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13 novembre 2010 6 13 /11 /novembre /2010 15:02

A lire:

LA FAIM ET LES DROITS DE L'HOMME 

Image de Kevin Carter 1993

http://www.paperblog.fr/664616/emeutes-de-la-faim-une-fatalite/



De  JEAN  ZIEGLER    

à l'occasion du Forum : " Quelle agriculture pour quelle alimentation "

  http://eldiablo.over-blog.org/article-17591314.html


I. Toutes les cinq secondes, un enfant de moins de dix ans meurt de faim ou de ses suites immédiates. Plus de 6 millions en 2007. Toutes les quatre minutes, quelqu'un perd la vue à cause du manque de vitamines A. Ce sont 854 millions d'êtres qui sont gravement sous-alimentés, mutilés par la faim en  permanence. [2]

 

Cela se passe sur une planète qui regorge de richesses. La FAO est dirigée par un homme de courage et de grande compétence, Jacques Diouf. Il constate qu'au stade du développement actuel de ses forces de production agricoles, la planète pourrait nourrir sans problème 12 milliards d'êtres humains, soit le double de l'actuelle population mondiale [3].

 

Conclusion : ce massacre quotidien par la faim n'obéit à aucune fatalité. Derrière chaque victime, il y a un assassin. L'actuel ordre du monde n'est pas seulement meurtrier. Il est aussi absurde. Le massacre a bien lieu dans une normalité glacée.

 

L'équation est simple : quiconque a de l'argent mange et vit. Qui n'en a pas souffre, devient invalide ou meurt. Il n'a pas de fatalité. Quiconque meurt de faim est assassiné.

 

II. Le plus grand nombre des personnes sous-alimentées, 515 millions, vivent en Asie où elles représentent 24 % de la population totale. Mais si l'on considère la proportion des victimes, c'est l'Afrique subsaharienne qui paie le plus lourd tribut : 186 millions d'êtres humains y sont en permanence gravement sous-alimentés, soit 34 % de la population totale de la région. La plupart d'entre eux souffrent de ce que la FAO appelle «la faim extrême», leur ration journalière se situant en moyenne à 300 calories au-dessous du régime de la survie dans des conditions supportables.

Un enfant manquant d'aliments adéquats en quantité suffisante, de sa naissance à l'âge de 5 ans, en supportera les séquelles à vie. Au moyen de thérapies délicates pratiquées sous surveillance médicale, on peut faire revenir à une existence normale un adulte qui a été temporairement sous-alimenté. Mais un enfant de moins de 5 ans, c'est impossible. Privées de nourriture, ses cellules cérébrales auront subi des dommages irréparables. Régis Debray nomme ces petits des «crucifiés de naissance»  [4].

La faim et la malnutrition chronique constituent une malédiction héréditaire: chaque année, des centaines de milliers de femmes africaines gravement sous-alimentées mettent au monde des centaines de milliers d'enfants irrémédiablement atteints. Toutes ces mères sous-alimentées et qui, pourtant, donnent la vie rappellent ces femmes damnées de Samuel Beckett, qui «accouchent à cheval sur une tombe ... Le jour brille un instant, puis c'est la nuit à nouveau» [5].
Une dimension de la souffrance humaine est absente de cette description : celle de l'angoisse lancinante et intolérable qui torture tout être affamé dès son réveil. Comment, au cours de la journée qui commence, va-t-il pouvoir assurer la subsistance des siens, s'alimenter lui-même ? Vivre dans cette angoisse est peut-être plus terrible encore qu'endurer les multiples maladies et douleurs physiques affectant ce corps sous-alimenté.

La destruction de millions d'Africains par la faim s'effectue dans une sorte de normalité glacée, tous les jours, et sur une planète débordant de richesses. En Afrique subsaharienne, entre 1998 et 2005, le nombre de personnes gravement et en permanence sous-alimentées a augmenté de 5,6 millions.
III. Jean-Jacques Rousseau écrit : « Entre le faible et le fort, c'est la liberté qui opprime et c'est la loi qui libère ». Afin de réduire les conséquences désastreuses des politiques de libéralisation et de la privatisation à l'extrême pratiquée par les maîtres du monde et par leurs mercenaires (FMI, OMC), l'Assemblée générale des Nations Unies a décidé de  créer et de rendre justiciable un nouveau droit de l'homme : le droit à l'alimentation.

 

Le droit à l'alimentation 

est le droit d'avoir un accès régulier, permanent et libre, soit directement, soit au moyen d'achats monétaires, à une nourriture quantitativement et qualitativement adéquate et suffisante, correspondant aux traditions culturelles du peuple dont est issu le consommateur, et qui assure une vie physique et psychique, individuelle et collective, libre d'angoisse, satisfaisante et digne.

Les droits de l'homme - hélas ! - ne relèvent pas du droit positif. Ce qui signifie qu'il n'existe encore aucun tribunal international qui rendrait justice à l'affamé, défendrait son droit à l'alimentation, sanctionnerait son droit de produire lui-même ses aliments ou de se les procurer au moyen d'achats monétaires, et protégerait son droit à la vie.

IV. Tout va bien aussi longtemps que des gouvernements comme celui du président Luis Inacio Lula da Silva à Brasilia ou du président Evo Morales à La Paz mobilisent par leur propre volonté les ressources de l'État, afin d'assurer à chaque citoyen son droit à l'alimentation. L'Afrique du Sud est un autre exemple. Le droit à l'alimentation est inscrit dans sa Constitution. Celle-ci crée une Commission nationale des droits de l'homme, composée en parité par des membres nommés  par les organisations de la société civile (Églises, syndicats et mouvements sociaux divers) et de membres désignés par le Parlement. Les compétences de la Commission sont étendues. Depuis son entrée en fonction, il y a cinq ans la Commission a déjà arraché des victoires importantes. Elle peut intervenir dans tous les domaines relevant du déni du droit à l'alimentation :
éviction de paysans de leur terre; autorisation donnée par une municipalité à une société privée  pour la gestion de l'approvisionnement de l'eau potable, entraînant des taxes prohibitives pour les habitants les plus pauvres ; détournement par une société privée de l'eau d'irrigation au détriment des cultivateurs; manquement au contrôle de la qualité de l'alimentation vendue dans les bidonvilles; etc.

Mais combien existe-t-il de gouvernements, notamment dans le tiers-monde, dont la préoccupation quotidienne prioritaire est le respect du droit à l'alimentation de leurs citoyens ? Or, dans les 122 pays dits du tiers-monde vivent aujourd'hui 4,8 milliards des 6,2 milliards d'homme que nous sommes sur terre.

 

V. Les nouveaux maîtres du monde ont horreur des droits de l'homme

Ils les craignent comme le diable l'eau bénite. Car il est évident qu'une politique économique, sociale, financière réalisant à la lettre tous les droits de l'homme briserait net l'ordre absurde et meurtrier du monde actuel et produirait nécessairement une distribution plus équitable des biens, satisferait aux besoins vitaux des gens et les protégerait contre la faim et une bonne part de leurs angoisses.

Dans leur achèvement, les droits de l'homme incarnent donc un monde totalement autre, solidaire, libéré du mépris, plus favorable au bonheur.

Les droits de l'homme - politiques et civils, économiques, sociaux et culturels, individuels et collectifs [6] - sont universels, interdépendants et indivisibles. Ils sont aujourd'hui l'horizon de notre combat.

Jean Ziegler
 

  [1] Jean Ziegler est Rapporteur spécial du Conseil des droits de l'homme des  Nations Unies sur le droit à l'alimentation ; il vient de publier L'Empire  de la honte (2007) en livre de poche.

[2] FAO, L'état de l'insécurité alimentaire dans le monde, Rome, 2006.
[3] Nourrir normalement veut dire procurer à chaque individu adulte, chaque  jour, 2 700 calories.
[4] Régis Debray et Jean Ziegler, Il s'agit de ne pas se rendre, Paris,  Arléa, 1994.
[5] Samuel Becket, En attendant Godot, Paris, Editions de Minuit, 1953.

[6] Un droit de l'homme collectif est par exemple le droit à  l'autodétermination ou le droit au développement

 

http://r-sistons.over-blog.com/article-17640026.html

 

 


http://jlhuss.blog.lemonde.fr/2008/04/18/la-honte/

 

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Emeutes de la faim - une fatalité ?

Publié le 29 avril 2008 par Claire Et Greg

Alors que nous sommes en pleine crise de la faim, les pays riches donnent “généreusement” quelques centaines de millions de dollars (à comparer aux 1200 milliards de dollars de budget militaire mondial) tout en continuant à piller les ressources et à détruire les outils de production agricole des pays pauvres. Nous vous proposons sur ce sujet, quelques pensées de Jean Ziegler, l’actuel rapporteur général sur le droit à l’alimentation auprès des Nations Unies.

 

Toutes les cinq secondes, un enfant de moins de dix ans meurt de faim ou de ses suites immédiates. Plus de 6 millions en 2007. Toutes les quatre minutes, quelqu’un perd la vue à cause du manque de vitamines A. Ce sont 854 millions d’êtres qui sont gravement sous-alimentés, mutilés par la faim en permanence.

Cela se passe sur une planète qui regorge de richesses. La FAO est dirigée par un homme de courage et de grande compétence, Jacques Diouf. Il constate qu’au stade du développement actuel de ses forces de production agricoles, la planète pourrait nourrir sans problème 12 milliards d’êtres humains, soit le double de l’actuelle population mondiale.

Conclusion : ce massacre quotidien par la faim n’obéit à aucune fatalité. Derrière chaque victime, il y a un assassin. L’actuel ordre du monde n’est pas seulement meurtrier. Il est aussi absurde. Le massacre a bien lieu dans une normalité glacée.

L’équation est simple : quiconque a de l’argent mange et vit. Qui n’en a pas souffre, devient invalide ou meurt. Il n’y a pas de fatalité. Quiconque meurt de faim est assassiné.

 

Image de Kevin Carter 1993

 

Le constat de Jean Ziegler est clair, nous avons la capacité de nourrir la planète. Seulement, il semblerait que “Le marché” en ait décidé autrement. On aura vu que ce marché est incapable d’assurer la sécurité alimentaire mondiale.

 

  • Ce n’est pas en oppressant les pays pauvres par leur dette que nous les aiderons à sortir de la crise1;
  • Ce n’est pas en spéculant sur les productions agricoles qu’on améliorera la gestion des ressources en quantité et à des prix accessibles aux plus démunis.
  • Ce n’est pas en promettant des OGM dont les résultats sont plus que douteux que la planète sera nourrie ;
  • Ce n’est pas en consacrant de plus en plus de surface cultivable aux agrocarburants dont le bilan énergétique est très controversé qu’on parviendra à endiguer la faim dans le monde ;
  • Ce n’est pas en exportant nos produits excessivement subventionnés2 qu’on aidera les pays pauvres - à qui on a demandé de supprimer toutes leurs barrières douanières - à développer leur propre production ;
  • Ce n’est pas en continuant à consommer à outrance tel qu’on le fait qu’on parviendra à limiter le réchauffement climatique dont les conséquences sont plus dramatiques encore pour l’agriculture des pays de l’hémisphère sud3.

Mais bien sûr, on pourrait avoir une vision très simpliste, très coloniale en disant que …

[…] Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles.

Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès.

Dans cet univers où la nature commande tout, l’homme échappe à l’angoisse de l’histoire qui tenaille l’homme moderne mais l’homme reste immobile au milieu d’un ordre immuable où tout semble être écrit d’avance.

Jamais l’homme ne s’élance vers l’avenir. Jamais il ne lui vient à l’idée de sortir de la répétition pour s’inventer un destin.

Le problème de l’Afrique et permettez à un ami de l’Afrique de le dire, il est là. Le défi de l’Afrique, c’est d’entrer davantage dans l’histoire. C’est de puiser en elle l’énergie, la force, l’envie, la volonté d’écouter et d’épouser sa propre histoire. […]

(discours de Nicolas Sarkozy à l’Université de Dakar, 26 juillet 2007)

Sic et re Sic !

A propos de la photo

 

Il s’agit d’une photo de Kevin Carter, un photographe sud-africain de 33 ans. Cette photo fort controversée a été fprise en 1993 et lui a valu le prix Pulitzer en 1994. Nous avons découvert cette terrifiante photo dans le Monde 2 de ce week-end. Le magazine nous apprend que l’auteur de cette photo, accablé par la vision qu’il a eu de la misère, de la famine, de massacre… c’est suicidé après avoir reçu son prix. Concernant le contenu de la photo, il s’agit d’une petite fille qui se traine péniblement vers un centre d’alimentation, à proximité du village d’Ayod. Le monde 2 explique qu’après avoir pris cette photo, Kévin Carter chasse le charognard et s’éloigne, avant de s’écrouler en larmes. L’image a été publiée pour la première fois le 26 mars 1993 dans le New York Times.

 

Pour en savoir plus

 

 

 

 

 

  1. L’essentiel des dettes sont détenues par les créancier du Club de Paris. Si vous voulez comprendre les mécanismes emprisonnant de la dette du tiers-monde, on vous conseille d’aller sur le site du CADTM (Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde. []
  2. ”[…] chaque année, les subventions des pays du Nord à leur agriculture s’élèvent à 350 milliards de dollars […]” (J.P. Besset, Comment ne plus être progressiste sans devenir réactionnaire, Ed. Fayard, 2005 []
  3. Le 4ème rapport du GIEC précise que le réchauffement climatique aura un impact sur l’agriculture et que la sécurité alimentaire sera sérieusement compromise, avec 80 à 200 millions de personnes supplémentaires confrontées à la famine d’ici 2080. Les récoltes pourraient diminuer dans certains pays africains de 50% en 2020 et même de 90% en 2100. Or, l’agriculture représente jusqu’à 70% du produit intérieur brut pour certaines nations, sans compter les revenus d’appoint pour de nombreuses familles. Les populations pauvres, même dans des sociétés prospères, sont les plus vulnérables au changement climatique, ont souligné les experts []

Tags: , Dette, , Sécurité alimentaire, , Ziegler

 

http://www.paperblog.fr/664616/emeutes-de-la-faim-une-fatalite/

 

 

 

 

Jean Ziegler : « Protéger ceux qui fuient la faim », par Alberto d’Argenzio.
Jean ZIEGLER

 

 

 

 

 

 

 

Il manifesto, Bruxelles, 16 octobre 2007.

 

Donner un statut de protection internationale à ceux qui fuient à cause de la famine, de la faim. En des temps de lutte dure contre l’immigration illégale, c’est une proposition qui aurait un air de provocation, si elle n’était pas faite par Jean Ziegler : sociologue et économiste suisse, chargé par l’Onu d’écrire le rapport sur le Droit à l’alimentation. En 2000, il a écrit La faim dans le monde expliquée à mon fils (en France, Seuil, ndt), et plus récemment il a repris le même thème dans L’empire de la honte, (en France chez Fayard). Hier (15 octobre) il était au Parlement européen de Bruxelles pour lancer la campagne internationale de la Fian, Face it act now, pour le « Droit humain à l’alimentation ».

 

 

Comment avez-vous développé l’idée d’un nouveau régime de protection pour ceux qui fuient la faim ?

Chaque jour une tragédie incroyable a lieu : des milliers de personnes cherchent à rejoindre l’Europe depuis les côtes de la Mauritanie et du Sénégal, de la Libye et de la Tunisie. Un exode continu qui produit des morts à un rythme, dit-on, de 1.000 par mois et dont les protagonistes sont des réfugiés du fait de la faim. Tous les trois mois le Pam, Programme alimentaire mondial de l’Onu, trace la carte des zones de la planète où il est impossible de survivre, d’où l’on peut donc facilement déterminer qui fuit pour de simples raisons de survie de ceux qui, bien qu’avec leur propre drame aussi, émigrent pour améliorer leur condition économique. L’Europe réagit à cet exode par une stratégie militaire avec Frontex (l’Agence pour le contrôle des frontières externes de l’Ue, NDR), avec des navires de guerre, des avions, des hélicoptères, même si c’est cette même Europe qui, avec son dumping agricole, est largement responsable de la faim qui tenaille l’Afrique. L’Ue paye des centaines de milliards de dollars en subventions à l’exportation et à la production de ses propres produits agricoles et, de ce fait, on peut trouver aujourd’hui dans les marchés des capitales africaines des fruits et des légumes européens vendus à moitié de leur prix de production. On tue de cette façon l’agriculture africaine et on condamne des milliers de gens à la faim. La situation est catastrophique et c’est pour ça que je propose de créer un statut de protection particulière pour eux.

 

De quoi s’agit-il concrètement ?

La seule convention qui existe sur les réfugiés est celle de Genève en 1951, qui limite le droit d’asile aux réfugiés persécutés pour des raisons raciales, politiques ou religieuses, et ici ce n’est pas le cas. Il faut créer un nouvel instrument de droit international, un droit de non expulsion provisoire pour ceux qui fuient la famine, comme celui qui a été créé pour ceux qui fuyaient la guerre du Kosovo. En attendant que la famine cesse. Nous sommes en pleine négociation à l’Onu, mais je crois que nous y arriverons parce que la pression de l’opinion publique est terrible et favorable.

 

Quelles sont les échéances pour le vote ?

L’Assemblée générale la votera quand ma recommandation sera transformée en résolution, mais on ne connaît pas encore exactement la période. Il faut comprendre que je ne parle que des réfugiés de la faim, d’un pourcentage partiel de ces deux millions de personnes par an qui essaient d’entrer dans l’Union européenne.

 

D’ici décembre l’Union européenne et les pays Acp, Afrique, Caraïbes et Pacifique, devraient conclure des accords de partenariat économique Epa. Quelle appréciation en faites-vous ?

C’est une vaste plaisanterie. L’OMC dit à l’Europe que l’accord de Cotonou signé en 2000 entre l’Union européenne et les Acp (Afrique, Caraïbes et Pacifique n.d.l.r) ne fonctionne plus parce qu’il est asymétrique et qu’il faut maintenant en faire un autre en syntonie avec les règles de cette même OMC, c’est-à-dire libéralisation totale, c’est-à-dire fin des taxations douanières, c’est-à-dire ouverture totale des marchés africains aux produits agricoles européens super subventionnés. Pour l’Italie et l’Allemagne, les taxes douanières ne représentent rien, mais pour les Etats africains ce sont les seules entrées fiscales.

 

La Commission dit que les Epa serviront à créer un marché sud-sud qui n’existe pas pour le moment, et que les entrées fiscales (douanières) seront compensées par des fonds d’aide.

C’est hypocrite, il n’existe pas de marché sud-sud, tout simplement parce qu’il n’existe pas d’infrastructures pour le réaliser. Et la chose la plus terrible est que les multinationales ont fait des pressions pour insérer les Epa (Accords de Partenariat Economique n.d.l.r.) même dans les investissements. Leur objectif est de n’être plus taxées de façon différente, de ne plus être obligées de donner du travail aux gens du lieu, et de cette manière une industrie locale ne sera jamais créée. Il ne faut pas oublier qu’il y a une pression folle pour conclure les Epa d’ici décembre, et pour le faire l’Ue négocie avec les Acp par le chantage. Parmi les pays Acp figurent 39 des 42 pays les plus pauvres du monde, l’Ue fait avec eux un raisonnement très simple : si vous ne signez pas nous vous supprimons notre coopération technique. C’est une opération d’une arrogance incroyable, de cynisme néocolonial. Mais c’est l’OMC qui la demande, disent les européens. En Inde on ne meurt pas de faim et il y a là la moitié des sous-alimentés de la planète, 380 millions, selon la Fao. Et bien, après l’indépendance, l’Inde a créé un système de distribution publique, de cartes, subventionné par l’Etat ; l’Omc a demandé la suppression de ce système un nombre infini de fois, mais l’Inde a toujours refusé. L’Europe n’a pas ce courage, bien qu’étant la première puissance économique de la planète.

 

Un autre sujet assez à la mode et très étroitement lié à l’alimentation est celui des biocarburants. Vous le critiquez ouvertement.

Je demande un moratoire de 5 ans. C’est vrai que la détérioration du climat est terrible, mais transformer 26 millions d’hectares destinés à l’alimentation en terres destinées aux biocombustibles est absolument catastrophique. En six mois le prix du maïs a augmenté au Mexique de 300%, et pour 85% des Mexicains le maïs est la base de l’alimentation. Sur 53 pays africains, 38 doivent acheter sur le marché mondial leurs aliments de subsistance, et le prix du blé a doublé en une année. Et puis la pression monte pour la terre. Les multinationales savent qu’ils feront des bénéfices fous avec le bioéthanol et du coup expulsent la population pour s’assurer de grandes portions de terres cultivables. L’Ue veut qu’en 2020, 10% de son essence soit remplacée par des biocombustibles, ce qui voudrait dire que plus de 70% des terres cultivables européennes devraient changer de culture. Ce qui n’arrivera pas ; nous devrons importer, ce qui veut dire qu’en Afrique et en Amérique Latine on réduit les terres qui apportent leur subsistance à la population pour produire le biocarburant dont nous, nous avons besoin. Avec les biocombustibles il faut être très prudents : d’un côté ils contribuent à la lutte contre le changement climatique, mais de l’autre ils risquent d’affamer encore plus les populations les plus pauvres de la planète.

Alberto d’Argenzio

 

- Source : il manifesto www.ilmanifesto.it

- Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

 

Les APE et l’introduction des OGM dans notre politique agricole représentent un suicide économique pour le Mali, comme pour d’autres pays pauvres, par Mariétou Konate.

 

Plus de 860 millions de personnes souffrent de faim. 30 millions de personnes en meurent - Nieleny 2007.

Forum Souveraineté Alimentaire - Délaration de Nyéléni : Pourquoi nous battons-nous ?

 

 

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http://www.legrandsoir.info/Jean-Ziegler-Proteger-ceux-qui-fuient-la-faim-par-Alberto-d.html
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13 novembre 2010 6 13 /11 /novembre /2010 06:09

 

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http://sathyadas2.blogspot.com/
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13 novembre 2010 6 13 /11 /novembre /2010 06:05

 

 

http://www.egaliteetreconciliation.fr/Poutine-brise-l-oligarchie-4616.html

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13 novembre 2010 6 13 /11 /novembre /2010 05:51

Dans les conclusions de la réunion du 29 octobre du Conseil européen – constitué des chefs d’Etat et de gouvernement, du président du Conseil européen et du président de la Commission européenne – il est précisé à propos du contenu d’une telle modification qu’il s’agit de « renforcer la surveillance de la politique économique (des Etats membres) » et « d’instaurer un mécanisme permanent destiné à sauvegarder la stabilité du marché financier dans toute la zone euro ». Même la proposition de la chancelière allemande Merkel et du président français Sarkozy qui prévoit de priver, pendant une période assez longue, les pays qui ne respectent pas dans leur budget les critères de déficit* du droit de vote dans tous les organismes européens en ce qui concerne les questions de l’Union monétaire figure – en dépit des protestations des autres gouvernements exprimées avant la réunion et de nombreux articles de presse parus après la réunion – dans le document final du Conseil au titre de « mandat écrit » adressé au président du Conseil.


En décembre 2010, lors d’une nouvelle réunion, le Conseil européen prendra les décisions définitives.

 

Modification effectuée dans le dos des peuples

 

Alors que la majorité des articles de presse se concentrent sur la question de savoir qui a imposé sa volonté à Bruxelles et ont recours à toutes sortes de clichés, on n’évoque pas le problème constitutionnel et le caractère explosif des décisions qui sont sur le point d’être prises. La question ne sera pas débattue largement car le président du Conseil van Rompuy a annoncé qu’on adopterait «une procédure simplifiée de modification du Traité qui ne nécessite pas de référendums» ! (Deutschland­funk, 29 octobre)

Les modifications prévues doivent être effectuées relativement vite afin qu’elles puissent être ratifiées «au plus tard au milieu de 2013» sans consultation des citoyens à l’expiration du soutien accordé à la Grèce et des mesures de sauvegarde de l’euro. (Conclusions du Conseil européen du 29 octobre).

La «procédure de modification simplifiée» est réglementée à l’article 48-6 du Traité de Lisbonne, une nouveauté dont on a trop peu débattu compte tenu de son caractère explosif. Karl Albrecht Schachtschneider, dans sa plainte contre le Traité de Lisbonne, avait mis le doigt sur ce point névralgique. L’article 48-6 permet des modifications hors procédure habituelle, c’est-à-dire sans référendums, lesquels sont obligatoires – par exemple en Irlande lors de chaque modification – et demandés dans tous les pays membres.

 

Encore davantage de mise au pas et de centralisation

 

Les modifications prévues du Traité ne sont pourtant pas un détail mais une nouvelle étape vers un Etat fédéral donc une transgression des conditions mises par l’Allemagne à son adhésion à l’UE. Dans un commentaire paru le 30 octobre dernier dans la «Neue Zürcher Zeitung», on peut lire: « Le communiqué du Conseil européen […] nous montre que la politique de l’UE vise à l’harmonisation [on pourrait dire également: mise au pas] et à la centralisation. » Et plus encore: le projet de priver du droit de vote est inconnu dans les Etats fédéraux : il rappelle les méthodes utilisées en dictature.

La «surveillance de la politique écono­mique» ne signifierait pas seulement un contrôle des budgets nationaux et par conséquent une ingérence dans les droits prioritaires, historiquement et philosophiquement fondés, du peuple souverain ou de ses représentants dans les parlements. Elle prive les pays encore davantage que jusqu’ici du droit de gérer souverainement leur économie.

Finalement, dans une interview accordée le 29 octobre au «Deutschlandfunk», le président du groupe parlementaire de la CDU-CSU a expliqué ce que le Conseil veut dire lorsqu’il parle d’un «mécanisme permanent de sauvegarde du marché financier dans toute la zone euro». On envisage de modifier l’article 122 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Celui-ci prévoyait jusqu’ici une «aide» financière des Etats membres de l’UE uniquement en cas de catastrophe naturelle et d’autres événements exceptionnels. Il s’agirait maintenant de permettre un transfert financier comme dans le cas de la Grèce et de la sauvegarde de l’euro.

C’est là reconnaître que ce que les gouvernements européens ont fait au printemps dernier à ce sujet n’avait pas de base légale.

 

Quel avenir pour l’UE?

 

La voie suivie jusqu’ici mène à une impasse celle de la mise au pas et de la centralisation. La poursuivre constituerait une atteinte à la liberté, au droit et à la démocratie. On peut s’attendre à ce qu’elle n’apporte pas de solution aux problèmes de l’Europe et des Etats européens. La tentative d’éviter les questions fondamentales de l‘UE est vouée à l’échec. Aucune propagande, aussi habile soit-elle, ne pourra empêcher cela, car, finalement toute politique se heurte aux réalités.

Parmi ces réalités, il y a le fait que le modèle néolibéral, qui est à la base des traités de l’UE, a échoué. L’économisme s’est avéré être une mauvaise théorie, une idéologie propagée dans l’intérêt d’une oligarchie. Il ne tient pas compte des hommes, de leur dignité, et de leurs aspirations à la liberté, à l’égalité et à la justice. Parmi ces réalités, il y a également le fait que la classe politique de l’UE et des Etats membres perd de plus en plus de sa crédibilité. Un nombre grandissant de personnes reconnaissent que leurs sociétés sont entraînées dans une mauvaise direction. Parmi ces réalités, il y a encore le fait que les citoyens cherchent partout en Europe à déterminer eux-mêmes leur destin politique.

 

Une autre voie fondée sur la volonté citoyenne

 

Y a-t-il une solution? Sans doute uniquement si l’on part d’une volonté sérieuse des citoyens. Il s’agirait notamment de développer une autre Europe fondée sur le droit et l’éthique. Il existe des repères dans l’Histoire, par exemple l’idée d’une «Europe des patries» (Charles de Gaulle) – sans hypertrophie bureaucratique liberticide. Une Europe où les Etats et les peuples puissent décider de nouveau librement quels traités ils veulent conclure. L’UE actuelle est un produit de l’après-guerre. A l’époque, Les Etats-Unis, puissance victorieuse, ont voulu que les peuples de l’Europe se plient à la volonté de Washington et de New York et à cette fin, il fallait les mettre sous tutelle.

Les changements qui se produisent dans le monde ouvrent de nouvelles voies. Ce serait une aubaine pour l’Europe que de devenir indépendante. Elle le doit si elle veut survivre.

 

Karl Müller, pour Horizons et Débats


* Le déficit annuel ne doit pas dépasser 3% du PIB et la totalité de la dette publique ne doit pas excéder 60% du PIB, conditions que presque aucun Etat de la zone euro ne remplit.

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http://www.mecanopolis.org/?p=20483


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13 novembre 2010 6 13 /11 /novembre /2010 05:47
La tragédie des Chrétiens d'Orient : La responsabilité de l’Occident

par Pr Chems Eddine Chitour

«Nous croyons en Dieu, à ce qui nous a été révélé, à ce qui a été révélé à Abraham, à Ismaël, à Isaac, à Jacob et aux tribus, à ce qui a été à Moïse et à Jésus, à ce qui a été donné aux prophètes de la peur de leur Seigneur. Nous n’avons de préférence pour aucun d’entre eux. Nous sommes soumis à Dieu».

Le Coran (Sourate II, la Vache; verset 136)

Le 31 octobre, l’église de Bagdad était attaquée en pleine messe. L’assaut de la police pour libérer les otages s’est soldée par un bain de sang ; il y eut une cinquantaine de morts, en grande majorité des Irakiens de confession chrétienne. Un autre attentat aurait fait six morts le 9 novembre  à Bagdad . Trente-cinq Irakiens blessés dans l’attaque de la cathédrale syriaque catholique de Bagdad, menée le 31 octobre, sont arrivés par avion, lundi dernier à Paris pour y être soignés dans le cadre d’un rapatriement sanitaire organisé par la France. Alors que Paris a été vivement critiqué cet été pour les expulsions de Roms, M.Besson a estimé qu’ « il faut assumer les deux facettes : fermeté contre l’immigration irrégulière (...) et en même temps générosité, asile, c’est un tout ».

Cette « sollicitude » envers les Chrétiens, Arabes avant tout, est suspecte. Elle plonge ses racines dans la politique de l’Occident qui n’a eu de cesse de déstabiliser l’Empire ottoman. On sait que les rapports entre Islam et Christianisme ont été marqués en 1400 ans de coexistence par des liens complexes et des échanges souvent très riches. L’Empire ottoman a toujours été multiconfessionnel et la capitale Istanbul, pour ne citer qu’elle, a toujours vu, depuis sa conquête, coexister églises et mosquées. Les « gens du Livre » vivaient dans une paix relative en terre d’Islam. On ne peut que saluer la réaction des Egyptiens qui dénoncent ceux qui menacent les Coptes. « Les appels dénonçant les menaces d’Al Qaîda contre la communauté chrétienne copte se sont multipliés depuis deux jours en Egypte. La prestigieuse institution sunnite d’Al Azhar, proche du gouvernement, comme les Frères musulmans, première force d’opposition du pays, a dénoncé les menaces venues d’Irak. » (1)

« Le grand imam d’Al Azhar, a déclaré via son porte-parole que « l’Islam garantit la liberté de culte et interdit les agressions contre les églises ». Il a condamné « avec force ». les menaces proférées par une branche irakienne d’Al Qaîda, (...) « Les Frères musulmans avertissent tout le monde -et en premier lieu les musulmans - que la protection des lieux de culte de tous les enfants des religions monothéistes est la mission de la majorité musulmane », a affirmé sur son site Internet la confrérie, interdite mais tolérée dans les faits. (...) Dans la presse également, les prises de position en ce sens se sont multipliées, (...) « Les dernières menaces d’Al Qaîda visant les Coptes d’Egypte sont en fait une menace contre tous les Egyptiens » et « un prétexte pour détruire notre unité nationale », estime l’éditorialiste Emad Erian Al-Ahram.(1)

 

Compassion sélective

Devant le traitement médiatique exceptionnel de ces massacres inexcusables comme les milliers d’autres, deux jours après il y eut plus de deux cents morts sunnites et chiites dans la même ville et là, silence radio, aucune protestation, aucune compassion encore, moins de propositions de soigner les blessés en ces terres occidentales responsables de tous les malheurs du monde. Pour rappel, l’horreur est devenue quotidienne dans plusieurs pays musulmans que l’Occident veut démocratiser. Dans une des dernières contributions, nous écrivions :

« Irak ! Afghanistan ! Pakistan ! Ghaza ! Nous commençons à nous habituer à l’horreur des bilans macabres de dizaines de personnes journellement fauchées avec tout au plus une attention de quelques secondes. Sans tomber dans la concurrence victimaire, qu’on le veuille ou non, c’est la même humanité en Irak, en France, aux Etats-Unis ! En octobre 2006, la revue médicale The Lancet estimait le nombre de décès irakiens imputables à la guerre à 655.000. Pour la seule deuxième guerre du Golfe, l’Institut Opinion Research Business a estimé à plus de 1.000.000 le nombre de victimes irakiennes entre mars 2003 et août 2007. La guerre a provoqué l’exode d’au moins deux millions d’Irakiens. Ceci sans parler des dégâts occasionnés par le programme « pétrole contre nourriture » : plus de 500.000 enfants seraient morts de maladie et de malnutrition. »(2)

Hosham Dawod anthropologue au CNRS attire justement l’attention sur cette différence de traitement qui peut porter préjudice aux Irakiens chrétiens vus comme une cinquième colonne de l’Occident chrétien :

« (...) Force est de constater, écrit-il, que le dernier attentat meurtrier, revendiqué par Al Qaîda contre l’Eglise syriaque et chaldéenne de Baghdad, a provoqué légitimement un élan d’émotion à travers le monde, qui était plus fort encore en Irak. La question des minorités n’a jamais été simple, que ce soit en Orient ou en Occident, en terre d’Islam ou du christianisme, et moins encore en terre bouddhiste ou confucianiste. Les spécialistes savent que la plupart des Etats moyen-orientaux différencient leurs groupes ethniques par la religion et par la confession, ce qui les conduit logiquement à identifier toujours une population majoritaire (musulmane sunnite ou chiite, chrétienne, juive) et des minorités religieuses. (...) » (3)

« L’identité communautaire, parfois aidée par des soutiens extérieurs, s’est transformée en posture politico-culturelle, et plus seulement aux yeux des acteurs, mais aussi au regard des autorités politico-religieuses locales. Ce procès alimente la construction, à la hâte, d’une mémoire collective chez les populations majoritaires, cimentée par un imaginaire qui voudrait par exemple que des chrétiens vivant sur un territoire depuis des milliers d’années soient associés à une excroissance occidentale en Orient, et non pas parmi les véritables nations de l’Orient. Hélas, l’attitude de certains gouvernements occidentaux prête main forte à ce type de raccourci. Que l’on soit bien entendu : il faut aider les victimes d’attentats en Irak comme ailleurs, mais qu’elles soient chrétiennes ou musulmanes, kurdes ou arabes, mandéennes, Yazidis ou shabaks. Il peut paraître incompréhensible pour les Irakiens que, à l’heure des deuils et des enterrements, la France trie dans les victimes. (...) Désormais, il est à craindre que la minorité chrétienne soit une cible non seulement du fait de sa différence religieuse, mais aussi de son « assimilation » à l’Occident. » (4)

Qu’en est-il justement de ces Chrétiens d’Orient qui intéressent l’Occident ? L’historien Henri Laurens démontre qu’en Orient a eu lieu, notamment avec l’émergence du mouvement Jeune-Turc en 1908, un mouvement d’attraction vers la culture de l’Occident, en particulier vers la culture politique et administrative française. Mais les prétentions et rivalités franco-britanniques, puis les ambitions russes, allemandes et italiennes, engendreront des résistances, portées tant par le nationalisme arabe que par l’islamisme, lequel revendique aussi parfois son arabité.(4) Après avoir étudié les fondements du pouvoir ottoman, l’auteur aborde la période des Tanzimat (réformes) qui voit la naissance des idéologies modernes dans l’empire, la naissance de l’islamisme et celle du nationalisme. Les termes « islamisme » et « arabisme » sont d’usage relativement récents, le premier renvoyant à un usage politique de la religion, le second, dérivé de « panarabisme », correspondant à la volonté de rassemblement de tous les Arabes dans une même unité politique à partir d’une certaine vision de l’arabité. Cette dernière pourrait être définie par une communauté de langue, de culture et d’organisation sociale issue de la civilisation des premiers Arabes. La cohésion du groupe -la ’asabiyya d’Ibn Khaldoun -est une exigence de survie dans le milieu particulier qu’est le désert. L’organisation de base est la tribu, qui se reconnaît un ancêtre commun. Selon la logique ancienne, ce n’est pas la langue, mais l’origine, le nasab (généalogie -réelle ou fictive), qui fait l’arabité. (5)

L’historien fait remonter les interactions Orient-Occident principalement, à la prise de Constantinople en 1453. L’Empire ottoman n’est pas un empire turc. Il est composé avant tout de musulmans, et la base de la société est tribale et clanique. (...) Dans les provinces ottomanes, le système mamelouk se perpétue, le recrutement en restant servile jusqu’au XIXe siècle. Les kul sont des askers (soldats), dispensés de l’impôt, par opposition aux re’aya (sujets), composant la grande majorité de la population, astreinte à l’impôt et régie par la loi islamique et le qanun. Les non-musulmans ont, en général, le statut de protégé, dhimmi, à l’exception des chiites. Pour les désigner, on utilise les termes de taïfa (groupement humain) ou de Djemaât (communauté). C’est à la suite de la prise de Constantinople en 1453, lorsqu’avec Mehmet le conquérant, les Ottomans se constituent en empire que les communautés revendiquent une organisation formelle. Une particularité est à souligner : dès le XVIIe siècle, la monarchie française, alliée de l’Empire ottoman, a reçu le privilège de protéger l’ensemble des catholiques de l’empire, exerçant ce que l’on appellera le « protectorat religieux de la France » (6)

« Cela concerne aussi les Églises uniates et l’Église maronite. Un pacte de protection, la dhimma, relie les non-musulmans (chrétiens, juifs, toutes religions sauf le chiisme) au sultan. » Les malheurs de l’empire débutent avec l’expédition d’Egypte en 1798 « A partir de 1840, l’offensive commerciale européenne est complétée par une grande offensive missionnaire, marquée par la concurrence des différents pays occidentaux.(...) La Russie revendique un droit de protection des Grecs orthodoxes. Les communautés non musulmanes - appelées millet, ont une démographie qui croît plus vite que celle des musulmans. Leur niveau culturel, avec les missions, s’accroît. Le poids des hommes d’affaires est croissant. Au Mont-Liban, les tensions entre Druzes et Maronites sont instrumentalisées par les Anglais et les Français, en lutte d’influence dans la région. La création de l’Alliance juive universelle en 1860 par des personnalités françaises, place l’influence de la France sur les Juifs d’Orient au premier plan. » (7)

La tension entre puissances chrétiennes connaît son apogée autour des Lieux Saints de Jérusalem, la Russie se heurtant à la France et à la Grande-Bretagne sur la question de leur administration. L’empire se voit reconnaître une pleine égalité juridique avec les autres États européens lors du Traité de Paris en 1856. La contrepartie de cette égalité est le renforcement de l’émancipation des non-musulmans, qui se traduira par la promulgation du Hatti Humayoun, le 18 février 1856, édit impérial dont il est fait mention dans l’article 9 du Traité de Paris. Les Européens sont avant tout soucieux de la situation des millet chrétiens. Mais le Hatti s’applique également aux Juifs, et les non-musulmans se voient ainsi reconnaître plus de droits dans l’Empire ottoman que les non-chrétiens en Europe. (...) 8

« Français et Anglais continuent de s’interposer à travers leurs influences sur les Maronites et les Druzes. En 1860 se produit une révolte de paysans maronites contre la domination des notables.Cette révolte suscite en réaction le massacre de chrétiens par les musulmans. Les troubles s’étendront jusqu’à Damas, où ils seront arrêtés par l’intervention de l’Emir Abdelkader. Les massacres en Syrie indignent les Européens. Napoléon III envoie alors la première expédition armée à but humanitaire. Les travaux de la commission internationale aboutissent à l’établissement d’un règlement en 1861 qui prévoit que le Liban sera gouverné par un chrétien [Moutassarif, Ndlr], jusqu’en 1914. Au total, les Tanzimat se heurtent à trois obstacles de taille : la question confessionnelle, la transformation des autonomismes locaux en patriotismes et l’intervention omniprésente de l’Europe. En 1876, des insurrections ont lieu en Bosnie-Herzégovine sauvagement réprimées par la Porte. Les puissances « protestent ». En 1877, la Russie déclare la guerre aux Ottomans pour défendre les chrétiens des Balkans, et impose en 1878 un traité très défavorable aux Ottomans. » (9)

 

Chrétien et Arabe

Comment est perçue cette tentative récurrente d’ingérence caractérisée depuis près de deux siècles dans les affaires arabes ? A leur façon, deux Arabes chrétiens répondent : Hayat al Huwik Atia, journaliste libanaise de confession maronite interpellant le pape lors de son voyage en Israël :

« L’Eglise d’Orient refuse d’être entraînée dans le processus de judaïsation de l’Occident chrétien. (...) Nous, l’Orient arabe chrétien, nous ne voulons pas de ce néochristianisme judéo-chrétien et nous refusons que l’Occident chrétien utilise l’influence spirituelle occidentale des églises, catholiques et protestantes pour implanter en Orient et particulièrement dans le monde arabo-chrétien l’idée ou l’influence de judaïsation. Votre Sainteté le pape, sachez que je suis une chrétienne arabe ! (...) Par conséquent, cela ne m’empêche pas de vous rappeler ma fierté d’appartenir à cette terre arabe. Cette terre est le berceau de toutes les Religions et de toutes les Révélations monothéistes. (...) La deuxième raison, est que c’est l’Occident qui est le générateur historiquement du racisme et du sionisme avec tous les résultats connus et, notamment ceux que cet Occident exerce depuis des décades contre le Monde arabe pour saper cette cohésion sociale et religieuse dans le Monde arabe. (..) En conséquence, Votre Sainteté, sachez que nous - Arabes chrétiens - nous ne sommes une minorité en aucune façon, tout simplement parce que nous étions des Arabes chrétiens avant l’Islam, et que nous sommes toujours des Arabes chrétiens après l’Islam. La seule protection que nous cherchons est comment nous protéger du plan occidental qui vise à nous déraciner de nos terres et à nous envoyer mendier notre pain et notre dignité sur les trottoirs de l’Occident. » (...)  (10)

Pour sa part, le docteur Rafiq Khoury, prêtre palestinien du Patriarcat latin de Jérusalem, écrit :

« (...) les Chrétiens font partie de l’identité de la terre et la terre fait partie de leur identité, avec leurs concitoyens musulmans. (...) L’arabité et la palestinité des chrétiens de Palestine sont des faits acquis, que nous recevons avec le lait de notre mère, comme on dit en arabe. Les relations islamo-chrétiennes en Orient en général et en Palestine en particulier, s’inscrivent dans une longue histoire, qui a à son actif treize siècles de communauté de vie, où nous avons partagé « le pain et le sel », comme on dit en arabe aussi. » (11)

Tout est dit, le sort des Chrétiens n’intéresse l’Occident que dans la mesure où il peut faire aboutir ses autres projets, à savoir la mainmise sur les ressources énergétiques mais aussi l’instauration d’une paix américaine qui ne se fera pas sans dégât durable. Les ingérences continuelles contribuent à créer cette tension permanente qui n’existait pas avant. Il est à craindre que cette boite de Pandore ouverte par un Occident dévastateur va détruire des "équilibres" culturels et religieux" que les sociétés du Moyen Orient ont mis des siècles à sédiementer. Pouvons nous rester indifférent à ce scandale d’une nouvelle fitna ( chaos) qui prolonge d’une certaine façon ,les guerres religieuses déclenchées par un certain Urbain II ? Nous devons témoigner et dire notre rejet de la violence d’où qu’elle vienne . Qu’on laisse ces sociétés "arabes harassées par tant de malheur retrouver dans les religions du Livre le secours spirituel qui manque de plus en plus à ces sociétés qui risquent uen sécularisation au nom du « Money-théisme » seul Dieu qui s’impose par ces temps incertains.

 
Notes/références

1. Les soutiens aux Coptes égyptiens se multiplient. Le Monde 9.11.2010

2. Chems Eddine Chitour : Les massacres de masse en Irak : Mondialisation.ca 7.09.2010

3. Hosham Dawod : Chrétiens d’Irak : ne choisissons pas nos victimes ! Le Monde 09.11.10

4. Ibid.

5.Françoise Duthu : L’Orient arabe, de 1798 à 1945, Henry Laurens 29 octobre, 2010

6. Ibid.

7. Ibid.

8. Ibid.

9. Ibid.

10. Hayat al Huwik Atia : Lettre ouverte http://liberation-opprimes.net/  24 mai 2009

11. Rafiq Khoury : Palestine http://www.gric.asso.fr/spip.php?ar ... 30.04.2009

  carte-chretiens-orient
Cliquez sur la carte pour l'agrandir

Les Chrétiens d'Orient. Source de la carte : 
http://www.la-croix.com/Comprendre--les-chretiens-d-Orient/article/2427552/11641

 

  Pr Chems Eddine Chitoure : Ecole Polytechnique enp-edu.dz

http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=21884

 


 

 

 

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13 novembre 2010 6 13 /11 /novembre /2010 05:40
Editorial du Jeudi 11 novembre 2010 - H. Fouquereau
terre rare
http://www.chine-informations.com/tag/terre+rare.html
Les terres rares sont des minerais essentiels pour les produits de haute technologie, dont la Chine fournissait 97% de la consommation mondiale. Suite à l’arraisonnement d’un chalutier chinois par la marine japonaise, juste au large d’un ilot, dont la propriété est un motif de conflit entre les deux pays, la Chine a réduit de plus de 70% ses exportations de terres rares, créant ainsi l’affolement dans les économies de la Planète. Il est possible que cet arraisonnement est simplement servi de pretexte à la Chine, ses réserves de terres rares ne couvrant plus qu’une espèrance de vie de 10 à 20 ans selon les éléments. Il se pourrait que la Chine réduise encore ses exportations de 30% l’année prochaine, ce qui ne laisserait que trés peu de terres rares pour les autres pays, qui dépendent pour la majorité d’entre eux à 100% des exportations chinoises.

De toute façon la pénurie était programmée bien avant l’arraisonnement du chalutier chinois, sans que personne ne s’en soit vraiment préoccupé, preuve que nous vivons bien dans un monde que ne voit pas plus loin que le bout de son nez.

17 métaux sont issus de ces terres rares, ils servent à réduire les émissions de carbone, à la construction des éloliennes, des voitures électriques, des ampoules basse consommation, ils sont indispensables à la fabrication d’écrans à cristaux, de cellules photovoltaïques et de semi-conducteurs. Certains élements sont utilisés dans les technologies électroniques médicales ou militaires, c’est dire leur importance depuis 20 à 30 ans.

La Chine ayant semé à tous les vents ses produits et à prix bas, tous les pays se sont défaits de leurs stocks. La France qui possèdait un stock constitué en 79, l’a épuisé sans le renouveller - Résultat : Tous les pays sont à sec. L’industrie de haute technologie est en danger, sauf en Chine, pays qui possède désormais un énorme avantage.

Consommation mondiale de terres rares 115 000 tonnes / l’an (185 000 tonnes étaient prévues pour 2012).

L’affaire est extrêmement grave, la possession de certaines matières premières entraînent des guerres, une d’entre elles vient de faire 5 millions de morts au Congo, cette situation ne peut qu’empirer, le manque de terres rares, va obligatoirement détruire des milliers d’entreprises dans le monde dont les productions étaient à haute valeur ajoutée.

De nouvelles sources d’approvisionnement sont actuellement envisagées : retraitement des déchets, culture de plantes qui absorbent certains métaux et les éjectent ensuite -Oui mais ceci demande énormément de temps, d’argent et le résultat ne couvrira pas les besoins car la demande explose = Rhodium plus de 300 fois - Gallium 600 fois Indium 10 fois.

Alors pourquoi parler de la France en traitant de terres rares ? Parce que ces métaux devenus aussi précieux que rares, existent au fond des mers et des Océans et que la France est devenue la seconde puissance maritime du monde.

Il suffit donc d’investir dans cette recherche, afin, une fois n’est pas coûtume, de possèder une matière première recherchée, payée à bon prix et que nous pourrons .


  • 1) utiliser dans nos industries nationales,
  • 2) exporter en faisant rentrer quelques devises dont le pays a le plus grand besoin.

Voilà à quoi sert le Forum Pour la France, aider à ce que le pays soit définitivement une grande puissance maritime mondiale et ensuite, si on nous écoute et pourquoi ne le ferait-on pas, une puissance exportatrice de matières premières.

Espèrons que le BRGM a conservé tout son savoir faire, si c’est le cas, les travaux pourront bientôt commencer,

Henri Fouquereau, Secrétaire Général du Forum Pour la France.

.

http://www.forumpourlafrance.org/spip/

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13 novembre 2010 6 13 /11 /novembre /2010 05:38
L’ALLEMAGNE PASSE AUX AVEUX
Angela lance un pavé dans la mare par le Dr Jack Petroussenko
La France est un pays ouvert à l’immigration
La France est un pays ouvert à l’immigration, avec pour principes fondamentaux la maîtrise de l’immigration, l’intégration des immigrés légaux, la lutte contre les clandestins qui restent les bases de sa politique traditionnelle. Du moins en théorie car aujourd’hui avec les traités européens, l’influence prépondérante de l’Allemagne, les choses ont changé. Le paysage de l’immigration a été profondément modifié, au point qu’un Allemand, un Espagnol en France, ne sont plus considérés (légalement) comme des immigrés. Pourtant ce sont des étrangers. L’inverse est aussi vrai pour un Français. La libre circulation dans l’Union n’est pas critiquable en soi, mais elle a ses dangers, et ses dérives. Elle peut donner lieu à des changements dans la composition d’une société, et la faire glisser d’une identité à une autre. C’est ce qu’on appelle pudiquement le multiculturalisme…

Voila qu’une déclaration fracassante d’Angéla Merkel vient de proclamer que l’intégration est un échec, que le multiculturalisme ne convient pas à l’Allemagne, pays judéo-chrétien, que la politique d’intégration allemande n’est pas bonne. Mme Merkel nous avoue que la société multiculturelle dans son pays a vécu, et qu’elle n’est pas faite pour l’Allemagne. Coup de tonnerre dans un ciel serein, mais pas si serein ! L’Allemagne avoue officiellement s’être trompée, après nous avoir entrainés sur un modèle de société qui n’était pas le notre. Nous le savions et le disions depuis longtemps, pas besoin de la Chancelière pour cela.

On sait depuis longtemps que c’est l’Union européenne (pour ne pas dire l’Allemagne) qui A cherché à imposer un modèle de société multiculturelle uniformisée dans toute l’Europe. L’état d’esprit des instances de l’Union, est porteur d’une politique de migrations dites de peuplement, inspirée du contestable rapport Lambert, tout en répétant qu’il s’agit de migrations de travail. Les migrations de peuplement qui sont pratiquées aux Etats-Unis et au Canada, donnent naissance à une société multiculturelle. Etait-ce cette arrière-pensée qui se cachait derrière la construction de l’Empire ? Mais soudain un des grands pays de l’union dit : «  basta ! » Cette phrase, si elle était sincère, constituerait le glas du multiculturalisme. Dire la vérité est un grand progrès, quand on veut changer la face des choses, sauf que cela sent la manipulation politique préélectorale. Mais passons cet aspect sous silence, ce qui est dit est dit.

On peut se demander en écho, pourquoi la politique de l’Union serait bonne pour la France ? Déjà le débat sur l’identité nationale nous avait montré quel abime profond il y avait entre les hommes politiques et les Français. Si l’absence de maitrise de l’immigration, et l’intégration inexistante ne datent pas d’hier, mais des théories de Giscard et de la doctrine laxiste de Mitterrand, depuis que les frontières nationales ont été supprimées, et la difficulté de contrôler celles des pays périphériques, l’Union nous a apporté le 13ème travail d’Hercule, celui de résister aux poussées croissantes des immigrés, et en conséquence de bâcler l’intégration, ce qui en réjouit beaucoup. Et la poussée du populisme extrémiste date d’aujourd’hui. Où parviendra-t-elle demain ? La lecture récente d’un grand quotidien national est édifiante. De même une page entière dans un hebdomadaire nous apprend l’échec de l’intégration dans les écoles pour les enfants d’étrangers, qui ne fait que révéler le contenu du rapport du Haut Commissariat à l’intégration remis au Président Sarkozy. On saura tout sur les résultats de cette politique quand les médias voudront bien eux aussi dire la vérité.

Dans le monde il y a 300.000.000 de migrants Les flux humains augmentent chaque jour, partout et à vitesse croissante. Mirage de la mondialisation heureuse, mais cauchemar du mondialisme dont tous les pays «  riches » subissent les conséquences, et surtout les pays pauvres, sans qu’on lui ait trouvé de réponse appropriée. Tandis que les Etats-Unis construisent un mur et font une traque militaire contre les clandestins « latinos », les Etats-membres de l’union européenne dépassés faute de frontières, durcissent leur législation, quand ils le peuvent, mais Bruxelles continue, promet des sanctions, et ne change rien à sa propre politique désastreuse d’inefficacité. Certains Etats membres de L’Union Européenne sont un Eldorado qui attire les immigrants du monde. Mais les peuples eux, en sont de plus en plus inquiets, réticents, et si le peuple allemand est rassuré par le discours de la Chancelière, le peuple français grogne d’une situation qui lui déplait et l’exaspère. L’union européenne n’est pas un état et veut gouverner sans les peuples, mais on ne gouverne pas sans ni contre les peuples, sinon ils se révoltent. Si bien qu’on assiste à une montée des partis populistes de l’extrême droite dans l’UE. Alors que fin avril-début mai 2002, au premier tour de l’élection présidentielle française Le Pen était opposé à Chirac, et Jospin éliminé, il y avait eu des manifestations contre l’extrême-droite à travers toute la France, et les Français au deuxième tour n’avaient pas hésité à voter massivement contre Le Pen. Pourquoi aujourd’hui ces manifestations auraient-elles lieu alors que dans l’Union européenne c’est un mouvement inverse qui se produit ?

En Suède, les Démocrates suédois ont obtenu 20 sièges au Parlement, et empêchent le gouvernement d’avoir la majorité absolue. En Hongrie au mois d’avril 2010 le parti Jobbik avec 16,8 % des voix, est entré au Parlement, en décrochant 46 sièges. Aux Pays-Bas, en juin 2010, le PVV de Geert Wilders s’est installé dans le paysage politique avec 24 sièges au Parlement, contre neuf auparavant. Un résultat qui a déclenché une crise politique, le gouvernement hollandais ne peut pas être constitué, les négociations ne sont pas encore terminées. Les exigences de l’extrême droite non plus. En Italie l’extrême-droite est entrée au gouvernement. En Autriche, 20% des électeurs ont voté pour elle. Au Danemark, l’alliance avec l’extrême droite existe depuis 2007. En Grande-Bretagne, jusque là inexistant, le British national party, s’est imposé dans le paysage politique. Dans tous les cas l’immigration a été l’un des grands thèmes de la campagne, centré sur l’échec de la société multiculturelle, l’absence d’intégration, la perte d’identité nationale, et la délinquance. Là où l’extrême-droite n’a pas progressé, le populisme parvient à imposer ses thèmes aux formations classiques.

En Suisse, en 2009, il a fait interdire par votation la construction de minarets. Ce n’est ni racisme, ni islamophobie, c’est la traduction de l’inquiétude des Suisses. Voila ce que le peuple pense, mais certains ont osé dire qu’il s’était trompé !

L’immigration est donc un des thèmes majeurs dans les états de l’Union européenne d’aujourd’hui. Aucun des problèmes que pose l’immigration n’a été résolu. Elle en pose en France comme ailleurs dans l’Union européenne. La responsabilité en incombe à cet Empire dont la France est prisonnière, qui ne lui permet pas d’avoir une politique digne d’elle. Bruxelles incapable d’endiguer les flux migratoires, les favoriserait plutôt, pour combler un déficit démographique (Allemagne Italie, Espagne) et laisse le soin aux nations de les arrêter sur leur territoire !

En France Les frontières intérieures n’existant plus, à cause des accords de Schengen, il n’y a plus de contrôles des entrées ni des sorties aux frontières mais seulement des contrôles de supposés clandestins sur le territoire. Or les effectifs de police étant réduits, parce que la politique de l’Union oblige sous peine de sanctions les Etats membres à réduire leurs dépenses, les contrôles restent modérés, et nombre de clandestins se promènent en toute liberté, avec de fausses attestations, et de faux papiers. Mais qui donc les a délivrés ? Il n’y a, à ce jour, aucun instrument pour mesurer des flux d’entrée, et encore moins de sortie et à plus forte raison un solde migratoire estimé largement positif. Fait aggravant le recensement classique qui avait lieu tous les 9-10 ans n’existe plus depuis 2002. Il a été remplacé en 2005 par une méthode d’échantillonnage probabiliste, que nous sommes les seuls à utiliser en Europe, tout juste utile aux pays du tiers-monde. Elle ne permet aucun dénombrement pertinent des immigrés légaux et à plus forte raison des illégaux.

En ce qui concerne ses frontières extérieures l’Union fait appel pour leur surveillance et leur protection aux nations situées à sa marge. L’agence européenne Frontex est affectée à cette surveillance, et censée les aider dans cette tâche, mais ne fait pas grand-chose. Les nations périphériques ont peu de moyens pour ce travail, et chaque Etat a un taux d’efficacité qui lui est propre. Frontex ne fait que des actions ponctuelles comme pour les «  boat people » venant des iles italiennes, qui se résument en actions humanitaires devant des situations tragiques. Les systèmes informatiques SIS I ET SIS II sont dépassés par le nombre et déjà obsolètes, incapables de gérer les entrées, encore moins les sorties. Les résultats ne sont pas encourageants. Passer en fraude est un jeu facile. Voila votre Europe messeigneurs !

La gestion des flux migratoires (comme dans d’autres domaines, pour ne pas dire tous) montre l’incapacité de l’Empire, et sa scandaleuse inefficacité. Elle a adopté le pacte de l’immigration proposé par la France. Est-il appliqué ? Non. La France a transcrit trois directives européennes. Les directives : «  retour » « carte bleue » et « sanctions » qui ont provoqué un certain remous. Ce qui n’empêche pas la commissaire Viviane Reding de faire des comparaisons hasardeuses à propos des expulsions de Rom’s, et de déclarer que «  les décisions ne se prennent pas à Deauville mais à Bruxelles et à l’unanimité ». Mais ses propos sont faux car en matière d’immigration, toutes les décisions ont, depuis longtemps, été prises et se prennent à la majorité qualifiée, à Bruxelles, alors qu’on pensait, jusqu’au traité de Lisbonne, qu’elles se prenaient à l’unanimité. A moins que Mme Reding ne le sache pas ?

En France les flux d’immigrés augmentent au point de se demander si on peut encore les accueillir, et les intégrer. Un ancien premier ministre l’avait dit « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». Mais la misère est là, il faut faire avec, ou plutôt avec tous ces malheureux. Car il y a beaucoup d’immigrés qui souffrent. Certes il y a ceux qu’on ne peut pas intégrer, ou qui ne veulent pas s’intégrer, mais dans tous les cas il s’agit d’hommes de femmes et d’enfants qu’on ne peut pas traiter n’importe comment, mais seulement en préservant leur dignité, celle de la terre d’accueil et de ses habitants, ce qui est aussi une forme de solidarité nationale. Toute autre attitude serait inhumaine, et intolérable pour un pays comme la France. Néanmoins à cause de telles différences entre les cultures et les religions, tenir compte des Français devient aussi une nécessité. On ne gouverne pas sans ou contre son peuple.

En France, les résultats d’une extrême droite fragmentée lors des régionales, sont de l’ordre des 10%, et sonnent comme une avancée des thèses nationalistes. Qu’en sera-t-il demain ? Est-ce que le problème ne serait pas d’avoir laissé le populisme s’emparer de ces idées, que le peuple comprend et accepte, le peuple qui les vit tous les jours ? Que s’est-il donc passé ? Le peuple a été trompé. Bon enfant et accueillant avec bon cœur, il a accepté ce qu’on lui présentait comme inévitable, vu la mondialisation, c’est-à-dire le mélange, un métissage. En fait c’était le mondialisme qui s’avançait masqué. Le peuple n’a pas imaginé un instant que ceux à qui il avait donné sa confiance ne disaient pas la vérité, et n’ont pas fait ce qu’ils auraient du faire en même temps. Il ne fallait accepter des étrangers que dans le souci de la maitrise et de l’intégration. Il n’y a pas d’autre politique possible que la bonne maitrise des flux, jointe à une intégration convenable. Ils ne l’ont pas fait, mais l’Europe les en a empêchés. Seulement ils ne l’ont pas dit, et c’est grave car il y a un malaise dont les immigrés ne sont pas les responsables mais seulement les révélateurs. On a laissé faire, sans aucune vérité et aujourd’hui ce ne sont pas eux qui s’adaptent à la France, c’est le peuple français qui doit s’accommoder et qui est prié de s’adapter. Il y a un grand malaise vis-à-vis de ceux qui nous gouvernent.

Or le peuple a aujourd’hui beaucoup d’autres soucis, et une certaine inquiétude de l’avenir. Constater qu’on change ses conditions de vie, souvent difficiles, qu’il n’est plus vraiment chez lui, n’est pas apprécié. D’où un nécessaire débat sur l’identité nationale, et le discours de Grenoble. Mais il faut avoir entendu le tollé des idéologues de gauche et d’extrême gauche, qui ont crié aux thèmes populistes pour comprendre ce que nous ont apporté leurs gouvernements, et les difficultés que la gauche suscite quand on veut pratiquer la politique traditionnelle de notre pays. Cette gauche bien française dépassée pour qui l’immigrant est le prolétaire du 21ème siècle, mais qui n’est plus celle de Jaurès ! Or il en est de même pour tous les pays européens. Parler ainsi ce n’est pas refuser l’immigration, ce que la France n’a jamais fait. Elle reste et restera un des grands pays d’asile, à condition de rester elle-même. Ce n’est pas non plus souhaiter que ses portes soient grandes ouvertes. Si les thèses nationalistes reprennent de la vigueur, c’est que ces deux solutions sont inapplicables ou mauvaises, car la France n’a plus de frontières, mais elle veut garder son identité. On en revient au fond du problème. La France ne peut plus réguler son immigration à cause des accords de Schengen. Retrouvons nos frontières, ce ne sera certainement pas pour les fermer, et nos douaniers.

La France pourrait alors mener une politique nationale, qui ne serait ni de gauche ni de droite mais celle des Français, de l’honneur et du rayonnement de notre pays. Si le monde change, il faut marteler que la France doit rester ce qu’elle est, s’autorisant seulement à s’adapter dans un monde instable. L’état est là (par définition) pour protéger ses citoyens. Dissiper le malaise vis-à-vis de sa classe politique, qui peut pousser vers une mauvaise cause. Qui va en souffrir ? La misère du monde, les immigrés eux-mêmes. Ce serait immoral et consternant. Parlons d’intégration. Celle-ci est en crise comme l’a souligné un rapport de la cour des comptes en 2004. Concentration d’une part importante de la population immigrée dans des zones où les difficultés socio-économiques s’accumulent. Situation économique et sociale dégradée d’un grand nombre d’immigrants et de leur famille. Maintien de pratiques discriminatoires (en matière de logement, travail, etc..). Nombre important d’étrangers en situation irrégulière, aux conditions de vie précaires génératrices de « désordres » divers (travail clandestin, délinquance) entretenant, dans une partie de la population, la suspicion vis à vis de l’ensemble des étrangers. Depuis cette date rien n’a évolué. Le constat est sans appel. Les modalités d’intégration diffèrent en fonction de la conception de chaque nation, de son histoire en particulier de l’histoire coloniale, de ses coutumes, sa culture, de la forme nationale, (ethnique ou projet national) de la laïcité, et des formes de la protection sociale.

Pourquoi tant d’étrangers, s’intègrent-ils aussi mal ? La réponse est simple : Leur prise en charge ne respecte aucun élément d’un « cahier des charges » sérieux Le contrat d’accueil et d’intégration, est une rigolade, à peine étendu à toute la France alors que sa création date de 2003. Le parcours d’intégration reste à imaginer. Chanter la Marseillaise est hautement symbolique, mais ne révèle pas l’état d’esprit de celui qui la chante. Encore faut-il pour l’étranger y croire. Y croit-il ? Est-ce qu’on peut appeler parcours une demi-journée d’information sur la France délivrée à un étranger qui ne parle pas le Français ? Peut-on croire qu’il promette ce qu’on lui demande, en toute connaissance de cause, avec un interprète qui traduit comme il peut ? Souhaite-t-il vraiment vivre en Français ? Tout le dispositif d’intégration est une imposture. Il faut faire un peu de tourisme dans l’administration pour le comprendre ! Le vrai parcours d’intégration est d’abord celui d’une volonté, d’un choix, puis dans ces cas d’un logement décent, des enfants à l’école, qui apprend à lire, parler, écrire, penser, à apprécier le pays, à devenir un peu français (puis français s’ils veulent) celui de l’emploi pour les adultes qui permet de faire vivre dignement une famille, de s’insérer dans la société, de la connaissance de la langue française qui permet de communiquer.

L’apprentissage du Français, même obligatoire depuis peu, est encore très insuffisant et bénévole. Les familles restées à la maison peuvent choisir de ne pas l’apprendre. Cet abominable fiasco est la faute des gouvernements successifs, qui ont en outre laissé s’installer un communautarisme qui règle les problèmes à sa façon, en enfermant les immigrés dans des communautés, des zones de non droit, des banlieues sensibles ou aucun travailleur social de l’intégration n’oserait mettre les pieds. Dans ces zones il y aurait d’ailleurs surtout des français à intégrer. Si l’intégration, simulacre qui se pratique aux frais des contribuables, avait été effective et efficace l’immigration serait passée inaperçue. Mais de même qu’on ne peut pas faire la classe à trop d’élèves à la fois, de même on ne peut pas traiter correctement tous les immigrés quand il y en a beaucoup en même temps. Depuis trente cinq ans le pouvoir n’a en pas fourni les moyens aux immigrés. Le logement ? Barré d’un coup de plume par J. Chirac entrainant la démission d’André Postel-Vinay secrétaire d’état à l’immigration.

La facilitation d’un emploi ? Laissée de coté, mais le chômage et la crise n’ont rien arrangé. La scolarité pour les enfants ? Négligée, laissée à des enseignements pas toujours républicains. Pourtant la France a toujours été un pays d’accueil, d’intégration et d’assimilation (ou de « Francisation ») traditionnel. Une bonne intégration dans la société entraîne l’assimilation en deux ou trois générations. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. L’Europe attire les pauvres par ses avantages, mais la France particulièrement par ses avantages sociaux, l’AME, véritable scandale financier où la fraude les gaspillages prolifèrent, la CMU, les allocations… Cela ne va pas plus loin. « Ici manger, boire, dormir, argent » avait marqué sur un bout de papier le passeur d’un Roumain immigré en France ! (Libération 24 janvier 2008). Il faut aussi souligner le rôle des médias comme la télévision qui ne comprennent pas toujours leur responsabilité, mais tels des «  maîtres à penser » entrent dans les demeures, pérorent, désinforment, et influencent les esprits. Enfin le rôle de lois imbéciles (celles de la repentance entre autres) qui n’apprennent à personne à aimer la France, et surtout pas aux étrangers.

En Conclusion, il y a des questions à poser à la République. Veut-elle continuer à jouer un rôle dans le monde, en gardant son modèle de société où l’homme est au centre, ou devenir une société multiculturelle comme les Etats-Unis, puissance économique et militaire, société où l’Union l’entraine, et où l’homme est un consommateur, mais dont l’Allemagne se repent ? Les français ont ils besoin d’une immigration ? La réponse est non. Il n’y a pas de travail à donner. La France subit la crise mondiale, comme les autres, même si elle la supporte mieux que les autres. Par contre la pauvreté augmente et les flux de clandestins aussi risquant encore d’augmenter la précarité des conditions d’existence. La France a-t-elle besoin d’une immigration choisie ? Non plus ! Il y a suffisamment de gens hautement qualifiés en France, pour les emplois mais ils s’en vont ailleurs. L’Espagne réserve ses emplois saisonniers aux ressortissants du pays, et provoque le chômage dans la population immigrée. Est-ce cela qu’on souhaite ?

L’immigration choisie empêche t’elle une immigration subie ? En aucune façon ! L’immigration subie ce sont les immigrants illégaux en nombre considérable, qu’on expulse et dont les reconduites aux frontières auraient augmenté depuis Hortefeux et Besson. On ne peut pas se réjouir de ces expulsions, qui ne devraient pas exister avec une politique cohérente, par exemple une politique africaine digne de ce nom. Trop de liens nous unissent à ce continent, pour ne pas conclure des retours programmés pour la catégorie des travailleurs et une installation durable avec intégration pour les autres catégories. Les Français ont-ils envie d’une immigration ? Probablement non à cause de la crise mondiale et de la crise identitaire. Ils comprennent que si on ne fait rien la société française implosera dans trente ans.

Dans une société multiculturelle que deviennent nos principes républicains ? Liberté d’opinion de pensée et d’expression, liberté religieuse, le principe de laïcité et la loi de 1905, l’égalité de tous les citoyens devant la loi, l’égalité des femmes et des hommes, la fraternité et la solidarité entre tous les Français ? Est-ce que l’immigration peut «  régénérer » la France ? Non ! La France n’a pas besoin de vitamines. L’indice de fécondité à 2 (immigrés compris) est à peine plus bas que l’indice nécessaire au remplacement des générations à 2,1. Il est même le deuxième en Europe derrière l’Irlande. La France n’implosera pas demain, mais dans trente ans pour d’autres raisons. Question cruciale, faudrait-il se défaire du carcan européen, et revenir à l’indépendance des Etats ? Oui il le faudra, en dénonçant les traités, à commencer par les accords de Schengen et le traité de Lisbonne, qui ne nous laissent plus d’espace de liberté. L’Union européenne est ouverte aux mauvais vents du mondialisme, de l’ultralibéralisme, de la concurrence sans entraves, qui font de l’Homme un consommateur, nous entrainant sur la mauvaise pente.

La seule politique démocratique possible est une intégration convenable associée à la limitation des flux. Cette politique ne peut être que nationale, avec toute son histoire, tant les conceptions de l’immigration, de la régulation des flux, et de l’intégration sont différentes d’un pays à l’autre. Comme disait le général de Gaulle, «  l’Europe ne peut se faire que dans la coopération entre des pays exerçant leur pleine souveraineté ». En se référant à l’humanisme de Montaigne, si nous ne mettons pas l’homme au centre de nos préoccupations politiques, nous ne pourrons pas résoudre les problèmes posés par l’immigration, source certaine de conflits futurs. Il est alors à craindre que le pire des conflits soit devant nous.

J. Petroussenko, Membre du Conseil national du Forum Pour la France

5/11/2010

http://www.forumpourlafrance.org/spip/Angela-lance-un-pave-dans-la-mare-par-le-Dr-Jack-Petroussenko.html

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13 novembre 2010 6 13 /11 /novembre /2010 05:29

Plus de 80% des Britanniques ne croient pas au suicide du docteur David Kelly, un des inspecteurs de l’ONU chargés de découvrir des armes de destruction massive en Irak. Sept ans après sa mort, le nombre de ceux qui parlent de « crime d’Etat » a triplé. Les appels à rouvrir l’enquête, nombreux depuis que les Travaillistes ont quitté le pouvoir, inquiètent Tony Blair.

Officiellement, le docteur David Kelly, inspecteur de l’ONU en Irak, spécialiste en armement chimique et biologique, s’est suicidé le 17 juillet 2003, dans un bois du Oxfordshire, près de son domicile. Il aurait mis fin à ses jours parce qu’il ne supportait pas que le ministère de la Défense britannique l’accuse d’être à l’origine des révélations d’un reportage de la BBC, diffusé en mai 2003, affirmant que la menace irakienne avait été sciemment « musclée » afin de justifier l’entrée en guerre de la Grande-Bretagne. Pour mémoire, Tony Blair avait assuré, en septembre 2002, que Saddam Hussein possédait des missiles et des armes de destruction massive « opérationnelles en seulement 45 minutes », pouvant atteindre la base militaire britannique à Chypre.

 

 En septembre 2003, selon l’institut de sondage YouGov, 11% des Britanniques pensaient que David Kelly avait été assassiné et 51% qu’il s’était suicidé, suite à des pressions insupportables. En janvier 2004, la commission d’enquête dirigée par Lord Hutton, créée par Tony Blair pour couper court aux rumeurs d’assassinat, avait conclu que le défunt s’était donné la mort, en absorbant vingt neuf comprimés de Coproxamol, un médicament anti-douleur, puis en tailladant son poignet gauche avec la lame ébréchée de son couteau de jardin.

 

 Les conclusions hâtives du rapport Hutton, écartant la thèse de l’assassinat et blanchissant Tony Blair, ont été mises en doute, au fil des ans, notamment par le député libéral Normam Baker, aujourd’hui ministre du gouvernement Cameron. Dans L’étrange mort de David Kelly, un livre paru en 2007, il affirmait que le biologiste avait été assassiné. Selon lui, le couteau et les médicaments avaient été placés près de son corps pour maquiller le crime en suicide. Fin 2009, six médecins qui réclamaient la réouverture de l’enquête au motif que la quantité de sang trouvé sur les lieux n’était pas suffisante pour entraîner sa mort, s’étaient vu répondre que le dossier Kelly était interdit d’accès pour 70 ans, que l’original avait été « perdu » et que sa copie, archivée, était « introuvable »

 

Les langues se délient

 

 En août dernier, le Daily Mail, deuxième plus gros tirage de la presse anglo-saxonne, a publié de nouveaux témoignages mettant sérieusement en doute la thèse officielle, ainsi qu’un sondage de l’Institut Harris selon lequel 80% des Britanniques pensent que Kelly ne s’est pas suicidé. En sept ans, les langues se sont déliées. Graham Coe, le policier qui a monté la garde près du corps après sa découverte, a affirmé n’avoir remarqué qu’un peu de sang sur le poignet du biologiste et pas sur ses vêtements. Deux secouristes, présents sur les lieux, l’ont confirmé. Des médecins légistes ont jugé les causes officielles du décès « extrêmement peu vraisemblables ». Pour eux, la coupure au poignet n’était pas suffisante pour entraîner sa mort. Enfin, le docteur Bartlett, qui a signé le certificat de décès a reconnu que le corps avait été déplacé et déclaré avoir vu plus de sang au nez du cadavre qu’au poignet. Le déplacement du corps, signe d’une exécution effectuée en un autre lieu, expliquerait pourquoi le système de détection de sources de chaleur de l’hélicoptère survolant l’endroit où Graham Coe l’a trouvé n’avait rien signalé de suspect. 

 

 Des proches parlent aussi. Wendy Wearmouth, cousine du docteur Kelly « pense qu’il a été assassiné » car se suicider, dit-elle, était « en totale contradiction avec sa manière d’être ». Richard Spertzel, ancien collaborateur de l’inspecteur de l’ONU en Irak, affirme que Kelly en savait trop et était sur une « liste de gens à abattre ». Mai Pederson, née au Koweït sous le nom de Maya al-Sadat, sergent- interprète de l’US Air Force à Bagdad, qui fut la confidente de Kelly et l’a converti au bahaïsme – religion d’origine persane qui proscrit notamment le suicide - a donné un coup fatal à la thèse du suicide en révélant que son ami avait des difficultés pour couper la viande dans son assiette, et pour avaler des cachets. Elle ne croit pas qu’il se soit ouvert les veines ni qu’il a ingurgité les comprimés dont parle le rapport. A la demande de cette dernière, en 2003, la Commission Hutton n’avait pas enregistré ce témoignage et mal transcrit le nom de l’interprète pour ne pas attirer l’attention, dit-on, sur ses activités dans le renseignement militaire américain. Mai Pederson est affectée au Defense Language Institute, une école californienne de formation à l’espionnage, mais ce n’était pas un motif suffisant pour ne pas tenir compte de ce qu’elle disait.

 

Kelly, obstacle à supprimer

 

 Le Premier ministre David Cameron osera-t-il rouvrir l’enquête sur la mort du Docteur Kelly, comme l’envisageait, en avril 2010, Dominic Grieve, secrétaire à la Justice dans le « Cabinet fantôme » conservateur ? L’enterrera-t-on une seconde fois au nom de la raison d’Etat ? Le sondage de l’Institut Harris et les nouveaux témoignages repris par presque tous les médias britanniques, ont contraint les autorités à « changer de disque ». Un chirurgien vasculaire, Michael Gaunt, a été autorisé à consulter les pièces du dossier Kelly, miraculeusement retrouvées. Mais, en refusant de dire qui le lui avait permis, et en diagnostiquant que le biologiste serait mort de la combinaison de comprimés, du stress et d’un problème cardiaque, il a accru les suspicions de manipulation des documents post mortem. Pour Graig Murray, ancien ambassadeur de Grande-Bretagne, la question des ADM était cruciale pour la bonne poursuite de l’invasion de l’Irak. Vivant, David Kelly était devenu un obstacle pour Blair, Cheney, et « une myriade de gens impitoyables »  : marchands d’armes, sociétés de mercenaires, compagnies pétrolières… etc… Saura-t-on un jour qui, parmi eux, aurait voulu le supprimer *  ?

 

*Actualisé le 22/11/10 : Le ministère britannique de la Justice a finalement rendu public des documents post mortem sur les circonstances de la mort du docteur David Kelly ,qui devaient être gardés secrets pendant 70 ans, afin d’« étouffer les théories du complot » entourant son « suicide ». Pour le docteur Michael Powers, un des médecins mettant en doute les conclusions du rapport Hutton, les informations mises à sa disposition n’apportent rien de nouveau. Il réclame toujours la réouverture de l’enquête.

.

http://www.bbc.co.uk/news/uk-11608328

 

Sources : Gilles Munier , france-irak-actualite.com

 

http://www.michelcollon.info/Affaire-Kelly-Crime-d-Etat-dans-l.html

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13 novembre 2010 6 13 /11 /novembre /2010 04:48

Sept ans après l'invasion de l'Irak, Dirk Adriaensens dresse le bilan d'une des guerres les plus ignominieuses de l'Histoire moderne. L'auteur nous explique comment les forces de la coalition ont, sur base d'un mensonge, entrepris de détruire méthodiquement un pays et son peuple. Les responsables aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne seront-ils un jour jugés pour crime contre l'humanité ? (Investig'Action)

Première partie : “Victoire !” un bilan dévastateur

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Au lendemain de l’invasion de 2003, le verdict triomphaliste des médias occidentaux était que, la guerre venait d’être gagnée, l’Irak se voyait assuré d’un avenir radieux et démocratique. Journaliste au New York Times, William Rees-Mogg exultait, célébrant la victoire : « 9 avril 2003, le Jour de la Libération pour l’Irak. » Libération obtenue par « ce moteur de libération mondiale » que sont les États-Unis. « Après 24 années d’oppression, trois guerres et trois semaines de bombardements continus, Bagdad émerge à peine de l’âge des ténèbres. La journée d’hier était une journée de libération historique[1].

 

 

« Le problème de cette guerre pour, je pense, pour de nombreux Américains, demeure que les prémisses qui nous semblaient en justifier le déclenchement, à savoir la détention par Saddam Hussein d’armes de destruction massive, se sont avérés invalides », déclara aux reporters le Secrétaire à la Défense Robert Gates, en visite officielle en Irak. « De sorte que, si on regarde les choses sous cet angle et qu’on cherche rétroactivement comment on devrait aborder cette guerre, même si le bilan est plutôt positif au point de vue des USA, l’ombre au tableau reste la manière dont elle a démarré »[2].

 

 

Robert Gates reconnaît donc bien ici que cette guerre était illégale du point de vue du droit international car il n’y avait en réalité aucun « casus belli ». Mais dans la même phrase, il n’en déclare pas moins que le bilan est plutôt positif pour les États-Unis. Mais qu’entend-il par là exactement ? Comment le bilan colossal des victimes et des destructions pourrait-il s’avérer positif pour les USA ? Et que dire des responsabilités ? Lorsqu’on sait que l’Irak paie encore aujourd’hui des réparations pour son invasion du Kuwait de 1990, qu’en est-il du paiement de réparations par les USA pour les destructions infligées illégalement à l’Irak ?

 

« Nous avons combattu ensemble, nous avons ri ensemble et parfois pleuré ensemble. Nous sommes restés côte à côte, payant ensemble le prix du sang », déclarait le Général Ray Odierno aux officiers irakiens et aux centaines de soldats et d’officiers américains réunis pour la cérémonie qui mettait officiellement fin aux opérations de combat. « C’était pour les idéaux de liberté et de justice que nous partageons »[3]. Oui, ils ont ri ensemble, comme riaient les infâmes auteurs des « meurtres collatéraux » de l’attaque en hélicoptère de combat contre les civils de Bagdad, en juillet 2007 – dont l’enregistrement vidéo a été récemment publié par Wikileaks – et qui tua plus d’une douzaine d’Irakiens, dont deux journalistes de Reuters. Quant au sang, nul doute qu’ils l’ont effectivement versé ensemble, et fort généreusement ! Celui de plus d’un million de mères, de pères, d’enfants et de vieillards irakiens… Et tout cela, M. Odierno, au nom des « idéaux de liberté et de justice que nous partageons ? » La plupart des Irakiens ne sont pas de cet avis. Pour eux au contraire, le pays a depuis sombré dans l’âge des ténèbres.

 

 

Les faits

 

Depuis 1990, début du régime de sanctions imposé par l’ONU, le taux de mortalité infantile a augmenté de 150% en Irak. En 2008, à peine 50% des enfants en âge d’entrer en école primaire étaient scolarisés, contre 80% en 2005 et près de 1 500 enfants étaient incarcérés dans des centres de détention. En 2007, les statistiques gouvernementales officielles dénombraient 5 millions d’orphelins en Irak. Plus de 2 millions d’Irakiens sont réfugiés hors du pays et près de 3 millions sont réfugiés (ou déplacés) à l’intérieur du pays. 70% des Irakiens n’ont plus accès à l’eau potable. Le nombre de chômeurs (sans indemnités) atteint officiellement les 50%, il est de 70% officieusement. 43% des Irakiens sont réduits à un épouvantable niveau de pauvreté. 8 millions d’entre eux auraient immédiatement besoin d’une aide d’urgence. 4 millions d’Irakiens sont sous alimentés et ont un urgent besoin d’assistance humanitaire. 80% des Irakiens ne disposent plus d’aucun système sanitaire (égouts et eaux usées). Les minorités religieuses sont au bord de l’extinction[4]. Dans une récente étude commanditée par Oxfam, 33% des femmes n’avaient reçu aucune assistance humanitaire depuis 2003 ; 76% des veuves n’avaient reçu aucune pension ; 52% des femmes étaient sans emploi ; 55% avaient été déplacées depuis 2003 et 55% avaient été victimes de violences – 25,4% avaient été victimes de violences de rue, aveugles ou indiscriminées ; 22% de maltraitances familiales ou conjugales ; 14% avaient subi des violences infligées par des miliciens ; 10% avaient subi des mauvais traitements ou avaient été enlevées ; 9% avaient été abusées sexuellement et 8% avaient subi des violences des forces multinationales[5]. En Irak, le Parlement est incapable de fonctionner, les bidonvilles ne cessent de s’étendre, les maladies prolifèrent de plus en plus, et on constate une véritable épidémie de maladies mentales. Le fait que des innocents soient quotidiennement tués fait désormais partie de la vie de tous les jours.

 

William Blum brosse des aspects « bénéfiques » de cette guerre, un aperçu concis et particulièrement éloquent. « Aucun Américain ne devrait pouvoir oublier que la nation irakienne, la société irakienne, ont été détruites, ruinées, anéanties. Après 1991, les Américains ont bombardé douze années durant, avec toutes sortes d’excuses, puis envahi, puis occupé [l’Irak], en ont renversé le gouvernement, massacré et torturé la population à leur guise… Les habitants de cette malheureuse région ont littéralement tout perdu : leurs maisons, leurs écoles, leur électricité, leur eau potable, leur environnement, leur vie de quartier, leurs mosquées, leur archéologie, leur travail, leurs carrières, leurs professionnels, leurs services publics, leur santé physique, leur santé mentale, leur système de santé, leur couverture sociale, leurs droits des femmes, leur tolérance religieuse, leur sécurité, leurs enfants, leurs parents, leurs passé, leur présent, leur avenir, leurs vies… Plus de la moitié des habitants sont morts, blessés, traumatisés, emprisonnés, déplacés ou exilés à l’étranger… L’uranium appauvri pollue leur air, leurs terres, leur eau, leur sang, leurs gènes… Ils en enfantent des monstres épouvantables… Des éléments non explosés de bombes à fragmentation gisent un peu partout, attendant que des enfants les ramassent »[6].

 

A ce sinistre tableau, Hannah Gurman ajoute le défi suivant : « Quelque zèle que le gouvernement américain puisse mettre à effacer le passé de l’Irak et à en prédire l’avenir, les Irakiens ordinaires n’en seront pas moins confrontés aux réalités bien plus chaotiques et complexes du présent. Je défie Obama ou quiconque au sein de l’appareil politique américain, d’aller en Irak et d’y regarder un enfant dans les yeux. Un enfant qui sept ans après l’invasion américaine, n’a toujours pas de logement, d’eau potable, de sanitaires, d’électricité ni d’école. Allez lui dire maintenant, à cet enfant là, que la guerre d’Irak était une réussite »[7].

 

Il suffit de lire cette évaluation de la success story irakienne, par le Dr Riad El Taher :

A ce jour, le bilan de l’aventure de Bush et Blair est le suivant : l’avenir des Irakiens est désormais entièrement aux mains de voyous et de profiteurs économiques. Aucun d’entre eux ne s’est jamais soucié le moins du monde de se rendre utile aux Irakiens. A preuve, la fortune considérable que Chalabi, Alawi, Maliki, Sistani, Hakin, Bayati, Bachachi, Baher Alom et Rubai ont instantanément tiré de leur aventure politique. Les ressources naturelles de l’Irak sont hypothéquées pour les 50 années à venir, au profit de compagnies pétrolières internationales. Les cerveaux comme les talents irakiens sont contraints d’émigrer. Les querelles religieuses s’enveniment, encouragées par la constitution. Les minorités religieuses – chrétiens, sabéens, etc. – sont harcelées ou contraintes à l’exil. Les droits de l’Homme, et en particulier concernant les femmes, sont constamment violés et ont largement régressé, notamment dans le domaine de la santé, de la maternité et de l’emploi. Les problèmes d’éducation, de santé, d’environnement et de gestion des ressources en eau sont complètement laissés de côté, et il en va de même de l’agriculture, des industries et de la culture. Grâce à Bush et Blair, plusieurs élections « démocratiques » se sont tenues en Irak, dont les votes furent achetés massivement par clientélisme, menaces ou intimidation. Aujourd’hui, les Irakiens ont accès par leurs téléphones cellulaires à de nombreuses chaînes télévisées détenues par la pègre de la Zone Verte et ses sponsors américains, britanniques ou koweitiens.

 

La destruction de l’Irak a produit deux millions de réfugiés mais ils ne sont pas les bienvenus en Occident. A l’ONU, le Haut Commissariat pour les Réfugiés s’est dit préoccupé par ce problème et a dénoncé le rapatriement forcé systématique des réfugiés irakiens appréhendés en Europe, suite au renvoi par avion de 61 d’entre eux à Bagdad[8].

 

La contradiction fondamentale de ces « succès » est que les 100 décrets de Bremer ont fait de l’Irak, ce cauchemar infernal pour les Irakiens, un vaste paradis pour affairistes de tous crins. Ils ont littéralement colonisé le pays pour le capital : pillage organisé à grande échelle, un véritable coupe-gorge capitaliste expérimental comme arme de destruction de masse. On n’a pas laissé aux Irakiens le moindre rôle à jouer dans la planification et aucun des contrats de sous-traitance ne leur a été accordé pour partager les bénéfices. La nouvelle législation économique a institué une détaxation quasi-totale. Les investisseurs étrangers détiennent désormais 100% des actifs irakiens, avec en prime le droit d’expatrier l’intégralité des profits, d’importer à volonté et sans restriction. Il bénéficient en outre de contrats et de leasings à long terme, sur 30 ou 40 ans, dépossédant les Irakiens pour des décennies de leurs propres ressources, mais sécurisés de telle façon qu’aucun gouvernement ultérieur ne puisse les modifier, écrit Stephen Lendman[9].

 

Selon un rapport de Transparency International, la corruption qu’on observe en Irak est vouée à devenir « le plus grand scandale de corruption de l’Histoire »[10]. Tandis que les Américains se retirent, ils laissent derrière eux des centaines de projets abandonnés ou incomplets. Selon un audit d’une agence de surveillance financière américaine, plus de 5 milliards de dollars des contribuables américains se sont ainsi évaporés – soit plus de 10% des quelque 50 milliards que les Américains ont dépensés dans la prétendue reconstruction de l’Irak. Il ne s’agit d’ailleurs manifestement que d’une sous-estimation qui repose sur l’analyse, par l’Inspecteur Général Spécial pour la Reconstruction de l’Irak, de plus de 300 rapports d’experts comptables[11]. Malgré les 53 milliards « d’aide » dépensés depuis l’invasion de 2003, 70% des Irakiens n’ont toujours ni électricité ni eau potable. Ces fonds ont simplement rempli les poches d’entrepreneurs militaires étrangers et de membres corrompus de l’administration[12]. Selon l’Inspecteur Général Spécial pour la Reconstruction de l’Irak, pour près de 8.7 milliards de dollars, le Département de la Défense US est incapable de produire la moindre comptabilité crédible. Pour 9 autres milliards, 96% n’a pas été comptabilisé du tout. Il est d’ailleurs intéressant de souligner que la plupart de ces sommes ne provenaient pas d’aides mais de la vente du gaz et du pétrole irakien, ainsi que de plusieurs avoirs ou actifs gelés depuis la période de Saddam Hussein et vendus eux aussi[13].

 

Les autorités irakiennes ont dernièrement entamé la construction d’une enceinte de sécurité autour de la capitale Bagdad, rapporte la chaîne nationale Al-Iraqiya TV, citant le porte-parole de la sécurité à Bagdad. Ce mur de béton percé de huit postes de contrôle devrait être terminé vers l’été 2011[14]. De sorte que, bien que la population de Bagdad soit d’ores et déjà contrainte de vivre en communautés fermées (avec des barrières de « sécurité » en béton entre chaque quartier), c’est bientôt toute la ville qui sera enfermée et coupée du reste du pays comme une forteresse médiévale.

 

En mai dernier, une étude intitulée l’Étude Mercer sur la Qualité de Vie[15], a rendu ses résultats concernant « les villes les plus habitables » en 2010. Bagdad était de loin la dernière – c’est à dire la ville la moins habitable de la planète. Cela tient à la totale destruction des réseaux d’égouts, des installations d’épuration, des usines, des écoles, des hôpitaux, des musées et des centrales électriques d’Irak par l’armée américaine[16]. UN-HABITAT, une agence des Nations Unies, a récemment publié un rapport de 218 pages intitulé L’État des villes dans le monde 2010-2011 : réduire la fracture urbaine[17]. Pour Adil E Shantoo, un fait particulièrement choquant y s’y trouve presque délibérément passé à la trappe, concernant les populations urbaines d’Irak : au cours des décennies qui précèdent l’invasion américaine de l’Irak, en 2003, les bidonvilles regroupaient moins de 20% de la population urbaine d’Irak. Aujourd’hui, ce pourcentage est de 53%, soit 11 millions de citadins sur 19 au total. Au cours de la dernière décennie, la plupart des pays ont fait des progrès pour diminuer la population des bidonvilles. L’Irak glisse au contraire dangereusement dans la direction opposée[18].

 

Lancé en 2007, le Global Peace Index (GPI) classe chaque année les pays en fonction de la tranquillité qui y règne, sur la base d’indices caractéristiques de paix ou de violence. Dans son rapport de 2009, sur 144 pays, l’Irak arrivait dernier, l’Afghanistan avant dernier. En avril 2010, Amnesty International publiait un rapport intitulé « Irak : compte-rendu sur les droits de l’Homme ». Leur conclusion était que : « la situation des droits de l’homme dans le pays reste grave. Toutes les parties du conflit en cours ont commis des abus choquants et la population civile continue d’assumer le coût des violences qui se poursuivent. La situation sur le plan sécuritaire est toujours précaire en dépit de quelques améliorations en 2009. Arrestations, kidnappings, fusillades et attaques armées contre des civils demeurent quotidiennes ».

 

Il n’y a toujours aucun gouvernement digne de ce nom en Irak. Comme l’écrit Saad Jawad, qui enseigne les Sciences Politiques à l’Université de Bagdad, « certains analystes cyniques estiment que la situation actuelle reflète exactement ce que visaient les États-Unis (et Israël) ou ce que Washington avait en tête en jetant les bases de la nouvelle Constitution. Les tensions qui divisent actuellement l’Irak continuent d’affaiblir le pays et le maintiennent à la merci des USA, permettant à ceux-ci d’y conserver leur rôle de puissance tutélaire afin d’y perpétuer leur présence »[19].

 

Mais qui menace réellement la sécurité de l’Irak ? Qui est à l’origine des attaques meurtrières et des attentats à la voiture piégée ? Dans de nombreux cas, on dénonce la complicité des forces de sécurité. Le 28 août, les forces américaines ont arrêté un député d’Ahmad Chalabi, Ali Faisal al Lami – qui fut un temps le politicien irakien favori de l’administration Bush – pour son implication dans une série d’attentats qui avaient coûté la vie à des ressortissants américains et Irakiens. Al Lami est un responsable Shiite, membre du parti Sadriste et responsable du Justice and Accountability Committee, dirigé par Chalabi[20]. Ce que démontre cette information, c’est que les crapules qui sont venus en Irak avec les troupes américaines et dont les milices étaient armées, formées et financées par les USA, sont au moins partiellement responsables des séries d’attentats qui ravagent le pays.

 

Lorsqu’on garde de tels faits à l’esprit, il semble ahurissant d’entendre des responsables américains parler, au sujet de l’Irak, d’un « bilan positif pour les USA ». Obama a proclamé la prétendue suspension définitive de la Mission de Combat en Irak[21]. Mais il refuse toujours de faire réellement le bilan de ces sept années de catastrophe, préférant regarder vers l’avenir et éluder ses responsabilités. L’un des commentaires les plus pertinents du discours officiel d’Obama fut sans doute celui de Chris Floyd :

 

Après avoir fallacieusement déclaré le 30 août « la fin de la Mission de Combat en Irak », […] Obama a lâché ce qui était peut-être le mensonge le plus énorme, le plus honteusement malhonnête de la soirée : “A travers ce remarquable chapitre de l’histoire des États-Unis et de l’Irak, nous avons assumé nos responsabilités ». Nous avons assumé nos responsabilités ! Non, Monsieur le Président ! Certainement pas ! Pas tant que de nombreux Américains, et de très haut rang, n’auront été jugés pour crimes de guerre. Pas avant que les États-Unis n’auront payé des centaines de milliards de dollars de réparations sans restrictions aux Irakiens pour le viol de leur pays et l’extermination de sa population. Pas avant que les États-Unis n’aient ouvert leurs frontières à tous ceux et celles qui ont été et vont être chassés d’Irak par l’épouvantable niveau de destructions que nous avons infligé à leur pays, ou qui le quitteront pour fuir les ignobles crapules et les fanatiques qui nous doivent aussi bien la puissance que la totale liberté d’action qu’ils ont acquise dans le pays. Pas avant que vous-même, Monsieur le Président, faisant pénitence avec le sac et la cendre, n’ayez proclamé une Journée Nationale de la Honte, à célébrer chaque année par des lamentations, des réparations et des confessions, pour les crimes contre l’humanité que nous avons commis en Irak[22].

 

Mais les États-Unis n’ont aucune intention de payer la moindre réparation pour les destructions commises. Au contraire : Christopher Crowley, directeur d’USAID en Irak, a lui-même déclaré que les pressions qui exigent des Irakiens qu’ils prennent en charge le coût du Programme d’aides aux victimes américaines faisait partie d’un accord général sur l’ensemble des programmes d’assistance en Irak. Les USA “entendent obtenir l’augmentation de la contribution du gouvernement [irakien] à ces programmes, afin qu’ils puissent être maintenus sur le long terme », déclare-t-il. Selon Crowley, nombreux sont ceux qui aux USA estiment que l’Irak, avec les troisièmes plus grandes réserves mondiales de pétrole brut, a largement les moyens de payer d’une manière ou d’une autre pour les reconstructions de l’après-guerre. Lorsqu’on lui demande pourquoi le gouvernement irakien devrait payer des compensations pour les victimes des opérations américaines, il répond que les victimes « sont des citoyens irakiens »[23]. C’est littéralement incroyable : les USA exigent que ce soit le gouvernement irakien qui paie des compensations pour l’ensemble des morts et des destructions que la machine de guerre américaine a infligé à l’Irak. Et les raisons qu’ils avancent sont : 1) l’Irak peut vendre suffisamment de pétrole pour reconstruire le pays ; 2) les victimes sont irakiennes, donc les compensations doivent être payées par… les Irakiens ! C’est le monde à l’envers ! Commentaire d’un Irakien : « Quelqu'un pénètre chez moi illégalement, y détruit tout ce qui peut l’être, massacre ma famille, et exige que ce soit à moi de payer pour ce qui a été commis ? Mais à qui on parle, là ? A des sauvages à peine sortis de l’âge des cavernes ? »

 

Certes, toutes ces destructions ont coûté énormément d’argent au contribuable américain. « Tandis que les États-Unis mettent fin aux combats en Irak, il s’avère que notre estimation de trois mille milliards de dollars (qui incluait à la fois le coût direct de la guerre pour le gouvernement US et l’impact général de celle-ci sur l’économie américaine), était de toute façon sous-évaluée. Par exemple, le coût de l’indemnisation des vétérans – diagnostics, soins, versement de compensations, s’avère supérieur à nos prévisions », écrit Joseph Stiglitz dans le Washington Post[24]. Un rapport publié en Inde par le Groupe de Prévision Stratégiques, dans un ouvrage intitulé Le coût des conflits du Proche-Orient, calcule en outre que, sur les 20 dernières années, ces conflits ont coûté aux nations et aux populations de la région plus de 12 mille milliards de dollars. Ce rapport précise que le Proche-Orient a enregistré « une forte augmentation des dépenses militaires au cours des 20 dernières années, et qu’il est désormais considéré comme la région la plus lourdement armée du monde »[25]. Imaginez les mêmes sommes dépensées en infrastructures rurales et urbaines, en réservoirs, en systèmes de désalinisation et d’irrigation, en reforestation, en pisciculture, en médecine et santé publique, en logement, en information et technologie, en emplois, en programmes d’intégration équitable de villes et de villages, en réparation des ravages des guerres, plutôt que dans des armes qui ne peuvent que semer la destruction.

L’insupportable légèreté des services publics irakiens 

 

Comme nous l’avons vu plus haut, la très grande majorité des Irakiens n’ont plus accès aux services de première nécessité, tels que la distribution d’eau potable, le ramassage des ordures ménagères, un réseau électrique fiable, un réseau d’égouts fonctionnel, l’emploi, le système de santé, etc. L’Irak a d’ores et déjà sombré dans l’âge des ténèbres, non seulement au sens figuré mais même au sens le plus littéral du terme, car même la lumière est devenue une denrée rare. Des plaintes de plus en plus nombreuses dénoncent des coupures de courant qui réduisent l’alimentation électrique publique à seulement quelques heures par jour. Le 22 août dernier, les forces de l’ordre irakiennes ont eu recours aux canons d’eau et aux matraques pour disperser les manifestants dans la ville irakienne du Sud, Nasiriyah, et réprimer les émeutes qui avaient éclaté en protestation contre les coupures de courant, qui handicapent toute activité, et contre l’insuffisance des services publics. Des protestations similaires avaient déjà eu lieu à Nasiriyah en juin dernier lorsque 1 000 manifestants avaient essayé de prendre d’assaut le siège du Conseil Régional défendu par les forces de l’ordre, ainsi qu’à Bassorah, où deux personnes avaient été tuées lors d’affrontements avec la police[26]. Des émeutes similaires ayant éclaté pendant tout le mois de juin contre les pénuries d’électricité dans plusieurs villes d’Irak, le ministre Kareem Waheed fut finalement contraint de démissionner[27].  

 

Il fut remplacé par Hussain al-Shahristani, ministre irakien du Pétrole, débarqué en Irak en 2003 dans le sillage des chars américains et britanniques. Il publia alors un décret interdisant toute activité syndicale et suspendant toute forme de coopération ou de pourparlers avec les syndicats de l’électricité publique. Il a lui-même supervisé les opérations de police imposant la fermeture des bureaux des syndicats et la confiscation de tout ce qui s’y trouvait : documents, mobilier, ordinateurs, etc. Akram Nadit, Représentant International de la Fédération des Syndicats et Conseils d’Ouvriers en Irak ( http://fwcui.org/french/french.html), a alors lancé un appel à la population, lui demandant d’adresser des lettres de protestations à Al-Shahristani : « Cet ordre est une violation patente de la réglementation internationale du travail que votre gouvernement est tenu de faire respecter. Nous donc faisons appel vous pour que cette situation soit rétablie et qu’on mette fin à cet assaut contre les syndicats irakiens »[28].

 

Après la campagne de bombardement de l’Opération Tempête du désert de 1991, les centrales électriques et les lignes à haute tension irakiennes étaient détruites à 91% : soit 95 centrales électriques ainsi que l’intégralité des lignes de 400 000 et 135 000 volts. La distribution du pétrole était totalement stoppée et les sites de forage de Kirkuk, au Nord du pays et de Rumaila au Sud, ainsi que les raffineries, stations essence et sites de stockage du pétrole pour l’export des ports pétroliers d’Umm Qasr et de Fao étaient intégralement détruits. Les Irakiens parvinrent néanmoins à rétablir l’électricité en à peine six mois, en dépit des sanctions drastiques imposées au pays. La campagne de reconstruction qui suivit la fin des hostilités en mars 1991 fut un véritable exploit aux dimensions stupéfiantes. A l’heure actuelle, sept ans après la « libération », les principaux services publics ne fonctionnent toujours pas correctement.

 

Un bloggeur irakien écrivait récemment : « Sous le précédent ministre, nous avions généralement droit à deux heures d’électricité puis quatre heures de coupure. Ce qui nous faisait en moyenne huit heures d’électricité par jour. Parfois c’était moins que ça. Aujourd’hui, sous Shahristani, on a moins de quatre heures d’électricité par jour pendant l’infernal été irakien où, plus de trois mois durant, la température ne descend jamais au-dessous de 50°C. Le grand vizir a trouvé une explication à ce problème et une solution simple pour résoudre le dilemme de l’électricité. Il estime que nous, les Irakiens, nous gaspillons l’électricité, et que dans chaque maison toute la famille devrait se rassembler le soir dans une même pièce et y dormir ensemble. Je ne sais pas comment il peut seulement dire une chose pareille ou même imaginer une solution aussi honteuse »[29].

 

A vrai dire, la chaleur torride de l’été, Shahristani ne s’en soucie guère. Ces chiffres donnent une idée des salaires de certains pontes irakiens : environ 700 000 $ US par an pour le Président et quelque 600 000 $ US pour les Vice-présidents – quoique selon certaines agences de presse irakiennes l’ensemble des revenus mensuels du Vice-président Adel Abdul Mahdi atteindrait le million de dollars US. Le salaire d’Al-Maliki [le Premier Ministre] est, lui, identique à celui du Président irakien. Le Président du Conseil de la Magistrature touche environ 100 000 dollars US par mois (sans compter les allocations). Leur retraite s’élève à 80% du montant de leur dernière paie, et ce jusqu’à la fin de leurs jours[30].

Liberté ? Justice ?

Deuxième partie : L’interminable occupation et ses effets pernicieux.

 

 

guerre503jpg6d0a-fdbd1.jpgQuel retrait ?

Lors même que le Président Barack Obama annonçait la fin des combats en Irak, les forces américaines poursuivaient leurs opérations militaires, malgré la prétendue fin de leur mission de combat en Irak. Le 1er septembre, les soldats américains prenaient d’assaut un village du Nord, tandis que leurs supplétifs irakiens en pillaient les maisons et y arrêtaient des dizaines d’insurgés présumés[31].

 

« A l’instar de la Grande Muraille de Chine », disait l’Ambassadeur Hill, « l’Ambassade US de Bagdad est l’une des choses qu’on peut voir à l’œil nu depuis l’espace. Je veux dire… elle est énorme ! »[32]. C’est le moins qu’on puisse dire ! S’étendant sur plus de 420 km2, c’est de très loin la plus grande ambassade du monde. Outre ses six immeubles résidentiels, elle dispose d’une piscine de luxe, ainsi qu’une installation de traitement de l’eau et d’uns station d’épuration. (…) Le Département d’État a exigé la présence d’une véritable mini armée pour protéger cette petite Amérique fortifiée – avec notamment 24 hélicoptères Black Hawk et une cinquantaine de véhicules anti-bombes[33].

 

Après ce mois de retrait, il restera encore 50 000 soldats américains dans 94 bases militaires US d’Irak, pour « conseiller » et former l’armée irakienne, « assurer la sécurité » et encadrer des missions « contre-insurrectionnelles ». Environ 5 800 d’entre eux appartiennent à l’armée de l’Air a déclaré le Major-Général Joseph Reynes, directeur de l’Air Component Coordination Element for U.S. Forces-Iraq[34].

 

Dans le même temps, le gouvernement américain ne fait pas que changer l’étiquette de l’occupation, il la privatise aussi. Quelque 100 000 supplétifs privés [contractors] travaillent pour les forces d’occupation, dont plus de 11 000 sont des mercenaires armés. Ce sont presque exclusivement des ressortissants de pays tiers et assez souvent de pays en voie de développement. Un Péruvien et deux Ougandais d’une compagnie de sécurité ont été tués il y a une quinzaine de jours lors d’une attaque à la roquette sur la Zone Verte[35].

 

Bien que le Pentagone réduise drastiquement ses forces de combat en Irak, l’armée américaine n’en prévoit pas moins de contrôler plus étroitement la couverture médiatique de ce qui s’y passe et la manière dont elle est présentée au public, en Irak aussi bien qu’aux USA [ou en Europe]. « Il est essentiel pour le succès du nouveau gouvernement irakien et de la mission des forces américaines en Irak, que tous deux communiquent efficacement en direction de nos publics stratégiques (à savoir le public irakien, arabe, international, américain et les forces américaines stationnées en Irak), afin d’assurer à nos principaux thèmes et messages un soutien optimum », claironnait le texte d’un appel d’offre pour une équipe de 12 experts civils destinée au secteur des « services de gestion des communications stratégiques » en Irak[36]. 

 

 

De toute évidence, la guerre et l’occupation continueront jusqu’à ce que le peuple irakien et le reste du monde imposent à Washington un retrait total d’Irak. La population des États-Unis a donc le devoir moral d’organiser un vaste mouvement d’opposition politique particulièrement déterminé contre l’actuelle occupation de l’Irak et la guerre qui y est menée par le gouvernement des Etats-Unis. Inutile d’imaginer que l’administration Obama ou aucune autre ultérieure quitte un jour l’Irak de son propre gré, conclut Kenneth J. Theisen du groupe américain anti-guerre World Can’t Wait[37]. La Résistance Populaire Nationale irakienne a récemment intensifié ses activités contre l’occupation : Selon le Général de Brigade Ralph O. Baker, commandant en second des Forces Américaines du centre de l’Irak, le nombre d’attaques à la roquette ou au mortier contre la Zone Verte fortifiée et l’aéroport de Bagdad a lui aussi fortement augmenté. Le Général Baker déclarait récemment qu’il y avait eu une soixante d’attaques de ce genre au cours des deux derniers mois, contre « deux ou trois » seulement dans les mois précédents[38].

 

La honteuse sous-évaluation du bilan des victimes civiles

 

 Tandis qu’à Washington, l’élite dominante voit dans la destruction de l’Irak « un bilan plutôt positif pour les États-Unis », la plupart des journalistes des médias corporatistes s’efforcent de maintenir le nombre officiel des victimes civiles irakiennes autour de 100 000 morts. Un mensonge de plus, une sous-estimation flagrante et une insulte aux souffrances du peuple irakien. Ce chiffre est celui de l’Iraq Bodycount, une organisation qui effectue un remarquable travail d’inventaire des victimes civiles dont le décès est attesté dans les médias de langue anglaise[39]. Bien évidemment, ce type de calcul peut difficilement servir de fondement scientifique à une estimation pertinente du nombre réel des victimes civiles irakiennes.

 

Voici quelques exemples : sur 34 000 médecins inscrits en Irak, 20 000 ont quitté le pays suite à l’invasion américaine[40]. Depuis avril 2009, moins de 2 000 médecins y sont revenus et le même nombre y a été tué pendant la guerre[41]. Dans sa base de données, Iraq Bodycount signale seulement 70 médecins tués en Irak[42], ce qui signifie qu’ils ont pris en compte à peine 3,5% du nombre réel des médecins victimes du conflit.

 

108 intellectuels universitaires apparaissent dans leur base de données. Le BRussells Tribunal possède une liste non exhaustive de 448 universitaires assassinés[43], établie par recoupement de diverses sources. Bien que cette liste soit loin d’être complète, Iraq Bodycount mentionne à peine 24% du nombre des universitaires assassinés dont le BRussells Tribunal ait pu réunir les noms.

 

La catégorie de victimes la mieux suivie de ce conflit est sans doute celle des journalistes. Le BRussells Tribunal a pu dresser une liste de 354 de professionnels des médias victimes de la guerre[44]. En septembre 2007, M. Habib al-Sadr, directeur général d’Al-Iraqiya [la chaîne de télévision nationale irakienne], confiait à l’AFP que depuis sa prise de fonctions en 2005, au moins 75 membres de son personnel avaient été tués et 68 autres blessés[45]. A l’époque, la liste du BRussells Tribunal consacrée aux professionnels des médias contenait moins du tiers de son total actuel. Mais pour Iraq Bodycount, le cumul dans cette catégorie ne dépasse pas 241 morts.

 

Auteur de deux importantes études sur la mortalité en Irak, publiées dans la revue scientifique britannique The Lancet, l’épidémiologiste Les Roberts s’est défendu le 20 septembre 2007 contre des allégations dénonçant ses enquêtes comme « totalement biaisées », avec cet argument :

 

« Présentée lors d’une conférence à Harvard, une recherche portant sur treize pays frappés par la guerre, a récemment montré que plus de 80% des morts violentes survenues au cours de conflits ne sont signalés, ni par la presse, ni par les gouvernements. Récemment cités dans Middle East Online, des membres de l’administration de la ville irakienne de Nadjaf expliquaient que 40 000 corps non-identifiés avaient été enterrés dans cette ville depuis le début du conflit. Dans son discours aux membres du Rotary Club du 5 septembre dernier – retransmis par le réseau américain C-SPAN (Réseau câblé et satellitaire pour les affaires publiques), Samir Sumaida’ie, l’ambassadeur irakien aux USA, a déclaré qu’il y avait 500 000 veuves récentes en Irak. La Commission Baker-Hamilton elle-même a constaté que le Pentagone ne signalait à peine le dixième du nombre d’incidents violents survenus pendant le conflit. Enfin, le vénérable institut de sondage britannique ORB a récemment publié les résultats d’un sondage selon lequel 22% des foyers irakiens ont perdu au moins un parent, victime des violences sous l’occupation, ce qui équivaut à un total d’un million deux cent mille de morts. Cette découverte corrobore assez largement les résultats d’un autre sondage effectué par la BBC en février dernier, selon lequel 17% des Irakiens avaient perdu au moins un de leurs proches dans le conflit. A l’heure actuelle, ce sont donc deux sondages et trois études scientifiques qui démontrent que les chiffres officiels et les estimations basées sur les déclarations médiatiques ont bien occulté 70 à 95% du total des victimes de la guerre en Irak. Et tout semble indiquer que la proportion d’occultation des faits par les médias ne cesse d’augmenter avec le temps » [46].

 

Une note de Sir Roy Anderson, Conseiller scientifique en chef auprès du Ministère britannique de la Défense, insiste que « l’approche méthodologique de l’étude [du Lancet] est solide et recourt à des méthodes que l’on peut considérer comme étant aussi proche que possible des « meilleures pratiques » de ce domaine, étant donné les difficultés spécifiques de la collecte et du contrôle des données, dans les circonstances qui prévalent actuellement en Irak ». Dans un courrier électronique publié par le Ministère britannique des Affaires Etrangères, dans lequel un responsable demande des précisions sur l’enquête du Lancet, celui-ci écrit : « Pour autant, la méthodologie de l’enquête employée ici peut difficilement être prise à défaut, c’est un mode d’évaluation de la mortalité dans les zones de conflit qui a depuis longtemps fait ses preuves »[47].

 

La polémique autour du nombre des victimes est sans doute loin d’être close, mais nous pouvons avancer avec certitude un excédent de plus d’un million de décès directement imputables à cette guerre – pour la plupart de mort violente. On peut trouver sur le site du BRussells Tribunal un archivage non exhaustif des articles relatant les virulentes polémiques répercutées dans la presse et les blogs au sujet du décompte des victimes civiles de l’occupation US :  http://www.brusselstribunal.org/Lan...

 

Un été noir pour les intellectuels irakiens

 

Le BRussells Tribunal s’est rendu célèbre par la vaste campagne lancée en 2005, qui visait à sensibiliser le public au sort des intellectuels irakiens. Le BRussells Tribunal reçoit régulièrement d’un large éventail de sources irakiennes, des informations complémentaires sur les exécutions sommaires d’intellectuels et d’universitaires irakiens. Voici un aperçu des principales exécutions répertoriées dans le courant de l’été :

Ehab Al-Ani : Directeur d’hôpital à Al Qa’im, tué le 5 juin 2010 par une bombe artisanale. D’après l’enquête initiale, Dr. Al Ani n’a pas été tué au hasard.

Ahmed Jumaa : Vice-chancelier de l’Université islamique à Ramadi, tué le 29 juin 2010 à Hit par une bombe artisanale. Le même jour, le professeur Ali Sayegh Zidane, cancérologue de l’Hôpital d’Harithiya à Bagdad, était abattu par des tireurs embusqués ou des snipers.

14 juillet 2010 : La police irakienne découvre le cadavre décomposé d’un professeur d’université Adnan Al-Makki, poignardé à mort, chez lui, à Bagdad. Le même jour, un autre professeur d’université est abattu dans l’Ouest de Bagdad par des tireurs ou des snipers. Son nom ne nous a pas été communiqué.

11 août 2010 : Tôt le matin, un groupe de tueurs fait irruption chez le Dr. Intisar Hasan Al Twaigry, directeur de l’Hôpital d’obstétrique Illwiyah, à Bagdad. Le Dr. Al Twaigry est assassinée, son mari est ligoté mais laissé en vie. Les tueurs emportent avec eux environ 20 000 dollars US.

Mohammed Ali El-Din : Expert en pharmacologie, assassiné dans l’après-midi du 14 août 2010, dans la région d’An Numaniya. Abattu par des tireurs ou des snipers, Mohammed Ali El-Din était rentré en Irak à peine quelques mois plus tôt, après un séjour d’études à l’Université de George Washington, USA.

Dr Kamal Qasim Al Hiti : Professeur de sociologie kidnappé dans Bagdad le 14 août 2010, à 16 h. Quelques semaines auparavant, il avait reçu une lettre de menaces contenant une balle et lui enjoignant de quitter le pays. Son corps mutilé, le visage en partie brûlé, a été retrouvé le 22 août dans le Tigre en face de la Zone Verte, dans le district al-Karada (sous contrôle du Conseil Suprême Islamique – Brigade Badr). Il a été torturé puis pendu. Très ouvertement critique contre l’occupation, il était l’éditeur du journal Al Mustaqila dont le siège avait été récemment mis à sac et qui fut finalement interdit pour avoir dénoncé l’occupation et ses milices[48].

28 août 2010 : Le BRussells Tribunal reçoit le courrier électronique suivant : « Je voudrais ajouter le nom de mon ami très proche Dr. Samer Saleem Abbas, abattu à bout portant dans sa clinique privée par un homme armé d’un pistolet à silencieux, qui a froidement annoncé aux patients : « Inutile d’attendre ou de rester dans la clinique, votre médecin

est mort ! » Le Dr. Samer a été abattu de 5 ou 6 balles, dont une dans la bouche… Il a été tué un stylo à la main. Il était spécialiste en radiologie et Président du département de radiologie de la section chirurgicale Al-Jerahat de la Cité de la Médecine, à Bagdad. Nous avons donné son nom à l’amphithéâtre de son département. Nous discutions ensemble et rêvions de donner une nouvelle impulsion à la radiologie en Irak après la guerre. J’espère sincèrement que ces informations vous seront suffisantes pour rajouter son nom à votre liste ».  

 

On ne voit toujours pas la fin de cette campagne d’assassinats systématique des meilleurs et les plus brillants cerveaux d’Irak. Il semble que près de 40% des Irakiens de classe moyenne avaient déjà fui le pays vers la fin de 2006. La situation n’a fait qu’empirer depuis, bien que la proportion de départs semble diminuer progressivement. Les actions visant à stopper et inverser cette fuite de cerveaux demeurent indispensables. Pour la plupart des observateurs hélas, force est de constater que le gouvernement ne prend aucune mesure concrète susceptible de créer les conditions nécessaires au retour en Irak des classes moyennes éduquées. Privé de classes moyennes, l’Irak n’a aucun avenir viable.


Sources : Dirk Adriaensens, brussellstribunal.org

[1] Roy Greenslade, Press Gang : How Newspapers Make Profits From Propaganda, revised ed., London, Pan Books, 2004.  Voir aussi “Time to Judge the Iraq Pundits”   http://www.buzzle.com/editorials/4-... 

[2] “Gates : Iraq outcome 'will always be clouded by how it began'”, 1er septembre 2010, http://www.mcclatchydc.com/2010/09/...

[3] “As U.S. combat role ends in Iraq, new commander takes charge”, 1er septembre 2010, http://www.mcclatchydc.com/2010/09/...

[4] “Iraq's ignored minorities face extinction - new MRG report”, 26 février 2007, http://www.minorityrights.org/682/p... 

[5] Mission accomplished ? Not for the Iraqi people, 27 juin 2010,  http://www.sfgate.com/cgi-bin/artic... 

[6] “The Anti-Empire Report”, 1er septembre 2010, http://killinghope.org/bblum6/aer85.html 

[8] “UNHCR concerned at continuing deportations of Iraqis from Europe”, 3 septembre 2010,

http://www.unhcr.org/4c80ebd39.html

[9] “Iraq Today : Afflicted by Violence, Devastation, Corruption, and Desperation”, 27 avril 2010, http://sjlendman.blogspot.com/2010/...

[10] “Corruption In Iraq May Account for More Than 1/3 of the Total Cost of the US-Iraq Occupation”, 15 avril 2008, http://www.americanchronicle.com/ar... 

[11] “AP IMPACT : US wasted billions in rebuilding Iraq”, 29 août 2010,

http://news.yahoo.com/s/ap/20100829/ap_on_bi_ge/ml_iraq_us_reconstruction_legacy

[12] “Mission accomplished ? Not for the Iraqi people”, 27 juin 2010, op. cit.

[13] “US 'fails to account' for Iraq reconstruction billions”, 27 juillet 2010,

http://www.bbc.co.uk/news/world-south-asia-10774002

[14] “Iraq starts construction of security wall around Baghdad”, 4 mai 2010,

http://www.twocircles.net/2010may03/iraq_starts_construction_security_wall_around_baghdad.html

[15] “Quality of Living worldwide city rankings 2010 – Mercer survey”, 26 mai 2010, http://www.mercer.com/qualityoflivingpr

[17] “State of the World's Cities 2010/2011 - Cities for All : Bridging the Urban Divide”,

http://www.unhabitat.org/content.asp?cid=8051&amp ;catid=7&typeid=46&subMenuId=0

[18] “What You Will Not Hear About Iraq”, 20 août 2010,

http://www.fpif.org/articles/what_you_will_not_hear_about_iraq

[19] “A local dilemma or US design ?”, 22 juillet 2010, http://www.bitterlemons-international.org/inside.php?id=1292

[20] “Chalabi aide arrested on suspicion of Baghdad bombings”, 28 août 2010, http://www.mcclatchydc.com/2008/08/28/51031/chalabi-aide-arrested-on-suspicion.html

[21] “Obama Declares an End to Combat Mission in Iraq”, 31 août 2010, http://www.nytimes.com/2010/09/01/w...

[23] “US Wants Iraq to Pay Bill for War Victims”, 12 août 2010,  http://abcnews.go.com/International...

[24] “The true cost of the Iraq war : $3 trillion and beyond”, 5 septembre 2010,

http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2010/09/03/AR2010090302200.html

[25] “Middle East Loses Trillions As U.S. Strikes Record Arms Deals”, 3 septembre 2010,

http://rickrozoff.wordpress.com/2010/09/03/middle-east-loses-trillions-as-u-s-strikes-record-arms-deals/

[26] “Iraq police, protesters clash over power shortages”, 22 août 2010, http://alertnet.org/thenews/newsdesk/LDE67L04Z.htm

[27] “Iraq electricity minister resigns after deadly protests”, 21 juin 2010, http://www.bbc.co.uk/news/10371581

[28] “Iraq : Minister closes all union offices in Saddam-style move”, 14 août 2010, http://www.ahewar.org/eng/show.art....

[29] “Bring us back the old fever”, 13 août 2010,  http://blogs.mcclatchydc.com/iraq/2...

[30] “Iraq’s Top Ten Salaries… And The Best Pension in The World, I guess”, 9 juin 2010,  http://blogs.mcclatchydc.com/iraq/2...

[31] “U.S. forces still in fight at end of Iraq combat mission”, 1er septembre 2010, http://www.salon.com/news/feature/2...

[32] “Outgoing U.S. Envoy Defends Iraq Progress”, 11 août 2010, http://www.npr.org/templates/story/...

[34] “More than 5,000 airmen will remain in Iraq”, 24 août 2010,

http://www.airforcetimes.com/news/2010/08/MONDAYair-force-iraq-5800-airmen-remain-082310w/

[35] “The US isn't leaving Iraq, it's rebranding the occupation”, 4 août 2010, http://www.guardian.co.uk/commentis...

[36] “Pentagon tries to steer media coverage on Iraq”, 25 mai 2010,

http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2010/05/24/AR2010052403839.html

[37] “A Combat Brigade Leaves ; U.S. War of Terror Against Iraq Continues”, 19 août 2010,

http://www.worldcantwait.net/index.php/home-mainmenu-289/6594-a-combat-brigade-leaves-us-war-of-terror-against-iraq-continues

[38] In Baghdad, U.S. Officials Take Note of Milestone”, 1er septembre 2010,

http://www.nytimes.com/2010/09/02/world/middleeast/02iraq.html?_r=2

[41] “The Iraq withdrawal : An Orwellian success”, op.cit.

[46] “Ignorance of Iraqi death toll no longer an option”, 22 septembre 2007, http://www.globalresearch.ca/index.php?context=viewArticle&amp ;code=ROB20070922&articleId=6848

[47] “Iraqi deaths survey 'was robust'”, 26 mars 2007,  http://news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/politics/6495753.stm

[48] http://www.brusselstribunal.org/academicsList.htm

http://www.michelcollon.info/Irak-l-age-des-tenebres.html

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13 novembre 2010 6 13 /11 /novembre /2010 04:43
Le cheveu qui a mené un Américain à la mort n'était pas le sien

Le Texas a-t-il exécuté un innocent? C'est la question qui est soulevée depuis jeudi, après que des tests ADN ont prouvé que le cheveu sur la base duquel Claude Jones a été condamné à mort aux Etats-Unis en 1990 et exécuté dix ans plus tard ne lui appartenait pas. Lire la suite l'article

Le cheveu appartiendrait à la victime

Rendus publics par le journal Texas Observer qui les a en partie financés, les tests ADN «excluent Claude Jones des propriétaires possibles du cheveu étudié», assure le laboratoire Mytotyping Technologies. Selon lui, le cheveu appartenait à la victime, un commerçant tué dans un braquage en 1989. A l'époque de sa condamnation à mort, l'analyse au microscope du cheveu avait permis d'établir une comparaison satisfaisante avec ceux de Claude Jones, censée prouver qu'il était présent au moment des faits.

Jones, qui purgeait une peine de prison à vie pour le meurtre d'un co-détenu à l'époque de sa condamnation à mort, a toujours affirmé qu'il attendait dans la voiture et que son complice était l'auteur du meurtre. C'est donc sur cet élément clé, le plaçant sur la scène du crime, que les procureurs avaient construit leur accusation et que tous les appels et recours ont ensuite été rejetés. Mais quelques années plus tard, la pratique des analyses de cheveux au microscope a été abandonnée, jugée obsolète et non concluante.

George W.Bush avait à l'époque refusé les tests ADN

«La veille de son exécution, en décembre 2000, Claude Jones a déposé une requête pour que des tests ADN soient pratiqués sur ce cheveu. Le gouverneur du Texas de l'époque, George W. Bush, a refusé», rappelle le Texas Observer. Il précise que les résultats des tests «n'innocentent pas Claude Jones» parce qu'ils n'impliquent pas son complice, qui, en échange d'une peine réduite, l'a désigné comme le tireur lors du procès en 1990.

«Mais le cheveu était la seule preuve que Claude Jones était sur la scène du crime, donc si les tests ne le disculpent pas, ils soulèvent des doutes sérieux sur sa culpabilité ... lire la suite de l'article sur 20minutes.fr

 

http://fr.news.yahoo.com/82/20101112/tfr-etat-unis-condamn-mort-sur-la-base-d-4abdc0f.html

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