simply Market". Une nouvelle enseigne de proximité à mi-chemin "entre l'hypermarché et le hard-discount", destinée à satisfaire des consommateurs qui ont besoin pour faire leurs courses de "convivialité", de "confort" et de "prix bas".
Ses concurrents testent tous de nouveaux concepts de proximité. "Carrefour City", "Carrefour Contact", "Leclerc Express", "Chez Jean" (Casino), "U Express" (Système U) et "Simply Market" ont un format quasi identique: une amplitude horaire large (ouverture de 07H00 à 23H00) et une offre importante en produits alimentaires, dont du prêt à consommer (sandwichs, salades, plats précuits).
"Les gens consomment de plus en plus de l'alimentaire en dehors de chez eux. En outre, les villes se sont redensifiées, or les urbains rechignent à utiliser leur véhicule. Du coup, le commerce de proximité est devenu un besoin nécessaire", explique Philippe Lauthier, directeur des achats et des nouveaux concepts de Monoprix.
Monoprix a été le précurseur, dès 2005, avec ses "Dailymonop'" et ses "Monop'". Le premier, une sandwicherie, chasse sur les terres de la restauration rapide, alors que le second est une sorte de petit Monoprix, avec une part importante de produits frais à consommer sur place ou à emporter. A l'image des épiceries indépendantes de quartier, les Monop' proposent également des produits de dépannage alimentaires et non alimentaires.
La flambée des prix de l'essence, qui a freiné les achats dans les hypermarchés situés en périphérie des grandes villes, a poussé les autres distributeurs à développer des concepts similaires. Carrefour et Casino n'en sont qu'au stade de tests, alors qu'Auchan, Système U et Leclerc sont passés au déploiement.
"L'avenir de la grande distribution est dans la segmentation. Il faut arrêter de traiter tous les consommateurs de la même façon et bien répondre à l'hétérogénéité de la demande par différents concepts. Avec des petits formats c'est plus facile", estime Philippe Moati, directeur de recherche au Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie.
Carrefour teste ainsi en parallèle un magasin de proximité spécialement dédié aux villages et un autre pour les grandes villes.
Car en milieu urbain, la clientèle fréquente les magasins tous les jours, achète peu, choisit des produits dans des conditionnements unitaires et des aliments pré-cuits, des sandwichs. Dans les zones rurales, les achats sont moins fréquents et pour le moment, ce sont les supermarchés (Intermarché, Super U, Leclerc...) qui jouent le rôle de magasins de proximité.
L'hypermarché, temple de la consommation depuis les années 1970, semble donc perdre de son attrait, non seulement à cause du coût du carburant, mais aussi en raison de la réduction de la taille des ménages, qui n'ont plus besoin d'acheter en masse.
"L'affolement autour de la flambée des prix du carburant s'est un petit peu calmé, mais malgré tout, les consommateurs recherchent la proximité, ils souhaitent revenir à des formats moins gigantesques", souligne Thierry Desouches, porte-parole de Système U.
Si les hypermarchés classiques s'étendent sur des surfaces de 5.000 à plus de 10.000 m2, les magasins testés font généralement moins de 1.000 m2.
http://fr.news.yahoo.com/2/20090126/tfr-la-grande-distribution-chasse-sur-le-f56f567.html
Cet article est écrit à la demande de Rue89, et est repris sur leur site.
Rue89 fait état d'une nouvelle forme d'action révolutionnaire baptisée "l'autoréduction" qui se manifeste dans des lieux, disons inattendus, puisque c'est aux heures d'ouverture du Monoprix qu'a désormais lieu le Grand Soir. L'article est ici, et sa lecture est recommandée pour la suite des débats.
La rédaction de Rue89 m'a contacté pour me demander l'avis du juriste sur ces opérations. Le bon sens voudrait qu'elles fussent illégales, mais la police, qui a assisté à ces faits, n'est pas intervenue. Et la rhétorique des personnes concernées utilise des termes comme "réduction", "réquisition", affublés toutefois du préfixe auto-, qui veulent exclure toute illégalité.
Voici une excellente occasion de faire du droit sous a forme la plus pure : l'essence du travail de juriste consiste à qualifier, c'est à dire prendre un fait, une situation, et l'analyser sous l'angle juridique pour trouver la qualification adéquate. Ensuite, il ne reste plus qu'à y appliquer les règles de droit en vigueur. N'oubliez pas : le vide juridique n'existe pas. Le droit est partout. Vous êtes cerné. Toute résistance est inutile.
Ce travail est essentiellement celui du juge, qui dit le droit, mais, en droit pénal, celui qui va retenir notre attention, c'est aussi celui du parquet que de proposer une qualification, et de l'avocat de la réfuter pour en proposer une plus conforme sinon au droit du moins aux intérêts de son client. Au juge de trancher.
Voyons tout d'abord les faits. L'ironie n'est pas nécessaire à l'analyse, c'est juste une coquetterie de l'auteur.
Ainsi donc, nos révolutionnaires des supermarchés ont le mode opératoire suivant : ils se rendent en nombre dans un magasin, remplissent des chariots de produits de première nécessité comme du saumon fumé et du foie gras (il y a certes aussi de l'huile et des pâtes), et, une fois aux caisses, ils refusent de payer, invoquant cet argument définitif (les italiques sont de moi) :
"C'est une autoréquisition qui est juste en ces temps de crise et qui permet aux précaires de fêter aussi le Nouvel An dignement."
Je retiens de prime abord que les Che Guevara de l'épicerie fine reconnaissent implicitement qu'en dehors des temps de crise, leur action est injuste, et constate avec effroi que vu mon menu de Réveillon, je n'ai pas fêté le Nouvel An dignement selon leurs critères.
L'attroupement crée du désordre, bloque les caisses, ce qui entraîne un manque à gagner immédiat (les clients préférant renoncer à leurs courses et aller voir ailleurs si la révolution y est) jusqu'à ce que la direction du magasin cède et les autorise à partir avec ces produits. Comme le disent eux-même les Picaros des pique-assiettes, cités par Rue89 (je graisse) :
"Treize chariots pleins sont sortis du magasin après des négociations tendues avec une direction qui a logiquement choisi de ne pas prolonger le blocage des caisses (perte de chiffre d’affaires) ou prendre le risque d’une intervention policière dans les rayons."
Cette phrase, issue d'un communiqué rédigée par les auteurs de cette action, nous sera précieuse le moment venu.
Chaussons à présent les lunettes du juriste
et tentons de qualifier les faits.
Les violences physiques ayant été évitées (même si, et ça aura son importance, des témoins rapportent que des bousculades ont eu lieu : il y a eu instauration à tout le moins d'un rapport de force), et n'étant en tout état de cause pas l'objet premier de cette opération, si délit il y a eu, c'est donc donc une atteinte aux biens. Mais quelle atteinte ?
Certaines hypothèses sont à écarter.
Selon l'article 311-1 du Code pénal, le vol est la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui. Soustraction : le voleur appréhende la chose d'autrui et se comporte de manière univoque comme le propriétaire, c'est à dire commet un acte que seul le propriétaire pourrait légitimement accomplir. Frauduleuse : le voleur sait que la chose qu'il appréhende n'est pas à lui (peu importe qu'il ne sache pas à qui elle est, du moment qu'il sait qu'elle n'est pas à lui).
Or à l'apparition des grandes surfaces, un défi a été porté aux juristes. Tout au long du XIXe siècle, c'est le modèle traditionnel de la vente qui prévalait. L'acheteur désignait le bien qui l'intéressait, le vendeur la lui remettait contre un paiement du prix. Comme sur les marchés de quartier aujourd'hui encore. Mais selon les règles du Code civil, encore en vigueur à ce jour, et venant directement du droit romain, le transfert de propriété se fait en principe et sauf dérogation contractuellement prévue dès qu'il y a accord sur la chose et sur le prix (article 1583 du Code civil), indépendamment de la remise de la chose.
Avec les grandes surfaces, l'acheteur se saisit lui même de la chose qu'il souhaite acheter, exposée à portée de sa main, et sur laquelle le prix est affiché. Il y a accord sur la chose et sur le prix : il est théoriquement propriétaire de ce qu'il y a dans son chariot. Dès lors, en suivant ce raisonnement juridiquement orthodoxe, s'il franchit les portes sans payer, il ne commet pas de vol car il est propriétaire de ce qu'il emporte ; mais il a simplement une dette envers le magasin. C'est l'argument qui était soulevé par mes confrères de l'époque.
Si cela était arrivé aujourd'hui, les propriétaires de ces magasins auraient crié « vide juridique ! » et obtenu que le parlement vote en catastrophe un texte spécial. Mais nous étions à une autre époque, et le législateur a fait ce qu'il avait de mieux à faire : rien.
Car les juges ont trouvé tout seul la solution, en répondant au droit par le droit.
Ils ont observé comment se déroulait cette nouvelle méthode de vente, à la recherche des indices permettant de comprendre l'opération juridique. Exactement ce que nous sommes en train de faire avec les autoréducteurs.
Ils ont constaté que d'une part, le client pouvait, jusqu'à son passage en caisse, reposer l'objet à sa place (ou, comme c'est à présent la mode, partout sauf à sa place) sans que nul n'y trouve à redire. C'était un premier indice révélant que le transfert de propriété avait été repoussé à plus tard.
D'autre part, l'usage mis en place voulait que lorsqu'un produit fût brisé accidentellement par un client, le magasin ramassât les débris, nettoyât, et sans rien demander au client, le laissât aller chercher un produit identique mais intact. Or si le client était devenu propriétaire, il aurait dû payer le prix de la chose brisée, car le transfert de propriété entraîne transfert du risque de perte de la chose, même par cas fortuit (article 1138 du code civil).
Conclusion juridique du juge observateur (c'est un raisonnement en induction - déduction, pour les étudiants en droit) : tant que le client est dans les rayons du magasin, le transfert de propriété n'a pas encore eu lieu : la détention par lui des produits est précaire. Il peut revenir sur sa volonté d'achat, dis
crétionnairement et ne supporte pas les risques. Il n'est donc pas encore propriétaire.
À partir de quand se comporte-t-il de manière univoque comme le propriétaire ? La réponse est d'une clarté diaphane : lors du passage en caisse. Ce n'est donc qu'à ce moment qu'a lieu le transfert de propriété, par cette manifestation irrévocable d'acquérir la chose.
Et ce n'est donc qu'à partir de ce moment que le comportement du voleur devient lui aussi univoque et constitue l'appropriation frauduleuse : quand il franchit les caisses en dissimulant des biens pour ne pas les payer, ou qu'il franchit les portes du magasin sans passer par les caisses en étant porteur de choses vendues. Il montre ainsi sa volonté de ne pas acquérir ces choses, et se comporte pourtant comme le propriétaire puisque seul le propriétaire peut les emporter hors du magasin.
C'est pourquoi vous ne pouvez être condamné pour vol pour avoir glissé des articles dans vos poches tant que vous êtes dans les rayons. Il est licite de porter ses emplettes dans ses poches. Même si vous êtes repéré, vous ne serez intercepté qu'une fois franchie la ligne de caisse, car il est désormais certain que vous n'avez nullement l'intention de payer.
Pour en revenir à nos bolchéviques du code barre, ils s'arrêtent aux caisses et manifestent bruyamment leur volonté de ne pas payer. MAIS ils ne franchissent pas la ligne de caisse. Comme le relève leur communiqué, c'est après négociation avec la direction et avec son accord qu'ils sont sortis. Il n'y a donc pas eu appréhension mais remise de la chose par la direction du magasin. Or la remise exclut le vol.
« L'autoréduction » est peut-être un néologisme, mais ce n'est pas un vol.
L'escroquerie et l'abus de confiance font partie des infractions d'atteinte aux biens avec remise de la chose par son propriétaire. On se rapproche donc de la solution. Mais sans l'avoir trouvée, comme nous allons voir.
L'escroquerie consiste à provoquer la remise de la chose en trompant son propriétaire par une manœuvre frauduleuse qui doit être un minimum élaborée[1] . La victime remet la chose par erreur, mais une erreur provoquée. Elle ne s'est pas trompée, elle a été trompée.
Ici, nulle manœuvre frauduleuse : les autoréducteurs ont clairement affiché leurs intentions : ils ne veulent ni payer ni rendre, et ne partiront que par la force des baïonnettes ou avec leurs paniers garnis. On dira ce qu'on veut sur le procédé, mais au moins il est franc, ce qui exclut l'escroquerie.
L'abus de confiance consiste, pour celui qui s'est vu remettre une chose en vertu d'un contrat sans en devenir propriétaire, à dissiper la chose, c'est à dire de se mettre dans l'incapacité de la rendre quand le contrat l'exige. C'est celui qui loue une voiture et ne la rend pas, c'est le propriétaire qui dépense le dépôt de garantie de son locataire de sorte qu'il ne peut le lui rendre à la fin de la location, c'est celui qui se paye des courses avec la carte bleue de la boîte dont il est le salarié, c'est le banquier qui détourne l'argent des déposants.
Mais dans un supermarché, il y a transfert de propriété, ce qui exclut l'abus de confiance. Entre le rayon et la caisse, le client est détenteur précaire, et pas dépositaire en vertu d'un contrat, et il n'est pas tenu de représenter la chose (en fait, on l'incite même à ne pas la rendre mais à l'acheter), mais d'en payer le prix. Faute de cette obligation de rendre, l'abus de confiance n'est pas applicable.
Est-ce à dire que nos adeptes de l'autopromotion sont couverts de la plus parfaite légalité ?
Nenni.
L'article 312-1 du code pénal définit l'extorsion comme
le fait d'obtenir par violence, menace de violences ou contrainte soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d'un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d'un bien quelconque.
Il y a là aussi remise volontaire de la chose, mais à la suite d'une forme de violence, physique ou morale. Le racket est de l'extorsion.
Allons, me diront mes lecteurs libertaires : ces sympathiques Robin des bois du rayon frais, de vulgaires racketteurs ?
D'abord, Robin de Locksley, lui, n'a jamais nié qu'il volait aux riches pour donner aux pauvres. Il n'a pas prétendu faire de l'autoredistribution. Voleur, pas faux cul.
Et puis sympathiques, sympathiques, c'est vite dit pour qui sait lire.
Reprenons leur autocommuniqué de presse, que je citais au début (je graisse) :
Treize chariots pleins sont sortis du magasin après des négociations tendues avec une direction qui a logiquement choisi de ne pas prolonger le blocage des caisses (perte de chiffre d’affaires) ou prendre le risque d’une intervention policière dans les rayons.
Les auteurs des faits n'ont guère laissé le choix au directeur du magasin : soit il donnait les denrées, soit son magasin était bloqué indéfiniment avec une perte économique (on était à quelques heures du Réveillon) soit il fallait l'intervention des forces de l'ordre, ce qui entraînait un « risque » pour les « rayons ». On comprend que dans ces conditions, qualifier les « négociations » de « tendues » est un doux euphémisme.
En fait, vous l'aurez compris, de négociations il n'y eut point, c'était : « laisse-nous partir ou on bloque ton magasin, ou appelle la police et on casse tout. » Résumé comme ça, je pense que c'est plus clair. Il me paraît difficile de nier que le directeur n'a remis les biens que sous la contrainte, pour éviter un mal plus grand (une perte financière supérieure à la valeur des biens — 5000 euros d'après les informations de Rue89— ou des dégâts importants dans le magasin : 50 personnes lâchées dans les rayons à jouer à chat perché avec la police). Ce qui constitue l'extorsion.
Selon le Code pénal :
N'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace (article 122-7 du code pénal).
L'état de nécessité consiste donc à commettre un acte illicite pour prévenir un mal plus grand et imminent, que ce soit une autre infraction ou un danger quelconque.
Rappelons l'argumentation des autojusticiers :
"C'est une autoréquisition qui est juste en ces temps de crise et qui permet aux précaires de fêter aussi le Nouvel An dignement."
La jurisprudence est muette sur la question, mais pour fréquenter quelque peu les juges pénaux, je ne pense pas que le danger imminent de passer un Nouvel An de manière non conforme à la tradition gastronomique, ce qui serait une atteinte à la dignité, soit un danger suffisant pour justifier l'extorsion de 13 caddies de victuailles.
J'ajouterai qu'il n'y a jamais d'état de nécessité à s'emparer par la force de produits de luxe comme le saumon fumé ou le foie gras, et ce même un 31 décembre.
L'article relève qu'il y avait aussi des produits de première nécessité (pommes de terre, huile, pâtes). Dont acte. Mais l'état de nécessité suppose que la personne n'ait pu agir autrement que comme elle l'a fait, ou du moins a choisi la solution la moins dommageable pour autrui ou l'ordre public.
Les précaires en question risquaient-ils vraiment de mourir de faim, de manière imminente ? Et nos cinquante autorévolutionnaires n'avaient-ils vraiment pas les moyens, en se cotisant, d'acheter de quoi remplir treize caddies, ou seulement douze, de pâtes, d'huile et de pomme de terre ? Ils étaient 50. Ça fait 100 euros par tête de pipe, et bien moins au Franprix en face (il y a vraiment un Franprix en face du Monoprix en question). Je rappelle à toutes fins que la banque alimentaire collecte chaque année auprès des clients des supermarchés de toute la France, et c'est plus que treize caddies, qu'ils emportent, c'est 11.300 tonnes de nourriture. Et légalement.
Dire qu'aller ainsi se servir dans les magasins est la seule façon de venir en aide à des précaires en danger imminent me paraît quelque peu audacieux
Il me paraît fortement douteux que les personnes réalisant ces actions n'aient absolument pas d'autre moyen de porter secours à des précaires en danger imminent, ce qui seul constituerait l'état de nécessité.
Franchement, elle a bon dos, en l'espèce. Car à commettre une extorsion pour les nourrir, on les rend coupables de recel. Avec des amis pareils, qui a besoin d'ennemis ?
L'extorsion simple est punie de prison pouvant aller jusqu'à 7 ans et de 100.000 euros d'amende au maximum. Chaque personne ayant participé à l'opération en bloquant les caisses ou en participant à la pression mise sur le directeurs se rend coauteur de l'infraction et est punissable.
J'ajoute, car je lis dans l'article de Rue89, que des actions similaires ont eu lieu partout en France, et que le mode opératoire est à chaque fois le même et réglé comme du papier à musique, que constitue une bande organisée au sens de la loi tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou de plusieurs infractions (art. 132-71 du code pénal). Et que l'extorsion en bande organisée, c'est 20 ans et 1.500.000 euros d'amende, avec régime spécial : 96 heures de garde à vue, pas d'avocat avant la 48e heure et la 72e heure.
Je doute que le parquet retienne la qualification criminelle, ne serait-ce que pour éviter les assises, mais juridiquement, elle tient.
Qui a dit que la révolution, même à coup de chariots de supermarché, était sans danger ?
Je profite d'une prépublication de ce billet sur Rue89 pour répondre à certains arguments soulevés par les lecteurs.
► Sophie35 : « Beaucoup d’actions collectives sont à la limite de la légalité, mais c’est parfois le seul moyen de faire progresser les droits sociaux. » Et de citer le droit de grève, et la liberté syndicale.
D'une part, je ne vois pas en quoi piller des supermarchés relève de l'avancée des droits sociaux. D'autre part, les exemples sont mal choisis : le droit de grève est une exception : une grève n'est légale que dans les limites tracées par la loi (mouvement collectif : illicéité de la grève individuelle ; cessation totale du travail : illicéité de la grève perlée ; revendications professionnelles : illicéité de la grève politique), et en dehors de ce cadre peut justifier un licenciement voire une action pénale (le piquet de grève par exemple est une atteinte à la liberté du travail). Les «grèves » des étudiants sont illicites et justifieraient des sanctions disciplinaires ou scolaires pour absentéisme ou perturbation de l'enseignement pour les fameux blocages. L'autoréduction ne s'inscrit dans aucun cadre légal. Quant à la liberté syndicale, qui est une liberté et non un droit, il y a certes eu des actions illégales pour obtenir la reconnaissance de cette liberté, mais ces actions, menées sous des régimes pour la plupart non démocratiques (il n'y a eu que quatre ans de démocratie avant leur légalisation sous le Second Empire), consistaient… à créer des syndicats, pas à aller piller l'épicier du coin.
► Johanjohan : Si on appliquait la qualification d’extorsion que je préconise, avec les peines que je rappelle, on mettrait sur le même plan ces 13 joyeux(sic) chariots de bouffe et des malfaiteurs qui extorquent en menaçant de mort ou de photos compromettantes. Mon approche juridique passerait à côté du sens de l’action (et des moyens : personne n’est menacé dans son intégrité physique). Ce serait un peu comme confondre terrorisme et vandalisme.
En droit pénal, les mobiles sont en principe indifférents (il y a des exceptions : ainsi les violences au mobile raciste sont aggravées de ce fait). Voler aux riches pour donner aux pauvres, ou voler aux pauvres pour garder le butin, ça reste un vol. Ici, une extorsion reste une extorsion. Fut-elle perpétrée dans la joie, ce qui en l'espèce se discute déjà. Le mode opératoire et les mobiles sont pris en compte seulement une fois la culpabilité établie pour fixer la peine. Ainsi, celui qui a mené les négociations tendues sera-t-il plus sévèrement sanctionné que celui qui s'est contenté de bloquer une caisse en criant des slogans, car on distingue le meneur des suiveurs : le premier fait passer à l'acte le second, le second ne passe pas à l'acte sans le premier. C'est là que nos auto-réducteurs seront moins sévèrement traités que les vilains malfaiteurs qu'invoque Johanjohan : les peines les frappant seront plus légères que celles prononcées à l'encontre des mafieux. Notamment, la prison ferme devrait pouvoir être évitée la première fois, tandis que les percepteurs de l'impôt révolutionnaire sont lourdement condamnés dès leur première visite d'un prétoire.
Et j'ajoute que menacer de révéler des photos compromettantes pour se faire remettre une somme ou des biens, ce n'est pas de l'extorsion, c'est du chantage et c'est “seulement” 5 ans de prison (art. 312-10 du code pénal). Vous voyez bien que je ne confonds pas des délits distincts.
[1] Un simple mensonge ne suffit pas : la loi cite comme exemple l'usage d'un faux nom, d'une fausse qualité, ou l'abus d'une qualité vraie : art. 313-1 du code pénal.
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